Manifestation de femmes dans les rues de Petrograd en février 1917... |
Les conservateurs sont au pouvoir. Ils ne s'inquiètent pas des foules qui réclament du pain et des roses. Ils pratiquent l'austérité du temps de guerre. Pourtant, les soldats comme les civils manquent de tout. Et on continue de penser qu'ils avanceront comme toujours, à coups de fouet, comme un vieux cheval paresseux qu'il faut ramener au travail.
Un pouvoir parallèle s'établit en cette époque désorganisée. L'aide ne vient plus d'en haut. Elle s'organise en bas. Le tsar ne s'occupe plus de son peuple, mais d'autres prennent le relais. Ils tiennent des soupes populaires. Ils distribuent une forme d'aide, aussi petite soit-elle, aux nécessiteux. Le tsar est loin, mais ces gens-là sont proches. Ils écoutent les doléances du peuple. Ils le comprennent. Ils saisissent le sens de cette époque de désenchantement à laquelle ils répondent avec des promesses d'espoir qui sont prises au sérieux.
Les semaines et les mois passent. L'agitation gagne les rues. On croyait que ça n'arriverait plus. On croyait avoir enterré à jamais la révolution de 1905. On pensait que les cosaques viendraient toujours à bout des manifestants et autres pouilleux malodorants.
Mais voilà que des femmes en ont assez. Le 8 mars 1917 (le 23 février selon notre calendrier julien) elles sont des centaines de milliers à défiler paisiblement dans les rues de Petrograd. Elles réclament du pain, le retour de leurs maris partis au front, la paix et aussi l'instauration de la république. Elles n'ont pas obéi au mot d'ordre d'un parti politique. Elles ont spontanément pris la rue. Et les ouvriers se sont tout aussi spontanément mis en grève pour se joindre au cortège. Ce sera le premier jour de la révolution russe. Celle qui mena à l'instauration de la république, de la démocratie, des conseils ouvriers et paysans.
Cette révolution spontanée, que l'on connaît mal encore, est profondément pacifique et démocratique.
Le tsar abdique au bout de cinq jours.
Il n'y a pas de massacres ni de traques aux ennemis du peuple. Il n'y a pas d'effusions de sang hormis celui de quelques braves manifestants matraqués par quelques policiers trop zélés qui bientôt désobéiront en masse pour se ranger du côté des révolutionnaires.
C'est le printemps du peuple russe.
Un printemps auquel succédera un coup d'État qui viendra tuer dans l'oeuf cette révolution pacifique, démocratique et légitime.
Lénine sera financé par des banquiers allemands afin de foutre la pagaille dans cette Russie enfin libre.
Trotsky sera financé par des banquiers américains.
On rêve déjà d'appauvrir la Russie pour mettre le grappin sur ces ressources.
Les contre-révolutionnaires bolcheviques mettront fin à ce rêve qui prit naissance le 8 mars 1917 du calendrier grégorien.
La contre-révolution d'Octobre est un coup d'État. Curzio Malaparte ne s'y était pas trompé en comparant les coups d'État de Bonaparte, Lénine et Mussolini. Son essai intitulé Tehcnique du coup d'État lui valut même un séjour en prison sous Mussolini qui ne supportait pas que l'on dévoile ainsi au grand jour sa stratégie pour établir une dictature: s'emparer des journaux, des télégraphes, des gares et autres organes de communication dans un même élan. Puis envoyer un message à la fourmilière humaine: ce n'est plus X l'autorité centrale, mais Y. Vive Y! Et ceux qui ne voudront pas de Y seront des traîtres exécutés sur-le-champ!
Les bolcheviques aboliront la démocratie, transformeront en ennemis politiques tous leurs contradicteurs, rempliront les prisons et instaureront des camps de concentration. Un vrai gâchis que les humanistes révolutionnaires paient encore. Tolstoï se serait reviré dans sa tombe. Ah! si Vladimir Korolenko avait été président de la république, un tolstoïen révolutionnaire et démocratique au lieu d'un Lénine totalitaire...
Ce n'est pas ce que souhaitaient ces femmes qui défilèrent courageusement et pacifiquement dans les rues de Petrograd le 23 février 1917. Elles obtinrent à tout le moins la chute du tsar, l'instauration de la république et de la démocratie, le retour des hommes du front.
Mais leurs espérances furent trahis par l'argent, une fois de plus, une fois de trop.
Mais leurs espérances furent trahis par l'argent, une fois de plus, une fois de trop.
***
En 1916, personne n'aurait cru qu'il y aurait une révolution en Russie.
Le 22 février 1917, une journée avant la manifestation des femmes dans les rues de Petrograd, personne ne croyait qu'elle surviendrait.
Cela s'est produit ici aussi, il y a cinq ans.
Le 20 mars 2012, personne n'aurait cru en ce quelque chose qui allait devenir le Printemps Érable.
Le 21 mars 2012, des centaines de milliers d'étudiants prirent la rue. Ce fut la plus grosse manifestation à ce jour du Québec.
Pendant les jours, les semaines et les mois qui suivirent, le monde entier allait parler de nous, pour les bonnes comme pour les mauvaises raisons.
Le pouvoir libéral, tout aussi indigne qu'infâme, allait faire couler le sang du peuple dans nos rues.
Dans ces rues où de jeunes idéalistes scandaient "D'l'argent y'en a dans les poches d'la mafia!"
***
Un jour ou l'autre, sans qu'on ne l'ait vu venir, des centaines de milliers de personnes reprendront la rue et renverseront pacifiquement ce pouvoir illégitime et odieux.
La nature a horreur du vide et elle se débarrassera facilement de ces politiciens insignifiants à la solde des banquiers et autres promoteurs véreux.
D'aucuns peuvent croire que cela n'arrivera jamais.
C'est mal connaître les cycles de l'histoire.
Je sais que cela se produira.
Je ne saurais dire quand.
Mais ça viendra, tout naturellement, un jour ou l'autre.
Peut-être demain.
Peut-être le 8 mars 2017.
Peut-être l'an prochain.
Comme les réformes sont maintenant impossibles, la révolution est devenue inévitable.
Puisse-t-elle être menée de façon pacifique.
Puisse-t-elle nous permettre de voir de notre vivant un peu de justice et de liberté, tous autant que nous sommes, pour le bien commun.
Pour la république.
Contre toutes les formes que peuvent prendre la tyrannie.
Contre toutes les formes que peuvent prendre la tyrannie.