jeudi 30 octobre 2014

Les grandes heures du matin

Les petites heures du matin portent mal leur nom.  Ce sont pour moi les plus grandes heures de la journée. Je sais bien que l'expression fait référence aux chiffres de l'horloge. N'en déplaise à Saturne, le défilement du temps est prosaïque.  Sa roue qui dévore jusqu'à ses propres enfants ne m'intéresse pas. Il n'y a plus de temps qui tienne aux grandes heures du matin. Chiffres et comptables sont endormis et l'éternité, impossible à trouver dans les obligations du jour, s'impose d'elle-même pour la plus grande joie de votre humble rapporteur d'angles abrupts et de nouvelles qui n'en sont pas.

Aux grandes heures du matin, quand les ivrognes eux-mêmes n'errent plus dans les rues du centre-ville de Trois-Rivières, il ne reste souvent que moi seul. J'enfourche mon vélo, allume mes phares et puis pédale au doux son des pneus qui frottent l'asphalte humide. 

Octobre et novembre sont encore plus désertés que jamais par l'humanité qui souffre. On n'entend plus le vrombissement des systèmes de climatisation. On sent dans l'air la fumée du bois franc qui se consume dans les foyers.

Chaque aurore apporte son lot de paix, d'amour cosmique et d'espérances, je vous en torche un papier.

mardi 28 octobre 2014

La banalité du mal



La banalité du mal est un phénomène qui réussit encore à me déconcerter.

Il y a quelques jours, TVA diffusait les confidences d’un tueur à gages responsable d’au moins vingt-huit meurtres. Il racontait, entre autres, comment lui et son complice se sont fabriqués un four crématoire-maison pour brûler le corps d’une victime.

Le plus difficile, aux dires du meurtrier, c’était de couper le corps en rondelles puis de le faire rôtir jusqu’à la calcination complète des os.

-Le lendemain, j’suis allé déjeuner dans un restaurant pas trop loin, pis pas besoin de vous dire que j’avais pas trop faim… de confier l’ex-tueur à gages sur un ton qui réclame la sympathie.

On en pleurerait avec lui si l’on ne songeait pas aux vingt-sept autres lascars tombés sous ses balle.

On ne ferait même pas cinq minutes de télévision avec quelqu’un qui aurait sauvé ne serait-ce que cinquante vies…

La banalité du mal, vous dites?

***

Au Rwanda, au cours du génocide, il y eut beaucoup d’heureux chez les porteurs de machettes. La vie devenait facile. Il y avait toujours de quoi à manger. Il ne suffisait que de donner des coups de machette sur des membres ou des visages humains et hop! on améliorait son ordinaire. On s’emparait ensuite des maisons, des bijoux, des provisions. Cependant, c’était dur dur pour les poignets, tous ces coups de machettes, et plus d’un génocidaire s’est plaint d’affreuses douleurs articulaires en fin de journée…

Faire le mal ne fais pas toujours du bien.

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Un égorgeur de chats se fait filmer en égorgeant des chiots. Puis il met la vidéo sur l’Internouille. Tous les malades mentaux et autres branleurs du ouèbe se l’arrachent.  L’égorgeur de petites bêtes sans défense récidive sur une autre vidéo en arrachant les ailes d’une mouche. Puis il finit par décapiter un être humain pour ensuite profaner son cadavre. C’est aussi sur la vidéo…

Et puis après? Le vide.

L'extrême et déprimante banalité du mal.

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Quarante-trois étudiants sont disparus au Mexique.  Ils ont probablement été assassinés par les hommes de paille du cartel de la drogue. Ils manifestaient pendant un événement bénéfice de la femme du maire d’Iguala, qui serait la sœur d’un important bandit de la région.

Quant à Mariadel Rosario Fuentes Rubio, eh bien elle tenait un compte twitter où elle dénonçait l’emprise de la pègre sur la société civile. La militante mexicaine, médecin de profession, animait un site de journalisme participatif. On l’a retrouvée morte. Ses assassins ont même poussé l’ignominie jusqu’à pirater son compte. Ces crapules ont posté une photo de la victime ensanglantée avec un message intimidant.

Banalité du mal… Dégueulasserie du Mexique abandonné par la justice…

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Il n’y a pas vraiment de liens entre tous ces événements.  Sinon cette constatation : une vie humaine ne vaut pas grand-chose.

Et puis cet te autre impression : jusqu’où peut-on supporter le mal sans broncher? Qui va broncher quand tout un chacun sera résigné?

Il ne faut pas abandonner le pommier parce qu’on l’a trop mal entretenu.

L’an prochain, avec de bons soins, la tarte aux pommes sera encore meilleure.

Ce n’est pas le fin du fin de la morale.

Je ne suis pas capable de dire mieux pour le moment.

Si j’écris pour ne rien dire, faites-moi signe.


lundi 27 octobre 2014

Vie de ruelle

Voici mon dernier tableau. La photo est un peu floue. Je ferai mieux la prochaine fois. Le tableau s'intitule Vie de ruelle. C'est peint à l'acrylique sur une toile de grand format.

D'autres reproductions de mes tableaux sont disponibles ici sur ma page Facebook.

vendredi 24 octobre 2014

Que sera cet et coetera ou bien l'art de prier quand on ne veut pas prier

Il ne faut pas se méprendre. La prière peut être tout aussi néfaste pour l'esprit que l'autosuggestion.

Prenons Georges Saint-Serin. Ce n'est pas vraiment un adepte de la prière mais il passe tout de même un temps fou devant son miroir à répéter toujours la même phrase.

Vous brûlez sans doute de savoir laquelle, hein?

Eh bien, Saint-Serin se regarde dans le miroir en disant «Je suis un lapin.»

Il peut vous répéter ça, inlassablement, des centaines, voire des milliers de fois.

-Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin. Je suis un lapin....

Au bout d'une semaine Georges Saint-Serin s'est mis à manger des carottes et à chier des glosettes. Pour ce qui est de l'accouplement ça ne lui a jamais vraiment réussi. Qui partagerait le lit d'un fou qui passe ses journées devant le miroir à réciter qu'il est un lapin des milliards de fois? D'où le danger de l'autosuggestion et de la prière pour le reproduction de l'espèce.

***

Quand vous souhaitez prier, dites-vous toujours que vous n'êtes pas un lapin. Oubliez les miroirs et les lieux prétendus saints seulement parce qu'ils brillent dans le noir.

Ne dites rien. Ne répétez pas des suites de mots latins ou bien sumériens qui finiraient par vous étourdir. Chou, hibou, caillou, genou et pou prennent un x au pluriel. Amen les culottes sont pleines. Alléluia en pyjama. Il est grand le mystère de la soif. Et coetera.

Pour prier, ne vous faites pas prier. Prenez vos aises. Respirez comme d'habitude. Mangez mal ou mangez mieux. Allumez vous une cigarette ou pas. Apportez votre vain. Rugissez comme un fauve. Dites chaud devant trois fois en tournant sur vous-même comme un derviche. Escaladez une palissade. Râpez une carotte. Pêchez de la morue. Et coetera.

Les nuages sont très beaux et parfois très laids. Vous pouvez les regarder si cela vous chante. Si vous ne savez pas chanter, essayez de siffler. Si chacune de vos lectures vous change, changez de lecture. N'oubliez jamais un sachet de thé dans une tasse. Et coetera.

Attention aux miroirs! Il y en a qui finiraient par manger des carottes par la racine...

Voilà où nous en sommes en matière de prière, de magie, d'hypnose et d'autosuggestion délirantes.

Je vous mentirais de vous dire que je respecte la religion. Je respecte plutôt les personnes, même celles qui voudraient se prendre pour des lapins.

À bon entendeur salut.

Vous pouvez m'oublier dans vos prières.

Si Dieu est partout, il vous trouvera sans que vous n'ayez à crier son nom tous les jours comme un bébé anxieux incapable de marcher sur ses deux pattes et de jouer sa partie d'échecs comme tout le monde.

Ce n'est pas en barattant son beurre que l'on fait de la margarine.

Je ne sais pas ce que je veux dire par là, mais faudrait surtout pas me prendre pour dieu ou bien son messager.

Je ne suis qu'un pauvre con, comme tous les pauvres cons que nous sommes, tous aussi stupides et nuls à chier les uns que les autres.

Montrez-moi un bel exemple et je vous trouverai mille raisons d'en douter. Je vous le montrerai en train de chier, tiens, et vous ne saurez plus comment lire ses belles paroles de miel qui réconfortent les peureux et dorent les colonnes des temples.

Criez devant un miroir que je suis un lapin, cela ne me ressemble pas du tout.

C'est tout pour aujourd'hui.

Merci beaucoup.








jeudi 23 octobre 2014

L'histoire vraie d'un loup solitaire

Arthur Babeuf-Brébeuf était un jeune gars comme on en voit d’autres qui ne portent pas nécessairement les cheveux courts ou longs.

Arthur aimait surtout ne pas trop se poser de questions. Il fonçait à tête baissée dans la vie. D’une job à l’autre, d’un char à l’autre, d’une blonde à l’autre. Il était toujours très, très occupé puisqu’il devait gérer sa vie avec au moins trois cellulaires sans se tromper dans ses mensonges.

Ce qui devait arriver arriva. Arthur a fini par ne plus se retrouver dans tout ça. Il avait la sensation d’être une quéquette sur deux pattes qui réclame sa ration de houlalas. Arthur a donc rompu avec tous les plaisirs pour finalement ne s’occuper que d’une chose : Dieu.

Pendant des jours et des mois, il ne s’est plus consacré qu’à Dieu.

Il a lâché l’alcool, les femmes, les chars, tout.

Pour Arthur, le principal, c’était qu’il avait Dieu dans la vie.

Et un jour Dieu, qui est un vilain joueur de tours comme on le sait, fit savoir à Arthur qu’il voulait qu’il tue toutes sortes de gens, dont des militaires, des féministes et des incrédules.

-Kill, kill, kill! couinait Dieu dans sa tête un peu trop lourde.

Alors voilà qu’Arthur s’achète des armes et lit toutes sortes de niaiseries sur l’art de tuer son prochain, tout pour servir Dieu le soi-disant miséricordieux.

Et puis il s’en va un jour dans un supermarché et il ouvre le feu sur tout le monde en récitant des belles prières qu’il a apprises par cœur, comme un bon croyant.

Il est question d’enfer, de géhenne de feu, de pleurs et de grincements de dents dans ses litanies.
Puis, fou comme de la marde, il prend son arme, une carabine à plombs, et s’en tire trois quatre sur la gueule.

Il n’y eut aucun mort. Seulement quelques blessés dont monsieur Poliquin qui passait par hasard devant cette carabine à plombs.

Lorsque Arthur Babeuf-Brébeuf demanda à Dieu ce qu’il pensait de tout ce que ce malheureux Arthur venait de commettre, eh bien l’auguste divinité ne trouva rien à redire.


Arthur fût envoyé dans un asile et mis sous sédatifs pour un bon mois.

À propos des fous furieux qui tuent des gens

Vers la fin du XIXe siècle on assista en Europe et même aux États-Unis à une vague d'attentats commis par ce qu'on pourrait appeler des "loups solitaires". Qu'ils soient nationalistes, anarchistes ou ultraroyalistes, on en trouvait dans toutes les idéologies pour aller se faire exploser avec une bombe ça et là.

On a vu l'histoire se répéter souvent depuis.

Y'a cet enragé qui en voulait aux féministes d'avoir gâcher sa vie. Il a fait irruption dans une école et en a massacré plusieurs avant que de retourner l'arme contre lui-même.

Au Danemark, il y eut aussi ce fou furieux qui a ouvert le feu sur une centaine de militants socialistes. Le gus voulait sauver l'Occident et se croyait en croisade contre Dieu sait quoi.

Puis il y a eu le gars qui voulait tuer Pauline Marois et qui a plutôt enlevé la vie à un éclairagiste, brave homme et père de famille, qui ne demandait pas à crever sous les balles d'un malade mental.

En frais de psychopathes, nous sommes particulièrement gâtés ces dernières années.

Du dépeceur de Montréal aux djihadistes d'un jour, on en trouve de toutes les sortes par les temps qui concourent à rendre la solidarité et l'entraide plus importantes que jamais.

Tant qu'à vouloir devenir un héros, ils auraient pu songer à sauver des vies.

Ça ne leur venait pas à l'idée.

Leur ego était gros comme le coeur d'un arracheur d'ailes de mouches.

Pitoyables individus qui se complaisent dans leur caca et qui ne méritent peut-être pas d'être nommés.

Je ferai comme s'ils n'existaient pas.

Aujourd'hui et demain aussi.

Comme si j'étais le docteur Jivago, tiens, dans un monde qui fout le camp.


mardi 21 octobre 2014

Les gosses de riches qui renversaient des bacs à ordures...

Des énergumènes ont renversé des bacs à ordures devant chez-moi cette nuit. On a entendu trois gros boums. Il était trois heures du matin, l'heure du last call et de la sortie des bars.

Ma blonde s'est levée en sursaut. Elle semble avoir reconnu deux collégiens et une collégienne qui demeurent dans l'ancien bloc où vivait mon frère. Il avait déménagé à cause du bruit, entre autres. Le party n'a jamais cessé depuis. Et tous les voisins subissent les dommages collatéraux provoqués par les bacchanales de ces gosses de riches qui n'ont pas mangé leur ration de coups de pieds au cul dans la vie.

Un policier est passé en sens inverse sur la rue cinq minutes plus tard, poursuivant une bande de jeunes probablement expulsés d'un open house party. Il y avait même une jeune femme parmi ce groupe de fêtards en déroute qui tenta presque de redresser les bacs à ordures. Elle abandonna au premier effort.

Dix minutes plus tard, des employés de la voirie sont passés pour redresser les bacs à ordures.

J'étais trop endormi pour faire quoi que ce soit. Ces coups-là se font vite et rien ne prouve à cent pourcent que ce sont nos énergumènes des deux ou trois blocs plus loin qui ont fait ça. Je dirais qu'il y a un doute de zéro virgule zéro un pourcent...  L'oeil de ma blonde ne manque pas d'acuité... Hum...

On parle de réduire la taille de l'État et de couper les retraites des policiers et autres employés de la voirie. Comprenez que cela m'inquiète.

Tous ceux qui veulent réduire la taille de l'État me semblent des hommes de paille qui servent les intérêts des bandits. Moins d'État, cela signifie encore plus de jeux, de bars, de restaurants, de casinos, une économie de pirates et toujours plus de bacs à ordures renversés...

Il n'y a pas de sécurité possible sans État dans l'ordre actuel des choses.

Moins d'État et nous vivrons comme au Mexique, un pays corrompu jusqu'à la moelle où la pègre peut exécuter sommairement quarante-sept étudiants.

Je voudrais bien dire qu'on devrait foutre un coup de poing sur la gueule du connard qui renverse un bac à ordures. Le problème, c'est qu'on ne l'attrape pas toujours sur le coup... Et puis finir avec un dossier criminel pour avoir commis des voies de faits sur un trou du cul, cela porte à réfléchir.

L'essentiel, c'est que les employés de la voirie ont ramassé les bacs et que les flics sont passés sur la rue pour ramener un semblant d'ordre au centre-ville de Trois-Rivières pendant que vous dormiez.

Les gosses de riches qui font la rumba dans le bloc d'à côté vont finir par frapper un hostie de noeud. Je ne sais pas quand ni comment. Y'a quelqu'un qui va finir par leur mettre le nez dans leur caca. Si j'y ai contribué pour quelque chose, ne me remerciez pas. Je ne pense qu'à gagner mon sommeil...

samedi 18 octobre 2014

Simplement une nouvelle enseigne

Chaque saison porte son enseigne à mon atelier-galerie d'art. Celle-ci représente l'automne. La prochaine sera pour l'hiver.

C'est de l'acrylique sur bois et cela demande une bonne couche de vernis par an, minimum.

Je travaille en ce moment sur une suite de tableaux qui devraient être accrochés à mes murs pour l'exposition permanente que je me paie tous les jours. Je n'aime pas téter ici et là pour m'exposer. On n'est jamais si bien servi que par soi-même quand on est sauvage et solitaire.

J'ouvre les portes de mon atelier-galerie d'art de 13h00 à 17h00 les samedis et dimanches. Des visites peuvent s'organiser sur demande en communiquant avec moi par courriel: bouchard.gaetan@gmail.com

J'accepte de travailler sur commande dans la mesure de mon don et de mes pinceaux. Portrait de famille, murale, enseigne, coffre de jouets, pomme ou orange? L'imagination est sans limites. Faites vites si c'est pour un cadeau de Noël puisque le temps est limité même quand il est question d'imagination.

Sur ce, le vieil homme que je deviens retourne à ses travaux.



vendredi 17 octobre 2014

À défaut de son

Rien n'est plus précieux que les sons de la nature pour un vilain de la ville qui passe le plus clair de ses journées dans le bruit incessant des mille et une machines inventées par l'homme pour mieux le faire souffrir.

À défaut du son, j'ai rapporté cette photo. Elle ne dit pas tout. Pourtant je vous assure que ces deux petites cabanes de bois ne disaient rien en fin de semaine, toutes les deux perdues quelque part à Hérouxville.

J'étais assis devant elles à contempler les feuilles jaunies par l'automne.

Les oiseaux gazouillaient, croassaient et picoraient comme de raison.

J'étais bien, tout simplement là, loin des bruits de la ville, encore plus près de la vie brute de nos amies les bêtes.

***

Assez parlé de moi. Cela finirait par m'ennuyer moi-même.

Devrais-je revenir sur la guerre, le virus d'Ebola, PKP ou PFK?

J'ai mon opinion bien qu'elle puisse être tout à fait conne sur à peu près tous les sujets.

Mesurer le monde à l'aune de ses niaiseries confine l'auteur perspicace à un peu plus de modération.

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle et la poésie, que le pré soit vert ou pas, ne se trouve pas dans la politique ni dans les formulaires à remplir par quelque vicaire dévoré de lucre à l'idée de profiter des prébendes de l'État et autres per diem de flagorneurs sans art ni lettres.

La poésie c'est comme la religion: on ne saurait toucher à l'infini qu'en-dehors des institutions.

Toutes les institutions, toutes les associations, tous les regroupements sont nécessairement prosaïques, primaires et un tantinet mesquins.

La vraie beauté n'est possible que dans l'absolue liberté, moment éphémère qui vaut bien tous les autres moments si le temps est mauvais pour tous.

L'absolue liberté ne suppose aucune définition.

La voie que je nomme n'est pas la voie pour toujours, disait un vieux sage qui traversait la Chine à dos de boeuf, c'est-à-dire Lao Tseu. Traverserait-on la Chine en char d'assaut qu'on penserait tout le contraire. Comme quoi le véhicule a quelque chose à voir avec la transmission d'une belle pensée...




mercredi 8 octobre 2014

Comment résister au Mal

La résistance au Mal est un thème d'une telle lourdeur métaphysique qu'il faut se poser en parangon de hautes vertus pour prétendre y répondre adéquatement.

D'où cette fable qui s'achèvera sur une morale à tirer les vers de feue la dépouille de La Fontaine.

Cela se passe dans une cantine sur le bord de la rue Principale à Saint-Diable-Vauvert.

Dans ce village paroissial rempli d'athées, de bouddhistes et de protestants qui s'ignorent, il n'y avait même plus un dépanneur tellement c'était raide pauvre. Il ne restait que la cantine Chez Méo, dirigée d'une main de marde par Marco, son larbin jappant. Il y avait tout de même dix employés Chez Méo puisque le monde pauvre, vous le savez bien, ça mange des frites.

Marco se posait en parangon de la gestion et de la finance alors que tout un chacun s'entendait pour dire que c'était plutôt une tête d'oeuf doublée d'un licheux de cul qui ne s'en prend qu'aux plus faibles.

Méo n'était jamais à la cantine. Il regardait seulement les chiffres. Et sous la gouverne de Marco ou bien de n'importe quelle belette, eh bien la cantine aurait tout de même roulée puisque le gros de l'ouvrage revenait aux employés qui avaient tous un doctorat universitaire mais aussi beaucoup de malchance dans leur parcours existentiel.

Maude avait un doctorat en physique. C'est elle qui comptait pour Marco. Et Jean-François, le gars de soir, avait un doctorat en littérature. Roger, lui, c'était un doctorat en droit notarié. Alberte avait quant à elle un post-doctorat en sociologie. Ils avaient tous et toutes des doctorats, sacrament, Chez Méo, Sauf Marco. Marco n'avait que la baboune et le feu au cul. Il se sentait supérieur parce qu'il avait cinquante cents de l'heure de plus.

Comment résistaient-ils au Mal, hein, ce Mal incarné par Marco qui gueulait comme un sapajou castré et faisait passer ses caprices pour de la grande gestion?

Je voudrais vous dire qu'ils firent entrer le syndicat ou bien pétèrent les pneus de la Honda Civic de Marco. Eh bien non. Ils ne firent rien du tout. Ils résistèrent au Mal.

La morale de cette histoire n'est pas très gaie. Comme d'habitude.

Excusez-la.

dimanche 5 octobre 2014

Les marchands du Temple

Cela se passait aux alentours de Noël, en un temps tout aussi sale que tous les autres depuis la tête d'oeuf du Christophe de Colomb. Évidemment, l'histoire s'est produite dans quelque trou reculé de l'Île de la Tortue, elle-même appelée Amérique pour souligner la mémoire d'Amerigo Vespucci, une manière très européenne d'ignorer les millions d'humains qui vivaient là depuis quelques milliers d'années, peuplades qui ne connaissaient pas la poudre à canons et la Très-Sainte-Religion qui vous mettent un peuple à genoux en moins de deux.

Ce qui fait que cette ville ne portait plus le nom qu'elle avait toujours portée pour ces Sauvages qui n'étaient même pas capables de savoir qu'ils vivaient sur le continent d'Amerigo Vespucci en personne.

Du temps des wigwams et autres pyramides mayas, on appelait ce trou-là «Lieu-où-se-décharge-tous-les-vents». Maintenant, ça s'appelait Saint-Lazare-sur-Saint-Laurent. C'était, entre autres, la capitale du chômage au pays. Il y avait un port et un campus universitaire où l'on ne formait que des techniciens en comptabilité pour répondre aux besoins de la famille Grolette. Les membres de la famille Grolette composaient l'élite de cette ville en banqueroute. Les Grolette étaient partout. Et le maire, comme de raison, s'appelait Roger Grolette.

Toujours est-il qu'aux alentours de Noël l'on trouva le moyen de sauver un événement commercial amplement déficitaire en le déplaçant du centre-ville vers la Sainte-Basilique-de-Sainte-Hildergarde-de-Bingen, haut-lieu d'apparitions surnaturelles et de guérisons miraculeuses à rabais.

Le Marché de Noël creusait une dette d'une année à l'autre au Parc Octave-Grolette. Idem pour le Festival des crèches de Noël de la Basilique. Alors pourquoi pas jumeler les deux événements, hein? Les miracles se produisent souvent dans le coin de la Basilique. Autant savoir en profiter.

Ce qui fait que le Marché de Noël, avec ses bouteilles de sirop d'érable et ses shampoings à la laine de chèvre, s'installa Gros-Jean comme devant pendant l'Avent de la Nouëlle du camp de la peur, à deux pas de la Sainte-Basilique, à héler les Chrétiens pour qu'ils achètent le terroir, histoire de remplir les tiroirs des maquignons de tous les cantons.

Jésus Bournival ne voyait pas d'un bon oeil l'arrivée du Marché de Noël près de la Basilique, lieu de réflexion et de saint-sépulcre où son esprit déjanté trouvait parfois un semblant de repos. Il est vrai que les vitraux de la Basilique étaient magnifiques pour un gars qui n'avait même pas un vieux poster ou bien un cadre sur les murs de son misérable logis. La beauté et le mystère de la Basilique pénétraient bien creux dans l'âme enragée de Jésus Bournival, un gars qui n'était pas très gros et pas vraiment moustachu, un gars simplement calotté d'un couvre-chef de joueur de baseball et vêtu d'une salopette de travail Big Jim. Il devait avoir trente-trois ans, l'âge idéal pour s'appeler Jésus.

Une fréquentation assidue des saintes-écritures cela finit par vous ramollir le cerveau et interagir négativement avec la logique de base, même si la plupart du temps elle ne sert à rien.

Jésus Bournival ne supportait tout simplement pas l'idée qu'il y ait un Marché de Noël sur les lieux sacrés et trois fois très saints de la Basilique.

-Ah bain! qu'il disait. Les hosties d'marchands du Temple! Faudrait les fouetter! Grrr! C'est ce que ferait Jésus s'il était de retour!!! Grrr... Salle de bain! C'est que c'est moé JÉSUS! Grrrr! Vade retro foirasseux de foire commerciale! Engeance de vipère! Venin de serpent! Vidanges de l'enfer! Vous brûlerez dans la géhenne de feu avec des cris et des grincements de dents! Grrr! Il y a tout de même des limites à souiller ainsi la maison de mon Père qui est aux cieux pour que son nom soit glorifié! Ô mon Père! Donne-moi la force de ne pas laisser ta maison devenir un événement subventionné à perte par l'argent de nos taxes et de nos impôts! Colère et indignation s'emparent de moi! Ô rage! Ô vindicte! Eau chaude! Eau frette!

Aussitôt sorti de la Basilique, où il était allé se recueillir comme d'habitude, Jésus Bournival fonça sur le Marché de Noël d'un pas décidé, tenant en sa main le semainier paroissial. Il en avait fait un rouleau qu'il tenait fermement dans sa dextre et jurait de s'en servir pour châtier les marchands qui le voyaient marcher vers eux d'un air pas trop régulier.

-Qu'est-ce que c'est? demanda Jésus au premier vendeur de sirop d'érable qu'il accosta.

-C'est du sirop d'érable... Directement de St-Narcisse... lui répondit le gros bonhomme.

-Engeance d'excréments! Voilà ce que je fais de ta marchandise, boutiquier! Tu insultes la maison de mon Père!

Et voilà que Jésus donnait des coups de semainier paroissial à la volée sur les bouteilles de sirop d'érable et autres produits de l'acériculture.

-Mon tabarnak toé! hurla l'acériculteur, rouge comme une feuille d'automne, tout en empoignant solidement Jésus par le collet.

-Malheur à vous marchands du Temple! Sodomites! Serviteurs du Malin! Vendeurs de pacotille!

Les policiers et les ambulanciers arrivèrent rapidement sur les lieux.

Jésus Bournival fût vite ramené au cinquième étage de l'hôpital Sainte-Marthe.

Il passa devant le psychiatre Ponce Pilâtre lui-même, le gars qui passe le matin à La Mort en Mauricie, une émission poche qui comble une case horaire.

-Qu'est-ce que la vérité? demanda-t-il d'abord à Jésus lors de leur première rencontre.

Jésus Bournival ne trouva rien à redire.

Et les Marchands du Temple, cette année-là, comme toutes les autres, se promirent tout un chacun de renouveler l'expérience du Marché de Noël pour l'an prochain, même si l'événement s'était montré une fois de plus largement déficitaire -et cela sans que Bournival n'y soit pour quelque chose.