jeudi 28 mai 2020

Extrait du journal d'un préposé aux bénéficiaires artiste-peintre et écrivain...

Mon ombre...
Je ne sais pas si les gens autour de moi se rendent compte des efforts surhumains que je puis faire en tant qu'écrivain et artiste. Je bosse quarante heures par semaine dans l'un des pires métiers qui soit pour se faire lessiver physiquement et mentalement. Être aide-soignant, ce n'est pas de la tarte...

Évidemment que je ne dis pas ça pour me plaindre. Mais comment occulter cette partie essentielle de ma vie? Cela ne peut qu'influencer ma production dans le domaine des arts et des lettres. Peut-être négativement. Peut-être positivement. Ne pouvant pas me permettre vraiment le luxe de l'oisiveté j'hérite sans efforts d'un certain sens du travail. Je ponds mon oeuf tous les jours ou presque depuis des lustres et des chandeliers. 

Souvent, je n'ai pas le temps. Je lis et écris à la sauvette. Comme si c'était le dernier jour de ma vie. Toujours. Parce que le temps presse. Parce que j'ai 52 ans. Parce que j'en ai trop encore à sortir de ma tête. Je ne vous ai montré que la pointe de l'iceberg. Le reste est enfoui sous l'eau. Ou bien dans ma boîte de Pandore. Ne souhaitez pas que je l'ouvre, cette boîte... Il y en a trop!

J'écris et dessine depuis ma tendre enfance. J'ai jeté au moins 80% de tout ce que j'ai fait. Sinon plus. Ce fût mon école. Pas le temps de niaiser. Tu dessines. Tu écris. Et tu jettes tout. Et tu recommences.

J'étais souvent seul. J'avais des amis. De très bons amis: le Bief, Ti-Kass, Frank Bill Bull, Bras-d'aiguille, pour ne nommer que ceux-là. Mais je m'enfermais dans mes affaires. Dans mon monde. Je bricolais avec mes blocs de Lego, ma plasticine, mes crayons, mon papier, mes livres. 

La bibliothèque municipale de Trois-Rivières m'a remis un prix en 1980. Un prix  en raison du fait que j'étais l'usager qui avait emprunté le plus de livres à la bibliothèque au cours de l'année dans ma catégorie d'âge. Je voulais tout savoir. Tout. Si c'était trop compliqué pour ma petite tête, je commençais par des ouvrages de vulgarisation. Nietzsche pour les nuls. Freud pour les nuls. Marx pour les nuls. Et le nul que j'étais fréquenta bientôt Nietzsche, Freud et Marx dans le texte.

Je ne ferai pas ici l'étalage de mes connaissances. Je ne suis pas si brillant que je voudrais en avoir l'air. J'étais solitaire et j'avais du temps pour la bibliothèque. 

J'aurais normalement dû travailler dans un domaine plus ou moins lié à mes facultés intellectuelles et mes aptitudes générales. Ce n'est pas parce que je n'aurai jamais essayé! J'avais un baccalauréat de philosophie en poche avec l'équivalent d'un certificat en droit effectué à l'Université Laval. Le droit me pesait beaucoup trop sur l'esprit. J'y allais pour devenir le défenseur de la veuve, de l'orphelin et du crucifié. J'allais vite déchanter. Je suis tombé dans Trotsky. Puis dans un problème criant d'argent. Alors je suis devenu préposé aux bénéficiaires au Centre hospitalier de l'Université Laval pour «gagner» mes études tout en manifestant pour la révolution socialiste. Je les aurai finalement perdues, en quelque sorte, ces études. Et c'est mon boulot d'étudiant qui est devenu mon boulot de vieux con à 52 ans...

En ai-je des regrets? Pas du tout. Je l'avais clairement exprimé au tout début de la rédaction de mon blog Les récits d'un préposé:

«J'ai essentiellement travaillé dans le secteur communautaire au cours de ma vie. Je ne défilerai pas tout mon cv sous vos yeux mais disons que j'ai été organisateur communautaire, directeur de station de radio, rédacteur en chef d'un journal de rue, administrateur, en plus d'avoir effectué mille et un métiers en raison d'un marché de l'emploi plutôt fluctuant pour tout le monde par les temps qui concourent à nous faire courir.
On m'a proposé d'y travailler de nuit.
Et j'ai naïvement accepté la proposition.
Pour plusieurs raisons. La première étant ce besoin brûlant de contribuer à quelque chose dans la vie. Ce besoin de me sentir utile dans un monde cynique et froid. Ce besoin de mettre l'empathie au-dessus de toutes les valeurs humaines. Cette nécessité de faire du bien dans un monde où l'on se fait tant de mal.»
J'ai écrit ça le 6 février 2019. Je partage encore ce point de vue, vous vous en doutez bien.

Avant de reprendre du service en tant que préposé, je bossais à titre d'assistant-superviseur pour l'Entraide diabétique du Québec. J'étais coincé entre quatre murs à travailler dans un climat de travail toxique avec aucune possibilité d'avancement et beaucoup trop d'injustices grandes et petites sous les yeux. J'ai produit beaucoup d'art et de textes dans cette période pour déjouer la médiocrité. La mienne autant que celle des gens qui m'entouraient. J'ai cheminé malgré tout. Et suis heureusement passé à autre chose. 

Cette autre chose, c'est ma version un peu punk de Varlam Chalamov qui jouerait à Docteur Jivago. Je suis et demeure toujours ce même agitateur de consciences, ce militant solitaire et solidaire des droits civiques, prêt à y laisser sa peau, sa graisse et son art...

J'écris et peins dans l'urgence. Toujours. Le peu de temps que j'ai doit se transformer en perles subito presto. Je n'en ai pas le choix. Et c'est, somme toute, la méthode qui me réussit le mieux. J'atteins inconsciemment un état de grâce littéraire et esthétique via cette vie de chien, comme la vôtre par ailleurs, à résister aux effets délétères et mortifères du capitalisme sauvage. Je résiste. Tout est là en fait. JE RÉSISTE!

Je n'arriverais pas à résister aussi longtemps sans soutien et sans amour.

On peut rire de Facebook et autres médias sociaux. Pourtant, j'y ai rencontré beaucoup de gens tout simplement humains et bienveillants. Ce qui n'est pas rien alors que j'en trouvais si peu parfois avant l'Internet...

J'y ai aussi trouvé l'amour de ma vie, Carole. Si elle n'était pas là, vous n'auriez pas tout mon monde sous vos yeux. Elle m'a encouragé à peindre. Elle ne m'a pas éteint comme tant d'autres ont pu tenter de le faire sans nécessairement y aller de malice. Remarquez que tous ceux et celles qui voulurent m'éteindre se sont éteints de mon environnement. Seul, on ne réussit pas aussi vite. Mais on a la christ de paix. Même perdre peut ressembler à gagner. Gagner quoi après tout? Une place parmi des gens que je méprise foncièrement? 

Non. Je suis meilleur en tant que working class heroe.

Je vais continuer mes petits boulots ici et là.

Je me ferai peut-être crisser dehors de temps en temps.

Parce que je suis un dissident tous azimuts. Et aussi un peu trop orgueilleux pour plier l'échine.

Bref, je me contretorche de tout.

Sauf des êtres humains. 

Ceux-là, je les ramasse et les torche s'ils tombent à terre.

Parce que l'eugénisme me fait dégueuler autant que le racisme, le sexisme et un peu les apparatchiks.

Je suis donc à ma place.

Et vous demande un peu d'indulgence pour mes texticules.

D'abord pour celui-ci, un peu trop écrit à la première personne du singulier.

Il faut bien que vous sachiez d'où vient tout ce que je produis si gratuitement pour l'honneur de ma république des arts et des lettres. 

J'en ai probablement trop écrit. Encore une fois.

Mais c'est mieux que rien.

On ne nourrit pas une conversation avec rien.

Un air de violon peut-être.

Mais pas une discussion ouverte avec l'humanité via Blogger...

Voilà. Finissons cela ici. 

Merci beaucoup.









mercredi 27 mai 2020

Armand le coque-l'oeil: un texte en baladodiffusion de votre ami Guétan




UNE AUTRE NIAISERIE DE VOTRE AMI GUÉTAN
Armand le coque-l'oeil 
Dans la série «Les contes de Trois-Rivières»
Texte en baladodiffusion de votre ami Gaétan Bouchard
Paru initialement sur le blog Simplement le 8 décembre 2008.




Texte, voix et harmonica de Gaétan Bouchard.
Enregistré le 27 mai 2020 aux Trois-Rivières


mardi 26 mai 2020

La vie ne tient parfois qu'à un dentier / en baladodiffusion

Paru initialement sur le blog Simplement le 6 septembre 2008
Extrait de la série «Les contes de Trois-Rivières»


Texte, voix et harmonica de votre ami Gaétan Bouchard
Enregistré aux Trois-Rivières le 26 mai 2020

Trois nouveaux textes en balado-diffusion

Voici deux nouveaux textes en balado-diffusion de votre ami Guétan.

Il y a VIE ET MORT DE KOWA, CÉLÈBRE IVROGNE TRIFLUVIEN.

Et PATOF LE CHIEN SAUCISSE MÂTINÉ DE BÂTARD.

Cela pourrait faire partie d'un projet de livre audio et texto à propos des plus grands personnages de Trois-Rivières.

Bonne audition!

PS:

S'ajoute maintenant GILLES LE GORILLE.

C'est dans ma série Les contes de Trois-Rivières.

jeudi 21 mai 2020

Observations

Observer n'est pas si facile que ça. Surtout si vous souhaitez communiquer les résultats de vos observations.

Elles viennent parfois en pêle-mêle. Une image ici. Une impression là. Au bout du compte on ne sait plus ce que l'on a observé. Mais on a communiqué quelque chose.

J'observe le petit train-train de la vie depuis ce matin. Je ne fais pas grand chose à vrai dire sinon jouer de la musique entre deux observations. C'est ma journée de congé et je ne songe pas la gâcher avec quelque chose d'utile.

Qu'est-ce que j'ai observé tant que ça?

Une araignée qui tissait sa toile. C'est déjà pas si pire. Et je l'ai laissée filer. Puisque les araignées ne sont pas vraiment comestibles.

J'ai passé quelques minutes à observer ce jeune orme vigoureux que j'ai sauvé de la coupe il y a trois ou quatre ans. Désormais, il est indéracinable. Et il faudra beaucoup d'efforts pour l'anéantir. Ça me rend heureux. J'ai vaincu la laideur de mon stationnement avec un arbre qui a poussé sur le bord d'une clôture de broche. J'ai arrangé le hasard un peu. Je l'ai arrosé. Je l'ai même soigné. Il avait perdu quelques branches et j'ai pansé ses plaies avec du vernis pour le protéger des parasites et des intempéries. Et ça a fonctionné. Idem pour les pensées qui ont poussé par un hasard heureux sur le bord d'une borne de béton. Je les ai entourées de petites roches comme si c'était prévu dans le plan du locataire...

J'ai aussi observé des guêpes. Je les aime moins celles-là mais j'apprends à faire avec malgré un choc anaphylactique qui m'a mené aux frontières de la mort. C'était lors de la Fête des Patriotes en 2017. I was bitten by a wasp...

Près des guêpes et de l'arbre, l'un de mes voisins, affectueusement surnommé le Voleur, vient cogner à la fenêtre du sous-sol d'un autre voisin. Grand, partiellement denté, la coupe René Simard 72 avec une branche en moins à ses lunettes, le Voleur est facilement identifiable. Il doit son surnom du fait qu'il vole partout. Surtout chez les particuliers et dans les dépanneurs. Il a peut-être fouillé dans notre camionnette. Il a peut-être volé mes voisins. Peut-être pas. Mais on sait qu'il vole. Parce qu'il nous propose toujours d'acheter le produit de ses petits larcins: des sous-marins du Couche-Tard, des bouteilles de shampoing du Jean-Coutu, des manteaux trop petits pour tout le monde, etc.

Là, il était dû pour aller voir son voisin. Il enfourchait un bicycle de fille. Avec pas de barre en haut. Il en débarqua comme Lucky Luke débarquerait de sa monture, cigarette au bec, et il a gratté dans le moustiquaire du voisin du sous-sol...

-Heille Bill! J'ai piqué d'la peinture... Héhé... Veux-tu voir ça?

J'imagine que Bill voulait voir ça. Le Voleur a laissé son bicycle accoté sur la bâtisse, comme s'il n'avait pas peur de se le faire voler, et il est descendu voir Bill.

Pourquoi devais-je vous rapporter tout ça?

Franchement, je n'en sais rien.

Pour me pratiquer à écrire probablement.

Ou bien pour observer.

Ou parce que je suis con comme ça.

Bon. Je vais lâcher l'écran.

J'ai encore d'autres trucs à observer.

Dont la préparation de mon souper.

Saumon et morue au four. Salade aux tomates et framboises relevée d'un filet de vinaigrette au miel de framboise de Sainte-Flavie. Etc.

Sur ce, merci bonsoir camarades.

mercredi 20 mai 2020

Note sur Simone Weil et la condition ouvrière

Simone Weil est devenue ouvrière corps et âme pour mieux comprendre la condition ouvrière. Au lieu d'ergoter sur ce qu'elle ne connaissait pas, elle s'est donnée à la classe ouvrière en partageant son sort et ses conditions. 

Je ne dirais pas que je suis son exemple. Cependant je vis la contradiction entre mon statut de préposé aux bénéficiaires et celui d'intellectuel. Je sais que je fais partie des travailleurs et travailleuses parmi les plus méprisés de tout le prolétariat. Un travail de fou dans des conditions qui ne sont pas toujours idéales comme vous l'aurez compris. Comme ce sont majoritairement des femmes qui pratiquent ce métier, elles sont généralement mal payées. Surtout au privé. Les conditions de travail sont tout aussi mauvaises au public. Sinon plus sous certains aspects. Sexisme, racisme et toutes sortes de préjugés permettent ceci et cela. Et, bien entendu, ce n'est jamais la faute de personne...

En relisant Simone Weil je me suis rappelé des difficultés qu'elle disait avoir pour écrire après un travail de bête qui te vide l'esprit.

Je me rappelle ces difficultés chaque fois que je m'adonne à vous écrire à la sauvette. Parce que je manque toujours de temps. Mon temps ne m'appartient presque plus voyez-vous...

Mais laissons là mes atermoiements. Revenons plutôt à Simone Weil. À un passage qui, pour moi, résonne plus fort que tout.

«L'épuisement finit par me faire oublier les raisons véritables de mon séjour en usine, rend presque invincible pour moi la tentation la plus forte que comporte cette vie : celle de ne plus penser, seul et unique moyen de ne pas en souffrir. C'est seulement le samedi après-midi et le dimanche que me reviennent des souvenirs, des lambeaux d'idées, que je me souviens que je suis aussi un être pensant. Effroi qui me saisit en constatant la dépendance où je me trouve à l'égard des circonstances extérieures : il suffirait qu'elles me contraignent un jour à un travail sans repos hebdomadaire – ce qui après tout est toujours possible – et je deviendrais une bête de somme, docile et résignée (au moins pour moi). Seul le sentiment de la fraternité, l'indignation devant les injustices infligées à autrui subsistent intacts – mais jusqu'à quel point tout cela résisterait-il à la longue ? – Je ne suis pas loin de conclure que le salut de l'âme d'un ouvrier dépend d'abord de sa constitution physique. Je ne vois pas comment ceux qui ne sont pas costauds peuvent éviter de tomber dans une forme quelconque de désespoir – soûlerie, ou vagabondage, ou crime, ou débauche, ou simplement, et bien plus souvent, abrutissement – (et la religion ?).

La révolte est impossible, sauf par éclairs (je veux dire même à titre de sentiment). D'abord, contre quoi ? On est seul avec son travail, on ne pourrait se révolter que contre lui – or travailler avec irritation, ce serait mal travailler, donc crever de faim. Cf. l'ouvrière tuberculeuse renvoyée pour avoir loupé une commande. On est comme les chevaux qui se blessent eux-mêmes dès qu'ils tirent sur le mors – et on se courbe. On perd même conscience de cette situation, on la subit, c'est tout. Tout réveil de la pensée est alors douloureux.»
Simone Weil, La condition ouvrière, en ligne p. 45

mardi 19 mai 2020

Mes monstres

Tout jeune encore je ne dessinais que des monstres. Ou bien des gens que l'on jugeait Honorables que je caricaturais et que je recouvrais de déjections. Je savais dessiner, sans doute. Mais je dessinais vraiment n'importe quoi. Dont ma vie intérieure.

Mon dessin a suivi l'évolution de ma vie. Les monstres se sont progressivement effacés de tous mes décors. Les gens que l'on dit Honorables aussi. Du coup je me suis mis à me sentir mieux.

J'ai dû fréquenter la lie de la société pour me guérir de cette maladie d'être qui me faisait dessiner des monstres.

C'est au contact des plus humbles que mon vain orgueil a fondu.

Ce qui m'a procuré de l'amour par ricochet. On n'aime jamais celui qui s'aime trop. On peut l'utiliser, sans doute, mais l'amour n'est pas un jouet. Pas au sens où je l'entends.

L'amour ça commence avec les relations que tu établis avec tous les êtres vivants. Si tu romps le fragile équilibre du vivant, si tu te refuses à la bonté, eh bien tu ne recevras jamais le plus puissant amour qui soit. L'amour absolu, total et un peu cosmique.

Où est-ce que je m'en vais avec mes skis et mes pourquoi?

Je n'en sais rien. Je me mets à écrire sans plan défini, comme d'habitude. Mes doigts glissent sur le clavier et je ne m'appartiens plus. Ça sort tout seul.

Avant que d'écrire ces mots j'avais une impression en tête qui ne cessait d'y rouler. L'impression que l'artiste-peintre Arthur Villeneuve était indubitablement touché par la grâce.

Il a peint sa maison au complet. Au lieu de se chercher un lieu d'exhibition, il aura fait de sa maison un musée. Vous pourriez d'ailleurs le visiter et moi aussi. J'avoue que j'en rêve. Je n'ai vu ça qu'en images.

D'ailleurs, elles sont ici, les images. Je vous invite à les découvrir. Si ce n'est pas déjà fait.

Il n'y a pas vraiment de monstres chez Villeneuve. Seulement de la bonté et de la beauté à l'état brut.

D'aucuns me trouveront bien naïf. Ce que je ne suis pas tout à fait. Je suis allé trop longtemps à l'université pour être vraiment naïf. Tant pour l'art que pour le reste.

Néanmoins, je veux vivre la grâce et l'illumination que devait vivre Villeneuve en peignant les murs de sa maison.

J'ai peint la devanture de mon logement avec la complicité de mon propriétaire, de ma conjointe et de toute la rue en somme qui doivent subir ça pour longtemps...

Si je ne me retenais pas, je peindrais la maison au grand complet, intérieur comme extérieur.

Pourquoi? Parce que ce serait totalement inutile et pas payant du tout.

Peindre pour le pur plaisir de peindre, sans contraintes de temps ou d'argent.

Seul un grand artiste comme Arthur Villeneuve peut s'offrir ce paradis de l'art.

L'art, c'est comme le sucre à la crème. Quand tu n'en as pas, tu t'en fais. Ce vieux proverbe québécois plus ou moins paraphrasé est toujours de mise.

Revenons aux monstres...

Je n'en dessine plus. J'ai trouvé des gens plus honorables au cours de ma vie sur les têtes desquels je ne dessinerais pas des déjections. Il y a Arthur Villeneuve. Et vous, bien entendu. Pour les personnes qui abusent de l'autorité et de l'honneur, il est possible que je revienne de temps à autres à mes monstres. J'ai encore la main fragile...

Je ne vous laisserai pas sans vous glisser un mot à propos du Livre tibétain des morts.

-Quel est le rapport bon sang?

Attendez! Je n'ai pas fini. Vous vous êtes rendus jusqu'ici. Vous n'êtes pas pour me lâcher pour si peu.

J'ai lu le Bardo Thödol une nuit où je filais un mauvais coton. Si mauvais que je n'en ai plus jamais filé de semblables. Je lisais cette fabrication métaphysique en écoutant Coltrane ou Walter Boudreau sur les ondes de Radio-Canada, ma station de radio préférée quoi, parce que toutes les autres me font chier avec leurs hurlements inharmonieux de vendeurs de chars.

Dans le Saint Livre il est dit que le jour où l'on va crever l'on franchira plusieurs étapes qui mèneront à notre dissolution dans le Nirvana. Au premier stade on tombera sur un monstre vert avec des oreilles de lapin. Au second ce sera un autre monstre tout aussi laid. Et ainsi de suite sur plusieurs stades de la mort.

Si l'âme du défunt ne réalise pas que tous ces monstres sont un pur produit de son imagination, eh bien elle ne sera jamais libérée tout à fait et errera encore à combattre des monstres.

Au bout de quelques chapitres, je me suis fatigué. J'ai relu la première page. Ça disait que ce livre s'adressait à ceux qui n'ont pas connu l'Éveil. Que ceux qui l'avaient connu n'avaient pas besoin de lire ce livre.

Eh bien, vrai comme je suis encore là, j'ai connu l'Éveil cette nuit-là!

Quelque chose comme une illumination. Appelez ça comme vous voudrez.

J'ai mis le Bardo Thödol de côté. Je n'avais plus besoin de le lire. Je savais désormais que le monde était ma volonté et ma représentation, sans même avoir relu Schopenhauer. Une autre économie de lecture.

Les monstres? Pff. C'était moi qui les créais ou bien les alimentais.

Il n'y en aurait plus de monstres.

Seulement des gens joyeux qui se promènent dans la nature, tiens.

Ou bien qui fument une cigarette, je ne sais pas trop.

Vous croyez que j'ai fini?

Pas encore...

«On est ce que l'on mange.» C'est de Brillat-Savarin, gastronome de son état. Et mort depuis longtemps.

On est aussi ce que l'on peint, ce que l'on dessine, ce que l'on joue au violon.

Si je dessine des monstres, je deviendrai monstrueux. Du moins intérieurement. Et j'aurai besoin de toute une pharmacopée pour me tenir debout et vivant.

Si je dessine des gros nez et des gens heureux, je vais bien m'en tirer. Comme Arthur Villeneuve. Et je vais pouvoir terminer de peindre mes murs, mes plafonds et mes planchers...

Si je joue du violon... Eh bien souhaitez que je ne joue jamais du violon!

Là, j'ai vraiment fini.

Désolé de vous avoir fait perdre votre temps avec tant de moi.

La prochaine fois je ne parlerai que de vous, promis.








lundi 18 mai 2020

Mon père, ce héros de la classe ouvrière

Mon père, feu Conrad Bouchard, piquait de saintes colères contre tout ce qu'aujourd'hui nous aurions pu appeler le système.

Sauf que c'était son système. Sa vision du système.

D'abord il y avait les hosties d'crosseurs pleins d'marde du saint calice de tabarnak d'hostie d'étrons de voleurs de pourris de zoufs de saint-chrême de viârge.

Et puis il y avait les autres. Ceux qui avaient faim et soif. De justice ou de tout ce que vous voulez. En autant qu'ils ne venaient pas chier sur son perron. Et encore! Il piquait de saintes colères, Conrad, mais il n'était pas rancunier. Le lendemain, c'était oublié. Pff! Le plein d'marde était tout de même un bon gars. Il avait sûrement une femme et des enfants lui aussi. Et puis qui n'est pas plein d'marde, hein?

J'ai hérité beaucoup de ses traits physiques et sans doute psychiques, avec quelques améliorations génétiques ou culturelles, je ne sais trop. (J'entends mon père me dire quelque chose comme «Pignouf!» de là où il est. Non sans humour.)

Enfin! Il m'arrive de sacrer et de m'emporter facilement.

Peut-être que je porte le poids de mon éducation familiale.

Ma mère, c'était tout le contraire. Mais c'était ma mère, une femme à laquelle je ressemble aussi beaucoup sous plusieurs aspects. Cependant, mon modèle masculin, si je puis m'exprimer ainsi, ce n'était pas ma mère. Ma mère était dans une catégorie à part. Comme toute mère. Il y a les catégories et il y a la mère. Parmi ces catégories, il y a le père. Souvent absent par ailleurs. Ce qui n'était crissement pas notre cas. Mes parents étaient présents pour leurs enfants. Ils n'étaient pas riches mais ils étaient là plus souvent qu'il ne le fallait.

Quand je me promène dans les rues de Trois-Rivières, vrai comme je suis là, il y a plein de gens qui m'arrêtent pour me dire: «Toé c'est sûr que t'es l'fils de Teddy!».

Teddy c'était le nom de shop de mon père à la compagnie d'aluminium Reynold's où il a bossé 35 ans de sa vie. Il disait que ce Teddy référait à L'Honorable T.D. Bouchard, député libéral progressiste de Saint-Hyacinthe et ardent promoteur du droit de vote des femmes au parlement provincial. T.D. Bouchard expulsé maintes fois de la chambre par Duplessis.

Cependant, un peu arrangeur de vérité comme l'était mon père, il se peut que ce Teddy n'ait voulu dire rien d'autre que Teddy Bear, le gars qui ne prend jamais une bière avec les chums en revenant de la shop. Teddy Bear qui retourne voir son éternelle fiancée, ma mère, et ses quatre enfants. Pas le T.D. Bouchard de l'intellectuel de la shop en tout cas.

Oui, je ressemble à Teddy.

J'ai ses yeux. Son air de frigidaire sur deux pattes. Et ses sacres. Un héritage que je préserve comme l'hostie d'prunelle de mes yeux.

C'est pas beau dire moé, toé, ciboire, tabarnak.

Comme dirait mon père: qu'i' mangent leu' marde calice!

Où en étais-je?

Je ne sais plus.

Je vous parlais de mon père. Un père présent. Un père aimant. Je vous parlerai de ma mère un autre jour. Demain peut-être.

Mais là, en ces temps difficiles où j'aurais l'envie de hurler des sacres comme Saint-Jean le Baptiste, quitte à manger des sauterelles dans le désert plutôt que de m'empiffrer de dessert avec le roi Hérode, là je pense à mon père. Je pense à Ppa.

Ppa... Hostie qu'tu sacrais...

Pis hostie qu'j'aimais t'entendre sacrer... C'était de l'hostie d'poésie Ppa.

Tes colères me faisaient rire. Jamais je n'en ai eu peur. Je m'en fendais la gueule à en frapper le sol, mort de rire. Je ne riais pas tant de toi mais je riais aussi de toi, de tout, comme tu me l'avais si bien enseigné.

Tu ne te choquais pas contre moé. Tu te choquais contre le système, ton système, toutte c'qui va tout croche pis tout de travers.

Boss, syndicats, députés, curés: il suffisait d'avoir un titre pour que tu dises que tout l'monde chie à la même place.

Ce sont les leçons que tu avais tirées à  travailler. Tu te promenais dans ta grue montée sur un pont roulant, tous les jours, 50 pieds au-dessus d'une piscine d'aluminium en fusion...

Tu ne portais pas de masque.

Toute la vapeur d'aluminium, de bauxite ou de je ne sais trop quoi te remontait dans les narines.

Il devait faire 45 Celsius au-dessus de tout ça? Je ne sais pas. Chaud en hostie sans doute. L'enfer sur Terre.

Tu es mort d'un cancer à 62 ans.

Moman n'a jamais reçu la pension de la shop.

Des tabarnaks que tu aurais dit.

Et tu aurais eu encore raison.

Même si ça sortait tout croche.

Avec des sacres pis toutte.

Quand t'es mort, du monde applaudissait ton dernier voyage en limousine.

Du monde de la paroisse. Du monde du quartier.

C'est rare qu'on applaudit les morts.

Tu devais être un bon gars.

Ou tu devais toujours donner un hostie de bon show.

Merci Ppa.

Seulement merci.

Pis j'pense à toé.

Oué.

J'pense à toé...


jeudi 14 mai 2020

À chacun ses jeux et danses macabres

Plus un écrivain s'approche d'une certaine notoriété plus il risque d'être surveillé jusque dans le fin fond de ses shorts.

Il faut bien s'y attendre.

Voilà pourquoi je m'acharne à détruire toute forme de notoriété en me comportant sans filtres et sans tabous. Avec une tête pas trop vide et un coeur qui doit bien avoir un zeste de sincérité.

Dans un cas comme dans l'autre qu'est-ce qu'on s'en fout.

Les gens meurent en ce moment. Et pas nécessairement à cause d'un virus.

On meurt de ne pas savoir lire et de ne pas faire confiance suffisamment à ceux et celles qui le savent.

On ne parle pas ici de réparer un moteur de char, aussi compliqué que cela puisse me sembler par ailleurs. On parle de réparer le corps humain. Sinon le corps social. Je ne veux pas dire que vous devez vous jeter à mes genoux parce que je sais lire et écrire. Je ne veux pas dire que vous me devez quelque chose.

Je dis simplement que notre manque d'éducation et la culture d'intimidation envers les intellectuels, incluant les scientifiques, finiront par nous détruire. Quand il ne nous restera plus que la magie pour nous soigner, je ne parierais pas que ce sera vraiment pour le mieux de l'humanité. Incluant, bien sûr, la grand-mère.

Je ne dis pas que vous devez licher les orteils des intellectuels encore une fois. Je dis seulement qu'il ou elle en sait un peu plus long qu'un autre quand on parle de virus, de mathématiques, de realpolitik, de machiavélisme, de népotisme et de tous les autres maux de l'enfer autoritaire.

Où veux-je en venir?

Au fait que j'assiste en ce moment au naufrage de nos soins de santé. Pas tant à cause de la COVID-19 que de l'orgueil rétro de personnes, sans doute bien intentionnées, qui font passer leur idéologie et leurs intérêts avant ceux de l'humanité. L'économie est l'état actuel de nos préjugés sociaux. Un état qu'on considère normal. Alors qu'il n'est qu'une suite d'injustices sans nom, voire d'imbécillités innommables. Évidemment quand on sait lire on sait tout ça.

C'est comme ça. Qu'est-cé qu'tu veux qu'on faize?

Je ne sais pas pour vous, je m'en confesse.

Mais moi je vais écrire tiens.

Ou bien peindre.

Ou bien chanter.

À chacun ses jeux et danses macabres.

Pour les autres qui n'auraient rien à faire ce soir je vous recommande de lire L'Oeuvre au noir de Marguerite Yourcenar. Si vous êtes paresseux, vous pourrez vous rabattre sur le film éponyme de André Delvaux produit en 1988.

C'est l'histoire d'un médecin qui combat la peste à l'époque de l'inquisition espagnole.

Le type est homosexuel, pour rajouter à l'affaire. Ce qui était passible de mort à l'époque.

C'est lui qui sait pourtant.

Celui qui se faisait peut-être brassé dans la cour d'école.

Celui qui lisait trop, tout le temps.

Et que l'on méprise encore.

Même s'il sauve encore des vies.

Au mépris des inquisiteurs et autres parasites autoritaires de la communauté des hommes et des femmes.

Oui, à chacun ses jeux et danses macabres.

Quant à moi, mes potes, je vais servir la vie.






mardi 12 mai 2020

Trois petites idées pour l'amélioration de notre système de santé

Trois petites idées pour l'amélioration de notre système de santé.

1) NATIONALISATION

Confieriez-vous l'aqueduc municipal à une entreprise privée? Oui, si vous jouez au Monopoly. Non si vous payez pour des services publics qui vous sont rendus par un privé jusqu'à ce que tous les joueurs du jeu fassent faillite. Essayez de boire un verre d'eau propre ce jour-là... Ils ont essayé ça aux États-Unis. Et il y avait, comme qui dirait, du gaz dans leur eau...

On a nationalisé l'électricité au Québec. Ne me dites pas que nous en avons pâti. Au contraire, le Québec est entré de plain-pied dans la modernité avec la nationalisation de l'électricité. Le Québec moderne est né avec Hydro-Québec.

Dites-moi pourquoi c'est plus rentable de confier nos vieux, les vrais artisans de la Révolution tranquille, au privé plutôt qu'au public? Parce que ça coûte moins cher?

S'il faut dégraisser l'État, faisons-le aussi. Il m'apparaît illogique que l'État fasse pire que le privé en étant son propre fournisseur et en établissant les règles d'achats pour les produits pharmaceutiques et les soins médicaux. 

Dotons-nous d'un État solidaire avec une structure efficace des soins de santé fondée sur un organigramme facile à retenir et des travailleurs syndiqués regroupés en coopératives de travail indépendantes et imputables des budgets alloués et des soins dispensés. Offrons aux travailleurs comme aux bénéficiaires un milieu de vie sain et sécuritaire où l'employéE est incitéE à participer à tous les échelons pour améliorer la qualité des soins.

2) DÉCENTRALISATION

Tout le monde sait maintenant que l'organigramme du CIUSSS c'est comme partir à la quête du formulaire A38 dans la maison des fous d'Astérix. Cette structure complexe ressemble trop à celle qui prévalait lors de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. C'est-à-dire une structure qui favorisent les apparatchiks aux postes de commandement et l'omerta qui vient avec. En plus que c'est arbitraire, illogique et intenable, c'est meurtrier. Il y a eu plus de décès de la COVID-19 ici au Québec parce que notre système de santé manque autant de science que de transparence. Tout va au diable vauvert. Personne ne lit les communiqués. Les décisions flottent dans l'air rempli de miasmes. On ne sait plus où donner de la tête. Bref, il n'y a pas de tête ni d'imputabilité. On peut s'en prendre à un roi, au privé mettons. Ou à un directeur, dans un établissement public mettons. Mais comment s'en prendre au formulaire A38? En décentralisant. En redonnant aux gens qui font le travail la pleine capacité de le faire et de l'évaluer en cours de route. En sortant à grands coups de pieds au cul les actuaires et autres statisticiens de la méthode de gestion Toyota.

3) COOPÉRATION

La coopération, ça ne marche pas qu'en temps de pandémie.

Ça fonctionne aussi très bien en temps normal. Faut seulement être malhonnête pour prétendre le contraire.

Regrouper les préposéEs aux bénéficiaires en un front commun uni des travailleurs et travailleuses est prioritaire. Tant pour endiguer la pandémie de COVID-19 que pour assurer la pérennité de nos soins de santé. En temps de crise sanitaire comme en temps de crise économique.

On n'aura plus de problèmes à recruter du personnel.

Même les ancienNEs préposéEs reviendront travailler si le milieu de vie et l'ambiance de travail sont meilleurs.

C'est tellement évident que seuls de petits potentats avides de cash voudront vous dire que ça n'a rien à voir...



Pour faire court...

Nationaliser tous les établissements de soins de santé au Québec. Payer les propriétaires en offrant une prime substantielle pour ceux qui ont fait preuve d'éthique. Déduire du paiement les manquements à l'éthique, les cas de maltraitance et les droits bafoués des employés. Mettons de 30% à 50% de moins pour que l'État y fasse une économie d'échelle. Ce n'est pas parce qu'on va tout nationaliser qu'on ne sait pas compter.

Décentraliser pour casser l'omerta et rendre imputable les personnes en autorité. C'est plus facile de dégommer un mauvais gestionnaire d'établissement que de passer par mille comités en brandissant le formulaire A38.

Coopérer. Parce que le but de la vie, c'est d'avoir du plaisir. Du plaisir à faire ce que nous faisons. Que l'on soit cordonnier ou préposéE, une journée de travail ne doit jamais se terminer en larmes à la maison. Du moins, pas tous les jours. Autrement, ce milieu de travail est toxique et la situation démente.

Je voudrais vous dire comment y arriver.

Je n'en sais rien.

Quand on veut on peut.

Faisons-le sans attendre. 



Gaétan Bouchard
Simple citoyen
Aucun droit de hauteur
12 mai 2020