samedi 29 septembre 2018

La révolution joyeuse

J'ai 50 ans et suis déjà un homme d'une autre époque.

Beaucoup de mes anciens repères sont disparus. J'essaie de m'y retrouver tant bien que mal. Je suis parfois dépassé tant par la technologie que par les nouvelles idées. Et je m'en voudrais de devenir l'archétype du vieux grincheux qui en veut autant aux ordinateurs qu'aux droits civiques.

J'ai la chance d'être un artiste. Ça m'a permis de rester jeune et indigné sur une très longue période. Je doute même qu'elle ne s'achève un jour.

Cela dit, même ma révolte a évoluée.

Au tout début, mes problèmes personnels et la pauvreté vécue dans mon enfance donnaient la teinte à mes actions. 

J'ai commencé à faire du vandalisme politique vers l'âge de 12 ans. C'était en 1980. Je m'étais acheté de la peinture en aérosol et je traçais des OUI avec une fleur de lys sur les portes de garage de la P'tite Pologne avec un ou deux amis. Heureusement que je ne me suis jamais fait prendre.

Ou malheureusement. Puisque je me suis radicalisé ensuite. Je faisais des graffitis plus engagés au fil de mes lectures. J'en étais à Nègres Blancs d'Amérique de Pierre Vallières. Le récit de son enfance collait parfaitement avec ma propre enfance. J'ai senti une parenté intellectuelle. J'étais devenu socialiste et indépendantiste, en faveur de la décolonisation du Québec.

Le référendum de 1980 avait été perdu.

Le No Future gagnait du terrain.

Je dessinais des faucilles et des marteaux avec ma bombe aérosol sur tous les murs de la ville puis, bientôt, de la faculté de droit de l'Université Laval...

Je graffitais des «Vive la révolution!», «Socialisme et indépendance», «République socialiste du Québec!», «Fuck les bourgeois!», «Droit = bourgeois», etc.

Je faisais ça tard le soir. Après avoir bu quatre litres de vin pour me donner du courage.

Je faisais ça tout seul. J'étais le seul camarade de mon organisation révolutionnaire, le seul membre, le seul chef.

Je devais sans doute m'ennuyer...

Un jour, alors que j'étais préposé aux bénéficiaires au Centre hospitalier de l'Université Laval, je suis tombé par hasard sur le journal Combat Socialiste publié par Gauche Socialiste. J'ai participé à l'une de leurs réunions. Puis, de fil en aiguille, j'ai participé avec eux à tout plein de manifs et d'actions politiques tout en recevant une formation en vue de devenir un «cadre» marxiste révolutionnaire.

J'ai été adoubé au bout de quelques mois et reconnu pleinement en tant que camarade. 

Je me suis mis à publier des textes dans Combat Socialiste tout en distribuant des tracts ici et là.

Puis il y a eu 1989. Le doute s'est installé sur Trotski et l'Armée Rouge. La chute du Mur de Berlin, la chute du communisme, la place Tien An Men: ça devenait lourd pour un marxiste.

J'ai tout lâché suite à une réunion de cellule où des camarades féminines reprochaient à un camarade et ami d'avoir en sa possession des magazines Hustler.

Elles disaient que c'était inadmissible pour un camarade qui se disait féministe d'avoir des Hustler chez-lui qui présentaient les femmes dans des positions avilissantes.

J'avais 19 ans. J'ai défendu le droit du camarade à se crosser.

-On doit bin avoir le droit de s'crosser tabarnak! me suis-je offusqué. J'avais moi aussi des Hustler à la maison caché sous une pile de journaux Combat Socialiste!

J'ai donc rédigé une lettre au secrétaire du Parti pour lui dire que je foutais le camp, sans pour autant renoncer à l'action militante. J'allais devenir anarchiste, tiens. Trotski avait étouffé la révolte des marins révolutionnaires de Cronstadt. Il aurait été Staline à la place de Staline s'il l'avait pu. Le ver était déjà dans la pomme. Le bolchevisme n'a jamais été rien d'autre que l'étouffoir de la vraie révolution russe, une révolution qui venait du coeur, la révolution des femmes qui marchaient dans les rues de toute la Russie pour réclamer l'abdication du tsar et la république. Ils ont été les fossoyeurs de la révolution pacifique de février 1917. 

Bref, je suis allé me faire voir ailleurs, à Montréal, où je suis tombé sur le groupe Socialisme et Liberté, de tendance rouge et noire, des anarcho-communistes mettons qui publiaient le journal Rebelles. J'y ai passé quelques mois. J'ai participé à quelques actions. J'ai tenté de partir une cellule à l'UQTR. Mais mon professeur de philosophie. feu Alexis Klimov, m'a fait prendre conscience que ma révolte était encore plus grande que tout ce que je n'avais encore jamais imaginé.

Ma révolte était existentielle. Semblable à celle d'Icare qui s'envole du labyrinthe avec ses ailes de cire qui risquent de fondre au soleil.

Au cours de cette période, j'ai lu comme un forcené. Puis j'ai pris de l'alcool, beaucoup d'alcool, et probablement toutes les drogues imaginables, dont du LSD. Ce qui a fait péter ma coquille.

J'avais besoin d'amener ma révolte ailleurs.

C'était une révolte contre moi-même ou mon vrai moi est sorti vainqueur.

C'était à Vancouver, en 1993.

J'étais seul. Je ne parlais à peu près pas anglais: yes, no, mustard, relish...

J'étais parti sur un coup de tête. Un coup de désespoir.

Quelques mois plus tard, un nouvel homme revenait au Québec après avoir vécu un temps dans l'Ouest canadien, en Alaska et au Yukon.

Je parlais désormais anglais. J'avais accès à plus d'information qu'auparavant. Ma pensée n'était plus la même et, plus important que tout ça, j'avais gagné une confiance en moi sur les plans amoureux et sexuels.

J'ai continué de militer à ma façon, sans faire référence à une organisation.

Mon séjour chez les trotskistes m'a rendu à jamais allergique aux structures organisationnelles.

Je milite comme ça me tente et quand ça me tente. Je ne suis jamais aucun mot d'ordre. Je call les shots.

En 2012, j'ai été surpris de constater que je n'étais plus seul. 

Des centaines de milliers de Québécois et Québécoises se sont soulevés au cours des plus impressionnantes manifestations de toute l'histoire du Québec. 

J'ai affronté la loi spéciale avec mes nouveaux camarades dans les rues de Trois-Rivières.

La police ne faisait rien.

Les gens sortaient sur les balcons pour nous applaudir dans Ste-Cécile et la P'tite Pologne.

Il y avait une atmosphère de libération. Quelque chose que je n'avais encore jamais vécu auparavant.

Ce n'était pas une révolution triste. 

Non. C'était joyeux. La joie affrontait de tristes sires qui voulaient rappeler au peuple que les seuls rêves autorisés sont ceux des promoteurs immobiliers et autres vendeurs d'asphalte à trois fois le prix du marché.

Le Printemps Érable s'est essoufflé. Mais Jean Charest a été battu dans son comté et les libéraux aussi. Ils avaient fait couler le sang du peuple dans nos rues et lancer sur les étudiants des charges de la cavalerie cosaque de la SQ.

À la veille des élections qui auront lieu lundi le 1er octobre, je suis encore révolté.

Mais c'est cette révolution joyeuse qui m'anime.

Ce besoin de casser la tristesse, l'ennui et le vide des vieux partis politiques traditionnels.

La nature a horreur du vide. 

Et les jeunes comme les vieux n'en peuvent plus des faces de carême de la vieille garde politique.

Rêver n'est pas du luxe pour une communauté humaine.

C'est une nécessité.

Ceux qui veulent étouffer les rêves peuvent bien aller se faire foutre quant à moi.

Je ne veux même pas argumenter avec les zélotes du statu quo et encore moins avec ceux qui ne comprennent pas l'urgence de changer notre gestion de ce monde pour laisser aux générations futures ne serait-ce qu'un peu d'oxygène.

Cela dit, je suis un vieil homme déjà.

Je ne comprends pas tout.

Mais ce n'est pas moi qui vais étouffer les rêves de la jeunesse.

D'autant plus qu'elle s'amuse, cette jeunesse. Elle a l'arrogance de son intelligence. Les vieux qui la méprisent leur arrivent rarement à la cheville au plan strictement rationnel. Leur esprit est souvent plus vif et plus aiguisé. Ils en savent plus long que leurs parents, très souvent. Mais on ne veut pas le voir. Et surtout pas l'entendre. Et c'est dommage.

La révolution joyeuse s'en vient. Je sais qu'elle est là, toute prête.

Elle va nous débarrasser de ce climat de peur et d'austérité maniaque.

Elle va libérer notre avenir coincé par les digues de l'insignifiance.




mardi 25 septembre 2018

Un rêve pour Trois-Rivières

Il m'arrive de rêver. J'ai rêvé cette nuit que la Kruger était démolie et remplacée par une forêt de pins par pure vengeance des forêts rasées au Nord de la rivière Tapiskwan Sipi. J'ai rêvé que les plages de sable fin étaient rétablies du port jusqu'au Pont Laviolette. J'ai rêvé que Trois-Rivières, pour une raison qui m'échappe, était devenue la nouvelle Capitale du Québec, à mi-distance entre Québec et Montréal, au coeur d'un nouvelle révolution écologique qui bannirait les odeurs de marde de la Kruger, le Grand Prix de Trois-Rivières et le Rodéo de Saint-Tite.

J'ai rêvé que l'autoroute 755, ce mur de la honte qui pollue la ville des tous côtés, était transformée en zone verte réservée aux vélos et aux tramways électriques. J'ai rêvé que ma ville respirait enfin de l'air pur et qu'elle était belle, encore sauvage, débarrassée d'une mode de gestion dangereux pour la vie humaine qui date du XIXe siècle...

lundi 24 septembre 2018

MOÉ C'EST QUÉBEC SOLIDAIRE !

Suis allé voter hier au Pavillon Lemire, à Trois-Rivières. Un vieux monsieur un peu étrange, probablement pauvre et miséreux, les pantalons courts remontés en-dessous des aisselles, revient de l'isoloir et remet son bulletin qui n'est pas plié. «Vous devez plier votre bulletin, détacher cette bande et déposer votre bulletin dans l'urne...», lui dit la scrutatrice. «M'en fous! réplique le monsieur. MOÉ C'EST QUÉBEC SOLIDAIRE!»

dimanche 23 septembre 2018

Le 1er octobre 2018 le Québec enverra chier les Cheufs



Wilfrid Laurier disait des Canadiens-Français qu'ils n'ont pas d'opinions politiques, seulement des sentiments.

Il y a peut-être un peu de vrai là-dedans.

Les Québécois et Québécoises, qui selon moi forment déjà un nouveau peuple, vont probablement voter selon leurs sentiments.

Et je ne nous donnerai pas tort là-dessus.

Trois «Cheufs» ont passé pour de fieffés menteurs doublés de parfaits incompétents face à une dame qui n'avait pas besoin de dire qu'elle était le Cheuf.

Ça s'est passé devant des millions de Québécois et Québécoises.

De gauche à droite, je pense qu'on s'entend pour dire que Manon Massé a parfaitement incarné l'idéal de son parti qui s'inscrit dans la continuité de la révolution tranquille des années '60.

De l'argent, il y en a dans les poches de la mafia.

Cela n'échappe à personne que l'État peut percevoir plus de revenus de nos ressources naturelles comme des banques et des multinationales. Parce que nous, le peuple, sommes souverains.

S'il y a 12 milliards pour les amis de Bombardier, le béton et l'asphalte payés trois fois le prix, eh bien il doit y en avoir pour nos écoles, nos hôpitaux, nos dents et le transport en commun.

Fin de la partie.

Échec et mat pour l'establishment qui n'est plus capable de faire appel à des personnes capables pour le représenter.

Tout est possible parce que les Québécois et Québécoises n'ont pas d'opinions politiques.

Parce que nous avons des sentiments.

Et de quoi étonner le monde entier quand ça nous prend.

Le 1er octobre 2018, c'est le Québec au complet qui enverra chier les Cheufs.

Le 1er octobre 2018, Québec Solidaire formera un gouvernement majoritaire.





vendredi 21 septembre 2018

Le débat des chefs / Comédie en un acte


C'est le débat des chefs. Le décor est laid. Les participants ont l'air de vrais pogos congelés. Puis ça commence. Pas de 13 coups. Ils ont été supprimés en raison de mesures d'austérité théâtrale.

Animateur: Bonsoir et c'est reparti pour un autre débat des chefs! Ça va être plate, je vous le dis tout de suite, mais ne changez pas de poste au cas où ce serait encore plus plate... On commence par Monsieur Lisée.

Lisée: Adil Charkaoui.

Animateur: Pardon?

Lisée: Excusez! Je me trompais de débat des chefs... D'ailleurs je suis un vrai chef moi. Je suis un politburo à moi seul et je réclame tout de suite que madame Massé s'agenouille devant moi en reconnaissant que je suis son vrai chef.

Animateur: Come on... Hostie qu't'es à côté d'la track...

Massé: Torrieu... Qu'est-cé ça ce débat-là?

Legault: 4 ans. Mandat de 4 ans. Maternelle de 4 ans. À partir de 4 ans. 4 fois. 4 saisons. 4 ans. Plus 7,8 cents de l'heure. Oui.

Couillard: Ah oui? 3500... 35... 98... 9 exposant 15... on retient 20... on ajoute les sinus et les cosinus... hum... oui... Laissez-moi vous dire que c'est très simple et surtout très agréable.

Massé: Torrieu!!!

Animateur: (À Lisée qui se met à avoir l'écume aux lèvres.) Calme-toé mon ti-loup!

Lisée: Ahou! Wa! Ouaf! Jappy Toutou!

Couillard: Vous soufflez sur les braises de l'intolérance.

Legault: Je sais rien mais qu'est-cé qu'ça peut bin faire que j'sache rien? Trump aussi sait rien et ça l'empêche pas d'être riche.

Lisée: Haha! Je vous tiens au piège Monsieur Legault!

Legault: De quoi c'est tu parles encore toé-là?

Massé: On peut-tu juste changer el' monde torrieu?

Animateur: Tiens PKP me téléphone en privé et me dit que Lisée va frapper un mur.

Lisée: C'est moi le chef des chefs et tout le monde me veut partout et me désire et m'aime et rêve de frotter ma belle chevelure blonde...

Couillard: Je ne dirai rien de plus. Moins on en dit moins ça paraît qu'on vole la province.

Massé: Torrieu!

Animateur: C'est déjà la fin. Restez à l'écoute. Plein de commentateurs tous aussi nuls les uns que les autres vont nous parler de ce que vous venez de voir et d'entendre comme si c'était un match de hockey sauf qu'il n'y a pas de patinoire, pas de patin, pas de bâton, pas de Zamboni, pas de rondelle...

Lisée: Adil Charkaoui!

La foule: Ta yeule Lisée!

Lisée et Legault: (Hurle aux loups.)

Couillard: J'ajouterais 3,57% à mes commentaires précédents si vous le permettez.






jeudi 20 septembre 2018

Dans la lune


D'aussi loin que je me souvienne j'étais dans la lune.

J'apprenais vite à l'école. Parce que j'aimais être dans la lune. Plus vite j'apprenais plus vite je retrouvais ma lune.

Les professeurs, parfois désespérés de me voir glander, m'envoyaient heureusement à la bibliothèque.

-Bouchard! À la bibliothèque!

Et à la bibliothèque, naturellement, je tombais dans les livres.

C'était une autre façon d'être dans la lune.

J'ai passé mes études dans la lune. À la faculté de droit de l'Université Laval, je passais le plus clair de mon temps à lire des romans pendant que les profs parlaient des emphytéoses et autres termes juridiques répugnants pour un rêveur.

J'ai quitté le droit pour devenir préposé aux bénéficiaires.

Je travaillais de nuit la plupart du temps. La nuit, il y a moins de pression. Le jour le préposé est sollicité de tous bords et tous côtés. Et comme personne ne voulait faire des nuits, j'ai rapidement obtenu un poste.

Même en travaillant, je demeurais dans la lune.

Je n'étais pas irresponsable. J'accomplissais mes mandats avec brio. Mais c'est toujours comme si je me débarrassais de tout pour gagner le droit de retourner dans la lune.

Finalement, j'assume ce que je suis.

Je n'ai plus l'envie de me défendre ou de me justifier.

Je suis dans la lune.

J'ai un pied ici et la tête ailleurs.

Le moindre détail que j'observe prend des dimensions cosmiques.

Et j'aime ça.

Et je regrette d'avoir détesté longtemps ce que je considère comme étant la meilleure partie de moi-même.

Pour rentrer dans le rang.

Pour faire comme tout le monde.

Pour ne pas déranger ou faire scandale.

Eh bien, vieillir a cet avantage de me délivrer du jeu des apparences.

J'aime ce que je suis.

J'aime être dans la lune.

Et puis c'est tout.

jeudi 13 septembre 2018

Docteur Jivago, Victor Komarovski et Québec Solidaire

J'aime beaucoup Docteur Jivago. Tant le roman de Boris Pasternak que le film de David Lean. Il appert que je n'ai lu qu'une seule fois le roman. Alors que j'ai dû voir le film de David Lean au moins deux fois par année depuis l'âge de mes 20 ans. Tant et si bien que le roman a fini par avoir une existence un peu chimérique. Impossible de m'enlever de la tête Omar Sharif pour m'imaginer Docteur Jivago ou la belle Julie Christie pour Larissa.

Docteur Jivago, c'est l'histoire d'un poète qui vit à une sale époque: la Première guerre mondiale et la guerre civile issue de la révolution russe. Il sauve des vies au lieu d'en enlever. Il soigne au lieu de blesser. De plus, il rédige des vers, contemple le monde avec une insatiable et insaisissable curiosité où le scientifique ne renie rien au rêveur.

Plusieurs scènes du film m'ont frappé. Dont celle des déserteurs qui reviennent du front et tuent les officiers qui veulent les envoyer au charnier pour l'honneur d'une patrie où ils ne comptent pour rien.

Puis il y a cette scène où l'homme d'affaires Victor Komarovsky, joué par Rod Steiger dans le film de David Lean, nous parle des révolutionnaires.

-Ce sont des personnes capables... Ils vont gagner.

Komarovsky les finance par en-dessous, évidemment. Il finance tout un chacun au cas où le vent tournerait.

Et il a raison. Les révolutionnaires vont gagner. Ce sont des personnes capables qui font face à des personnes incapables et insouciantes qui ne peuvent tenir le pouvoir. La mort nimbe le pays de son auréole destructrice pour une guerre impérialiste insensée. Tout le monde déserte. Même le pouvoir ne croit plus au pouvoir.

C'est la fin.

Eh bien ça me résonne dans la tête encore et encore alors que nous sommes en campagne électorale pour désigner le prochain gouvernement du Québec.

Je ne suis pas Victor Komarovsky. Je me sens plus près de Docteur Jivago. Voire de Sancho Pansa. Ça dépend. Je dirais que je suis un Claude Blanchard socialiste.

Il n'en demeure pas moins que la gauche québécoise, celle qui s'est regroupée au sein de Québec Solidaire, est constituée de personnes capables face à des politiciens finis.

Des politiciens finis et usés qui me font penser à une bande de touristes perdus sur une banquise qui fond dans l'océan Arctique.

C'est la fin.

Ils peuvent jouer encore un ou deux tours, mais sans enthousiasme, d'autant plus que leurs enfants leur rappelleront que la banquise est fondue et qu'ils se noient dans les eaux glacées de l'indifférence.

***

Bref, je m'attends à une puissante surprise, non seulement le 1er octobre 2018, mais pour les 10 prochaines années sans aucun doute.

Les vieux partis doivent eux-mêmes piger dans le programme de Québec Solidaire pour se donner du contenu.

Plus de 75% de l'électorat semble soutenir les propositions de Québec Solidaire. Et ça paraît dans la duplicité des vieux partis qui viennent de sortir de leur torpeur avinée.

Il y a quelque chose dans l'air que je ne m'explique pas.

Un parfum de printemps érable. 1917 après l'échec de 1905. Quelque chose comme des airs de libération. Une lassitude de l'insignifiance.

Même à Trois-Rivières le maire Yves Lévesque s'écroule sous la pression de nouveaux conseillers municipaux qui forment maintenant une majorité en opposition à ses diktats.  On lui a fait clairement savoir qu'il avait perdu la partie. Échec et mat.

C'est la fin.

Et mes prédictions? Elles changent à tous les jours.

Je me surprends à rêver d'un gouvernement Québec Solidaire majoritaire.

Parce que je me souviens du 22 mars 2012, quelque part à Montréal.

La plus grosse manifestation de l'histoire du Québec.

Suivie d'une série de plus grosses manifestations de notre histoire.

Un incroyable brassage et partage d'idées.

Un état d'esprit encore pleinement porté et assumé par les militants et militantes de Québec Solidaire ainsi que par les toujours plus nombreux sans-partis comme moi qui les soutiennent.

C'est un mouvement de société plus qu'un parti.

C'est le début.




mercredi 12 septembre 2018

El gars qui voulait s'battre

L'autre jour, je n'avais plus de lait pour le café. Le seul dépanneur qui était ouvert aux alentours était le Couche-Tard de mon quartier. Il était sept heures du matin. J'ai marché jusqu'au dépanneur. Un homme dans la cinquantaine, saoul mort, l'air patibulaire, vacillait sur ses jambes tout en fumant une cigarette. Une jeune fille du Couche-Tard versait de l'essence dans son véhicule. Sa collègue, tout aussi jeune, m'apprit à l'intérieur que le forcené était arrivé saoul mort au dépanneur et répandait de l'essence partout autour de lui en tentant d'allumer sa cigarette et de faire le plein...

Elles avaient appelé la police. Mais comme elle tardait à venir, la jeune commis du dépanneur crut bon de faire le plein pour lui et de garer son véhicule à sa place.

-Je lui ai dit de venir chercher son char demain, nous confia-t-elle en ricanant tandis que j'attendais au comptoir.

-As-tu eu peur? lui demanda la caissière.

-Pantoute! Il m'a même envoyé des p'tits bis du bout des doigts!

Cet ivrogne était donc un gentilhomme malgré tout. J'en conclus que l'histoire était close. Je pourrais boire mon café en paix en me demandant comment font ces jeunes filles pour travailler dans des conditions relativement stressantes, surtout dans un quartier comme le mien, en plein centre-ville. Nos loups-garous urbains dopés d'alcool, de meth, de coke et de je ne sais quoi hurlent du jeudi au samedi soir, dimanche matin inclus.

Ce dimanche-là où je revenais avec ma pinte de lait j'ai recroisé sur mon chemin le trognon qui chauffait son auto tout fin saoul.

Il vacillait encore sur le trottoir, se demandant sans doute où était sa voiture...

Je l'ai légèrement dépassé.

-Salut mon chum tabarnak! qu'il m'a crié.

-Salut Saint-Chrême! lui ai-je répondu.

-Ej' cherche què'qu'un pour me battre! hoqueta-t-il.

-J'espère que tu vas en trouver un à ta taille d'ici la fin de la journée mon chum! Lâche pas!

J'ai poursuivi mon chemin tandis qu'une auto-patrouille de police passa à nos côtés.

Je me suis dit qu'au pire je lui rentrerais l'os du nez entre les deux yeux.

Je n'ai pas fait signe aux policiers que c'était lui.

J'aurais dû.

Il s'est peut-être battu avec quelqu'un.

Pour rien.

Parce qu'il ne feelait pas.




Abdel vote dans le comté de Trois-Rivières

Je connais Abdel depuis un lustre. C'est un bon Jack originaire de Bosnie-Herzégovine. Il est de confession musulmane mais il n'en fait pas un tapage publicitaire. Et même qu'il en ferait que je m'en foutrais un peu. Je n'exige pas plus d'un humain que d'un autre. Ma conception de la société repose sur l'idée fondamentale d'un État de droit qui protège les personnes des condamnations arbitraires. Je ne suis donc pas tout à fait un anarchiste, bien que je ne milite pour aucun parti politique.

Mais ne parlons pas trop longtemps de moi. Mon blog regorge de propos narcissiques que vous pourrez lire dans vos temps vraiment perdus.

Je vais plutôt vous parler de mon bon chum Abdel.

D'abord, il faut dire qu'il ressemble vaguement à Maurice Richard. C'est un gars solide sur ses épaules qui a fait deux ans de service militaire en ex-Yougoslavie.

On pourrait croire qu'il est du Lac St-Jean si ce n'était de son accent slave qui fait tout son charme auprès de nous. C'est comme voyager à peu de frais que d'entendre parler Abdel. Et le rire n'est jamais loin parce que, dans son coin de pays, on ne se fait pas que la guerre.

L'autre jour, Abdel me racontait qu'il existe un petit village dans son pays natal où un type un peu bizarre est persuadé de rouler en Mercedes alors qu'il enfourche un simple bâton. Tout le village s'est pourtant prêté à son jeu plutôt que de se moquer de lui. On a mis un sigle de Mercedes au bout de son bâton. Les policiers font semblant de lui donner des contraventions quand il est mal garé. Bref, il fait partie de la communauté qui, sous cet aspect, n'en devient que meilleure.

Nous avons aussi nos originaux et nos détraqués au Québec. Louis-Honoré Fréchette en a même fait l'un des plus grands livres de la littérature québécoise. Il y a chez les originaux et détraqués cette marque d'acceptation qui rend parfois l'humain plus grand. Cette ouverture à l'autre, à la différence, à la plus foudroyante des marginalités s'il le faut. Comme celle de feu mon chum Sylvain qui s'était fait mettre du botox sous le crâne pour se donner des cornes en harmonie avec sa langue fourchue épinglée de mille et un quossins. Il gagnait des prix dans des salons d'écorchés vifs à faire peur. Ça lui faisait du blé en plus des tatouages et piercings qu'il faisait.

Bien sûr qu'Abdel n'est pas un détraqué. Mais moi je le suis. Je veux dire que je suis un personnage de bande dessinée. Le marginal, eh bien c'est toujours un peu moi. Et je comprends cette pression sociale qui nous ferait haïr même notre droit d'exister. Je comprends ce que c'est que de se faire baver par des ploucs et des péquenauds.

Cela dit, je digresse encore. Parce que je ne maîtrise aucune stratégie.

Comme Abdel. Un vrai feu. Un artiste. Un gars qui te calisse un coup de pied dans une porte quand elle est fermée au lieu de chercher ses clés. C'est con. Mais c'est vivifiant.

***

J'avoue avoir un faible pour les gens passionnés et flamboyants.

C'est sans doute un défaut que je partage avec Abdel.

Hier, j'ai demandé à Abdel pour qui il allait voter aux élections.

Je sais d'avance qu'il ne voterait pas pour la CAQ ou le PQ pour les mêmes raisons que moi. QS ne l'inspire pas trop à cause de l'idée de la séparation en laquelle il ne croit pas pour des raisons que je partage en partie avec lui. D'autant plus que sa fille enseigne le français en Ontario avec son accent du Lac St-Jean. Elle m'a d'ailleurs dit que là-bas les francophones revendiquent de plus en plus de services et des écoles en français d'où un manque d'enseignants à combler. Elle m'a dit que les Nords-Africains francophones défendaient farouchement le fait français en Ontario et, à vrai dire, ça m'a fait chaud au coeur de savoir que la fille d'Abdel était missionnaire française en Ontario...

***

Abdel va voter pour le Parti Vert à Trois-Rivières.

Le candidat du Parti Vert, Aziz, est un christie de bon gars. Je suis sa carrière depuis un bout. Il travaille dans une maison pour itinérants. Je sais qu'il porte un idéal pour la communauté.

Je connais aussi la candidate du PQ, une bonne personne pour qui j'avais de l'estime lorsqu'elle était au conseil municipal face au maire Yves Lévesque. Malheureusement, sa formation politique suscite les craintes de mon ami Abdel. Et je comprends ses craintes.

Pour ce qui est de la CAQ on n'en parle même pas.

Et pour QS, eh bien la souveraineté est sans doute un boulet pour rejoindre le vote des citoyens issus de l'immigration. D'autant plus que bon nombre de péquistes influents ne cessent de siffler les chiens pour qu'ils aillent mordre les mollets des minorités. Les autres péquistes préfèrent se taire par stratégie, ce qui en dit long sur leur absence de valeurs ou de principes.

***

Abdel ne votera pas pour le PLQ. Moi non plus. Mais on en vient à souhaiter que le PLQ soit réélu plutôt que d'avoir à composer avec des politiques identitaires qui pueront la xénophobie et feront en sorte de peinturer dans un coin les Québécois au reste du Canada et du monde.

Mon père m'aurait certainement cité Arthur Buies pour les élections qui s'en viennent.

Buies qui écrivait, de mémoire, que les Anglais apprennent à lire et à compter tandis que les Canadiens-Français apprennent l'histoire et le petit catéchisme...

Abdel va sûrement «perdre» ses élections. Le Parti Vert a peu de chances à Trois-Rivières. J'espère que Aziz se présentera maire de Trois-Rivières. Ou Marie-Claude Camirand. Voire la fille de Abdel si elle revient. Fatima pourrait vous charmer avec sa gueule de punk, Lizbeth dans Millenium, et son accent du Lac St-Jean.

J'ai encore des chances de «gagner» les miennes.

Je crois encore en la possibilité d'un gouvernement Québec Solidaire majoritaire.

Deux semaines c'est une éternité en politique de nos jours.

Même Abdel est d'accord avec ça.

Même s'il rajoute que les politiciens sont tous des hosties de crosseurs et de mangeux de marde.







mardi 11 septembre 2018

Ailleurs



«Homme libre , toujours tu chériras la Mer!»
Charles Baudelaire, L'Homme et la Mer

Je reviens de deux semaines de vacances. L'une dans le fin fond du bois à Hérouxville. Et l'autre aux Bergeronnes, près de la mer.

J'ai peu écrit entre temps.

Lever de soleil aux Bergeronnes vendredi le 7 septembre 2018.
Je me suis baigné. J'ai nagé. J'ai ramé. J'ai marché. J'ai exploré la forêt et les barrages de castors. Puis j'ai contemplé.

Les mouches noires ne m'ont pas épargné.

Cependant, j'ai vite oublié la sylve obscure en m'abandonnant à la lumière qui nimbait l'immensité de la Mer, tout au bout du grand fleuve Magtogoek.

J'ai oublié le travail et la politique.

Et je me suis concentré sur le bal des baleines en compagnie de ma douce.

Je reviens les batteries rechargées. J'ai encore la sensation de flotter mais il y a plus encore: je ne suis déjà plus le même. 

Je suis transformé.

Je ressens intensément toute la fatuité et toute la vanité des humaineries.

J'envie presque la vie des hérons et des baleines.

Je suis ailleurs.

Et je reviens ici. chez-moi, avec la campagne électorale, les problèmes sociaux, la nuit sans étoiles...

Il y a pire, je sais.

Mais j'éprouve tout de même cette déception de revenir purger ma peine après avoir entrevu  pour un moment très furtif ce que pourrait être le paradis.


JE VOTE POUR VALÉRIE DELAGE, CANDIDATE QS DE TROIS-RIVIÈRES

Je vais voter pour Valérie Delage candidate de Québec Solidaire pour le comté de Trois-Rivières. Je ne suis pas membre de QS mais je partage certaines valeurs fondamentales avec cette formation politique qui mérite mon soutien: inclusion, justice sociale, féminisme. Valérie Delage représente bien ces idées.

La victoire de Valérie Delage à Trois-Rivières n'est pas impossible. 

Elle est réalisable si tous ceux et celles qui prétendent voter pour QS prennent la voie des urnes pour changer vraiment les rapports de force entre les pouvoirs de l'argent et la volonté du peuple.