jeudi 31 juillet 2008

ANALYSE DE LA PRESSE LOCALE TRIFLUVIENNE


Je m'intéresse plus aux «originaux et détraqués» de Trois-Rivières et des environs, pour reprendre l'expression de ce bon vieux Louis Fréchette, que je n'accorde de l'importance à ces enfoirés que les médias locaux encensent quotidiennement. Les députés, le maire et les conseillers municipaux de Trois-Rivières ne sont que des fonctionnaires. Leur vie n'intéresse que quelques journalistes de second ordre qui rêvent d'un poste d'attaché de presse.

Ce qui intéresse un lecteur, généralement, ce ne sont pas les faits rapportés, mais la manière de les rapporter. Quand je vais voir un show, je ne m'intéresse pas aux notes de musique, mais à la musique elle-même.

Que d'encre gaspillée en mièvreries à Trois-Rivières!

«Le maire Lépave aime le pâté chinois. Rencontre avec le conseiller municipal du secteur B, Jos Mongol, collectionneur de timbres. Le député Galarneau joue au golf avec ma tante Germaine. Etc.»

Franchement, je ne lis plus la presse locale pour ne plus tomber sur ce genre de textes pour décrotteurs de nez et déplieurs de trombones.

Je me suis même fait une petite note sur un morceau de bois qui se trouve maintenant collée sur ma boîte aux lettres: «Pas de circulaires SVP!» Ainsi, je m'évite de tomber sur des articles plates rédigés à la hâte par des auteurs froids et monotones qui pratiquent leur métier sans aucun plaisir. Car les journaux gratuits sont encore pires que le seul journal payant de la Mauricie, qui ne vole pourtant pas très haut lui aussi.

-Ah non! je dois écrire un article sur le maire Lépave... Tiens, je vais reproduire intégralement le communiqué de presse de Bidule. Avec la photo de Chose. Puis ma photo, bien sûr, pour que l'on sache que je suis journaliste sans m'avoir lu... ou sans que je n'aie à écrire.

La semaine suivante, c'est ce que je trouve de plus formidable dans tout ça, le journaliste sera payé pour ces inepties qui prouvent hors de tout doute que:

-l'on prend les Trifluviens pour des cons;
-les Trifluviens ne savent pas lire;
-le poisson n'est pas frais mais il s'achète quand même quand on vit à 1000 lieues d'un cours d'eau.

Le problème c'est que les Trifluviens ne sont pas tout à fait des cons. Ils savent à peu près lire. Et la ville est entourée d'eau.

Alors, pourquoi leur sert-on du poisson pourri?

Le Nouvelliste est plate. Je ne prends pas plus d'une minute pour le lire. Je commence généralement par la nécrologie et termine avec le courrier des lecteurs, seule zone vivante du quotidien, avec les chroniques de Jean-Marc Beaudoin, qui a le mérite de savoir l'art de décrire un personnage, malgré quelques préjugés bourgeois des années cinquante.

Voir-Mauricie est encore plus plate. Tellement que je n'en parlerai même pas. J'ai cessé de lire Voir-Mauricie depuis au moins deux ans. Peut-être se sont-ils améliorés mais j'en doute.

La Gazette populaire n'est plus ce qu'elle était du temps de Marie-Danielle St-Laurent et du bouillant Denis Marcotte, l'un des meilleurs journalistes, sinon le meilleur que nous ayons eu dans cette putain de ville.

Le Journal de Trois-Rivières est-il encore publié? Même s'il l'était, il sombre lui aussi dans l'ennui, une très pâle imitation du Journal de Montréal auquel on aurait enlevé toutes ses dents et tous ses chroniqueurs indépendants. Comme s'il ne restait qu'un jeune con édenté pour tenir la chronique mondaine: trois lignes sur tel ou tel plein de marde de la chambre de commerce, deux lignes sur le festival de la pantoufle en phentex et, bien sûr, la grosse crisse de photo de l'idiot du village qui se croit journaliste pour un paragraphe et quinze photos de crétins qui tiennent des chèques dans leurs mains ou des bâtons de golf.

Je ne parlerai pas des autres torchons: de la pub et encore de la pub avec quelques minis paragraphes rédigés par des paresseux ou des illettrés.

Y'a-t-il des journalistes à Trois-Rivières? La question se pose. J'y ai répondu en quelque sorte.

Qu'attendent-ils pour engager Denis Marcotte, hein?

Trop original. Trop détraqué. Trop de talent...

Heureusement qu'il y a l'Internet.

Comme personne ne lit les journaux à Trois-Rivières, parce qu'il ne s'écrit rien d'intéressant, c'est une chance incroyable pour tout blogueur impénitent de percer le marché et de secouer les puces de cette ville située en banlieue de Ste-Marthe-du-Cap.

L'Internet, c'est notre cheval de Troie, ouais. Notre joual de Twois-Ivièwes...

mercredi 30 juillet 2008

JACQUE, ROGER & LEURS ILLUMINATIONS


Jacques et Roger étaient les meilleurs amis du monde du temps de leurs années de bohême.

Ils s'amusaient à tester les limites de l'ivresse sous toutes ses formes parce qu'ils ne voyaient pas comment le talent pouvait venir autrement leur chatouiller les méninges. Ils se défonçaient matins et soirs tout en tentant d'imiter leurs idoles, Jim Morrison et Patof le clown.

Évidemment, avec le temps nos deux bonshommes espacèrent leurs défonces de quelques heures puis de quelques jours de sobriété.

Ils se perdirent de vue pendant quinze ans.

Au bout de quinze ans, quand ils se revirent, Jacques et Roger avaient bien changé.

Jacques était devenu sobre et vendeur d'assurances. Il avait abandonné la caricature et la bande dessinée. Il ne pratiquait plus aucun art.

Quant à Roger, il était encore alcoolique, mais il ne dérangeait personne avec ça, il trinquait après ses quarante heures de travail à la fabrique de tuyaux et il rentrait toujours seul, à la maison, pour sculpter des objets en pierre de savon, entretenant le rêve qu'il serait un jour reconnu en tant que sculpteur inuit post-moderne.

Jacques avait suivi une thérapie de désintox qui lui avait sauvé la vie. Depuis ce jour, il parlait avec Dieu.

Roger, qui ne parlait plus à personne, croyait tout d'abord que Jacques voulait faire une farce quand il se mit à lui parler de Dieu, de la Lumière et de la Foi.

-J'ai trop bu hier pour me mettre à croire à ces sornettes, Jacques. Dis-moi pas que tu crois à ça? Es-tu encore le Jacques qui chantait Dieu est mort en calant une bouteille de Jack Daniel's d'un trait, hein?

-Je ne bois plus Roger. Tu le sais bien. Toi-même, tu devrais suivre mes conseils et faire attention. Tu bois trop Roger. Je dois t'emmener vers la Lumière!

Il y avait en Jacques une forme de lassitude qui glissa vers la soumission à tout ce qu'il dénonçait comme étant de la bêtise du temps où il se faisait des parachutes, un gramme de PCP dans de la bière.

Roger, qui voulait pourtant cesser de boire, se demandait pourquoi Jacques était plus gelé sobre qu'il ne l'était du temps où il se gelait.

Il n'en dit pas plus, pour ne pas froisser son ami qui avait mal vieilli.

Roger était demeuré un adolescent, un peu con, du genre à se pisser dessus quand il était saoul, mais en matière d'interprétation des faits, il dépassait mille fois Jacques et sa Foi débile.

-Un jour tu comprendras, répliqua Jacques. Tu atteindras la Lumière!

-La Lumière! Tabarnak! C'est plutôt toé qui devrait flasher tes lumières mon Jack! Hostie, Jack, t'as l'air lobotomisé! Qu'est- qui t'es arrivé Jack?

-Cesse de me vomir dessus Roger tu es saoul! Tu devrais vraiment songer à arrêter de boire! Viens plutôt vers la Lumière!

***

Roger se réveilla de ce cauchemar formé des résidus de sa dernière rencontre avec son vieil ami Jacques. Il filait un mauvais coton. Il avait trop bu la veille. Cette conversation n'avait jamais eu lieu. Et c'était mieux ainsi. Roger et Jacques ne s'étaient rien dit de trop déplacé. Juste un petit énervement de part et d'autre.

-Je devrais vraiment arrêter de boire. Peut-être que mes sculptures en pierre de savon se vendraient...

Jacques lui en avait achetée une la veille, en lui conseillant de sculpter des anges, des chérubins, des pèlerins, des moines, des contemplatifs...

Et Roger, complètement ingrat, se remis néanmoins à sculpter des filles avec des gros seins...

Il n'avait même pas acheté des assurances chez Jacques. Parce qu'il n'était pas en foin, entres autres.

Sacré Roger! Il est encore loin de la Lumière...

Peut-être qu'il trouvera la Foi.

La Foi qui écrase tout homme et toute femme sous une montagne de mensonges.

mardi 29 juillet 2008

Lettre à un jeune écrivain prometteur


J'ai reçu récemment une lettre pour le moins étrange provenant d'un illettré qui souhaite devenir écrivain. Permettez-moi de vous la présenter intégralement:



Salue!


J'é 18 an. Je lit thon blog et je ri en côlisse.


Je suie moi aussi écrivin et j'écrient en ce moman un roment sur les sammorails. J'espair gagn; ma vi avec l'écritur?.*/"


Quel consails me donnera-tu pour être écrivin, ou bainn dont best-sellers et vive de ma plum;?


Marci et; veux accpted mé salues distingays.


Antoine R.

Écrivin; engager pasioner d'inforrmatic

Monréal


Sur le coup, cela m'a bien sûr jeté en bas de ma chaise tellement c'était mal écrit. Ensuite, après mûre réflexion, j'ai décidé de lui répondre, histoire de ne pas décourager un jeune auteur plein de talent. Voici ce que je lui ai répondu sans qu'il n'ait à débourser un sou de sa poche.



Lettre à un jeune écrivain prometteur


« Cherchez en vous-mêmes. Explorez la raison qui vous commande d'écrire;

examinez si elle plonge ses racines au plus profond de votre cœur;

faites-vous cet aveu : devriez-vous mourir s'il vous était interdit d'écrire ? »

Rainer Maria Rilke, Lettre à un jeune poète

Cher Antoine,


Ta syntaxe est super mais ton orthographe est nulle. Tellement nulle que cela relève presque du génie.


Pour le moment, tu pourrais vivre de ta plume seulement si tu te la plantais dans le cul dans un contexte bien précis, dans une parade de la fierté ou bien dans un quelconque spectacle de variétés.


À moins que tu ne t'efforces à réduire tes fautes d'orthographe pour les ramener à un niveau plus acceptable, à celui d'un professeur de Cégep par exemple.


Il est possible d'enseigner au Cégep sans savoir écrire, ce qui n'est pas invraisemblable compte tenu de cette époque merdique que nous traversons où, à l'instar de Boèce, le sage ne saurait trouver de consolation que dans la philosophie, voire dans L'heure des quilles à TQS.


J'ai connu assez de professeurs incompétents pour que le rêve d'enseigner au Cégep te soit nettement plus accessible que celui de devenir écrivain, engagé ou pas. Même que tu pourrais facilement devenir l'un et l'autre si tu suis bien mes conseils.


Lorsque l'on enseigne au Cégep toutes les portes peuvent s'ouvrir pour un opportuniste illettré qui se ferait passer pour un écrivain. Il ne suffit que d'avoir les bons contacts et de ne pas porter ombrage à ceux qui veulent qu'on leur baise les pieds pour avoir droit à une publication. Être dénué de talent et méconnaître l'usage du français standard: c'est tout ce qu'ils demandent pour te publier.


Donc, pour devenir écrivain, deviens d'abord professeur de Cégep et tu verras, cela se fera tout seul ensuite. Il ne te suffira que de baiser les pieds des personnes susceptibles de te publier. Tu n'auras qu'à te mettre de l'essence d'eucalyptus sous le nez et, bon sang, tu embrasserais un cadavre que tu ne sentirais rien. C'est un vieux truc d'ambulancier. Ils en ramassent, crois-moi, des cadavres ou bien des éditeurs maniaco-dépressifs qui souhaitent se farcir des professeurs de Cégep.


Fais ton chemin parmi ces ordures en te gardant bien de critiquer leur politique rédactionnelle, même si tout le monde sait qu'elle ne repose que sur des caprices de demis-artistes qui souhaitent se venger de l'art en publiant de la crotte existentialiste ou structuraliste.


On trouvera bien quelqu'un pour corriger tes fautes, voire pour écrire ton livre à ta place s'il le faut. Sois serviable et gentil, lèche les pieds, la bite, la pelote, ce que tu veux, mais lèche. Fais le beau ou le pas beau. Tends la patte. Dis merci.


Évidemment, tu ne deviendras pas best-sellers de cette façon. Tes livres seront bien sûr au programme des lectures obligatoires. Mais tu ne recevras que trois dollars et quart pour tout ce travail avec deux ou trois invitations pour le Salon du livre de Liège ou des îles Mouk Mouk. Malheureusement, cela ne fera de toi, au mieux, qu'un pique-assiette de second ordre. Vois-tu, les pique-assiette de premier ordre n'ont pas besoin de tels artifices.

Pour le best-sellers, tu devras donc t'y prendre autrement tout compte fait.


Je te conseille un thriller, tiens, avec un albinos qui voudrait sodomiser le pape ou son fiancé.


Ou bien fais-toi mettre en prison pour meurtre et raconte ton expérience dans un roman qui pourrait s'intituler J'ai tué.


Succès assuré : le monde aime les gens qui tuent. Tous les tueurs figurent dans le dictionnaire des noms propres : César, Napoléon, Hitler, Raskolnikov, etc. Pourquoi pas toi, hein?


Ne te lance pas dans un roman sur un sujet que tu ne maîtrises pas.


Écrire un récit sur le Japon du temps des samouraïs serait nettement au-dessus de tes forces si je me fie à tes fautes de français toutes plus originales les unes que les autres. C'est à se demander si nous n'étions pas mieux d'écrire au son tant qu'à écrire roman comme tu l'écris: roment. Tu confonds avec froment mon pote. Ou bien avec excrément, je ne sais trop.


Parle plutôt d'un joueur de golf ou bien d'un millionnaire. Laisse-les manger des sushis, les Japonais, et consacre-toi à améliorer ton image: lunettes d'écailles de tortue, cheveux peignés sur le côté, foulard palestinien, tee-shirt de Che Guevara et carte de membre du Parti Québécois. Alors là, ils vont tous flancher, je te jure.


Concentre-toi sur ce que tu connais, en l'occurrence pas grand' chose, pour trouver ton souffle d'écrivain.


Ne te laisse pas influencer par Victor Hugo ou Fedor Dostoïevski. D'abord, ils ne t'inviteront jamais à dîner. Ensuite, ils sont morts depuis longtemps. Enfin, ils ne sont pas Québécois.


Dis que tu es influencé par l'œuvre d'un auteur québécois bien coté dans le magazine Lire, mettons Lison Thibodeau ou Gervais Langevin. Dis que c'est bon même si tu ne te rends pas plus loin que le premier paragraphe. Anyway, l'important ce n'est pas d'être un écrivain mais de passer pour un écrivain.


Tu verras, toutes les portes vont s'ouvrir pour toi. Thibodeau et Langevin se sont bien placés les pieds, crois-moi. Ils sont extrêmement vaniteux et quand on leur flatte l'ego ils font des pieds et des mains pour publier le renard qui leur fait lâcher le bout de fromage puant qu'ils tiennent dans leurs becs de goélands coprophages.


Exerce-toi à décrire ta chambre, ton salon, ta laveuse, ta fiancée, ton chien, ta chaise ou ton député de comté. Pour le député de comté, tu peux aussi lui demander du fric pour aller en Belgique, en Suisse ou en France, pour te ressourcer, pour trouver de l'inspiration et vendre une ou deux copies de «J'ai tué».


Pour améliorer ta langue française, je peux seulement te dire comment je m'y suis pris moi-même. J'ai lu deux auteurs français du Moyen-Âge, trois de la Renaissance, quatre du Siècle des Lumières et aucun du vingtième siècle.


Cela m'a permis de comprendre que l'orthographe n'est pas une loi immuable, entre autres, ce qui te laisse encore une chance de percer dans la littérature française d'autant plus que tu écris « je » exactement comme cela s'est toujours écrit à travers les âges.


Tu connais presque tes classiques.


Si tu n'étais pas si paresseux, cela ferait longtemps que tu l'aurais écrit, ton best-sellers.


Prends soin de toi Antoine et méfie-toi de tous mes conseils.


Tu es un écrivain bien plus prometteur qu'il n'y paraît.


Salutations,


Gaétan B.

PS: Un don de cinquante sous serait apprécié pour tout ce temps que j'ai pris pour t'écrire. Tu peux me l'envoyer par Paypal. Récris-moi et je te dirai comment faire.
Ciao!

GILLES LE GORILLE


Gilles n'avait pas tout à fait l'air d'un gorille mais il en avait certains traits. Il était grand, poilu du dos et des sourcils, avec les bras qui semblaient plus grands que les jambes.

Sa démarche était simiesque d'autant plus que ses jambes étaient arquées et son dos recourbé.

Sa lèvre inférieure proéminente laissait toujours s'écouler un filet de bave ou de vomi, selon qu'il avait bu ou non. Il faut dire que Gilles levait le coude plus souvent qu'à son tour et pouvait facilement caler une caisse de douze en un rien de temps, l'une après l'autre, «pour qu'ça fasse plus d'effet», comme il disait, ce singe.

À vrai dire, Gilles ressemblait vraiment à un gorille. J'essayais d'être gentil mais ça ne me réussit pas de chercher à cacher la vérité sous du parfum au lilas.

Gilles restait tout près de chez-moi, près de l'usine de textile Wabasso, à Twois-Wivièwes, dans un quartier mutilé par le chômage et l'aide sociale. Un vrai quartier, quoi, comme je les aime. Avec des types qui sortent de l'ordinaire et de l'ennui.

Comme Avance-Recule, un ex-étudiant au doctorat en psychologie qui, après avoir sauté les plombs suite à quelques badtrips d'acide, se promenait dans les rues de Trois-Rivières en robe de chambre, avançant deux pas et reculant d'un, de la cour du séminaire St-Joseph jusqu'au centre-ville. Pas besoin de dire qu'Avance-Recule faisait hurler les automobilistes même s'il ressemblait au Christ en robe de chambre, ce qui prouve qu'on ne respecte plus rien de nos jours, pas même la religion qui est pourtant tout ce qu'il y a de plus sacré.

Mais je ne suis pas là pour vous raconter la vie d'Avance-Recule. Il me reste encore quelques années à vivre et j'y reviendrai sans doute un jour où je serai en panne d'inspiration.

Pour le moment, c'est le grand Gilles qui m'inspire, Gilles le gorille pour les intimes.

Gilles n'avait jamais été à l'école ou si peu que ça ne vaudrait pas la peine de torcher quelques lignes là-dessus. Il était analphabète. Et quand je dis analphabète c'est vraiment analphabète. En fait, il était plus retardé mental qu'analphabète: un enfant de trois ans dans un corps de gorille de quarante ans. Sa mère écrivait ce dont elle avait besoin sur un petit papier et Gilles, incapable de lire, remettait le papier à un commis, moi par exemple, pour qu'il lui ramène tout ce qui était écrit sur le papier.

J'ai oublié de mentionner que Gilles était fort comme un gorille. À la Wabasso, où il avait travaillé, Gilles était reconnu pour soulever des poids surhumains à bouts de bras. Il était plutôt fier de cette réputation et se sentait toujours ravi d'exécuter un tour de force pour qu'on oublie un moment qu'il n'était qu'un crétin qui ne savait ni lire ni écrire ni baiser. Encore puceau à quarante ans, vivant avec son papa et sa maman, Gilles n'avait rien pour qu'on l'envie, c'est bien certain.

Pourtant, Gilles n'était pas sans talent. C'était un métaphysicien dans son genre, bien plus qu'une créature de cirque. Le plaisir qu'il prenait à exécuter ses tours de force à l'usine Wabasso, à soulever des rouleaux de textile ou des pièces de métal de quelques centaines de kilos, se transforma en instinct de survie suite à la fermeture de l'usine, survenue dans les années '80.

Gilles se rappela qu'on l'appréciait pour ses tours de force. Réduit au chômage puis à la mendicité, Gilles le gorille se mit à jouer de l'accordéon à la taverne Le Petit Tonneau, à deux pas de la Wabasso.

Si d'aventure on lui donnait quelques sous, il venait tout de suite nous voir au dépanneur où je travaillais pour s'acheter une bouteille de St-Georges, un simili-porto dégueulasse plus alcoolisé que tout ce qui se vendait dans le dépanneur. Il calait ensuite sa bouteille de St-Georges d'un trait, derrière le dépanneur, et il revenait à la taverne reprendre son accordéon pour jouer Donnez-moi des roses jolie demoiselle ou bien Alouette, gentille alouette. Et il jouait bien, le bougre. Pas de fausses notes, je vous jure. C'est comme si cet analphabète laid, ridicule, voûté, retardé mental, avait été touché par la grâce de Dieu, si seulement Il existait.

Après avoir bu, Gilles devenait surhumain. Il se mettait à soulever les automobiles ou les autobus stationnés sur la rue. C'est là qu'il allait trop loin. Pour le ramener sur terre, fort heureusement, tout le quartier connaissait la rengaine: «Gilles, on va l'dire à ta mère si t'arrêtes pas!»

-Non! Non! Dites-lé pas à mouman! se mettait-il à pleurnicher, comme un grand con.

Et les autres, évidemment, en rajoutaient. Quel passe-temps que de rire des retardés mentaux, n'est-ce pas?

-Ok Gilles! disaient-ils. On ne le dira pas à ta mouman si tu nous joues encore de l'accordéon!

-Avez-vous d'l'argent les gars pour une bouteille de St-Georges, hein? répliquait Gilles.

-Ben sûr Gilles, tu vas l'avoir ta bouteille de St-Georges, hein les gars? On se cotise-tu?

Et tout le monde payait pour voir jusqu'où Gilles se rendrait ce soir-là juste pour le plaisir d'avoir de quoi se raconter le lendemain. Gilles le gorille était le meilleur remède contre l'ennui qu'avaient trouvé tous ces ivrognes depuis la fermeture de l'usine.

Ça n'allait pas être toujours ainsi...

C'était à l'automne, en novembre '85, au pire moment de l'année pour jouer de l'accordéon. Il n'y avait que de la nostalgie dans l'accordéon de Gilles. Les ivrognes étaient fauchés. Gilles en était réduit à jouer pour une bière aux deux heures, sans St-Georges à 20% d'alcool. Cependant, c'était un mal pour un bien. Une femme à barbe passant par là, parce qu'on n'avait plus le droit de refuser les femmes dans les tavernes, même celles qui portent la barbe, tomba follement amoureuse de Gilles et de son accordéon.

-Tu joues de l'accordéon comme mon grand-père, lui avait-elle dit, avec son regard farouche de grosse mangeuse d'homme avinée.

Gilles ne savait pas comment réagir. Les femmes, jusqu'à ce jour, ça n'avait pas été une réussite. En fait, aucune femme ne s'était jamais intéressée à Gilles, aucune, pas même une femme à barbe. Alors vous comprendrez que Gilles était désemparé comme s'il était la Belle et elle la Bête.

-J'te sucerais toé mon tabarnak! lui souffla-t-elle à l'oreille après qu'il eût exécuté Donnez-moé des roses gentille demoiselle sur son accordéon plus en feu que jamais.

Gilles était comme abasourdi par ce qu'il avait entendu. La première chose qui lui vint à l'esprit fut de se rendre au dépanneur pour me demander s'il pouvait prendre une bouteille de St-Georges, prétendant qu'il rapporterait l'argent demain.

-Ok! lui dit Denis, qui travaillait à la caisse ce soir-là. Mais si tu ne rapportes pas l'argent demain je le dis à ta mouman!

-Oui! Oui! Saint'-Crêche! J'te jure que j'va's t'ramener l'argent mon bon Denis! Que l'bon Dieu t'bénisse Denis! Pis toé aussi Guétan!

Gilles prit sa bouteille de St-Georges, s'en alla derrière le dépanneur, la cala d'un trait puis, une heure plus tard, il se promenait sur la rue avec la femme à barbe qu'il s'amusait à soulever de terre comme une poche de patates. La grosse riait en soufflant des insanités aux oreilles encore chastes de Gilles.

Ce fut leur nuit de noces.

La Belle et la Bête succombèrent l'un pour l'autre.

L'Amour avec un grand A, un scénario pour Jeannette Bertrand qui aurait fait de l'acide.

Du coup, on ne vit plus jamais Gilles à la taverne Le Petit Tonneau.

D'abord, papa et maman moururent dans la même année. Gilles, tout seul dans une grande maison, avec l'argent des assurances mortuaires à boire, accueillit tout naturellement sa dulcinée dans le loyer jusqu'alors familial. La femme à barbe, qui savait lire et écrire tant bien que mal, remplaça les parents pour guider ce malheureux idiot dans ce monde si cruel.

La dernière fois que je l'ai vu, je revenais de Québec pour rendre visite à mes parents. Cela me fit chaud au coeur de voir Gilles, comme si je m'en étais ennuyé. Comme si Québec ne surpassait pas Gilles, Avance-Recule, le Capitaine, la Dame aux sacs, le Sniffeux de pieds et toutes ces créatures trifluviennes qui sont une véritable manne du ciel pour un écrivain.

Les meilleurs matériaux qui soient pour écrire étaient à mes côtés et je ne le savais pas! J'ai parcouru le continent à la recherche de densité littéraire et je l'avais dans la face sans la voir, à Twois-Wivièwes!

Gilles avait grisonné un peu et était nettement plus gras. Il m'a tout de suite salué en brandissant les bras, comme d'habitude.

-Heille Guétan! Guétan! Salut!

-Salut Gilles, comment ça va?

-Ah! Avant ça allait mal. Mais à c't'heure que j'suis avec ma femme, j'suis en Floride tous les soirs! me dit-il en riant avec son gros dentier et ses lunettes de broche qui giguaient sous son rire bon enfant. Haw! Haw! Haw! qu'il riait, Gilles le gorille...

***

Ça doit bien faire quinze ans que je n'ai pas revu Gilles. Il n'habite plus le quartier. Je ne sais pas où il est déménagé. Peut-être qu'il est mort. C'est dur à dire.

Cependant, chaque fois que je joue de l'accordéon, crénom d'une bouteille de St-Georges, je pense à Gilles et m'invente des épisodes scabreux de La Belle et la Bête en version hardcore. Gilles le gorille est pour moi ce que Le temps des gitans était pour Kusturica, j'imagine. C'est ma version trifluvienne des contes d'Odessa d'Isaac Babel, crénom d'un chien.








PS: Ici, une photo de moi du temps où je fumais tout en buvant et en jouant de l'harmonica et de l'accordéon. Je ne fume plus depuis longtemps. Gilles a été le seul accordéoniste que j'aie connu et demeure encore à ce jour mon maître en la matière.

lundi 28 juillet 2008

JEAN-PAUL SARTRE, LE CAFÉ LES DEUX MAGOTS ET LES PÉTASSES


Jean-Paul se demandait si la vie avait vraiment un sens. Est-ce que le sens de la vie est l'essence de la vie? se disait-il en lui-même en lisant un essai de Heidegger sur l'eugénisme germanique.

Tout le monde buvait du café au café Les Deux Magots. Du café fort. Du café sucré. Du café noir. Du café au lait. Du Quick.

Un rai de soleil pénétrant par la fenêtre fit reluire la peau de velours d'une dame aux mains gantées de soie vermillon. Elle s'appelait Mathilde mais tout le monde l'appelait Verrat-La-Truie, allez savoir pourquoi. Elle lisait la correspondance de Flaubert tout en regardant pensivement le plancher ou bien la chaise, s'inquiétant du fait que la chaise ne soit pas vraiment la chaise, mais une perception de la chaise, changeante, mouvante, insaisissable comme la phénoménologie de Husserl, que le recteur Heidegger congédia de son université parce qu'il était juif.

Jean-Paul se demandait si la vie avait vraiment un sens et s'il devait écrire un livre sur la question juive, sur Husserl ou sur Heidegger. Il buvait son café en ayant un regard divergeant sur toutes choses. Depuis qu'il avait écrit Les mots, Jean-Paul savait qu'il était né entre les pages du dictionnaire Littré. Il se plaisait à le croire et tout le monde, hormis les intellectuels, croyait qu'il était complètement givré. Comme il faisait du fric, ça ne paraissait pas trop qu'il avait sauté les plombs depuis belle lurette.

Sartre, alias Jean-Paul, aimait aussi faire semblant qu'il était écrivain pour baiser des pétasses.

La bite dans une main, le crayon dans l'autre, il ne savait plus qui de l'Être ou du Néant lui permettrait de baiser avec toujours plus de pétasses tout en fumant sa pipe.

Voilà pourquoi Sartre était existentialiste. La forme, les choses, les mots, la structure, la synthèse, le truc, la théorie, l'idée et toutes ces fadaises le faisaient moins bander que le cul des pétasses. Mais les pétasses n'auraient rien voulu savoir de lui sans ce jeu de séduction stupide pour pétasses connes comme de vraies pétasses de la Rive Gauche ou d'ailleurs.

Elles voulaient savoir ce qu'est l'existentialisme.

Et Sartre leur montrait sa bite.

Paris sera toujours Paris.

Etc.

ESSAI TRÈS SÉRIEUX SUR L'AVENIR DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE


Je ne suis pas très en forme depuis hier, ce qui me permet d'écrire des textes délirants.

J'ai attrapé un virus ou quelque truc du genre qui vous scie l'estomac et vous fait déféquer sur 360 degrés à toutes les quinze minutes.

Au moment même où j'écris, je me demande si je ne ferais pas mieux d'aller me rasseoir sur la bolle, communément appelée le bol de toilettes chez ceux qui disent un beigne au lieu d'une beigne, pour une raison que j'ignore.

Comme je veux m'entretenir de littérature, donc de mots, il faudrait commencer par là, justement.

Pourquoi un beigne plutôt qu'une beigne?

-Une beigne! dira le fin lettré. Mais voyons, c'est un coup de poing!

-Une beigne c'est une beigne tabarnak! dira le Québécois en mangeant sa beigne, c'est-à-dire son beignet, ce qui fait un peu tapette, beignet, bien que j'aie des amis gays pour me permettre d'employer cette expression qui décrit un comportement individuel bien plus qu'un instrument pour tuer des mouches.

On ne peut pas dire une beigne, voyez-vous.

On ne peut pas dire calice, tabarnak, moé, toé, cibouère d'hostie de st-chrême de plein d'marde de christ de pompier sale du calvaire de prêtre déconcrissé de viârge! Cette phrase n'existe pas et n'existera jamais. Ce n'est pas du bon français. C'est bien trop vivant pour ça.

On doit dire un beigne. Moi. Toi. Et patati. Et patata. On doit avoir l'air du poisson mort et parler la bouche en trou de cul de poule. Un Québécois qui dit toi a l'air de Shrek déguisé en prince du siècle des Lumières. Je dis ça pour rire, bien sûr, puisque je dis autant moi que moé. Je suis rusé, voyez-vous. J'ai compris assez vite qu'on me prendrait pour un nul, dans certains milieux branchés, si je disais moé. Donc, je m'adapte à tous les niveaux de langage et préfère, de loin, le plus humble, le plus vrai: moé pis toé.

Enfant, quand on m'empêchait de dire moé j'avais l'impression qu'on m'empêchait aussi de dire va chier mange d'la marde en algonquin, dont la traduction m'est tout à fait inconnue. C'est d'autant plus ridicule que le roi Louis XIV lui-même disait le roé c'est moé parce qu'il provenait du même patelin bouseux que la majeure partie des Québécois, même de ceux qui s'efforcent de dire moi pour oublier non seulement leurs racines canadiennes-françaises, mais aussi leurs racines normandes, du pays des Ch'tis, tiens.

Dans le cadre de cet essai sur la littérature, je m'en voudrais de ne pas mentionner que Louis XIV passait la majeure partie de son temps assis sur son cabinet d'aisance, à chier abondamment. Il recevait ses courtisans pendant qu'il chiait.

Où veux-je en venir? C'est évident. La langue française est celle de Rabelais, et certainement pas celle de ceux qui écrivent le français comme s'ils traduisaient de l'allemand ou de l'anglais.

Ce n'est pourtant pas si difficile, le français. Tu commences par te dire en toi-même allez tous vous faire enculer et le jour suivant tu écris comme un vrai maître, bien mieux que toutes ces barbotes qui se font passer pour des académiciens de la langue. À part Georges Brassens et André Maurois, les académiciens de la langue française m'ont toujours semblé emmerdants. J'ai compris pourquoi: j'ai été contaminé par l'anglais. L'anglais a fait de moi un écrivain français tout autant qu'un homme libre.

Il n'existe pas d'académiciens de la langue anglaise. Ils les ont tous butés. Le dernier qui ait osé émettre son avis n'a pas été entendu et a même eu la vie sauve. En fait, il ne parlait pas anglais. C'était un Français qui jouait à l'académicien de la langue anglaise après un séjour de trois heures à Londres. Maudits Français! Ils n'existeraient pas que je les inventerais pour les serrer sur mon coeur de bouseux d'outre-Atlantique.

Mes auteurs favoris sont évidemment des auteurs français.

Rabelais, parce qu'il n'a pas peur d'utiliser le mot chier.

Molière et Voltaire, parce que ce sont deux comiques qui voulaient être reconnus pour leurs tragédies médiocres.

Sade, parce qu'en dépit de sa pornographie scatophile il a poussé aux extrêmes limites de la décence non seulement la langue française, mais toutes les langues du monde. Lire Sade, même en traduction, ça sent tout ce qu'il y a de plus laid en l'homme. Je n'aime pas Sade, l'homme, mais l'auteur est vrai, même s'il est sulfureux, immoral et vanté par des personnes que je déteste.

Victor Hugo n'a pas vraiment utilisé le mot chier mais je le lis quand même, comme quoi je ne suis pas fanatique et je peux même lire des grands auteurs classiques. Je vous conseillerais L'homme qui rit, tant qu'à lire Victor Hugo. Cela se lit comme un film, je vous jure. Un type qui s'est fait faire un rire éternel par des gredins, à grands coups de couteau, pour être présenté comme créature de foire un peu partout à travers l'Angleterre: l'homme qui rit... C'est le Joker dans Batman, presque...

Je voudrais bien encore vous citer mille et un auteurs, juste pour pouvoir dire moé pis toé sans me sentir diminué intellectuellement. À la limite, je pourrais m'expliquer en anglais à celui ou celle qui souhaiterait, par témérité, me refuser le droit de dire moé pis toé.

I can speak your monkey language easily buddy and you know what? I don't wanna do it. I just want to speak as I breathe. Thank you for all and goodbye.


Moi et toi... Comme si le roi Louis XIV ne chiait pas sur moé pis toé! C'est tout à fait révoltant! Et on se demande pourquoi après ce fût la prise de la Bastille et le décolletage du seizième Louis, qui disait moi et toi, lui.

Je sacre et écris en langue vernaculaire abondamment sur mon blogue. Quand je vais consulter les statistiques de mon blogue sur Alexa, eh bien je me rends compte que 55% de mes lecteurs proviennent de France.

De France tabarnak!

J'ai mon voyage.

C'est donc dire que les sacres, les jurons et les moé pis toé rebutent moins les Français que les Québécois, qui se sentent coupables de dire moé pis toé. Ils peuvent presque penser que je suis un genre de Pagnol local, qui parle de Guy Goyette comme il parlerait de Marius. Pagnol dont le prénom était Esse. D'où l'espagnol, surnom que je lui donnerais si ce n'était de la crainte de risquer un procès avec ses descendants, peuchère!

L'avenir de la littérature française, si vous voyez où je veux en venir, se fait en écrivant. N'importe quoi. Avec le génie du type qui ne se casse pas la tête pour faire le plus mauvais effet qui soit et nuire à ses chances de réussite parmi les riches opportunistes qui n'aiment pas qu'un pauvre soit opportuniste à sa manière, c'est-à-dire avec ce qui ne s'achète pas, de l'esprit, de l'humour ou du talent, dans l'ordre que vous voudrez.

Vous comprendrez que je ne parle pas de moi, qui ne suis ni pauvre ni opportuniste. Pour l'esprit, l'humour et le talent j'en ai un peu, mais qui ça peut bien intéresser, hein? J'ai envoyé des tas de lettres en France pour leur mendier cent euros pour un de mes textes et aucun de ces maudits Français ne m'a encore répondu, comme si un écrivain ce n'était rien, même s'il te dit de manger d'la marde.

C'est fou ce que les gens sont susceptibles de nos jours. Ce qui me permet, par ailleurs, d'écrire sur l'avenir de la littérature française d'ici à ce qu'ils m'envoient un chèque pour je cesse de les harceler continuellement, au moins une fois par vingt ans.

L'avenir de la littérature française maintenant?

On ne va tout de même pas s'emmerder longtemps avec ça.

Ce n'est qu'un titre.

Il y aura toujours de l'avenir.

Il y aura toujours du français.

Il y aura toujours des patates.

Donc, je me réclame du droit d'écrire et de dire moé pis toé, sans complexes, quand ça me chante.

Je ne sombre pas dans le léandrebergeronnisme.

Je n'ai aucune envie de militer pour toé, pour nous, etc.

J'écris juste moé pis toé, comme ça vient, comme ça se dit, comme ça se chante. Comme ça s'écrit aussi.

Je mange une beigne, pas un beigne.

Je boés d'la bière, pas de la cervoise.

En fait, je ne bois pas de bière. J'ai suffisamment donné à la cause.

Je bois de l'eau ou bien du Seven-Up diète.

Je ne suis même pas un vrai écrivain maudit sur le bord de l'overdose.

Et je me permets d'avoir mes opinions sur l'avenir de la littérature française comme si j'avais bu une caisse de vingt-quatre.

C'est fou ce que c'est chouette la liberté d'écrire.

La liberté de balancer sur le ouèbe tout ce qui te passe par la tête en tendant bien haut le majeur face à tout ce qui pourrait représenter une contrainte de publication.

Mes textes sont maintenant publiés instantanément.

J'emmerde tous les éditeurs, tous les rédacteurs en chef, tous les journalistes, tous les écrivains, tous les automobilistes, etc.

Je n'attends plus après personne.

Pour que la littérature française ait de l'avenir, justement.

Ceux qui me reprocheraient de croire en moi sont plus cons qu'ils ne le pensent.

À part de ça, tout va bien.

Je n'ai même plus envie de chier.

Serais-je guéri de mon virus intestinal?

Je vais aller consulter mon réfrigérateur tout en lisant une page ou deux de Lenny Bruce.

Une fantaisie du lundi matin


Je déteste tous les partis politiques. Je sens qu'il y a autant d'idées fixes dans l'Action démocratique du Québec que dans Gauche solidaire, dans le Parti Québécois que dans le Parti Libéral, voire dans tout le saint-frusquin marxiste-hitlérien.

Les partis politiques sont constitués de cliques de vauriens qui se réunissent ensemble dans le but d'arnaquer tous ceux qui ne font pas partie du club. Les partis politiques sont des véhicules d'ascension sociale pour les deux de pique et les zouaves.

On a qu'à regarder le modèle qui réussit le mieux en politique. Le politicien commence généralement sa carrière à la dernière année du Secondaire, dans une association quelconque de jeunes loups ou de jeunes louves.

Il se fait élire dans son comté après avoir organisé une vente exceptionnelle de billets pour un souper-bénéfice aux fèves au lard du Parti.

Pendant la convention, l'aspirant au titre de politicien a saoulé tous les délégués d'alcool et d'autres drogues bien plus qu'il ne les a saoulés de belles paroles.

Dans sa suite d'hôtel, juste avant l'élection, cela revirait presque à l'orgie. Pas étonnant le lendemain que le king du party soit élu pour les représenter. Il sent encore la vulve ou le pénis d'après la tempête.

À gauche, le scénario varie un peu. Mais c'est encore celui qui peut graisser le mieux tous ses membres qui se hisse au pouvoir. Et je ne parle pas de se graisser d'huile à bronzage, tous les membres... Cela porte à confusion, je sais. Voilà pourquoi je déteste la politique.

À gauche, on se graisse d'un café au Dunkin' Donuts accompagné d'un joint fumé derrière les poubelles, en se partageant les beignes jetées là. Ce n'est pas encore la suite d'hôtel mais c'est un bon début. On imagine la suite s'il fallait qu'ils réussissent. Ils rattraperaient le temps perdu en se bourrant de caviar et de mets excentriques.

-Tu te rappelles du temps où nous mangions dans les poubelles du Dunkin' Donuts, camarade? Et maintenant, nous sommes gras comme des boudins, repus, contents et pleins de fric. Franchement, j'en ai la larme à l'oeil et je dirais même que le peuple est enfin libre! Encore un peu de caviar mon pote? Du champagne?

En politique comme dans tout, je suis mon propre sentier. Je n'ai pas besoin d'une constitution pour affirmer ma souveraineté. Je suis roi. Je suis unique. Je suis indépendant. Je suis stupide. Je suis ce que vous voudrez, mais je ne suis membre d'aucun parti politique et ne le serai jamais.

Premièrement, je suis le type qui fait chier pendant une réception. Je détecte la bêtise facilement et tourne au ridicule sans efforts ceux qui se prennent trop au sérieux. Quelqu'un qui se croit, qui se prend au sérieux, c'est généralement soit un politicien, soit un imbécile, et souvent les deux. Je me sens le devoir de dégonfler sa bulle avec mon scepticisme acide et mon cynisme trop humain.

Je traite toute croyance comme une lâcheté intellectuelle. Je ne parle pas des élans du coeur, que je respecte fondamentalement, mais des discours sur les élans du coeur, bref des croyances. «L'amour, c'est...» Pas trop de définitions, s'il-vous-plaît. Ça sent le donneur de leçons, le politicien à gogo, le député d'avant ou d'arrière-ban. L'amour c'est l'amour, that's it.

Je déteste la politique parce qu'elle suppose qu'on est capable de trouver sa place dans un groupe.

Or, je n'ai pas de place dans un groupe. Je me suis toujours emmerdé en groupe.

J'ai toujours préféré la compagnie d'une à trois personnes à l'orgie de groupe.

J'ai envie de dégueuler quand il y a plus de dix personnes autour de moi.

J'ai l'impression, en pareil moment, d'assister à une convention politique ou bien de perdre mon temps parmi les houbas houbas de la foule monotone.

Et puis le niveau d'intelligence baisse considérablement parmi la foule. Plus il y a de cons, plus il y a de conneries, c'est évident.

Le pire, c'est que je pense que la plupart des gens autour de moi détestent les foules autant que la politique. D'abord, on a jamais vu une foule de huit millions de personnes au Québec. Peut-être deux cent milles, mais pas plus. Donc, l'écrasante majorité des Québécois est constituée essentiellement d'hommes et de femmes libres qui ne militent pour aucun parti politique, n'aiment pas les bains de foule ni les voyages organisés.

Au fond, je fais partie d'une majorité sans le savoir.

La foule, ça finit par te faire croire n'importe quoi, entre autres qu'elle est majoritaire.

Elle n'est qu'active, la foule.

Et les empotés se font parfois entuber par la foule, c'est vrai.

Bon, je suis mieux de m'arrêter là. Je sens que mon cerveau n'analyse pas suffisamment ce que j'écris, comme si je m'exerçais à quelques pratiques surréalistes obsolètes.

dimanche 27 juillet 2008

LETTRE A LIBÉRATION, LE FIGARO, NRF, L'INFINI, LE MONDE, ETC.

Salut mec,

Le texte qui suit est disponible pour cent euros.

On peut le lire à cette adresse.

Je tiens un blogue depuis un an et je me vide le coeur, cette fois-ci, à l'effet que les Français traduisent le slang américain comme des cons.

Évidemment, je ne vous en veux pas personnellement.

Bien sûr, j'accepterais 90 euros si vous êtes un peu à court.

Vous êtes bienvenus au Québec si vous n'avez rien de mieux à foutre. Je vous paie une bouffe comme celle qu'affectionnaient mes ancêtres algonquins: du délicieux ragoût de curé français à la sauce brune.

À la revoyure mec et n'essaie pas de te défiler!

Gaétan Bouchard
Écrivain et journaliste indépendant

Mon tabarnak de blogue:
http://blogsimplement.blogspot.com/

LES FRANÇAIS TRADUISENT L'AMÉRICAIN COMME DES CONS


Je n'ai pas terminé de lire Gonzo Highway, une sélection de la correspondance de l'écrivain et journaliste Hunter S. Thompson. D'abord, je regrette presque de le lire en traduction française. Les Français ne comprennent rien au slang américain. Ils traduisent you're fucking right man par tu dis foutrement vrai mec. Un Québécois aurait traduit ça par t'as crissement raison man.

Et c'est ainsi tout le long de ma lecture, des bordel de merde, des nom de Dieu, des je pige que dalle. Cela donne l'impression que Thompson est né sur la rive gauche et qu'il allait au Café des Deux Magots fréquenté par la bande de ploucs existentialistes dont seulement Boris Vian mérite quelques éloges.

J'ai eu le même sentiment de manger du caca bouilli la fois où j'ai lu On The Road traduit en français. En anglais, le livre-culte de Jack Kerouac est parsemé d'expressions canadiennes-françaises écrites en phonétique, avec un orthographe approximatif, du genre man je veu du la (maman, je veux du lait). Quand à la langue anglaise elle-même, le niveau de langage de Kerouac est plus près de t'as crissement raison man que de tu dis foutrement vrai mec, qui fait un peu efféminé pour un Québécois.

De plus, quand un Américain écrit He gave me a dime for dinner, ça ne veut pas dire il m'a donné la dîme pour dîner, mais plutôt il m'a donné dix cents pour dîner.

Lire On The Road en version française de Paris, c'est comme lire Gonzo Highway traduit de l'anglais par Nicolas Richard. L'effort est louable mais le résultat est nul à chier. J'aimerais mieux lire Hunter S. Thompson en anglais même si je ne comprenais rien à l'anglais. Je le lirais à voix haute en le traduisant comme bon me semble, quitte à écrire n'importe quoi. Je ferais de Hunter S. Thompson un commis d'un magasin de chaussures bon marché qui s'en prend à Timothy Leary à grands coups de bouteilles de rhum et je serais en plein dans le mille ou presque. En tout cas, ça ne saurait être pire que ces traductions stupides produites par des types qui ont mis les pieds une seule fois aux États-Unis lors d'un voyage organisé de trois jours à Disneyland.

Bref, ma critique de Gonzo Highway doit d'abord passer par celle du traducteur, voire de tous les traducteurs de la Vieille France, qui sont des enculés de première, des types qui font semblant de comprendre quelque chose à l'Amérique juste parce qu'ils ont bu deux gallons de ketchup.

Ça prend plus que d'avoir bu du ketchup ou du café filtre dégueulasse à l'américaine pour comprendre l'esprit américain dans ce qu'il a de plus sublime.

Un autre qui souffre d'avoir été mal traduit est sans doute Henry Miller. Tu lis Miller en français et tu as l'impression d'avoir affaire à Jean-Paul Sartre en plus chauve. Ça ne colle pas du tout.

Les Québécois ont une mission importante à remplir pour sauver la littérature américaine des traductions parisiennes nulles à vomir. Je pense que nous saisissons mieux ce que disent, écrivent ou pensent nos cousins, pas nos cousins français bien sûr, mais nos cousins américains. Le général Lafayette comprendrait ce que je veux dire même si Napoléon a vendu la Louisiane pour payer ses guerres en Europe.

Cela dit, Hunter S. Thompson est l'auteur américain le plus authentique que j'aie lu depuis Henry Miller et Charles Bukowski. Évidemment, je n'inclue pas Kerouac. Kerouac faisait semblant d'être un aventurier alors qu'il a passé 99,9% de sa vie à picoler chez maman, à Lowell. On en a fait une icône mais ça sonne creux un peu quand on le relit à jeun. Kerouac a fait une demie heure d'auto-stop dans sa vie et s'est mis à écrire là-dessus pendant vingt ans.

Henry Miller fait figure de père fondateur d'un type de littérature tout à fait nouveau. L'homme a tenté de décrire ce qu'il ressentait, ce qu'il expérimentait, ce qu'il faisait le plus simplement du monde, et il le faisait parfois en France.

On en a fait une icône du sexe, alors que Miller passerait pour un pudibond de nos jours puisque plus personne ne s'offusque aujourd'hui d'une bite rentrée dans une chatte ou bien de quelques Montréalais minables et désabusés qui participent à des soirées sado-masochistes dans un bar qui sent le plastique frais.

Hunter S. Thompson est un peu dans la lignée de Miller. Mais c'est comme si Henry Miller avait consommé un ou deux buvards de LSD avant d'écrire. Ça décoiffe, mec, même si j'en suis à le lire en verlan grotesque, avec les meufs, les laisse béton et tout le tralala fadasse de Français qui a toujours l'air coincé quand il essaie d'avoir l'air peuple.

Bref, je vous déconseille de lire Gonzo Highway en français. Lisez-le en anglais. Ou bien lisez des romanciers québécois subventionnés à l'os pour s'assurer que notre littérature soit toujours terne, nulle et non avenue, piquée de vacuité et de fatuité, bref de la copie pour parlementaires.

Pour ce qui est de Thompson, il s'est tiré une balle dans la tête il y a peu de temps. Je ne sais pas s'il faut tracer un lien entre son décès et sa parution en traduction française. En fait si, on l'a traduit après qu'il se soit suicidé. On n'attendait que ça pour livrer aux locuteurs francophones ces traductions qui ressemblent toutes à des chansons ennuyantes de Renaud. On voudrait lire le type qui disait fuck you, you're just a fuckin' ass hole! Et, par le manque de génie des éditeurs, on découvre un type qui fréquente des loubards tout à fait nazes qui ont cramé la dellechan par les deux tubes, putain d'enfoirés de merde!

Tabarnak!
Traducteurs français, apprenez donc le Québécois! Ça vous aidera pour traduire l'américain.

PS:
J'ai fait parvenir ce texte à tous les journaux et toutes les maisons d'éditions de la France et de ses belles colonies pour créer un incident diplomatique. Ce texte est disponible pour publication si l'on me remet au moins cent euros. Sinon, mangez d'la marde! Il restera tout de même en ligne sur le ouèbe jusqu'à la fin des temps.

Et c'est signé, en plus.


Gaétan Bouchard
Écrivain, journaliste et opportuniste à ses heures; magicien, collectionneur de rien du tout, métis d'ascendance anishnabée/algonquine et gonzo après la lettre

***

Post scriptum du 23 août 2008:

Aucune réponse à ce jour. Qui respecte encore les arts et les lettres, hein?


***

PS du 2 janvier 2009

Aucune réponse. J'ai renvoyé le tout pour un deuxième tour. Je l'ai fait pour l'honneur, pour les arts et les lettres. Et je ne m'attends même pas à ce que l'on me remercie.

***

PS du 12 août 2009

Un blog-magazine, en France, propose de mettre ce texte en lien. Ce n'est pas payant mais c'est mieux que rien...

samedi 26 juillet 2008

HAMMONTON, CAPITALE MONDIALE DU BLEUET


Les bleuets sont à quatre chopines américaines sèches (551 ml) pour 5$ au Super Calice.

Ce n'est vraiment pas cher et franchement, cela m'intriguait. Je me disais qu'ils poussent peut-être sous des tours électriques ou bien qu'ils sont engraissés aux rayons gammas.

Je tape donc le nom de la compagnie sur Google et voici ce que j'ai trouvé. Ces bleuets cultivés de marque Diamond Blues proviennent de Hammonton, une petite localité d'une dizaine de milliers d'âmes de l'État du New-Jersey, patrie de Bruce Springsteen, qui s'autoproclame la capitale mondiale du bleuet.

Et moi qui croyais que c'était Dolbeau-Mistassini...

Vous trouverez ici la liste de tous les festivals du bleuet à travers l'Amérique du Nord, dont le Red, White and Blueberry Festival de Hammonton, NJ. En passant, Hammonton est la ville qui contient le plus d'Italiens à la verge carrée (ou cylindrique) d'Amérique du Nord. Le conseil municipal est essentiellement formé d'Italiens. Il faut aussi acheter ses bleuets en lires italiennes dans ce patelin.

Et je me demandais seulement pourquoi c'était quatre pour cinq piastres... Cela fait combien en lires?

LES ÉMISSIONS D'ENFANCE AVANT PASSE-PARTOUT


Mon héros d'enfance préféré était l'incroyable Hulk. On le voit ici dans ce clip d'ouverture du dessin animé des années '70.

Je suivais religieusement les aventures de l'incroyable Hulk. C'était de mon temps, où les héros étaient des hommes qui n'avaient pas honte d'afficher leur virilité, aussi stupide soit-elle, et bien sûr de se battre, aussi nul que cela puisse sembler.

L'incroyable Hulk a été en quelque sorte mon maître spirituel.

Comme j'étais grand et gros, j'avais toujours de la difficulté à embarquer dans une paire de pantalons. J'avais bien fait de prendre pour modèle d'héroïsme un type qui portait toujours des pantalons trop petits pour lui qui lui pétaient sur les cuisses. Je me disais qu'on pouvait être gros, manger de la bouffe passée aux rayons gammas et en imposer. Et quand je pétais les plombs, je n'étais pas sans rappeler Hulk, avec l'instinct qui venait avec, soit celui de soulever une automobile et de la calisser à cent pieds au bout de mes bras, par exemple. Je ne savais pas vraiment me battre, donc je crissais tout au bout de mes bras, dont ceux qui voulaient me battre. Ah! les enseignements de l'incroyable Hulk...

Évidemment, l'animation faisait un peu défaut chez ceux qui faisaient partie de l'union des copains vaillants. C'était saccadé de plans fixes sur des aquarelles qui tenaient lieu d'arrière-fond mobile. Le plus poche de la série des superhéros c'était Namor. Quand je tombais sur les épisodes de Namor, le roi des Atlantes, je décrochais. Iron Man et Capitaine America me faisaient ni chaud ni froid. Bref, je n'aimais que l'incroyable Hulk, un intellectuel comme moi, le docteur Bruce Banner, qui devient un géant vert. Super!

Pour ce qui est du plan strictement musical, j'aimais la bande sonore de Spiderman. C'était jazzé, funky, brillant. Il y avait des tas de cuivres qui couinaient sur des rythmes de congas, un petit côté mystérieux, comme dans la bande sonore de la télésérie Mission Impossible.

J'ai vécu mon enfance bien avant Passe-Partout, fort heureusement. Je suis un privilégié.

Toutes les émissions de mon enfance était fuckées, des Oraliens psychédéliques en passant par La Ribouldingue, Le pirate Maboule, Patof le clown halluciné, Monsieur Tranquille, Sol et Gobelet, Fanfreluche, Picotine et toute cette bande de dadaïstes qui s'ignoraient.

Les émissions de mon enfance n'avaient pas de sens, étaient absurdes, droguées, gelées raides.

Ma génération, la génération X, a grandi dans un maelström de révolution sexuelle et sociale qui s'arrêta au début des années '80. Depuis 1980, la culture québécoise s'est engluée dans les conneries des donneurs de leçons. L'éducation a supplanté l'imagination. Ce qui a donné lieu à des productions beaucoup plus ternes, dénuées de talent et de génie.

Voilà pourquoi la génération Y s'est ouverte au monde. La culture québécoise, quand cette génération avait sept ans, c'était vraiment de la marde. Heureusement qu'il y avait Goldorak, Capitaine Flam, Albator. Franchement, avoir eu sept ans dans les années '80 j'aurais appris le japonais plutôt que de subir Passe-Partout et le Ministère de l'Éducation du Québec.

Et vous, quelle était votre émission d'enfance préférée?

Ne me dites pas que c'était Skippy...

EN ANNEXE:

Les origines de Hulk.

vendredi 25 juillet 2008

J'EMMERDE LA POLITIQUE!


Je m'amuse parfois à retracer de vieilles connaissances en tapant leur nom sur Google. Hier, je suis tombé sur un blogue politique d'un type que j'ai connu dans mes années de révolte mal chiée. (Ma révolte, aujourd'hui, est bien plus authentique, plus viscérale, moins intellectualisée.)

Donc, je lis son blogue et tout de suite je m'emmerde. De quoi parle-t-il? De politique! Encore et toujours. Rien que de la calice de politique.

Je ne dirai pas que je renie l'importance de la politique, mais certainement que je méprise la politique. Même si je vote. Même si je m'exprime sur le sujet, de temps à autres, parce que j'ai l'impression stupide d'avoir un devoir à accomplir, un devoir de citoyen, preuve de mon aliénation à la politique, dont j'essaie de me libérer en dessinant et en écrivant des récits plus ou moins délirants. Comme ça, je suis certain de perdre toute crédibilité sur le plan politique, ce qui me rassure. J'aime trop dire ce que je pense pour finir ma vie dans une carrière aussi soporifique, aussi peu noble que celle de député d'un quelconque parti constitué de membres du club Rotary ou bien du club de danseuses qui doivent nécessairement serrer des tas de mains pas lavées après avoir été aux chiottes. De plus, le talent est accessoire pour de telles fonctions. Le salaire est médiocre et les petits à côtés finissent par vous nuire.

Cela dit, comment peut-on écrire tous les jours que sur la politique, sans jamais décrocher? Comment peut-on être Lénine, Trotsky ou Staline? Et écrire, par exemple, que les propos du camarade Popoche sont ceux d'un plumitif déjanté qui succombe aux charmes puants de la bourgeoisie mondiale?

Ou bien comment peut-on être un jeune écrivain sans talent qui vante les positions de l'ADQ en multipliant les fautes d'orthographe?

Ou bien un type qui ne voit le monde qu'à travers le prisme de Gauche Solidaire? Vous savez, le crétin qui écrit en féminisant chaque mot, les étudiants et étudiantes, les chefs et les cheffes, les hommes et les femmes, et les transgenres, alouette. C'est souvent illisible et vous ne vous saliriez même pas le cul à vous torcher de cette prose minable, signe évident d'un manque d'esprit, de style et de beauté.

Ou bien un zozo qui connaît les formules convenables et convenues pour séduire la marquise lors des cinq à sept du peuple?

Ou bien un hurluberlu qui livre son opinion sur les BS en s'amusant à les dénigrer sur le mode du névrosé qui a trop consommé de Radio X pour se rendre compte qu'il faut aussi savoir rêver, surtout quand on manque de culture générale et de compassion. C'est de la valeur ajoutée pour un humain, même pour un membre de l'ADQ.

Bref, comment peut-on écrire sur la politique, saint-chrême, tout le temps, sans relâche, comme s'il n'y avait que ça?

Des talents d'écrivain ont été gaspillés par la politique. Les meilleures oeuvres de Victor Hugo sont ses oeuvres artistiques, ses poèmes, ses romans, pas ses discours politiques et ses énervements administratifs.

L'écriture, quand elle est vraie, authentique, vivante, transcende les commentaires sur les commentaires des données archivées.

Les poèmes d'Ovide vieillissent mieux que les discours de Cicéron.

Cicéron, tu lis ça quand tu n'as rien d'autre sous la main, comme l'envers d'une boîte de céréales. À l'université, tu n'as pas toujours le droit de manger des céréales pendant les cours. Alors, tu te tapes Cicéron.

Tandis qu'Ovide, tu l'amènes avec toi en vacances.

Ah! ces auteurs lus pendant les vacances! Ovide, Alphonse Daudet, Claude Blanchard...

En fait, je lis en ce moment Gonzo Highway, la correspondance de Hunter S. Thompson. C'est génial. Je vous reviens là-dessus un de ces quatre.

Salutations.

jeudi 24 juillet 2008

GONZO BÉCHARD, PREMIER DE CLASSE


Gonzo Béchard était toujours le plus grand de la rangée à l'école primaire St-Jean-Bosco, saint patron des enfants pauvres. Il dépassait toute la classe d'une tête. Et plutôt que de baisser la tête, Gonzo avait décidé de la relever toujours plus haute, d'autant plus que son prénom était ridicule. Gonzo! C'est à se demander si ses parents savaient que c'était un prénom des années folles, à l'époque où les filles s'appelaient Florida et les garçons Gonzo, comme dans Gonzo Gariépy ou Gonzo Béchard.

Donc, Gonzo marchait la tête droite. Et il dépassait tout le monde d'une tête même au plan scolaire. C'était un premier de classe, Gonzo, celui qui était toujours choisi pour lire un texte en classe lors de la visite de la directrice ou du concierge. Il avait un joli brin de voix et, de plus, il n'y avait que lui et Hélène St-Maurice qui savaient lire. Les autres, c'est-à-dire nous, eh bien on faisait dur en tabarnak.

Gonzo lisait bien à voix haute, mais il lisait encore plus sans voix, superbement concentré, à la bibliothèque de l'école ou bien à la bibliothèque publique. Comme il lisait tout le temps, il pétait des scores en classe. Ses bulletins étaient impeccables: un cas pour recevoir un jour une médaille du Gouverneur général du Canada.

Et savez-vous pourquoi Gonzo lisait autant? C'est bien simple, Gonzo n'avait pas le choix. Tous ses profs le condamnaient à purger du temps à la bibliothèque compte tenu de son mauvais comportement en classe. Dès que Gonzo s'ennuyait, parce que ça faisait six mois qu'il avait compris une règle de grammaire que l'institutrice s'acharnait à transmettre à notre bande de mollassons, eh bien il se mettait à faire des farces ou bien à caricaturer son prof. Il se faisait toujours prendre parce qu'il riait fort de ses propres blagues.

-Gonzo! À la bibliothèque!

Encore une fois, Gonzo devait aller à la bibliothèque pour s'éduquer tandis que nous n'apprenions rien. C'était la condamnation qu'il souhaitait. Il prenait encore plus d'avance dans la matière et revenait en classe pour faire chier son prof avec ses connaissances fraîchement acquises. C'est que Gonzo avait pour idole le rat de bibliothèque dans Batman. Il savait que c'était faisable, lire à la vitesse de l'éclair. Il ne suffisait que d'emprunter un livre, tiens: Lire à la vitesse de l'éclair, cours de lecture rapide. Tout est à la bibliothèque, tout. Et lisant vite comme l'éclair, Gonzo se mit à lire les manuels des professeurs et tous les trucs les plus soporifiques, dont le dictionnaire Larousse, dans lequel il soulignait les mots qu'il ne comprenait pas pour les réviser la semaine suivante.

Gonzo, c'était comme le p'tit Christ qui faisait chier les docteurs du temple.

-Alors, demain, les p'tits z'amis, nous allons parler des continents...

-Allons-nous aussi parler de la théorie de la dérive des continents du physicien-météorologue Alfred Wegener, madame? pouvait répliquer Gonzo.

-Où c'é' qu'tu prends ça Gonzo tabarnak? entonnions-nous tous en choeur.

-Gonzo! Ça suffit! Va-t'en à la bibliothèque! s'offusquait l'institutrice.

Et Gonzo retournait à la bibliothèque pour se claquer encore plus de livres.

Lorsqu'il revenait en classe, les cours lui semblaient toujours plus lents, plus lourds, plus monotones. Il lisait, il dessinait ou il riait. Et il riait comme un fou, tout seul ou en groupe, avec ce stupide filet de salive aux commissures de ses lèvres, signe d'un contentement pour le moins honteux en un monde si triste pour tout un chacun.

Quand il ne lisait pas un livre, Gonzo dessinait en classe. Et il faisait circuler ses conneries parmi nous. Il dessinait, entre autres, des filles avec des gros seins qui le rendaient populaire auprès de nous parce que, déjà, il savait rendre ça juteux. Ou bien il dessinait un de ses profs pendu après un arbre avec un Iroquois alimentant un feu sous la plante de ses pieds.

Je ne sais pas ce qu'est devenu Gonzo aujourd'hui, mais bon sang qu'il a dû s'emmerder quand j'y repense!

En fait, je sais bien ce qu'il est devenu, mais ça n'ajoute rien à mon récit.

Gonzo, vous l'aurez deviné, c'était un peu moi, comme Madame Bovary c'était un peu Flaubert. Gonzo me va mieux que Madame Bovary, cela dit.

Je ne voulais pas passer pour un hostie de prétentieux.

J'ai sublimé mon parcours scolaire par le biais d'un artifice littéraire. Gaétan Bouchard est devenu Gonzo Béchard. N'est-ce pas que je sais comment m'y prendre, hein?

Le métier d'écrivain me rentre dans le corps. J'écris avec les deux doigts dans le nez. Bon sang que c'est plaisant d'avoir tant de talent pour écrire en si peu de temps. (À peine trente minutes, chronométrées!)

NOTE DU VIETNAMIEN


NDV (Note du vietnamien, un acronyme qui ne signifie rien pour le moment puisque je ne suis pas Vietnamien.)

NDLR (Note de la rédaction?) NDLA (Note de l'auteur, tiens.)

J'avais écrit tout ce récit dans ma tête ce matin, tout en me brossant les dents et en parfumant mon corps budspenceromorphe. Si j'avais pu le télécharger de ma tête vers la machine, j'aurais épargné un temps fou que j'aurais pu consacrer à chanter sous la pluie ou bien à me familiariser avec la langue vietnamienne.

Xin chào tạm biệt! Au revoir, comme disent les Vietnamiens...

mercredi 23 juillet 2008

MON PREMIER COURS AVEC ALEXIS KLIMOV


On a dévoilé hier un vitrail en hommage au poète et philosophe Alexis Klimov. C'est un hommage mérité. De même que celui rendu à Gilles Boulet. Ces deux hommes ont fait beaucoup pour donner confiance aux intellectuels de la Mauricie, pour les libérer en quelque sorte du poids de l'habitude et du fardeau de la médiocrité.

Je n'ai pas connu Gilles Boulet. Je l'ai rencontré une ou deux fois, sans vraiment lui parler.

Mais j'ai connu Alexis Klimov.

Je l'ai même connu d'assez près puisqu'il fût mon professeur et directeur de thèse au cours de mes études en philosophie à l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Il fût aussi mon partenaire de boisson le lundi soir, après les cercles de philosophie, où nous nous abreuvions de vin d'honneur tout en nous moquant des imbéciles ou bien en nous réjouissant d'un type bien qui avait sauvé l'espèce humaine d'un beau geste, d'une belle phrase.

Je ne vous raconterai pas la biographie exhaustive de Klimov. D'autres l'ont fait mieux que moi.

Cependant, je brûle de vous raconter la première fois que je l'ai vu.

MON PREMIER COURS AVEC ALEXIS KLIMOV

C'était à l'automne 1989, après les événements de la place Tien An Men, à l'approche de la chute du mur de Berlin.

Nous sommes trente étudiants entassés dans une salle sans fenêtres du pavillon Ringuet à l'UQTR.

À mes côtés, un type qui a collé la faucille et le marteau sur son coffre à crayons, un autre qui porte des pantalons bouffants lui allant aux chevilles, un qui porte des lunettes en fonds de bouteilles, un vieillard de soixante-quelques piges, quelques vieilles, des types comme tout le monde, des matantes qui retournent à l'université, un avocat, un dentiste, un concierge, un étudiant à vie, etc.

Nous attendons.

Il est neuf heures et cinq.

Si le prof n'est pas arrivé à neuf heures dix, c'est certain, tout le monde s'en va boire à l'Utrek, le bar des étudiants de l'UQTR.

Mais le voilà qui arrive. Un ours aux cheveux noirs avec des favoris blancs. Une pile de livres sous chaque bras, un paquet de serviettes de tables dans la main, il entre en trombe dans la salle de classe, dépose ses livres, ses serviettes de table, s'éponge le front un peu et, voilà, il est fin prêt.

-Bonjour mesdames, messieurs. Ce qu'il y a de plus essentiel dans la vie, n'est-ce pas l'expérience du terrible, je veux dire cette faculté de pressentir cette part de mal qui existe en chacun de nous et que certains ignorent pour le plus grand mal de tous? «L’homme n’est ni ange ni bête , et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête.» Vous l'avez sans doute reconnu. C'est de Blaise Pascal, Pascal qui disait aussi «Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie.»

Et le monsieur est parti! Il nous tient en haleine pendant trois heures, sans pause, sans que nous ne disions quoi que ce soit tellement il est en verve. C'est le meilleur cours que je n'ai jamais eu de toute ma vie. Enfin! Un vrai intellectuel! Pas une foutue imitation!

Jamais il ne s'est présenté. À la fin de son long exposé oral sur le bien et le mal, sur les tièdes qui sont vomis tant par le ciel que par l'enfer, il écrit son nom au tableau avec son numéro de téléphone.

-Voilà où vous pourrez me rejoindre, ajoute-t-il.

-Est-ce qu'on va avoir un syllabus? lui demande une petite rouquine à dents longues.

-Nous verrons cela plus tard madame... Sur ce je vous souhaite à tous une bonne journée!

Spontanément, nous l'applaudissons. Applaudir un prof? Je n'avais jamais vu ça!

Dans une petite ville comme Trois-Rivières, où les intellectuels étouffent, Alexis Klimov était comme une bouffée d'air frais.

Nous n'avons jamais reçu de syllabus de toute la session scolaire.

Je ne l'en remercierai jamais assez.

Son dédain de toute méthode, son mépris des syllabus et formulaires conçus par des fonctionnaires stupides, tout ça m'a naturellement conduit à suivre tous les cours de Klimov pendant mon baccalauréat et mes études à la maîtrise.

Il mérite son vitrail, croyez-moi!

mardi 22 juillet 2008

GUY GOYETTE ET LES CHIENS SALES


Quand il était encore ado, tout un chacun le surnommait Bill. Ça n'avait rien à voir avec son nom. Ni avec son prénom. Il s'appelait Guy Goyette. Son prénom et son nom étaient encore plus drôles que son surnom, Bill, qui faisait un peu mièvre.

Guy Goyette, c'était excellent, évocateur et cela ne nécessitait aucun changement. Voilà pourquoi je l'appelais Guy Goyette plutôt que Bill. L'autre raison pourquoi je l'appelais Guy Goyette repose en grande partie sur le fait que ceux qui le surnommaient Bill s'amusaient à le maltraiter. Petit, maigre et myope comme une taupe, Guy Goyette, alias Bill, était la victime idéale des Chiens Sales.

Les Chiens Sales étaient une bande formée de six à vingt-six voyous. Ils portaient tous un paquet de cigarettes sur l'épaule, sous le tee-shirt à manches trois quart noir et blanc à l'image des groupes de l'heure: Twisted Sisters, Iron Maiden, DEF Leppard, Kiss, etc.

Parmi les Chiens Sales il y avait bien sûr Brunette, un psychopathe qui s'était imposé comme chef de bande en arborant en guise de sceptre un bâton de baseball avec un clou de chemin de fer planté au travers.

Quand on voulait s'en prendre à Brunette, ce dernier n'avait qu'à détruire deux ou trois clôtures de bois à coups de sceptre pour imposer son autorité immédiate. On voyait bien que ça clochait sous la boîte à poux. Et la bande des Chiens Sales n'avait besoin que de Brunette pour se faire respecter.

Les Chiens Sales se contentaient, la plupart du temps, d'envoyer Brunette au front avec son sceptre. Brunette était, en soi-même, tout un concept de guerre éclair. Trapu, laid, le visage ravagé par l'acné, on le craignait parce qu'il n'était pas beau et reconnu comme étant un fou. Brunette ne se battait jamais avec ses poings, mais toujours avec son sceptre ou bien avec ses bottes de travail à embouts d'acier galvanisé de marque Kodiak.

Le chef des Chiens Sales, Brunette, était le fils unique d'un alcoolique qui mourut l'année précédente, après s'être étouffé avec une pointe de pizza, saoul mort, au bar Les Corsaires. Bref, Brunette n'avait pas peur de la mort et tout le monde avait peur de Brunette et de son sceptre, surtout Guy Goyette, alias Bill. Je vous explique pourquoi.

Les Chiens Sales avaient organisé une partie de poker dans le hangar qui leur tenait lieu de quartier général. Brunette fournissait l'argent de Monopoly en parts équitables entre les joueurs. Guy Goyette, qui passait par là, avec un cornet de crème glacée, fût en quelque sorte kidnappé par Brunette.

-Heille Bill! Bill! cria Brunette alors que Guy Goyette léchait son cornet. Heille Bill! J'te parle tabarnak!

-Hum? fit Guy Goyette.

-Bill, on joue au poker. J'te passe deux cent piastres. Tu vas jouer avec nous autres Bill.

-Mais... ma mère m'a dit qu'on irait chez ma tante t'à l'heure... J'peux pas... Désolé!

-Minute Bill! lui cria Brunette en brandissant son bâton de baseball traversé d'un clou énorme. Tu vas jouer comme tout le monde!

Disant cela, Brunette fit voler en éclats quatre à cinq clôtures, à grands coups de bâtons. Des bouts de planches étaient coincés après le clou du spectacle. Cela fit frémir un peu Guy Goyette.

-Ok! Ok! J'vais jouer. Mais juste une partie!

Je ne sais pas comment je m'étais retrouvé parmi cette bande de chiens sales. Un hasard qui n'allait pas durer longtemps. Juste le temps qu'il fallait pour me rappeler ce récit.

Évidemment, il fallait s'y attendre, Guy Goyette perdit la partie. Brunette l'obligea d'emprunter de l'argent de Monopoly pour continuer à jouer.

-T'as pas le choix Bill! Il faut que tu te refasses autrement tu n'seras jamais capable de me rembourser!

-Mais faut que j'aille chez ma mère... on s'en va chez ma tante!

-Fuck ta tante, Bill! Joue hostie! Tiens, trois as deux dames! Qu'est-ce que t'as dans ton jeu Bill?

-Deux valets, trois cartes pas pareilles...

-Tu me dois dix milles dollars de plus, fit Brunette. La partie est finie. Tu peux y aller.

Il lui donna, bien sûr, une grosse bine sur l'épaule pour saluer son départ.

-Ouche! ça fait mal cria Bill.

-Oublie pas de payer ta dette Bill, ou bien j'vais régler ton compte! Tu me dois cent milles dollars en argent de Monopoly. Débrouille-toé pour me remettre ça d'ici demain soir.

Le lendemain, Guy Goyette trembla de tous ses membres toute la journée. Il s'arrangea pour ne pas être en présence de Brunette. Néanmoins, Brunette finit tout de même par mettre le grappin dessus dans le Parc des Pins, alors qu'il passait par là avec un cornet de crème glacée.

-Salut Bill! Est-ti bonne ta crème en glace? lui dit Brunette, sans sceptre, prêt à lui crisser une volée à mains nues.

-J'ai pas l'argent! Je m'excuse! J'ai pas l'argent! brailla Bill.

-Ok. Ok. J'ai pas le choix.

Brunette lui crissa un seul coup de poing dans la figure. Les lunettes de Bill firent trois ou quatre tours en l'air et retombèrent sur le gazon frais. Le nez de Bill se mit à saigner abondamment.

-Arrête de brailler hostie d'tapette! J'vais t'en crisser un autre! hurla Brunette.

Les Chiens Sales riaient jaune. Ça passait un peu de travers cette histoire de foutre une volée à un petit maigre à lunettes. Ils murmuraient entre eux que Brunette était cinglé.

-Tu me dois cent milles piastres d'argent de Monopoly mon hostie de trou d'cul! Tu vas m'rembourser Bill!

-Laissez-moé m'en aller chez-nous! pleura Bill.

-Laisse- partir Brunette! Tu voés ben qu'c'est assez, là... déclarèrent unanimement les Chiens Sales.

Brunette donna encore deux ou trois coups de poing à Guy Goyette et le laissa partir.

Le soir-même, la police débarquait chez Brunette, dans sa famille d'accueil.

Ensuite, nous n'avons plus entendu parler de Brunette, jamais.

ÉPILOGUE


Bill est redevenu Guy Goyette. Il a poursuivi ses études et il est devenu fonctionnaire au bureau de l'aide sociale.

Un peu moins maigre avec les années, portant cravate et verres de contact, Guy Goyette est maintenant méconnaissable.

Son job consiste à rencontrer les prestataires de l'aide sociale pour évaluer le montant auquel ils ont droit.

Hier, Brunette était devant Guy Goyette.

Guy Goyette a évalué à 318$ le montant auquel il aurait droit, compte tenu que Brunette a fraudé l'aide sociale par le passé.

Évidemment, Brunette, devenu très gras avec les ans, était en furie.

-Mon hostie d'crosseur toé! J'veux mon argent! hurla Brunette.

-Monsieur, je vous prie de vous calmer ou j'appelle les agents de sécurité, répliqua Goyette.

-Donne-moé mon cash tabarnak! Vous avez pas l'droit d'me couper mon chèque mes hosties!

Les agents de sécurité intervinrent. Puis les policiers.

Et, encore une fois, on n'entendrait plus parler de Brunette avant longtemps.