mercredi 30 décembre 2020

De la béatitude de se retrouver seul au milieu de nulle part

L'air était pur et vivifiant. Un vaste lac reflétait le bleu du ciel ainsi que le blanc de l'énorme glacier qui créait peu à peu une vallée au milieu des montagnes. 

Il se trouvait là par hasard, au gré d'un périple qui ne s'explique même pas, ayant pour tout bagage un sac à dos, une tente, un canif et un sac de couchage. 

Il s'était fait un feu avec le bois mort trouvé ça et là sur la berge caillouteuse. Puis il avait fait bouillir une boîte de fèves au lard en conserve. Ce serait son repas pour ce soir, au pied du glacier de l'Ours, quelque part entre l'Alaska, la Colombie-Britannique et le Yukon.

Il y eut un jour plus long que partout ailleurs. Puis une courte nuit parsemée d'étoiles et d'aurores boréales, rideaux nimbés de couleurs psychédéliques. 

Les échos du vaste monde ne lui parvenaient que par le vent. Ça lui rappelait la vanité de tous ces humains qui combattent pour le triomphe de leur ego surdimensionné. Le glacier était là bien avant tous ces humains. Il y serait là encore longtemps si les humains n'étaient pas si stupides...

Le feu crépitait. Il y avait aussi des bruits qui ne lui étaient pas familiers. Des craquements dans le glacier. Un volatile inconnu. Un cougar. Un grizzli peut-être.

Il se rappela subitement qu'il n'était pas armé. Et surtout qu'il était seul à cinq kilomètres de la route qui mène à Stewart (C-B.) et Hyder (Alaska). Seul et sans véhicule. En auto-stop au milieu de nulle part. Avec 38 habitants par 1000 kilomètres carrés.

Pourquoi s'en faire? Il était encore plus difficile d'affronter les humains.

Le feu le protègerait. Y'a pas un ours qui affronterait un débile qui brandit un gourdin de feu comme un spectre.

Alors il fit un encore plus gros feu. Pour s'assurer de dormir en paix, seul face à cette titanesque coulée de glace, de ces longues colonnades cristallisées qui s'effondraient comme un rêve jamais énoncé.

Il n'avait plus rien.

Mais il avait le glacier.

Ce glacier que personne n'avait jamais vu.

Sinon les 38 autres personnes qui s'étaient échoué dans les environs.

Pourquoi? Il n'en savait rien.

Jamais il n'avait eu autant l'impression d'être nulle part.

Et jamais il ne s'était senti aussi bien.

Aussi en paix avec l'idée qu'un jour son histoire se terminerait.

Ce ne serait pas pour cette fois-ci.

Ni pour demain.

Il ne serait pas toujours aussi seul. Heureusement. Il allait connaître l'amour et l'amitié, la rigolade, l'entraide, la solidarité. Il allait se trouver une place intéressante dans la société, une voiture, une maison: alouette!

Mais chaque fois que le temps lui était trop lourd, seul, il revenait encore là en pensées, au pied du glacier, à contempler l'infini.



mardi 22 décembre 2020

«Tchine! Tchine! mon hostie!» ou l'art de créer de la politique

Raymond Patenaude était un alcoolique tout aussi notoire qu'anonyme. On ne sait pas comment il avait obtenu ses diplômes d'électricien. On sait néanmoins qu'il finissait toujours par perdre son boulot. Il faut dire que Raymond était du genre foireux. Il travaillait de 8 à 4 mais se saoulait de 5 à 3. Il rentrait toujours avec la gueule de bois, quand il rentrait évidemment. Bref, Raymond, aussi surnommé Ti-Gros par les intimes, était un ivrogne. Il ne le reniait pas. Même lors des thérapies obligatoires sur ordre de la Cour.

Sa vie changea lorsqu'il fit la rencontre de Raynald Trottier. 

Raynald Trottier était vendeur de machins-trucs pour le compte d'une obscure compagnie à numéros. C'était plutôt un petit maigre, contrairement à Raymond. 

Raynald n'avait jamais rencontré son employeur. Il avait parlé une ou deux fois à la technicienne à la comptabilité. Et puis c'est tout. Il se contentait de vendre et on lui faisait sentir qu'il était mieux de fermer sa gueule. Ça créait un grand vide dans sa vie. Il était l'un des meilleurs vendeurs mais personne ne l'en félicitait. Même son épouse, Ginette, écoutait ses pitches de vente avec indifférence. 

-Quand ça va pas, mon homme, moé j'boé comme un trou! lui lança Raymond, accoudé lui aussi au comptoir du bar Chez Jos Goglu. 

-Et tu bois souvent? ajouta Raynald, blasé de tout.

-À tous 'es jours! Ha! Ha! Ha!

Il n'en fallut pas plus pour créer une belle amitié. Avant la fin de la soirée, Raynald Trottier avait déjà lancé sa campagne politique avec Raymond Patenaude.

Raymond serait son organisateur politique. Il se chargerait de paqueter des assemblées avec des gens paquetés. 

-On va saouler tout l'monde tabarnak! Des drinks! D'la bière en commandite! On va créer un mouvement! D'un lobby d'hôtel à l'autre... 50$ bar open... Zouzoune va vendre des cartes de membres à l'entrée... On va être en buznisse en hostie!

C'est ainsi que naquit la Coalition pour le Futur du Québec (CFQ).

Du bar Le Goglu jusqu'à la Rôtisserie Ti-Poula, Raymond se chargea de trouver tout un lot d'alcooliques notoires ou bien anonymes pour créer l'illusion d'un mouvement qui tenait bien plus des bacchanales que du énième congrès des intellectuels progressistes contre la guerre du Vietnam.

C'était à qui se saoulera le plus. Tout le temps. Raymond lâcha son métier d'électricien et devint même l'éminence grise de la CFQ. Raynald devint député, puis Premier Ministre, aussi simple que ça. Les assemblées, les congrès, les saouleries et, hop!, les beaux sondages et tout le monde saoul de vous voir saouls.

Malheureusement la fin du monde survint au cours du mandat de Raynald Trottier.

Un astéroïde percuta la Terre.

Ça allait mal à la shop.

Raymond avait de la difficulté à s'approvisionner en boissons fortes.

-Voyons Raymond! lui dit Raynald avec sagesse. La moitié de l'humanité est disparue... Quand bien même on n'boirait que d'la bière ce soir...

-T'as bin raison Raynald... Mais tu sais que moé j'aime que toutte soit parfait quand c'est l'temps d'faire d'la politique!

-Tchine! Tchine! mon fidèle Raymond!

-Tchine! Tchine! mon hostie!



vendredi 18 décembre 2020

De l'amour infini contre les cors aux pieds


N*** s'est accaparé une cause. Il n'a pas vraiment souffert dans la vie mais son empathie pour celles et ceux qui souffrent est telle qu'il plongerait dans les pires souffrances quiconque s'en prend à lui-même, gardien orthodoxe de la cause. 

Sa cause, parlons-en, est celle des cors aux pieds. 

On ne s'imagine pas combien les gens souffrent des cors aux pieds. On ne lui en avait parlé qu'une seule fois que déjà N*** était sur sa lancée. 

-Ça m'fait mal en d'sour des pieds... lui avait dit une inconnue qu'il aurait aimé séduire.

Lorsqu'il découvrit que son mal était provoqué par les cors aux pieds, il se mit à remuer ciel et terre pour lui montrer qu'il était son allié, sinon son bienfaiteur. 

Il se mit d'abord à la recherche de personnes qui souffrent de cors aux pieds. Il en trouva ça et là sur le web via sa page Facebook «De l'amour infini contre les cors aux pieds». N*** avait cru bon d'associer l'image de Marie-Madeleine nettoyant les pieds de Jésus avec sa longue chevelure. C'était un peu trop mais il eut la sagesse d'écouter les nouveaux membres de sa page en la remplaçant par une photo d'un vieux papy content d'enfin faire soigner ses cors aux pieds. 

L'inconnue ne fût jamais séduite ni vraiment intéressée par l'activisme de N***. Par contre, il trouva bien de gens pour lui donner raison et bientôt le faire triompher.

C'est ainsi que, de fil en aiguille, N*** devint président de la Fondation des cors aux pieds, un organisme sans but lucratif spécialisé dans la vente d'automobiles usagées ainsi que dans l'organisation de casinos caritatifs. Ce qui rapporte un beau pactole compte tenu de l'enthousiasme de N*** pour l'argent autant que pour les cors aux pieds.

N*** finit par faire de la politique bien entendu. Après avoir tant rendu service aux gens qui ont des cors aux pieds, par le biais de sa ligne téléphonique 1-800 et son bulletin communautaire quinquennal, il réussit à obtenir un poste de ministre de la santé dans le nouveau gouvernement. Il débloqua des budgets pour l'érection d'une Maison des cors aux pieds dans son comté. Toute personne ayant des cors aux pieds pouvait y passer du temps pour y boire un café, lire les journaux et obtenir du soutien psychologique des membres qui souffrent du même mal. Personne n'y allait vraiment mais le dossier de presse était suffisamment étoffé pour que le ministre en glousse de bonheur.

Puis, au bout d'un an, l'on découvrit que N*** profitait de son statut de boss des cors aux pieds pour abuser de tout le monde et de toutes choses: vol, viol, fraude, un vrai dégueulasse quoi. 

Il perdit son poste de ministre, puis celui de député. N*** redevint anonyme comme il aurait toujours dû l'être. 

Les personnes ayant des cors aux pieds se mirent à témoigner contre N***. Ce qu'ils ne crurent pas bon de faire quand c'était le temps...

-Ça n'a jamais rien changé dans ma vie sa calice d'association! J'ai encore des cors aux pieds maudit tabarnak! C'est pas parce que je vais aller prendre un café avec du monde qui ont des cors aux pieds que ça va démanger moins en dessous des pieds saint-ciboirisation! C'était un violeur, un bandit, une canaille ce N***! Personne s'est ouvert les yeux sacrament! Y'est d'venu ministre!!!

Ces propos de Yvonne T. résumait bien ce que tout un chacun semblait dire. On s'indignait que l'on ait accordé tant d'importance à N***, un hostie de bullshitter.

C'est ça la politique.

Plus ça change plus c'est pareil.

Et pendant ce temps-là, les gens continuent d'avoir mal aux pieds.


mercredi 9 décembre 2020

Au pays des 7000 Gaétan Bouchard

Il y a 71 Gaétan Bouchard inscrits sur Facebook.

C'est comme si je m'appelais John Smith.

Je suis l'homme du commun.

Mon nom d'artiste est tout aussi simple que nul et non avenu: Gaétan. M'en crisse que vous m'appeliez Guétan au lieu de Gaétan.

Quant à Bouchard c'est l'un des 10 patronymes les plus courants du Québec. Aurais-je dû m'affubler d'un magnifique pseudonyme d'artiste? Gaétan, pour moi, ça sonnait aussi bien que Garou, Fido, Dalida ou Picasso.

Gaétan c'est plus facile à écrire sur une toile que Gaétan Bouchard tout au long. Où en étais-je? Ah oui! À mes 71 Gaétan Bouchard que je salue ici.

Je suis fier de porter le même nom que vous et considère que nous aurions tout intérêt à former une association en vue de promouvoir nos intérêts en tant que Gaétan Bouchard.

Je soupçonne qu'il y ait encore plus de Gaétan Bouchard au Québec, sinon dans le monde.

Selon mon intuition, il y aurait cent fois plus de Bouchard non-inscrits cachés dans les forêts du Saguenay-Lac St-Jean.

Il doit y avoir 7100 Gaétan Bouchard au Québec. Sinon plus. Donc, chaque fois que je publie un texte, il y a un Gaétan Bouchard qui mange de la marde à ma place. Il y a des tas de Gaétan Bouchard qui se font traiter de rêveur ou de trou du cul pour mes opinions politiquement correctes enveloppées de justice sociale. Ces Gaétan Bouchard sont autant de Jupiter qui me protègent des débris spatiaux et autres crottins cosmiques. Et il y a des tas de niaiseux qui croient que je suis ingénieur, général, musicien, propriétaire d'une BMW, trappeur, pêcheur, opérateur de grue, préposé aux bénéficiaire et j'en passe! Il y en a même qui croient que je suis artiste-peintre!

Bref, je ne sais pas où je m'en vais avec ce statut. Vais-je seulement quelque part? Je sais, je sais... Je vous ai encore fait perdre votre temps avec des niaiseries hédonistes en des temps si lourds d'inconséquences... Anyway. À tous les Gaétan Bouchard du monde et tous les Gaétan tout court je crie: Salut Guétan!

mardi 8 décembre 2020

Sous l'empire du nationalisme québécois



Chasse-Galerie, acrylique sur toile 18 X 34 po.
Gaétan Bouchard


Arthur Buies était sans doute un original. À l'époque où tout un chacun s'agenouillait devant les curés, l'orignal chargeait les zouaves pontificaux parmi ses camarades républicains de l'armée de Garibaldi. De retour au Canada, il se chargea pendant un temps de combattre un autre type de zouaves. La Lanterne, son journal, devint un phare dans les ténèbres. C'était à la fin du XIXe siècle. Notre communauté était soumise à l'Église et au nationalisme laurentien. Elle ne voyait pas plus loin que le clocher de la paroisse. 

Selon Buies, les Canadiens-Anglais apprenaient à lire et à compter tandis que les Canadiens-Français apprenaient l'histoire et le petit catéchisme. Il importait que nous réformions nos moeurs et nos institutions afin de nous extirper de ce qui, à ses yeux d'homme libre, lui semblait le Moyen-Âge.

Les années passèrent. Buies lui-même, bouillant anticlérical, dut se soumettre à l'Église pour continuer quelque chose ici. Le curé Labelle lui ouvrit les portes qu'il avait fermées une à une par excès de vérité. On lui fit comprendre qu'il ne pourrait pas vivre ici sans dévisser sa tête. D'autres auraient pris le chemin de l'exil. Il prit celui de la résignation...

Les années passèrent. Les nationalistes se succédèrent à la tête de notre belle Laurentie. 

Les syndicalistes se faisaient copieusement matraquer.

Les orphelins étaient maltraités.

Le pauvre monde vivait dans la misère crasse.

Et c'était tout le temps de la faute d'Ottawa selon le Cheuf.

Lorsque le Cheuf mourut, Robert Rumilly perdit à jamais son influence.

Il y eut une Révolution. Ailleurs on aurait dit une réforme.

Le Cheuf fût remplacé par un peu de progrès et de modernité.

Les personnes naguère méprisées par l'ancien régime obtinrent une forme de justice et de reconnaissance de leurs droits civiques.

Ce n'est pas le nationalisme qui a fait ça. 

C'est plutôt une forme de conscience sociale universelle. Un peu de christianisme et d'humanisme. Un peu de fleurs. Un peu de scories, mettons de nationalisme.

Comment prétendre que l'abolition de l'esclavage soit un mal?

Il est indéniable qu'on ne pourra pas discuter calmement avec l'esclavagiste. Il est même possible que son droit à la parole soit un tant soit peu malmené.

Le nationalisme n'a pas servi de levier au progrès social. Ni ailleurs, ni au Québec. Il est toujours un peu à traîner dans le décor pour nous nuire. C'est une nuisance avec laquelle toutes les communautés du monde doivent composer. Il y en a qui aiment ça porter des Cheufs sur des boucliers. Et les autres grenouilles doivent composer avec le bouclier. Au risque de subir les foudres des cerbères du Cheuf.

Il ne manque ni de cerbères ni d'apparatchiks au Québec pour venir nous rentrer dans la gorge toute velléité de culture exotique ou bien de sensibilité humaine. Quand ils entendent les mots multiculturalisme,  libéralisme et islamisme, ils sortent leur revolver. Comme les tribuns du peuple le faisaient dans les années '30 avec le cosmopolitisme, le libéralisme et la «juiverie internationale». Tout ça sur des airs bavarois qui donnent le goût de boire pour oublier ou ne pas se mêler des affaires d'autrui.

Il est indéniable qu'il existe au Québec une tendance lourde à se servir des Québécois et des Québécoises comme d'un levier aux conneries de l'élite nationaliste.

Tout ce qui s'attaque de près ou de loin aux privilèges de cette élite est systématiquement perçu comme une attaque faite envers le Québec et les Québécois. Ils ne se prennent pas pour des Seven-Up flat. Ils vous feront des effets de toges et des gloussements de dindon farci par le Front National de France. Tout ça pour remuer les loups de la nation et leur faire croquer un peu de mauvais sujets coupables de lèse-majesté envers leur Laurentie.

À leurs yeux fourbes et malhonnêtes, un type comme Martin Luther-King est indéniablement un radical extrémiste qui propage la haine des Blancs et le communisme...

Nous ne sommes pas en 1930 en Allemagne.

Ni en 1955 dans le Mississipi. 

Nous sommes en 2020, au Québec.

Nous avons au pouvoir un parti qui ne reconnaît pas l'existence du racisme systémique sur son territoire.

L'idéologue officiel du Cheuf passe à Tout le monde en parle pour nous livrer un soliloque qui tient de l'exorcisme. On le sent nous empissetter de formules grandiloquentes et de plus-que-parfait du subjonctif pour réduire à néant la grande masse des sans-voix qui réclament droit de cité. Le seul qu'on puisse citer, c'est lui. Tout autre paria devrait se taire et ne jamais avoir une chronique dans Le Journal de Montréal...

Beaucoup pensent comme lui. Ils n'osent pas le dire. Ils ont peur.

Lui, le brave séminariste, il n'a pas peur. Il fait des tours d'hélicoptère avec le tycoon du village. Du haut des airs, il voit tout en bleu et blanc fleurdelisé. Les poubelles qui débordent, du haut des airs, ça ne paraît même pas. Mettre le Québec sur la map se fera à ce prix.

Ils ont peur de dire comme lui parce qu'on ne peut tout de même pas s'en payer tant que ça pour dire des conneries.

Dans l'autre camp il y a les demandeurs d'asile, les harceleurs de droits civiques, les pleurnichards qui veulent un salaire minimum bonifié, les fofolles. Bref, le camp de la canaille qu'il faudrait battre à coups de canne à pommeau d'or, 

C'en est tellement bête que l'on en demeure sans voix.

Comme les animateurs de Tout le monde en parle dimanche dernier.

Pas nécessairement parce qu'ils craignaient de dire ce qu'ils pensaient selon moi.

Simplement parce qu'il y a des limites à vouloir contredire Humpty Dumpty.

Humpty Dumpty est sur son mur, ses limites, ses frontières.

Il peut dire à la petite Alice et à tous les petits Mohamed du monde qui oseraient venir ici que c'est lui qui décide de la signification des mots.

Parce que Humpty Dumpty est maître chez-nous voyez-vous.

Enfoncez-vous bien ça dans le crâne, raclures d'extrême-gauche.

Vous ne pourrez plus rien dire dorénavant.

Ni manifester.

Ni porter une pancarte. 

Ni ternir l'image de Humpty Dumpty, ni celle des saigneurs de la Nation.

Nous ferons des saluts au drapeau en classe avant le début des cours.

Nous apprendrons aux uns et aux autres que chacun doit se tenir bien à sa place quand le Cheuf ou bien Humpty Dumpty explique un point de doctrine dans le nouveau petit catéchisme.

Il y a des limites à se montrer ingrats envers de tels bienfaiteurs qui nous caressent la tête comme les bons missionnaires d'antan.

J'en viens parfois à me dire que le Canada protégera mieux mon foyer et mes droits.



vendredi 4 décembre 2020

4 décembre 2022

4 décembre 2022

Cher journal,

Je t'ai un peu délaissé dernièrement. Avec tout ce qui s'est passé au cours des deux dernières années... 

Il y a d'abord eu la COVID-19. Nous nous en étions presque sortis lorsqu'une autre cochonnerie a frappé la planète. Une bactérie qui était sensément gelée depuis 40 000 ans au Pôle Nord. Notre espèce n'avait jamais été en contact avec ce truc. Et notre système de santé, déjà foutu, n'a pu rien faire contre ce mal qui nous a frappé de plein fouet. La COVID-19 avait fait au-delà de 1 500 000 morts. Ce truc-là multiplia par 1000 notre deuil. On ne pouvait même plus dire c'était la faute de qui...

Puis c'est parti comme c'était venu. De sorte que plus personne n'en meurt. On a trouvé un traitement approprié à base d'un certain médicament dont le nom m'échappe. L'essentiel étant que ça fonctionne.

Cependant, la Terre ne tourne pas rond. Les températures se sont emballées. Il y a des millions de migrants sur les routes. Il est difficile de se trouver de quoi à boire et à manger en plusieurs endroits du globe. Ici, on s'engraisse et s'empiffre tant bien que mal. Tant qu'il y aura des patates, de la sauce et du fromage le Québec survivra...

Tout a changé. Je ne me reconnais plus dans le monde de 2022. 

Bien sûr, le sens de la communauté s'est amélioré. Il fallait affronter de grands périls pour nous retrouver ensemble. Mais la nature humaine étant ce qu'elle est les procès ne sont souvent que des manières de s'approprier une partie des privilèges d'autrui. Qui joue à l'ange fait souvent la bête. Il fallait bien sûr s'y attendre. Les nouveaux apparatchiks font autant chier que les anciens. Je ne serai donc jamais un homme de parti...

Une chanson n'arrête pas de jouer en ce moment: «Poum! Poum! Touin! Touin! J'ai mis mes mitaines!» C'est une chanson absurde. Tout le monde l'aime. Sauf moi. 

L'eau commence à être salée dans le fleuve au niveau de Donnaconna. C'est du jamais vu. La Basse-Ville est régulièrement inondée à Québec. 

Il pleut tout le temps. Il ne neige presque plus. C'est humide et bourré de fines particules de pollution.

Heureusement que la papetière Kruger a fermé ses portes à Trois-Rivières. On parle de rétablir la plage du port jusqu'à Pointe-du-Lac, avec des tours à condos. On se demande qui va les faire ses tours. Tout le monde est vieux et malade autour de moi.

Il est aussi question de démolir l'autoroute 755 qui divise et pollue la ville depuis trop longtemps. La circulation automobile y est interdite pour freiner la propagation des virus et des bactéries qui se propagent avec la pollution. Pour le moment elle est devenue une vaste voie pour les cyclistes et les piétons. Certains y plantent des arbres. Voire des tomates. Le monde va mal mais ce genre de projets me donne un peu d'espoir en l'avenir...

Bon, je te reviendrai plus tard cher journal.

Je vais gratter un peu ma guitare pour oublier cette sale époque.

Puisse la lumière avoir raison des ténèbres...






mardi 1 décembre 2020

Plouc aspiré par l'Histoire avec un grand H

Plouc est aspiré par l'Histoire avec un grand H. Qui ne connaît pas l'interprétation que Plouc se fait de notre passé ne mérite aucune tribune. Autrement Plouc n'en occuperait plus aucune. On croit que notre monde manque d'originalité et de diversité. Mais non. Notre monde accorde trop d'importance à Plouc.

Plouc est resté bandé sur Achille Talon. Il en a tous les travers au plan du langage. Sa logorrhée est sans aucune limite et elle peut chier des kilomètres d'ectoplasmes nationalistes et xénophobes.

Plouc a compris qu'il pouvait devenir le roi des ploucs. Alors il nourrit les ploucs avec sa prose fade de séminariste qui abuse du plus-que-parfait du subjonctif et autres effets de toges d'un autre temps.

La lecture de Plouc plaît essentiellement à ceux qui ne lèvent pas le nez sur les ploucs afin de mieux pétrir leur boue électorale et pousser leur agenda de capitalistes sauvages.

Plouc s'en prend essentiellement à tout ce qui ne fait pas partie de son conte de fées laurentien qui veut revoir sa Normandie, pays de ses amours.

Il ne craint jamais au passage d'égratigner les féministes, les transgenres, les militants des droits civiques et tout ceux qui, en général, ne tiennent pas en haute estime les fascistes.

On ne saurait s'attendre à un autre comportement de la part d'un plouc.

Il est dommage que son pays, qui d'ailleurs n'existe pas, ne soit qu'une belle province de mononcles corrompus et incompétents qui s'en prennent à l'État de droit et à la Charte des droits et libertés.

Que voulez-vous? On ne saurait en demander plus de la part des ploucs.

Et Plouc, c'est ainsi, demeurera encore longtemps le roi des ploucs.

Jusqu'à ce que tout ça s'écroule. Ce qui, à mon avis, s'est déjà produit il y a au moins 40 ans.

Nous vivons encore dans ce mensonge entretenu par les ploucs.

On voit des ploucs partout.

Jamais les autres.



lundi 30 novembre 2020

Grenon l'égoïste qui profite de tout un chacun

 Grenon ne s'est jamais habitué à la solidarité. Tout ce qui s'appelle don, partage, communion, alliance... Eh bien, tout ça le rebute. À moins que ça ne lui soit totalement inconnu.

Grenon profite pourtant des dons, du partage, voire de la compréhension de tout un chacun autour de lui. Mais ce sacrement-là n'offre jamais rien en retour. Il se contente d'en vouloir à tout le monde pour à peu près n'importe quoi. Il s'invente un rôle d'ange exterminateur apportant le règne de ses lumières sur la Terre et, pour dire vrai, nous ne sommes pas nombreux à embarquer dans son trip.

C'est pas mal à partir de là qu'on s'est mis à perdre Grenon de vue.

Tant que Grenon se contentait d'être un genre de «mendiant ingrat», pour reprendre l'expression de Léon Bloy, eh bien l'on se disait que c'était sans doute le rôle que la Création lui avait attribué pour notre élévation morale...

Si Grenon s'était seulement contenté de tout prendre sans livrer ses théories, je pense qu'on l'aurait laissé vivre sa vie d'égoïste en lui cédant un peu de sa part. D'autant plus que cet égoïste n'a pas tout à fait les moyens de son égoïsme. On était encore capable de le prendre en pitié avant. Et puis il faut être égoïste pour refuser de l'aide à un égoïste. Grenon ne vit pas dans le sale monde où il croit vivre. Dans son monde, comme dans le nôtre, il dépend des autres autant que vous et moi. Dans le vrai monde, on pardonnait régulièrement à Grenon d'être Grenon. Jusqu'à ce qu'il vienne tout remettre en question dans ce fragile écosystème...

Grenon avait franchi une étape de trop aux yeux de plusieurs en devenant un illuminé de la secte d'un quelconque connard raciste et sans âme. Se mettre à donner des leçons de rénovation sociale et politique quand tu n'es pas foutu de te mettre un sourire au visage: pfff!!! Et surtout s'endoctriner de conneries ignobles et un tantinet racistes: beurk! 

Bref, Grenon est encore plus seul qu'auparavant. Même sa bande de conspirationneux a de la misère avec Grenon qui leur refile toutes ses factures à la moindre occasion. Là-dessus, Grenon n'a pas changé. Il veut changer le monde mais tout le monde doit encore payer pour lui.

On était capable de gérer Grenon en tant que parasite social qui voit des parasites sociaux partout. On se disait que c'était un pauvre diable qui ne méritait pas de crever de faim et surtout de soif. Entre nous, pour une raison qui m'échappe, c'était à qui lui en donnerait le plus. Comme si nous voulions tous le réchapper. Le ramener vers plus de sourires, plus d'amour. Mais non! Grenon résistait. Grenon s'enlisait dans son cynisme et sa paranoïa. Grenon faisait dur en tabarnak.

L'autre jour, Grenon s'est fait arrêter. Il voulait arrêter un élu. N'importe lequel. Il souffre de porter un masque voyez-vous. La COVID-19 n'existe pas. Et il veut rétablir la fierté de la race blanche... Alors il s'est mis en tête qu'il ferait une «arrestation citoyenne», qu'il était désormais le shérif de son far-west à la con. Comme il est un peu niais, il a pris par le bras la greffière de la cour municipale, croyant qu'elle était la Première ministre du Québec compte tenu qu'elle portait un tailleur. Le pire, c'est qu'il était totalement à jeun, sobre comme un verre d'eau de la rivière Mattawin. 

Bien sûr que Grenon est snappé. On n'avait jamais prétendu le contraire. Mais on ne s'attendait pas à ce qu'il se mette à tordre les bras d'une greffière toute frêle et toute menue...

Finalement, Grenon a été retiré de la circulation.

Il a tordu les bras à trop de monde dernièrement.

On l'a enfermé au zoo avec les autres.

-Penses-tu qu'on devrait aller voir Grenon? se disait-on.

-Êtes-vous fous calice! répondait-on. Grenon... Une hostie d'pourriture!

Pourtant, il se trouvait que Grenon était encore capable de recevoir un peu de compassion de Bogdan, un Roumain qui semblait en amitié avec l'humanité toute entière. Bogdan qui collectionnait des papillons et récitait des vers. Bogdan avait trouvé le temps d'écouter Grenon par une amitié qui transcendait tout ce dont nous étions capables d'offrir.

-Je suis allé voir Grenon! Lui très trrriste. ll veut comprendrrre pourquoi lui est trrrou-du-cul!

-Et qu'est-ce que tu lui as dit?

-J'ai dit toi trrrou-du-cul Grrrenon. Mais peut-êttre toi manger les biscuits que je emmener. Il a pris biscuist et lui très content je crrrois.

-Il t'a remercié?

-Non. Lui pas remercier immigrés... Lui dire que moi seulement pourrais avoir statut spécial et rester au pays spécial...Lui trrrou-du-cul.

Sacré Bogdan! C'est le meilleur d'entre nous.

C'est la seule chance de Grenon.

Qu'il ne la scrappe pas.



mercredi 25 novembre 2020

Neige

Rien n'est plus gracieux que des flocons de neige ensevelissant calmement mais sûrement la ville.

La neige est plus qu'un pays à habiter.

La neige est un état d'esprit. L'état le plus zen qui soit. L'état d'hibernation où les yeux mi-clos l'on contemple l'hiver qui s'en vient.

La neige est une beauté qui ne néglige pas les efforts.

Il faut la tasser du chemin, la neige, pour cohabiter avec elle. Lui faire une place près de nos foyers pour mieux les isoler du froid. S'en faire un igloo.

La cohabitation n'est pas toujours heureuse. Certains la font chauffer. D'autres la souillent. Au final la neige, comme tout ce qui touche l'homme de trop près, devient brune, grise et sale.

La neige me rappelle que la nature aura toujours le dessus malgré nos entourloupettes pour la détruire.

Elle reviendra, même si on la chasse. Même si l'on essaie de faire bouillir la Terre.

Parce que la neige est éternelle. Pas seulement sur le sommet de l'Everest. Mais ici-même, dans mon coeur d'enfant.

Je la prends dans mes mains. J'en fais des boules. Je la sens. Je la respire. Je la vis intensément.

Quiconque vient me dire du mal de ma neige me semble mesquin et mal intentionné.

La neige est ce qu'il y a de plus beau à Trois-Rivières.

Et sans doute ailleurs.

Ah! la neige...

mardi 24 novembre 2020

L'art plutôt que l'idolâtrie

Les Autochtones ne signaient pas leurs oeuvres. Totems et autres créations devenaient l'oeuvre de tout un chacun pour le bien de tous et toutes. Il n'y avait probablement pas ce culte de l'artiste et on ne lui aurait pas donné cent fois plus qu'aux autres qui se fendent le cul pour ramener de la nourriture. L'artiste aurait probablement été poussé à participer aux efforts de la communauté. On ne l'aurait certainement pas idolâtré. C'est du moins ce que j'en pense si je me fie à mes lectures et à mes conversations avec l'Île de la Tortue

L'empereur Néron se croyait un grand artiste. Il se croyait le plus grand poète de l'univers et s'organisait des concours de poésie qu'il remportait haut la main. On n'avait jamais entendu s'exprimer une âme aussi sensible selon les juges du concours. Comment aurait-il pu en être autrement? 

Dans notre civilisation gréco-romaine, on signe nos oeuvres. 

Il y avait des marques de garum à Rome. Le garum étant un genre de sauce aux poissons qu'affectionnaient particulièrement les Romains. On disait qu'il n'y avait rien de meilleur que le garum Marcellus. Il n'y avait pas plus grand poète qu'Ovide. Il n'y avait pas plus grand philosophe que Sénèque. Il n'y avait pas plus grand ceci ou cela qu'Untellus ou Untelautre. Tout était signé. Tout se rapportait à une personne. Sur l'Île de la Tortue, je veux dire ici (sic!), on n'en aurait pas fait tout un plat...

Nous sommes encore des Gréco-romains. Au fil des ans, j'y vois plus de mauvais que de bien. Cette culture est aussi responsable de nombreuses autres maladies qui nous affligent en tant que société. L'orgueil, le narcissisme, la volonté de s'imposer sur autrui, tout cela me pourrit la vie autant que la vôtre si je ne m'abuse. Ainsi que celle des colonies environnantes...

Je me dis parfois que l'on devrait aborder une oeuvre sans rien savoir de son auteur, comme lorsqu'on contemple un vieux totem ou bien un masque des Premières Nations. Ce n'est pas signé et c'est pourtant parfait.

Combien d'oeuvres d'art gagneraient à ce que leur auteur n'ait jamais été connu?

Mon oncle Antoine se regarde mieux si nous le visionnons pour la première fois sans savoir qui a fait ce film.

Il en va ainsi de plusieurs autres films, romans, poèmes. Ne pas savoir qui était la brute derrière une oeuvre fine et délicate, ça permet de mieux la savourer. Ça ne vous laisse pas un arrière-goût de caca dans la bouche.

Le temps fera sans doute son oeuvre de rédemption. J'ose croire que bien des biographies s'effaceront. Bien des noms disparaîtront. Peut-être somme toute que le meilleur sera sauvé.

Aux victimes de ces artistes qui se sont crus Néron, impunissables et au-dessus de tout, je ne peux que vous apporter mon soutien le plus total et le plus sincère qui soit.

Quant aux artistes infatués d'eux-mêmes et méchants envers autrui, je ne puis que leur souhaiter de sombrer au plus vite dans l'anonymat pour se guérir de leur ego crasseux et surdimensionné de petit fantassin gréco-romain.

Rien n'est au-dessus de l'humanité.

L'idolâtrie est une maladie grave qui affecte tout le monde.

Elle crée des situations psychologiques qui frôlent la démence.

Elle permet aux demi-divinités de faire ce qu'elles veulent.

Parce que c'est Néron.

Parce que c'est Marcellus.

Parce que c'est je m'en calice.







jeudi 19 novembre 2020

Il était une fois dans un étang peuplé de grenouilles

 Cette histoire s'est passé en des temps de misère et de pestilence.

En ces temps-là, comme en tous les temps sombres, les plus futés ne cherchaient qu'à fuir la populace en quête de boucs émissaires à sacrifier. Il ne suffisait que de dépasser d'un seul cheveu ces larbins soumis à leur bol de soupe pour devenir la créature à clouer au pilori. On ne voulait plus des originaux. On voulait des gens à leurs affaires, la tête baissée, toujours prêts à laisser se commettre quelque holocauste sans même chercher à savoir ce qui s'était passé. Comme si tout s'équivalait. Comme si tout était pareil. Manger un cornet de crème glacée ou bien arracher un ongle à froid: pareil!

En ces temps-là, oui, le monde était devenu particulièrement stupide et sans coeur.

La politique avait toujours été plutôt investie par de tièdes opportunistes qui prenaient leur cote comme tous les autres. Pourtant les grenouilles dans l'étang supplièrent Zeus de leur envoyer un roi moins paresseux que ces canards. Alors il leur envoya une grue qui les dévora toutes, comme dans la fable d'Ésope, volée par La Fontaine le paresseux. 

Les plus sages avaient eu raison de dire qu'il faut se méfier des excès d'enthousiasme. Parce que tout le monde va finir par y goûter. Et pas nécessairement pour le mieux. Parce que l'humain est bien plus gouverné par ses appétits que par ses idées. À l'instar de Humpty Dumpty en équilibre sur son mur, il vous dira qu'il décide lui-même de la signification des mots parce que c'est lui le boss - un point c'est tout! Tout le monde doit obéir à Humpty Dumpty alors qu'il n'est qu'une grosse coquille vide.

Bref, cette histoire s'est passée en ces temps-là.

C'est comme si elle ne s'était pas vraiment passée.

Parce qu'en ces temps-là, les plus sages se cachaient et se taisaient.

Que vouliez-vous qu'ils fassent?

Se battre, bien sûr.

Mais avez-vous déjà tenté de battre de la merde?

Ça revole partout. Vous en avez plein le visage ensuite.

Le plus sage, vraiment, c'est de ne pas piétiner la merde.

Et aussi de savoir encore faire la différence entre manger un cornet de crème glacée et arracher un ongle à froid. Le reste, ça se travaille à partir de la reconnaissance de ce fait-là.

Voilà.

Et de nos jours, bien sûr, de telles histoires ne se reproduisent plus.

Évidemment.

Les gens savent vivre de nos jours.

Et puis ils sont un peu plus éduqués qu'en ces temps-là.

Ils ne sortent plus leur revolver quand ils entendent Satie.

Ils n'ont pas honte d'aimer, de démontrer de la tendresse, d'être aimables envers autrui.

Comme quoi les larbins et les lâches finissent aussi par passer, comme les eaux sales du printemps.


mercredi 18 novembre 2020

Le septuagénaire démembré

On l'avait littéralement coupé en morceaux. Le diabète s'était d'abord chargé de détruire ses défenses immunitaires. Des infections, de la gangrène et quelques judicieuses coupures l'avaient surnaturellement conduit à cet état d'homme démembré. Son bras gauche était amputé jusque sous l'aisselle. Sa jambe gauche s'arrêtait à la cheville et celle de droite avait été coupé sous le genou. Il lui restait un seul bras doté d'une seule main avec lequel il se débrouillait pour à peu près tous ses déplacements et autres gestes de la vie quotidienne.

Il avait été très gros jadis. Il était désormais plus mince et plus souple.

-J'ai déjà pesé deux cent cinquante livres... avait-il mentionné.

Là, sous les draps de ce lit d'hôpital, l'homme de septante années ne devait pas faire plus de la moitié de son poids d'antan. Il était mince, décharné et, malheureusement, démembré. Et c'était sans compter ces multiples cancers qui lui avaient ravagé la prostate, le pénis, l'anus, la gorge, l'oreille interne droite, la peau et j'en passe. Il nous en passait des frissons dans le corps à seulement lire son dossier médical...

Bref, cet homme se trouvait dans une situation qu'aucun être humain ne se souhaiterait.

S'en plaignait-il? Pas vraiment. Bien que nous ne fussions pas dans sa tête, on supposait y trouver de la bonne humeur. Était-ce le syndrome du clown triste? Non. Il ne faisait pas le clown. Il était seulement toujours de bonne humeur.

Le personnel médical allait le voir pour se reposer. Ce monsieur-là était calme, facile pour ses soins, autonome dans des actions que personne n'aurait cru le voir faire. Il valsait de sa chaise roulante à son lit, de son lit à sa chaise d'aisance, comme s'il était feu le lutteur Édouard Carpentier voltigeant sur les câbles du ring. 

-Vous êtes toujours de bonne humeur vous... qu'on lui disait en plus de lui dire «ça s'ra pas long», comme à tous les autres patients.

-Ah! Moé j'm'en fais pas. I' fait beau chu content. I' fait pas beau chu content pareil. Pourquoi c'que c'est qu'on s'en f'rait pour les choses qu'on peut pas changer? philosophait-il.

-Vous avez bin raison...

-E' l'sais pas si j'ai raison mais c'est plus facile vivre de même que de toujours s'en faire pour des hosties de niaiseries qu'tu peux rien faire contre elles... Un m'ment d'nné, tu nages avec le courant au lieu de t'épuiser. Pis c'est t'es chanceux, bin tu vas flotter encore un boutte... Moé i' m'manque des bouttes pis j'flotte encore... Pis j'ai la chance de vous rencontrer, vous, que j'connaissais pas avant d'venir icitte. Une autre belle personne de plus dans l'histoire de ma vie. Chu gâté! J'aurais pu encore plus mal tomber... Vous trouvez pas? Ha! Ha!

Quel monsieur! Poli, vouvoyant et gentil.

La télé n'était jamais ouverte dans sa chambre. Il n'en voulait pas. 

-J'écoute la radio. Ej' r'garde dehors. Ej'lis. Ej'mange. Pis chu bin traité. Ej'sais pas combien j'ai eu de préposées, d'infirmières pis d'autres spécialisses après moé! Chu satisfait. Pis c'est pas moé qui vas vous achaler!

Ça n'a pas duré longtemps.

L'infection progressa. 

Puis il en mourut deux jours plus tard.

On ne l'avait connu que trois jours au centre hospitalier régional où il avait été transféré suite à un autre épisode de coma diabétique.

Il aura laissé la trace d'un bon monsieur, pas compliqué, facile à soigner...

lundi 16 novembre 2020

Réflexion sur une année pourrie

Rien n'est habituel cette année. Quand la maladie rentre par la porte, il semble que l'amour parte par la fenêtre. La tendresse se fait plus rare et d'autant plus précieuse que même nos corps sont emballés sous vide. 

J'ai le privilège de vivre un grand amour qui ne s'éteint pas, comme un feu incandescent que je ne tiens pas pour acquis et que j'attise de toute mon âme. Je lui dois cette stabilité émotionnelle, ce sentiment d'être aimé et de pouvoir aimer encore et toujours plus.

D'autres sont seuls, esseulés et parfois malheureux. Ils peuvent en devenir tristes, amers, déçus. J'ai ce privilège de ne pas tout à fait les comprendre. Les écouter m'est pénible. Je ne peux que leur répondre par un sourire sans malice, un regard sans accent circonflexe, un air idiot et satisfait.  Autrement, je ne prêche pas le bonheur mais leur renvoie le reflet de leur propre cynisme, sinon de leur amertume.

Finalement, j'en viens à ce bon vieux stoïcisme. Le stoïcisme naquit à la même époque que le bouddhisme. Comme si la sagesse ne tenait jamais compte des frontières pour apparaître subitement partout.

On ne sait pas ce qu'est le but de la vie sinon de la vivre en refusant de se laisser vaincre par la douleur, que l'on doit tenir avec force pour une illusion. 

Nous ne sommes que de passage ici-bas. Tout peut y être confus, inexplicable, foutu. Cependant nous sommes toujours sur le pont entre ce merdier et un ailleurs qu'il n'appartient qu'à nous d'inventer. 

Inutile d'avoir peur. Il faut poursuivre son chemin, même si la forêt est sombre et que la nuit tombe. Quelque chose de plus fort que l'humain protège l'animal qui traverse la forêt. Tout au bout nous attend une prairie surplombant une mer tranquille et pleine de vie.

Ne laissons pas la laideur détruire notre esprit.

Laissons l'amour faire son oeuvre.

Préparons-nous à l'accueillir.




jeudi 5 novembre 2020

Life Goes On!

La démocratie est malade.

On veut l'achever, à gauche, à droite, et on ne trouvera pas grand' monde pour la soutenir. Qui se battra vraiment pour elle? Une poignée à droite, une poignée au centre, une poignée à gauche... 

L'habitude ne sera pas une digue suffisante.

L'arbitre se fait vieux. Il n'entend et ne voit plus rien. La justice est arbitraire. Elle se mesure, comme les soins de santé, à l'aune de la fortune personnelle. 

Que peut-on faire?

D'abord, ne pas se laisser abattre. Il existe plusieurs contre-pouvoirs dans la société et il sera loisible d'y avoir recours pour contrebalancer les velléités autoritaires des uns et des autres.

L'âme vraie et authentique d'une seule personne peut encore avoir plus de portée et de résonnance que mille millions de fous furieux qui souhaitent faire couler le sang. Vous comme moi avons un rôle à jouer pour pacifier ce monde et le rendre meilleur, sinon plus juste.

Il faudra donc soigner la démocratie.

Soigner l'humanisme derrière cette vieille idée pas toujours bien appliquée et jamais bien expliquée.

***


Une chanson des Beatles jouait hier dans une boulangerie que je fréquente.

Obladi oblada life goes on...oooon... liiiii-i-i-i-fe goes on!

Du coup j'oubliais les élections présidentielles américaines.

Je reconnectais avec ce bon vieux front culturel qui a mis fin à la guerre du Vietnam et changé le cours de nos droits civiques.

Ils ne nous auront pas.

Je le sais déjà.



lundi 2 novembre 2020

De l'importance de mieux financer la tendresse...

Deux personnes ont été sauvagement assassinées à Québec au cours de la nuit de l'Halloween. Cinq blessés s'y ajoutent. Je ne commenterai pas les motivations du tueur. Ni celles des politiciens et autres chroniqueurs. Je n'écris pas pour de la crotte d'écoute. J'écris pour mieux comprendre ce que moi-même je ne comprends pas. J'ai besoin de cette catharsis pour réfléchir... 

Le tueur était sans aucun doute un fou furieux. Il faut, dès le départ, être un peu fou et surtout pas mal furieux pour en venir à rentrer un katana au travers du corps de purs inconnus. 

Cette violence n'est pas le propre des gens qui ont un problème de santé mentale. Elle est en quelque sorte systémique cette violence. On l'encense dans nos romans, nos films, nos sports, nos jeux vidéo, nos casernes militaires et j'en passe. On finance allégrement cette violence. On y trouvera mille raisons. Mais qu'en est-il de la tendresse?

On prétend que l'État a trop coupé dans la santé, dont la santé mentale en particulier.

Tout cela est bien vrai.

Mais la tendresse n'y sera pas plus financée à ce que l'on peut y voir.

Ce n'est pas en pratiquant des méthodes de gestion Toyota qu'on va faire place à la tendresse, tant dans nos soins de santé que dans la société en général.

-Financer la tendresse? Qu'est-cé qu'tu veux encore dire el' gros Guétan?

Vous savez bien que je dis encore n'importe quoi.

Qui peut financer la tendresse et surtout comment peut-on le faire?

Je nous le demande. Je n'en sais rien. C'est tout ce qui me vient à l'esprit.

Bien sûr que je rêve.

Vous préfèreriez que je me range à l'idée de vivre en plein cauchemar?

Nous vivons, me semble-t-il, en plein cauchemar...

Tout est à celui ou celle qui frappera le plus fort en se foutant des règles.


***


Dans Crime et châtiment, un roman de Dostoïevski, l'étudiant Raskolnikov se demande pourquoi des préjugés moraux devraient l'habiter suite au vol et au meurtre d'une vieille usurière. Napoléon Bonaparte n'a-t-il pas tué des millions de gens pour son triomphe personnel sans que personne n'y trouve quoi que ce soit à redire? Raskolnikov sera cependant pétri de remords suite au meurtre. Tandis que Napoléon n'en éprouvera jamais aucun... L'un aura des troubles mentaux et l'autre aura des statues... Tu ne tueras point sauf si tu veux devenir quelqu'un se disent tous les tueurs j'imagine. Je l'imagine parce que je ne suis pas un tueur. Je ne suis qu'un gros tendre qui lit des romans de Dostoïevski, ce type qui prétendait que la Beauté sauverait le monde.


***


Mieux financer la tendresse? Vous n'y pensez pas!

Il faut que la vie soit dure les uns envers les autres.

Il faut souffrir pour que les bourreaux puissent faire souffrir.

Il faut éliminer par tous les moyens toute forme de tendresse.

Évacuer d'abord la tendresse dans nos rapports amicaux. Se traiter d'hostie de niaiseux entre copains. Puis d'hostie de caves entre parents. Puis d'hostie de trous du cul entre voisins. Et finalement entre un peu tout le monde qui traîne entre deux ou trois frontières barbelées. La tendresse? Impossible d'en trouver nulle part. Il ne reste que de la rancoeur et du cynisme. Tout le monde se vomit et se chie dessus pour un kopek. 

Je dis n'importe quoi.

Je me fais vieux.

Financer la tendresse...

Pfff...

Quel imbécile je suis!


mercredi 28 octobre 2020

Savoir se taire et écouter

Je n'ai pas dit ni écrit grand chose au cours des derniers jours.

Il y a des moments où un homme doit savoir se taire et écouter.





lundi 19 octobre 2020

AU ROYAUME D'LA POUTINE

Il était une fois un royaume d'la poutine où tout un chacun était devenu méchant les uns envers les autres. C'était à qui ferait la pire face de boeuf devant autrui. C'était à qui jouerait le rôle du crétin triste bouffi de rancoeur pour magnifier un peu les ratés de sa vie.

Dans ce royaume saugrenu, seuls les pires rabat-joie et autres cuistres haut-parleurs occupaient les meilleures positions. Au royaume du «au plus fort la poche» vous croyez bien qu'on ne laissait le meilleur qu'aux pires. C'était en partie par l'habitude et d'autre part par la peur que ce royaume s'enfonçait dans la merde.

Toujours est-il que Momina, bien que paysanne en ce triste royaume, n'en partageait aucun des traits de caractère les plus laids et désagréables au genre humain. Ce qui fait qu'elle était aimé par tout le monde. Du moins par le monde encore capable d'aimer...

Momina était tendre, toute en douceur. Au lieu de crier comme un gorille en se tapant le torse, elle parlait comme une pieuvre, en jetant son encre et en étalant ses envoûtantes tentacules. Les railleries des étrons sur deux pattes n'avaient aucun effet sur elle. Plus ils l'insultaient, plus le peuple, enfin ce qu'on aurait cru le peuple, sortait de sa profonde léthargie pour en faire un symbole de changement.

Tant et si bien qu'un jour Momina fût portée au pouvoir par ce qu'il restait d'honnêtes gens dans ce royaume de putois décérébrés. Elle devint présidente de la première république. Le roi et sa cour connurent l'exil pour ne pas affronter tous les procès auxquels ils pouvaient s'attendre. 

Les gens n'en devinrent pas moins stupides tout de suite.

Cependant, on vit de moins en moins de racistes et haineux pleins d'marde à la télé.

vendredi 16 octobre 2020

Trump selon Madame Whitaker

Sa tête dodeline de gauche à droite pour signifier une nouvelle désolation qui s'impose à son esprit, sinon à son corps qui en arrache pour encore se tenir debout.

Madame Whitaker avance lentement, péniblement, derrière son déambulateur, sans fléchir malgré tout.

Le temps a fait son oeuvre. Elle est rendue à la fin de ses jours. La fin des temps n'est plus qu'anecdotique. Elle aurait cru la mort plus banale somme toute. Quelle époque! 2020... 

Elle est toute menue, haute comme trois pommes et pourtant encore debout sur ses jambes, avec sa fidèle marchette pour tenir l'équilibre.

Elle pose encore des questions. Sa curiosité est demeurée insatiable. Elle veut encore tout savoir, même si depuis longtemps elle n'y comprend plus rien avec tous ces trucs électroniques compliqués à comprendre.

-Cou' don' Trump y'est-tu mort? me demande Madame Whitaker.

-Non. Il est encore vivant à ce que je sache...

-Ah... C'est parce que y'est bin chéti... bin méchant avec le monde pis les pauvres... I' font pitié aux États-Unis... vraiment pitié...

Madame Whitaker poursuit son chemin en dodelinant de la tête.

Elle s'éloigne au bout du couloir comme lorsque Lucky Luke et sa fidèle monture se perdent vers le couchant.


vendredi 9 octobre 2020

Tommy

Un vent froid mais vivifiant soufflait sur la vallée. L'automne s'annonçait déjà. Il faudrait bientôt voir à sortir les manteaux, vêtements et bottes d'hiver. Cela faisait partie du cycle naturel de la vie humaine dans ce coin-là du monde.

Tommy n'avait pour tout manteau qu'un vieux coupe-froid rouge écarlate arborant le logo de la Salle de quilles Chez Pitre. Cela n'avait rien à voir avec Tommy, sinon qu'il avait trouvé ça cool de le porter après l'avoir trouvé sur un banc. C'était devenu son manteau beaucoup trop grand pour lui et beaucoup trop léger pour la saison froide en cours.

Tommy n'avait pas plus de bottes. Il portait des espadrilles trouées qui prenaient l'eau de toutes parts. L'hiver dernier, pour ne pas geler des pieds, Tommy avait porté des sacs de plastique par-dessus ses bas pour les imperméabiliser. Malheureusement pour lui et pour les autres, il s'est mis à puer terriblement des pieds à force d'y cultiver de l'humidité. Mais bon, puer des pieds n'était pas le problème le plus préoccupant de sa vie.

En fait, Tommy n'avait pas vraiment de vie et ne la gagnait vraiment pas.

Il faisait partie du bois mort retrouvé sur la berge, quelque part dans la vallée. C'est du moins l'opinion qu'il se faisait du lui-même, celle d'un naufragé.

N'allez pas croire que Tommy se droguait. Il ne prenait rien. Peut-être aurait-il dû prendre quelque chose. Les médicaments contrôlaient un tant soit peu sa schizophrénie. Maintenant qu'il n'en prend plus, il erre d'une ville à l'autre en parlant avec son ami imaginaire, un gars qui s'appelle Le Comte de Rodrigue du Perrier-de-l'Île-du-Thym.

Le vent froid et vivifiant de la vallée n'était pas pour stopper Tommy.

Après Trois-Rivières, ce serait Sorel ou Montréal. Il s'était déjà rendu à Toronto. Il avait surtout aimé son séjour de deux semaines sous un viaduc situé près d'un verger naturel. Il avait pu se nourrir de pommes et d'eau fraîche pendant tout ce temps-là. Jusqu'à ce que des types de la construction se pointent pour y faire des travaux. Ce qui lui fit perdre sa tanière.

Oui il faisait froid.

Oui Tommy marchait encore et encore.

Il ne demandait rien à personne.

Il discutait avec son ami, le meilleur ami du monde.

Le soleil se couchait peu à peu à l'Ouest.

Tommy serait pris pour se trouver un trou pour coucher à Louiseville.

El' brochet du Père Ovide qui n'aime pas écrire au je

Il effaçait au moindre je tout ce qu'il venait d'écrire.

-Bon! Me voilà encore à parler de moi-même comme le dernier des sans-dessein!

Une fois rassénéré, Ovide, puisqu'il s'appelait ainsi, retournait péché du brochet sur le bord de la rivière. 

Ce n'est pas qu'il aimât vraiment le brochet. Cependant, c'était aussi facile à attraper que de la barbote. Le brochet se pêchait deux kilomètre moins loin de chez-lui. Il devait se rendre à l'Île St-Christophe pour la barbote. Tandis que le brochet, il était disponible tout de suite, là sous votre ligne, avec une simple troll rouge et blanche en tôle achetée à vil prix chez Canadian Tire.

Il n'y a que deux façons d'apprêter le brochet selon Ovide.

-Ou bin don' tu te fais des fricadelles de poisson en passant au hachoir le brochet pis tous 'es arêtes a'ec des patates pilées... Ou bin don' tu l'fais fumer au bois d'érable... C't'un poisson gras comme l'esturgeon... Ça goûte presqu' p'us el' brochet... Moé j'le fume dans mon cabanon su' ma galerie d'en arrière. 

C'est vrai qu'il était bon en crétak le brochet du Père Ovide.

Il le servait avec une sauce barbare, quelque chose qui ressemblait à de la sauce tartare mais qui goûtait fortement la chlorophylle. Va savoir ce qu'il mettait dedans. Tout le monde riait ensuite en prétendant aimer tout le monde, comme si cela se pouvait, aimer tout le monde.

Enfin! Le brochet était servi et on y faisait honneur d'autant plus qu'Ovide, qui était pauvre et sans job, n'avait que ça à nous offrir, tout le temps. Il y mettait tout son coeur et croyait que ça faisait plaisir à tout le monde. Pourtant, d'une fois à l'autre c'est sa sauce barbare qui remportait tous les honneurs et tous les fous rires hallucinés.

-Pis el' Père Ovide, quand est-ce le brochet fumé à la sauce barbare? qu'on lui disait.

Et lui d'aller encore pêcher du brochet, pour le fumer, et le servir avec sa fameuse sauce barbare.

Tant et si bien qu'il ne trouvait plus le temps de parler de lui.

Ce sont les autres qui parlaient désormais tout le temps de lui, Ovide.

Et l'idiot ne s'en rendait pas compte.

On croyait qu'il ne voulait pas décevoir.

Il en faisait désormais le commerce. On lui achetait du brochet fumé. C'était du troc, mais c'était mieux que rien. Cela lui avait permis d'obtenir une belle paire d'espadrille ainsi qu'un ukulélé. Voilà.

Le Père Ovide, quarante-trois ans bien sonnés, seul au monde et sans attaches, allait pêcher du brochet pour son monde.

Il lui arrivait encore de tenter d'écrire des ceci et des cela. Malheureusement, il effaçait tout au moindre je.

Ce n'est pas qu'il croyait, à l'instar de Blaise Pascal, que le Moi soit haïssable.

Non, c'était plus profond que ça,

Les babillages à la première personne du singulier le faisaient singulièrement chier. Ce n'est pas le Moi qu'il haïssait, mais l'usage des milliards de fois répétés du Moi. 

Il y avait plein d'épidémies et de pandémies en ces temps-là.

Ovide n'invitait plus personne du coup.

Il mangeait lui-même ses brochets, sans sauce barbare.

Et il avait hâte à l'an prochain, comme tout le monde.

-Hostie que 2021 doit être autr' chose que c't'hostie d'marde-là du calice!

Un autre brochet s'accrocha à sa troll bicolore à trois hameçons.

La ligne à pêche se ploya et se déploya dans toutes les directions.

C'était plus gros qu'un brochet. C'était un gros christ de maskinongé.

À force de patience, Ovide finit par fatiguer complètement ledit maskinongé qui se débattit encore quelques instants dans son filet de pêche avec cette moue de résistant imperturbable.

-Crétak! Un maskinongé d'au moins trente livres!!! J'me d'mande comment j'ai pu faire pour pas casser ma ligne...

Ce soir-là, Ovide fuma le maskinongé et le mangea tout fin seul en compagnie de deux ou trois chats de ruelle. Il se roula une cigarette de sauce barbare. Puis le monde redevint noble et bon autour de lui en dépit de la banqueroute et de la mort.



lundi 5 octobre 2020

Aphorismes à la bonne franquette

Les mots n'expriment pas tout. Autrement on n'écrirait pas des poèmes. Les poèmes sont des tentatives de jouer une dernière fois avec les mots avant que de se taire. N'y cherchez pas la logique ou bien le sens d'un avis. L'homme ou la femme derrière le poème n'avait manifestement plus rien à dire s'il s'est mis à le chanter. 

***

Je me forme bien plus que je ne m'informe. 

Je ne veux pas tout savoir. Je veux être quelqu'un de bien. Quelqu'un qui fait encore la différence entre miam c'est bon et ouche ça fait mal.

***

Le plus grand mal de notre temps c'est la peur. Je croyais que c'était l'anxiété. Je me trompais. La peur est un mal plus grand. L'anxiété n'est qu'un symptôme. La peur de manquer de quelque chose nous fait surconsommer. Et comme s'il allait toujours manquer de quelque chose, on doit produire l'imprévu. Du coup, il en manquera toujours. Un c'est trop. Deux ce n'est pas assez. Il faudra des moyens de production de masse pour tout. Pour l'école comme pour l'usine. Et rien comme la peur pour huiler les machines. L'anxiété n'étant que la réaction naturelle de l'animal qui a peur de se faire broyer par sa propre machine.

Bref, la peur nous étouffe et l'anxiété n'est pas surnaturelle.

***

Le bonheur tient en peu de choses. Il est plus facile à ressentir lorsque l'on n'écrit pas des aphorismes. 

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Seul un esprit au plafond bas peut mépriser quelqu'un pour la couleur de sa peau. Seul un coeur desséché peut haïr.





jeudi 1 octobre 2020

MBCile et son idéologie

L'idéologue en chef de Québecor et du Caquistan, MBCile, profitait hier de la mort d'une Atikamekw pour exposer sa thèse sur l'inexistence du racisme systémique.

C'était sur les ondes de Québecor. Où vouliez-vous que ce soit? Le québécorisme est systémique au Québec...

Trois visages pâles entouraient le Dr Amir Khadir qui soutenait que le racisme est systémique avec un argument tout simple. Si les joueurs de hockey se battent entre eux c'est que la violence est systémique dans le hockey. C'est d'une logique implacable, irréfutable, à moins d'être un colon ou bien un visage pâle à la langue fourchue qui vit de prébendes et de ratiocinations.



mercredi 30 septembre 2020

Shrek et le socialisme


Shrek est un ogre. Plusieurs se reconnaissent en cette grosse brute sympathique et bienveillante. J'avoue faire partie du nombre.

Cela dit, je n'imaginerais pas Shrek en train de se farcir du métalangage dans un comité sur les intergénérationnalités de l'intersection sectionnée des généralités en vue d'un énième sommet sur les luttes à mener pour abolir l'usage du point-virgule.

Il serait plutôt en tabarnak au bout d'un temps. Sinon il dormirait. J'ose croire qu'il dormirait. Ce n'est pas que comprendre ne serait pas à sa portée. C'est surtout le manque total d'intérêt à se farcir des discussions oiseuses sur le sexe des anges.

-Faites ce que vous voulez! pourrait vous dire Shrek. Moi j'veux vivre en paix dans mon marais!

Et, franchement, je lui donnerais raison.

Ce n'est pas que je vive moi-même dans un marais. D'aucuns pourraient croire que je n'y loge pas très loin. Ce qui me rendrait coi tout autant qu'inadéquat et détestable comme l'ogre, voire l'ours.

Ma vision du socialisme est intimement liée à cette vision d'ogre bienveillant et sympathique qui protège les plus faibles même s'il le fait parfois en maugréant. Elle exige quelque chose de ma part bien plus que des autres. Je veux dire que c'est à moi de prouver que le socialisme veut dire quelque chose. Que la solidarité et l'humanisme prévalent dans cette idée de favoriser l'égalité des chances pour tous les citoyens quelle que soit sa naissance, son groupe sanguin, son nombril, son sexe ou son genre. 

L'économie est l'état actuel de nos préjugés sur la marche de la société. Il ne suffit que d'abattre des préjugés pour que la marche du monde se fasse autrement.

Malheureusement les préjugés ont la vie tenace. Ils trouvent leurs défenseurs. Leurs cerbères. Leurs serviteurs les plus toxiques qui soient. 

Ils ne sont pas toujours très gentils. Ils peuvent même se montrer très violents.

C'est là que Shrek peut se montrer utile. Parce que le monde ressemble de plus en plus à une cour d'école où de petites crapules se cherchent des souffre-douleurs pour se bâtir une réputation au sein de leur confrérie.

Shrek ne suffira pas à lui seul à faire la différence au bout du compte. Il est difficile pour la communauté de se débarrasser de ses préjugés. La marche du monde se montrera longtemps abrupte et chaotique.

Cela dit, Shrek peut toujours bien foutre un peu la trouille aux malfrats. Vous vous sentirez en sécurité avec Shrek au royaume du Far-West...

Il serait dommage de ne pas minimiser l'importance des Shrek pour porter secours aux humiliés et aux offensés. Je sais bien que Shrek c'est un conte de fée. Il ne faudrait pas croire que la vraie vie soit encore plus réaliste...

Pour dire vrai, j'essaie sans doute de me légitimer en tant qu'ogre malgré lui.

Un ogre qui ne rate pas un repas ni une occasion de promouvoir un idéal de justice sociale avec ses mains et ses pieds, à défaut de le faire avec sa tête.

La foi n'est rien sans la charité.

C'est un certain Paul qui disait ça il y a longtemps.

Vous ne le connaissez pas. Moi non plus.



lundi 28 septembre 2020

El Fucké et la Covid-19

On l'appelait El Fucké on ne sait trop pourquoi précisément. On avait cependant toutes les raisons de lui attribuer ce surnom, à défaut d'un autre quolibet.

El Fucké avait toutes les raisons du monde de passer pour un fucké.

D'abord tout ce qu'il disait tenait du délire. Vous ne pouviez pas lui parler de météo, de football ou bien de crevettes panées à la bière sans qu'il ne vous débite un chapelet de sornettes qui en disait aussi long sur les peurs qui le dévoraient que sur son instabilité mentale.

El Fucké avait récemment été recruté par une bande de craquepotes qui croyaient que Donald Trump était un ange envoyé par le Seigneur afin de pourfendre l'élite mondiale des pédo-satanistes et autres protocoles des sages de Sion et Pointe-du-Lac... C'était de l'hostie de marde pour craquepotes. Personne ne s'étonnait vraiment qu'il y adhère parmi ceux qui connaissaient un tant soit trop El Fucké.

Que voulez-vous? Depuis que le monde est monde qu'il y a du monde qui nage dans de purs délires dangereux pour la vie d'autrui. On les voudrait moins enthousiastes. Et bien assis dans leurs fauteuils à regarder des vidéos de chatons sur YouTube plutôt que de baver comme des chiens de l'enfer devant je ne sais trop quelle charlatanerie grosse comme un melon passé de travers dans le fin fond d'un trou du cul.


mardi 22 septembre 2020

Vivement 2021

 L'année 2020 est mauvaise pour n'importe qui, n'importe quoi et n'importe comment.

C'est mon mantra pour me permettre de passer au-travers de celle-ci.

L'atmosphère est lourde un peu partout. On sent la méfiance chez les uns et même chez les autres. 

La crise sanitaire se poursuit avec pas beaucoup plus de moyens que lors de la 1ère vague survenue en avril. Il y a risque de pénurie pour plusieurs produits sanitaires indispensables. La charge virale diminuera-t-elle? Serons-nous encore exposés à la malignité de l'envahisseur microscopique?

Et le pire, c'est qu'un seul employé qui tombe malade peut entraîner le retrait préventif de la moitié du personnel. Je me suis retrouvé pratiquement seul à travailler en avril. Je devais faire à peu près 18 heures par jour (et nuit!) sinon plus. J'étais vraiment au bout du rouleau au bout d'une semaine. Fourbu de travailler auprès de personnes contaminées avec tout l'attirail plus ou moins efficace. Surtout sans masque N95, lequel semblait réservé aux ambulanciers et aux médecins qui nous rendaient visite.

Bref, je suis sur le qui-vive. Je suis en attente préventive, prêt à mener un autre grand combat de ma vie.

J'écris et peins peu pour le moment. Je trouve plus de temps pour gratter ma guitare; pour jouer du clavier, de l'accordéon ou de l'harmonica. 

Je n'essaie pas de rester zen. C'est le zen qui reste en moi...

Que puis-je faire? Pas grand' chose cette année, sinon mon boulot, pour ne pas dire mon devoir.

Admettons que c'était vraiment la fin du monde, ou bien d'un monde, je me sentirais en position confortable. J'aide mon prochain au lieu de lui faire sauter la cervelle. Je suis du bon côté plutôt que du mauvais. Qu'aurais-je à me plaindre? Je sers la vie alors qu'elle est si fragile, tant pour moi que pour vous.

Je m'étonne d'être aussi calme et d'avoir évacué naturellement tant de colères. Je n'ai pas trop de mérites. Je n'écoute jamais la télé. Je me tiens assez loin des nouvelles formatées par Québecor. Quelques bribes de science ça et là me suffisent amplement cette année. Les crises de bassinette  des enfants-rois qui ont commencé à grisonner, non merci pour moi.

Oui, l'année 2020 est surtout difficile pour les pervers narcissiques, pour ceux et celles qui avaient l'habitude de flasher. Plus rien ne brille cette année. Les ego trips sont au point mort de l'intérêt public. Chacun s'est retiré dans sa chaumière pour refaire le film de sa vie sans intermèdes ni commentaires. Les orgueilleux qui ont besoin du regard des autres pour se donner raison sont délaissés, abandonnés, esseulés. Les autres en profitent pour faire un peu plus d'introspection et moins de ce ridicule tapage de poitrail gorillesque qui caractérise les niais et les fats.

Donc, j'attends 2021 avec impatience. J'ai la stupidité de croire que ça ne pourra pas être pire.



mardi 15 septembre 2020

Francis, Jean-Jean et la peste bubonique

 

Francis parcourait la contrée avec son masque en forme de tête de corbeau. Ce masque, à la lumière des connaissances actuelles de la médecine, le protégeait un tant soit peu des miasmes de la peste. Auquel masque s'ajoutait aussi la longue jaquette noire et les gants. Francis ne prenait plus trop de chance. Il avait vu mourir tant d'amis, tant de collègues. Du bon monde qui croyait que la vie valait la peine d'être sauvée. Du bon monde qui ne croyait pas tant à la fin du monde. Ils et elles servaient Dieu en servant les plus humbles, malades, lépreux, pestiférés.

Ce jour-là, Francis n'avait rien pu faire pour Jean-Jean.

Il se souvenait de ses sarcasmes à propos de son masque, de «ses» miasmes, de son accoutrement ridicule.

-Pourquoi qu'tu t'déguises en corbeau maître la fifille? Tu penses que cela va t'protéger d'la colère de Dieu, connard?

Cela ne le protégeait pas de la colère de Dieu. Mais ça le protégeait tout de même un peu de la peste bubonique. 

Le gros Jean-Jean l'avait attrapée lui aussi. Il râlait et crachait du sang. C'était fini pour Jean-Jean et ses jacqueries.

-Tiens... c'est... Maître Corbeau... dit-il en exhalant son dernier souffle.

-C'est trop tard pour lui, dut annoncer Francis à la veuve de Jean-Jean.

-Qu'allons-nous devenir mon Dieu? Bouhouhou... pleura-t-elle.

-Faites aérer la pièce. Nous allons sortir le corps. Personne ne doit toucher à tout ce que Jean-Jean aurait pu toucher... Nous brûlerons aussi sa paillasse... Faites un feu pour tuer les miasmes... Je vais prier pour vous Madame Jean-Jean...

Francis sortit de chez Jean-Jean tandis que les fossoyeurs peinaient à embarquer son corps dans le charriot. 

Il n'y avait personne dehors. Tout le monde s'enfermait de crainte d'attraper le mal divin.

Encore quelques jours et la fumée aurait balayée cette saleté qui vit dans l'air.

En attendant, il s'agissait pour Francis et ses collègues de ne pas mourir pour continuer de sauver des vies. Au moins celles qui n'étaient pas encore contaminées...

-J'ai hâte que la vie normale reprenne son cours, songea Francis en marchant dans la campagne déserte avec son bâton et sa dague.

C'était au cas où il rencontrerait des voleurs. Même en temps de peste ces diables ne chôment pas.


vendredi 11 septembre 2020

L'art, refuge contre l'insignifiance

Il faut avoir un moral d'acier pour résister à la fatuité et à la vacuité ambiantes.

Se réfugier dans l'art lorsque tout semble absurde autour de soi.

Voilà le peu de sagesse que je m'enseigne à moi-même.

mardi 25 août 2020

Dostoïevski, Hugo, London, les macchabées et je ne sais plus trop quoi...

 Je me plais à croire que le culte que je porte envers la Beauté m'a sauvé du monde.

Dostoïevski, dont je suis le fidèle lecteur depuis des temps devenus immémoriaux, m'a enseigné que la Beauté sauvera le monde.

À cette époque, j'étais plutôt un puceau révolté qui tenait plus des personnages des Possédés de Dostoïevski. J'était ni plus ni moins un «ange exterminateur» prêt à faire oeuvre de rénovation sociale comme on joue à Risk ou Stratego. Les pertes se comptent en pions et jamais en vies humaines. L'idéalisme nous monte à la tête et détruit un peu le coeur au passage. À moins que le destin ne vous ramène vers la Beauté. Alors l'idéalisme cédera volontiers la place au coeur. Et peut-être à l'Amour.

Je sais qu'il y a beaucoup de majuscules depuis le début de ce texte. Je sais aussi que Victor Hugo abusait des majuscules et voyait partout cet incommensurable abîme qui nourrissait son art et sa poésie.

Ce ne sont pas Dostoïevski et Hugo qui m'ont sauvé de quoi que ce soit. Mon sauvetage, je le dois à des humains bien plus humbles et souvent anonymes, c'est-à-dire aux autres.

Plus jeune, je trippais fort sur l'écrivain Jack London. Pour les mauvaises raisons. Parce que comme lui je me disais que tout me réussirait à force d'efforts et de volonté. J'allais me payer de «grandes études»(sic!) avec mon salaire de préposé aux bénéficiaires.  Je travaillerais jour et nuit pour mon triomphe, prêt à y mettre cent heures par semaine, au détriment du sommeil, avec l'aide d'un peu de vin de dépanneur pour demeurer combattif, éveillé et vivant.

Puis j'ai planté. Parce que c'était trop tout ça. Surtout mes études à la faculté de droit à l'Université Laval. De nuit, j'emballais des macchabées dans des linceuls et les emportais à la morgue. De jour, j'étudiais le concept de baux emphytéotiques en droit commercial. J'étais seul à Québec, sans vraiment d'amis ni d'amour. Je vivais en théorie plus qu'en pratique.

Puis, subtilement, le concept de l'amour a pris de la chair et de l'âme en moi.

J'ai pris conscience que sans les autres nous ne sommes rien.

Jack London lui-même s'en était rendu compte lors de la crise économique de 1894. London se croyait un surhomme nietzschéen du monde ouvrier qui allait devenir Gatsby le magnifique par sa propre volonté et propre détermination. Il réalisa plutôt que même le plus fort pouvait être considéré pour rien dans une société comme la nôtre. La crise le projeta au chômage, presque tout nu dans la rue, parmi des millions d'autres humains survivant au capitalisme sauvage. Dès lors, il devint socialiste. Parce que cette société-là n'a pas de sens si elle jette même ce qui est bon, fort, utile.

Évidemment, le point de vue utilitaire m'importe peu. J'ai délaissé la lecture de Jack London pour son recours trop récurrent aux concepts sociaux. Il était à son meilleur dans ses nouvelles à propos de la ruée vers l'Or. Des nouvelles où la vie peut se montrer aussi cruelle que sublime. 

Il a fallu que je les lise tout un été au Yukon, dans l'environnement où il situait ses nouvelles, pour en apprécier toute sa beauté.

Dostoïevski, Hugo, London... Je m'égare encore.

Où en étais-je?

Je vais couper court.

Je ne suis rien sans l'amour.

Rien sans la Beauté.

Rien sans les autres.

Ces leçons que j'ai apprises de vous tous et vous toutes me semblent fondamentales.

Tout le reste c'est de la pure connerie.

J'essaie parfois de m'y intéresser.

J'apporte ma contribution au débat public.

Mais ce n'est pas là que je trouve ma quiétude et mon bonheur.

Il faut sans doute sortir ses vidanges parfois.

Il faut faire des trucs désagréables, bien sûr.

C'est la vie.

Je souhaite seulement de ne jamais être comme ce poète qui contemple le naufrage au loin les pieds bien au sec sur la plage. Ce poète qui pleure et qui clame de ne pas regarder les noyés mais lui qui souffre de les voir se noyer... Combien de ces narcissiques pleurnichards nous empoisonnent l'existence? Au lieu de pleurer sur vous-mêmes, prenez un kayak et allez sauver les noyés. On s'intéressera à vos sentiments ensuite si vous le voulez bien. Ayez du moins la délicatesse de ne pas vous croire dans un état encore plus lamentable que tous ceux et celles que vous auriez pu aider autour de vous sans même faire trop d'efforts.

Je paraphrase du grand Dostoïevski évidemment. C'est tiré du roman Les frères Karamazov

Ce satané Dostoïevski avait trop bien sondé l'âme humaine...

Si vous vous êtes rendus jusqu'ici, c'est que vous me lisez encore.

Voici donc votre récompense.


mardi 18 août 2020

Intouchable et imperturbable

 Si nous devions tourner un documentaire sur la vie des primates il est certain que notre espèce figurerait parmi les plus chaotiques. Il n'en demeurerait pas moins certains traits communs. Les primates ne choisissent jamais la voie de la violence a priori. Ils sont généralement lâches et paresseux de ce point de vue là. Ils préfèrent de loin l'intimidation à la confrontation physique où l'on risque d'y perdre des morceaux.

Un gars peut vous gueuler à deux pouces de la face et n'avoir aucun effet sur vos sourcillements si vous ne vous laissez pas intimider. Vous pourrez le frapper, à la rigueur, métaphoriquement, voire physiquement si le danger vous y oblige. La voie de la métaphore est toujours préférable. Ou bien celle de la parabole. Ça monte et ça redescend. Ça apaise plutôt que de révolter.

Les intimidateurs ont besoin d'une réaction qu'ils peuvent facilement interpréter selon la petitesse des poncifs qu'ils tiennent pour des raisonnements. Leur tenir tête exige plus de silence que de coups de gueule. L'absence de réactions est le plus souverain des mépris qu'ils méritent.

-Vous n'existez pas, doit devenir votre mantra pour résister à leur connerie. Exister, c'est tendre vers quelque chose. Vous ne tendez qu'à vous dissoudre dans votre propre fatuité, fier de votre vacuité mortifère.

En fait, les intimidateurs ne méritent pas de parler à qui ou quoi que ce soit.

Ils peuvent chier tout seul dans leur froc à se croire les forts parmi je ne sais trop quelle bande de lâches décérébrés.

Leur intimidation ne prend pas. Elle n'adhère à rien de ce que je puisse leur offrir. 

Froid et imperturbable devant les baveux, les gorilles, les caves...

Parce que dans ce documentaire sur la vie des primates de mon espèce, je ne passerai pas pour le loser qui se tape la poitrine en chiant des ailes de poulet épicées. 

Je serai le vieux singe qui ne bronche pas au zoo quand tous les autres singes se tapent la tête sur les barreaux de leur cellule.

Prisonnier comme les autres, sans doute, mais intouchable et imperturbable.

vendredi 14 août 2020

L'histoire invraisemblable de Mararadjah LePreshöïzthe

On n'a parfois rien à dire.

Ce n'est pas qu'il n'y ait rien à dire.

Il y a toujours de quoi à dire.

Ce jour-là, Mararadjah LePreshöïzthe (il tenait à ce qu'on écrive son nom ainsi et avait même payé le registre d'État civil pour changer de nom...) alias Mathieu était étendu sur son sofa perdu au beau milieu de la forêt vierge d'une quelconque terre de Caïn.

Mathieu se faisait dévorer par les moustiques sur son sofa.

Aux pieds du sofa, il y avait des champignons. Des vesses-de-loup. Ils étaient frais et comestibles. Le meilleur champignon qui soit. Ça ne goûte pas la moisissure mais les noisettes. 

Mathieu en mangea un ou deux en chassant les moustiques avec une vieille pantoufle.

La pantoufle ne suffisait pas à la besogne. Pif, paf, pouf les moustiques buvaient son sang à tire-larigot...

C'est là que Mathieu sortit sa carte d'assurance sociale où il était indubitablement inscrit Mararadjah LePreshöïzthe. C'était vraiment sa carte. Il montra aussi sa carte d'assurance-maladie, avec sa photo, et le même Mararadjah LePreshöïzthe . C'était lui Mararadjah LePreshöïzthe.

Il tolérait qu'on l'appelât Mathieu. Mais pas que les maringouins et autres bestioles lui soufflent des n'importe quoi à la petite aiguille par ci par là. 

-Cessez tout de suite! Je vous somme d'arrêter!!!

Mathieu leur calissait des coups de pantoufle envouèye don' toé chose.

-Tiens! Mes sacraments!!! Tiens! Tiens! à grands coups de pantoufles.

Puis Mathieu se réveilla.

Il s'était endormi, saoul mort, sur le perron du chalet, tout nu.

Il s'était faitte manger par les bébites toutte la nuitte.

D'où ce rêve décousu.

Mathieu Belhumeur ne s'était jamais appelé Mararadjah LePreshöïzthe.

Cependant, il s'était vraiment crissé des coups de pantoufles.

Et là, la gueule de bois, la peau pleine de boursoufles, le pauvre Belhumeur se trouvait un air médiocre et pitoyable.

-C't'idée d'brosser dans l'bois calice!!!

On n'a parfois rien à dire.

Alors on explore nos rêves pour en tirer quelques leçons.

Dont celle-ci: ne rêve pas tout nu dans le bois sur le perron du chalet avec vue sur la swompe.

Et slaque la boisson tarlais.

Ou n'importe quoi d'autres.

Ça dépend pour qui.

Pour quoi.

Pour quand.

Rien à dire?

Non, là je n'ai vraiment plus rien.


samedi 8 août 2020

Conte du vieux Chien

 Chien était un vieux chien qui passait la majeure partie de sa vie dans sa niche avec une chaîne au cou qui lui permettait de faire une ronde sur à peu près 2 mètres. Son maître se faisait vieux et n'avait plus la force de l'emmener en promenade. Il le nourrissait encore, bien sûr, mais c'était devenu mécanique et froid. Et même que ce n'était plus toujours lui qui préparait les repas et les distribuait. Tant et si bien que Chien le vieux chien s'ennuyait ferme dans sa niche.

La maison de monsieur Caouette était devant la niche de Chien. Monsieur Caouette se faisait vieux lui aussi. La maladie était devenue la chaîne qui le rattachait à sa niche. Il passait ses journées dans sa chaise berçante à regarder Chien qui le regardait aussi.

-Pauvre chien... Si c'est pas une vie que d'la passer avec une chaîne au cou quand l'monde est si grand et si beau...

À peine avait-il soupiré cette pensée qu'il s'endormait, épuisé d'avoir produit tant d'efforts.

-Crétak...

Chien jappait parfois. Comme pour lui dire salut mon vieux.

Monsieur Caouette lui faisait un petit signe timide de la main.

Chien n'avait que Monsieur Caouette pour toute odeur exotique à renifler sur cette rue asphaltée. Il tirait la langue de langueur comme pour lui dire «deviens mon ami» ou «svp coupe la chaîne!».

Monsieur Caouette regardait Chien.

Chien regardait Monsieur Caouette.

Et puis les jours et les saisons passaient.

Jusqu'à ce que Monsieur Caouette quitte ce monde. 

Sa maison était vide et à vendre.

C'était rare qu'il y avait des visites.

Même le facteur semblait bouder le secteur.

L'odeur du Maître humain était à des kilomètres de la niche de Chien.

Une petite fille se chargeait encore de nourrir Chien. D'où venait-elle celle-là? Chien n'en savait rien. Il sortait un peu la langue tendait un peu la papatte mais la fille ne voulait rien savoir. Elle donnait la nourriture et l'eau et puis s'en allait.

Chien était encore plus triste et plus seul.

-Comment peut-on faire ça à un chien? se mit-il à hurler la nuit, au clair de lune.

C'est là que, par miracle, des humains vinrent le délivrer de sa chaîne et de sa niche. 

Il était presque content, Chien.

Il ne savait pas encore qu'il finirait dans une cage. Parmi des tas de chiens abandonnés eux-aussi et hurlant quelle que soit la luminosité de la Lune.

Il sortait la langue, tendait la patte.

-Ça m'a tout l'air d'un bon chien ça, dit l'agente Baribault.

-Mouais... acquiesça son collègue Ibrahim. 

-Dommage qu'il aille se faire euthanasier...

-Qui voudra adopter un vieux chien? Quelle tristesse...

-Mets-en...





jeudi 6 août 2020

Ça sent les oeufs pourris à Trois-Rivières

Hier, un avis de confinement a été émis par la Ville de Trois-Rivières. C'était suite à un incendie dans un entrepôt de produits chimiques destinés à la papetière Kruger. L'usine occupe ce qui fût naguère l'une des plus belles plages de sable fin du Québec, au beau milieu de la ville, parmi les huttes des humains. Ça sent la merde et les oeufs pourris selon la direction des vents. La Ville nous a avisé, plutôt tardivement, à l'effet que le gaz émanant de cet incendie était toxique et dangereux pour notre vie... On nous recommanda de fermer nos fenêtres et nos airs climatisés, voire de calfeutrer les trous de ventilation avec un linge humide. Et ce sur un territoire d'à peu près 10 kilomètres carrés, parmi 135 000 Trifluviens et Trifluviennes.

Ce confinement n'est pas sans rappeler que nous sortons d'un confinement en raison de la COVID-19. Confinement auquel nous pourrions retourner sans appel puisque le virus n'a touché qu'à peu près 3% de la population. Il peut encore muter. Il peut encore tuer. 

Je ne peux m'empêcher de relier tout ça non pas à la lutte contre les changements climatiques, mais à la préservation de la vie tout court. Nous ne pouvons plus continuer comme ça.

Plus nous coupons d'arbres, pour faire des stationnements ou des temples de la surconsommation à grandes surfaces, plus nous menons notre île vers la ruine.

Du point de vue des arbres, Trois-Rivières est la capitale mondiale de leur holocauste.

Pendant cent ans on a pollué les eaux de la rivière Tapiskwan Sipi et du fleuve Magtogoek avec le flottage du bois qui libérait aussi du mercure dans notre eau potable. Les forêts coupées à blanc ont glissé jusqu'aux Trois-Rivières. Les arbres ont été enfournés pour en faire une pâte sur laquelle on a imprimé des journaux ou bien des âneries que l'on a refoulé vers le dépotoir. Pour faire la pâte on n'a pas lésiné sur les produits chimiques. Ni sur leur entreposage. Paf au milieu de la tribu. Vos gueules sales gueux et sales gueuses et dites-vous que vous ne serez rien sans la machine à broyer les forêts qui vous fait respirer cet air excrémentiel, fierté trifluvienne reconnue partout à travers le Québec. «Venez à Trois-Rivières où ça sent les oeufs pourris à l'année longue!»

Dans l'avis émis par la Ville, on disait à la population de surtout craindre une odeur d'oeufs pourris suite à l'émanation de gaz résultant de la combustion d'hydrosulfite de sodium. Ça sent toujours les oeufs pourris à Trois-Rivières. 

Toujours...

Quand est-ce qu'on va fermer la Kruger et la Wayagamak?

Nos vies sont aussi en jeu...




mardi 4 août 2020

La crotte de nez de l'artiste

Je me fais sans doute toutes sortes d'idées sur ce que doit être la vie d'artiste. D'autant plus que j'ai la prétention d'en être un. Prétention qui me vaut son lot d'inconfort. 

Il faut toujours prouver ce que l'on prétend. Saint-Paul avait raison d'écrire aux Corinthiens que la foi n'est rien sans les oeuvres. 

Aussi dois-je m'appliquer une fois de plus à vous pondre un texte alors que l'époque ne roule définitivement pas pour les artistes. Y'eût-il seulement une époque qui roulât pour eux? Je n'en sais rien et vous ne me ferez pas changer d'idée...

Pour ce qui est de mes prétentions littéraires, un art nettement mineur, je vais y aller de deux ou trois anecdotes jetées ici comme si j'allais recevoir le prix Nobel de l'insolite.

Il arrive toutes sortes de trucs bizarres aux artistes, mais c'est centuplé pour les écrivains parce qu'ils se servent de leur plume pour nous bourrer de bobards. On ne se fait pas autant avoir par un air de musique ou bien un coup de pinceau. L'écriture: quel mensonge!

Cela dit, je ferai tout pour ne pas succomber au mensonge. Le truc, c'est de briser autant d'inhibitions que possible, pour écrire comme si l'on en avait rien à foutre d'être lu, su, bu et durludidu.

Ensuite, ça sort tout seul et ça fait du bien. Une rinçure à vous en dégager les neurones pour autant d'heures qu'il le faut pour revenir à l'anormal.

***

Ce matin, vers sept heures trente, un type que j'ai connu dans une autre vie s'est pointé devant chez-moi. Ses cheveux étaient hirsutes et sa mine déconfite avec des traits sévères de trouble mental. C'était nul autre que Fardoche, un gars qui en a trop pris et qui était cool dans le temps. Fardoche traîne maintenant sa misère d'un lieu à l'autre en cognant chez-vous sans prévenir à tout moment de la journée. Dont à sept heures et demi du matin ce matin...

Il avait l'air saoul, Fardoche, mais je prétends qu'il ne l'était pas.

Il était confus. Peut-être sous l'effet des pilules. 

Nous parlions d'art, de littérature et de science autour d'une bière il y a trente ans.

Trente ans plus tard, Fardoche tient des propos incohérents après avoir sniffé des kilos de poudre et bu des tonneaux de bière. Petit, un peu bedonnant, il se tenait ce matin devant ma porte en brandissant un gobelet de café Tim Horton's dans une main et une cigarette Du Maurier dans l'autre.

Je me demandais évidemment qui pouvait bien se tenir à ma porte de si bonne heure alors que je m'étais couché à deux heures du matin.

-Salut l'Gros... T'as une crotte de nez su' l'bord du nez... I' t'manque une dent...

Fardoche m'a dit ça pour toute forme de bonjour ou de salutations...

Je me suis senti un peu amer.

J'ai d'abord enlevé la crotte de nez qui pendait vraiment à mon nez.

Puis je lui ai dit que je travaille de nuit et que j'allais me coucher.

Il a semblé vouloir me dire qu'il resterait là pour fumer sa cigarette.

Je lui ai fermé la porte au nez. 

-J'vais t'en faire toé! T'as une crotte de nez!!! I' t'manque une dent!!! Va don' chier!

Voilà.

Il est parti en titubant et s'est allumé une clope de l'autre côté de la rue, près de la Binerie Chik où il s'en allait déjeuner. 

-C'était qui? demanda ma blonde, un peu inquiète.

-Un gars qui a pété un câble... Dire que ce gars-là était un haut fonctionnaire avec le gros salaire pis toutte...

-J'veux pas r'voir ça icitte... Ça fait peur...

-Avec raison...

Ma porte est virtuellement ouverte à tous et toutes. C'est connu d'à peu près tout le monde.

Par contre, il est possible que ma porte se ferme devant vos yeux si vous m'abordez cavalièrement à propos de mes crottes de nez ou de tout autre particularité de mon enveloppe charnelle.

Je sais que je ne vous ai pas appris grand' chose en écrivant ainsi.

Néanmoins l'écrivain, tout comme l'artiste, se doivent de témoigner de ces événements trop souvent occultés par l'omniprésence de l'utilité.

Il n'y a rien d'utile ni de leçon morale à tirer de cette histoire.

C'est pour ça que je l'ai écrite, bien sûr.

Qu'est-ce que vous pensez? Je suis un artiste.


lundi 3 août 2020

La tendresse

Il n'existe pas de plus beau refuge que la tendresse.

Cette tendresse que l'on ne vit pleinement qu'en échappant aux pressions sociales.

Il est plus facile d'être tendre tout fin seul.

Un peu moins facile à deux, mais c'est possible.

C'est pratiquement impossible en groupe.

Le groupe se laissera emporter par n'importe quoi et n'importe qui.

Le groupe est le degré zéro de la tendresse, sinon son exact contraire.

En groupe, on pense en troupeau. On n'aime plus. On professe. On prophétise. On trompe. On suit.

Qui voit l'oiseau chanter? Pas le groupe. Mais elle. Ou lui.

En groupe, on n'écoute plus oiseaux. On les enterre avec nos angoisses vociférées. 

Seul, ou à deux, peut-être à trois, rarement à cinq, il est encore possible d'avoir un semblant d'étincelle de tendresse dans l'oeil.

Cette étincelle illumine ma vie et lui donne du sens.

Tout ce qui n'est pas de la tendresse, honnêtement, ça n'a pas de sens.

J'abandonne tout ça à n'importe qui ou n'importe quoi, tout le reste: argent, soucis, haine, petites crottes sur le coeur, et coetera.

Je ne suis rien sans la tendresse.

Je dois la préserver comme la prunelle de mes yeux.

Je dois laver mes yeux des ordures de ce monde.

Bref, je dois rêver.

Et tenter, aussi fort que possible, d'appliquer le vieux précepte des évangiles: aimons-nous les uns les autres.

Malgré tout.

Sans perdre la substantifique moelle de mon existence: la tendresse.



mercredi 29 juillet 2020

Voilà

Deux personnes se croisent et tentent tant bien que mal de se parler. L'une est polie, plutôt attentionnée et sans doute altruiste. L'autre est tout le contraire.

L'une: C'est une belle journée aujourd'hui, n'est-ce pas?

L'autre: Hostie d'journée d'marde de tabarnak de calice qu'on enculerait jusqu'à ce qu'a' vomisse d'la marde!

L'une: Quels sont tes hobbies, tes centres d'intérêt?

L'autre: Ça donne quoi des hobbies pis des centres d'intérêt hostie?

L'une: Puis-je t'offrir un café?

L'autre: Ton hostie d'café fa vingt fois que j'te l'dis que j'en veux pas!

L'une: Heu... Ça ne faisait pas encore une fois...

L'autre: Ouin... Ouin...

L'une: À part de ça, tout va bien?

L'autre: Pff... Chu en train de prendre mes messages sur mon cell. Veux-tu bin arrêter de m'déranger?

Alors l'une prit ses claques à son cou et laissa l'autre planter là.

Elle aura mis fin à une relation humaine déplaisante et toxique.

Et maintenant tout va bien.

Voilà.