mardi 24 décembre 2019

Madame Labrie et ses anges dans nos campagnes

Madame Labrie ne dit jamais un mot. La vieillesse l'a conduite au mutisme. Elle a vécu du travail de ses yeux. C'est une brodeuse hors-pair et une couturière qui valait bien dix machines en termes de production. Puis elle est tombée aussi vieille qu'aveugle. Du coup, elle n'a plus rien à dire. La vie s'écoule lentement entre le fauteuil et le lit et autres aires communes de sa résidence pour retraités. Elle peut encore marcher bien qu'elle n'y voie plus rien. En fait, elle n'a plus le goût d'aller nulle part. Ni de faire quoi que ce soit.

Madame Labrie ne se chicane avec rien ni personne. Il suffit qu'on la conduise un tant soit peu là où elle souhaite se rendre. Et c'est tout. Pour le reste elle se berce dans son fauteuil ou bien sommeille dans son lit.

À l'approche de Noël, Madame Labrie, qu'on n'entend jamais, se prend soudain de l'envie de chanter.

Pendant qu'on la conduit ça et là, il lui arrive d'y aller d'un Adestes Fideles ou bien d'un Dans cette étable un sauveur nous est né...

Les gens sourient sans méchanceté.

-Madame Labrie est de bonne humeur pour le temps des Fêtes! commente madame Albert, sa voisine de la chambre d'à côté, celle qui a un lutin de Dollarama ancré sur sa marchette ces temps-ci.

Les anges dans nos campagnes-heu
Ont entonné l'hymne des cieux-heu
Et l'écho-o de no-o-os montagnes-heu
Reprend ce chant mé-é-lodieux-heu
Glo-o-o-o-o-o-ria! In excelsis deo-o-o!

Y'a pas à dire. C'est le temps des Fêtes. Rien n'est comme d'habitude. Même à la résidence pour personnes âgées de Madame Labrie.

Ce n'est pas nécessairement la fête.

Mais il reste encore des chansons.


vendredi 20 décembre 2019

Seulement ça en passant

Nous traversons une époque difficile pour l'amateur de pures niaiseries.

Toute forme de naïveté pourrait passer pour de l'intelligence avec l'ennemi, quel que soit votre camp.

Je pratique cette naïveté dans mon art et parfois dans mes textes.

Il m'arrive néanmoins de succomber au chant des sirènes de la politique.

Ce n'est pas tant que la politique m'intéresse. Elle me dégoûte pour tout dire. Cependant l'injustice me dégoûte tellement plus que je ferais de la politique pour voir triompher la justice. C'est un paradoxe. Un dilemme. Une niaiserie.

Quoi qu'il en soit, je ferais mieux de retourner à mes contes et autres divertissements.

Je voulais seulement vous dire ça en passant.


mardi 10 décembre 2019

Le Québec au temps de l'École nationale de l'humour

On rit beaucoup au Québec.

On rit beaucoup des autres, beaucoup plus que de nous-même.

La première personne du pluriel est sous contrôle gouvernemental. On a presque réussi à institutionnaliser l'humour et le manque total d'empathie.

Au nom de l'humour, on peut faire n'importe quoi évidemment. On ne s'arrêtera pas aux malheurs d'un handicapé. On visera plus large, plus loin, toujours plus sale. On ne faisait pas mieux dans les cabarets allemands des années '30 et '40 du siècle dernier.

L'humour ça ravigote un peuple. Ça lui donne des ailes. On peut en faire ce que l'on veut après la première blague sur un youpin, un muz ou autres bigarrés de tous azimuts.

Si l'on ne peut plus rire d'autrui, où irions-nous, hein?

Les gens d'icitte ont le privilège de rire de tout ce qui ne ressemble pas au plus petit dénominateur commun de la grande masse des imbéciles. C'est un devoir presque national de rire de tout le monde au Québec... sauf des Québécois. Rire des Québécois ne peut être que le fait d'un traître...

On rit au Québec. Dieu que l'on rit.

Et il n'y a pourtant rien de drôle là-dedans.

Cela ne fait que mettre au grand jour nos ridicules prétentions d'habitants à raisonner comme des niaiseux, en ne s'excusant même pas de faire mal aux autres tout aussi lâchement que gratuitement.

Rire d'une personne qui opprime tout le monde demande du courage.

Rire d'un handicapé ne demande que la sympathie de tous les lâches qui s'en prennent à mille pour fesser sur le plus faible, comme dans la petite cour d'école.

Dans cette petite cour d'école que j'ai fréquentée jadis, on finissait par isoler celui qui riait tout le temps des infirmes.  On lui faisait passer un mauvais quart d'heure.

J'imagine que dans d'autres écoles, dont l'École nationale de l'humour, cette petite crapule serait devenu un héros.

Dans la mienne, on lui aurait fait manger ses shorts.

vendredi 6 décembre 2019

30e anniversaire du féminicide de la Polytechnique

Il y a trente ans un homme enlevait la vie à 14 femmes et blessait autant de personnes à la Polytechnique.

L'homme accusait les femmes de tous les maux de la Terre. Il était l'enfant d'une mère monoparentale plutôt forte et dynamique. L'ingrat n'y aura rien vu. Comme tant d'autres hommes qui se donnent des airs de bête blessée pour glorifier la vanité et la fatuité de leur propre existence de bourreau.

Les hommes ne sont pas tous comme cet assassin. Il serait même un peu malaisé de le rappeler puisqu'il y a vraiment des assassins et des brutes parmi nous, les hommes. On en reparlera lorsqu'il n'y en aura plus. Pour le moment, un peu d'éducation et de vigilance seront de mise. Nous devons nous regarder entre hommes, dans le blanc des yeux. Il faut crever l'abcès et faire sortir les méchants.

La femme est une fleur.

Je ne laisserai personne la flétrir autour de moi.

Que les mortes et les victimes de la tuerie de la Polytechnique trouvent le repos.

Ne laissons pas les discours haineux et la masculinité toxique menacer nos mères, nos soeurs, nos conjointes et nos filles.

Laissons les fleurs pousser en paix.