mardi 27 mai 2008

Les idées politiques de mon père


Mon père était très ambivalent en matière de politique, ce que je considère comme un signe certain d'intelligence, comme si la politique était faite pour nous décevoir toujours.

Il était, d'abord et avant tout, un Rouge, au sens le plus complet du terme. C'était un Rouge comme on ait Peau-Rouge, naturellement, pour bien se démarquer de Duplessis et de ses successeurs.

«Pendant qu'on apprenait l'histoire pis le p'tit catéchisme, les Anglais apprenaient à lire pis à compter tabarnak!», me disait-il souvent. J'ai retrouvé plus tard chez Arthur Buies, presque mot pour mot, la même idée, tabarnak en moins.

Le plus grand événement de l'histoire du Québec, selon mon père, c'est le jour où Jean Lesage a pris le pouvoir. «Il faut que ça change et ça va changer!» La révolution tranquille était lancée et mon père la ferait avec les Rouges, contre les Bleus.

Il a suivi un temps René Lévesque au PQ, parce que Lévesque, malgré tout, pouvait encore passer pour un Rouge. Le père n'en déchira pas moins sa carte du PQ quand on dévoila une statue en l'honneur de Duplessis sur la rue Bonaventure, en 1978 si je ne m'abuse.

«J'le savais donc que c'était des astis de Bleus!»

Mon père était «rouge» de colère et, bien qu'il ait voté Oui au référendum de 1980, il se rallia aux Rouges, aux libéraux fédéraux et aux libéraux provinciaux, contre les Bleus.

Il admirait autant Trudeau que Lévesque, mais reconnaissait encore plus de courage à Trudeau qui, de plus, était un compagnon d'armes de Michel Chartrand, une autre idole de mon père. Il y avait de la place, dans son iconographie, pour cette impossible trinité: le Père Trudeau, le Fils rebelle Lévesque et l'impayable esprit de Chartrand: un sacre pour les crosseurs de tous poils. Je pense que ce qu'il aimait le mieux de Chartrand, c'est qu'il sacrait... Un tabarnak bien senti ça fait du bien. J'oubliais Louis Riel, mais ça c'est une toute autre histoire. J'y reviendrai un jour.

«Trudeau, disait mon père, c'était un homme qui avait des couilles. Le jour de la St-Jean, en '68, il est resté sur l'estrade pendant qu'on lui lançait des bouteilles. La police voulait le ramener en dedans puis lui, il restait là, deboutte devant l'monde qui lançait des bouteilles pis des roches. Deux ou trois jours après, il était réélu Premier ministre du Canada, parce que les Québécois l'aimait mieux que les poseux de bombes...»

Il me racontait souvent que Trudeau traitait Bourassa de «mangeux de hot-dogs».

Pour Lévesque, il buckait toujours sur l'histoire autour de l'érection de la statue de Duplessis... Ça le faisait débander pour le PQ, de les voir s'acoquiner avec les Bleus. Ça lui puait au nez, tout simplement.

Il reconnaissait à Lévesque le mérite d'avoir mené la campagne pour la nationalisation de l'électricité et celui d'avoir apaisé la foule après la défaite référendaire. Mais il buckait sur la statue de Duplessis, sur le fait que le PQ était mené par des Bleus.

«Les curés disaient en chaire, sous Duplessis, qu'le ciel est bleu pis qu'l'enfer est rouge. Moé, j'étais Rouge. On appelait ça la Grande Noirçeur. Pis il faisait noir en calice en Gaspésie, pas d'électricité pis pas d'eau courante, dans les années '30... L'asti d'pourri disait qu'l'éducation c'est comme la boisson, y'en a qui supporte pas ça... Pis l'monde croyait ça. Duplessis leur lançait des dix cents dans la cour du Séminaire pis les organisateurs de l'Union Nationale se faisaient payer des laveuses pis r'faire des sous-sols en béton avec le béton qui aurait dû être moins délayé pour mouler les structures du pont Duplessis...
Savais-tu ça, mon gars, qu'le pont Duplessis est tombé en '52? La Bolduc a chanté une toune là-dessus... Écoute ça:

Duplessis de bon matin
Est d'mandé au téléphone

C'était monsieur de St-Laurent

Qui voulait y'en dire une bonne

Il s'agissait du pont

Qui porte son nom

Qui est tombé dans l'St-Maurice

Monsieur Duplessis répond

C'est la faute des communistes!


Tadadididedlam tadadidedididom tadadidedidedidedidedoudedididom...»


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