dimanche 30 novembre 2008

NOUVELLE TOILE & BUKARKSI EN REMET

J'ai peint à l'acrylique un nouveau tableau de format 20 X 24 pouces. Il s'intitule C'est la ruée au supermarché.

J'ai d'autres projets en cours, dont La fameuse patinoire du Parc des pins, la patinoire de mon enfance où l'on jouait au hockey. Je vais explorer le thème de l'hiver en milieu urbain.

***

BUKARSKI IS STILL ALIVE AND WELL

Bukarski en remet. C'est le plus grand écrivain de la Macédoine ne serait-ce que parce que je le connais un peu. Il me fait savoir, dans mon billet précédent, qu'un magazine francophone vient de l'interviewer. C'est qu'il monte dans les palmarès ce Bukarski qui disait récemment qu'il y a trop de profs et trop de chauvinisme dans la littérature macédonienne. Bukarski a ouvert les fenêtres et s'est fait connaître ailleurs, c'est-à-dire en Bulgarie, et bientôt je parie que les lecteurs anglophones et francophones entendront vibrer son nom comme on entendrait vibrer le coeur de la Macédoine, juste parce que Bukarski raconte la vie des pauvres gens au lieu de raconter celle de vagues personnages historiques placés au coeur de vagues intrigues nationalistes.

Vous pouvez lire ici cet entretien avec le grand Bukarski, un auteur que je n'ai jamais lu qu'en traduction Google et qui demeure néanmoins le plus grand espoir littéraire de la Macédoine.

Allez voir son blogue et dites-lui salut de ma part en anglais. Il va chier des taques. Bientôt publié au Québec: Alex Bukarski!

LA CRISE DE L'ÉDUCATION VUE PAR MON FRÈRE CHRISTIAN


J'ai reçu de mon frère Christian, professeur au niveau collégial, un courriel que je m'en voudrais de ne pas partager avec vous. J'imagine qu'il ne m'en portera pas rigueur de le publier ici sans le lui demander. Il est huit heures et cinquante minutes du matin et je ne compte pas le réveiller pour si peu.

Mon frère en découd avec certains discours qui foisonnent dans le monde de l'éducation, discours qui nivellent vers le bas l'acquisition du savoir et confinent les édudiants à un rôle de clients qui s'achèteraient une formation en RCR, tout croche tout de travers, avec un diplôme bidon qui ne signifie rien de plus que l'étudiant-client était bel et bien présent sur les lieux quand le formateur-enseignant a nommé son nom.

À la suite de sa lettre, vous trouverez la réponse que je lui ai envoyée.

***
LE COURRIEL DE MON FRÈRE

Note: Ce courriel a été envoyé à quelques professeurs et amis. GB

Objet: Une entrevue sur la crise que traverse l'éducation...

Bonjour,

En fichier joint, vous trouverez une entrevue avec Marcel Gauchet, publiée dans le récent numéro du magazine français Le Point. L’école est en perte de sens. On lui demande n’importe quoi, et on oublie de lui demander ce qu’elle devrait offrir : transmettre des connaissances. L’obsession pédagogique supplante le goût du savoir. Or, la pédagogie ne sert à rien si les profs ne savent rien. De même, le savoir ne sert à rien si les profs le transmettent pour rien. La culture, je ne cesse de le répéter, n’est pas qu’un savoir, c’est d’abord et avant tout un rapport au savoir. Lequel traduit un rapport au monde.

Aucune réforme pédagogique ne viendra à bout de l’ignorance si l’on n’examine pas avec tout le sérieux nécessaire les attaques répétées du marché contre la tradition humaniste. Je termine actuellement la lecture d’un essai de Jean-Claude Michéa, L’enseignement de l‘ignorance (Paris, Éditions Climats, 2006). Michéa est aussi un spécialiste d’Orwell. Il croit avec l’auteur de 1984 que toute volonté politique se trahit par les mots qu’elle promeut. Les lois du marché trouvent inutiles l’esprit critique et l’imagination du citoyen. Elles ne s’intéressent qu’au consommateur. Dans l’être humain, elles voient celui qui désire et qui achète; elles ne voient pas celui qui analyse et qui réagit en fonction de ses pensées. On commence par dire que l’étudiant est un client, et on s’étonne ensuite qu’il négocie le prix de la marchandise. Un client n’entre pas dans une école pour apprendre, il y entre pour acheter un produit appelé « diplôme ».

Je tenais ce langage dès que l’on a voulu me faire rentrer dans le crâne qu’un étudiant est un client, ce que je n’accepterai jamais. Je constate de plus en plus que l’on emploie des mots jugés innocents alors qu’ils sont porteurs d’une terrible maladie. Dans l’une de mes classes, près de 60% de mes étudiants jugés compétents en français à l’issue de leurs études secondaires (l’adjectif à lui seul devient éloquent) multiplient les erreurs de français et de logique. Mais on leur a dit qu’ils étaient compétents, et avec raison depuis quelques mois ils s’étonnent de voir leurs compétences mises à rude épreuve. À un vœu pieux s’est ajouté un mensonge. Sur un mensonge se greffe le désespoir.

Le savoir ne s’achète pas, il s’acquiert. Le goût ne s’achète pas, il s’éduque. Savoir, du latin sapere, « avoir du goût ». Je vais à l’école pour que la vie ait du goût. Voilà ce que je dis en classe. Et voilà ce que soutenait la tradition humaniste avant qu’on lui reproche de faire autre chose que du commerce.

On s’inquiète de voir les jeunes se nourrir si mal; on devrait s’inquiéter tout autant de voir leur cerveau si mal nourri. Avec du fast-food, on gave des estomacs paresseux; avec de petites « activités » et des ritournelles, on diplôme des esprits anémiques.

Le rêve des Lumières tourne-t-il au cauchemar? L’éducation pour chacun se réduit-elle à l’ignorance pour tous? Ne pas se contenter d’un oui à ces deux questions, justifie mon travail.

Salutations cordiales,

Christian

***

LE COURRIEL QUE JE LUI AI ENVOYÉ:

Salut Christian,

C'est plein de bon sens, ce que tu écris, mais savent-ils lire au Ministère?

J'ai sauté les plombs en 1992, pendant ma maîtrise en philo. J'ai cru, avec raison, que l'on ne m'enseignait que de la merde. Les bibliothèques et la vie pour ce qu'elles sont en elles-mêmes contenaient plus de science qu'il n'y en avait parmi cette clique de doctes ignorants qui m'enseignaient tant bien que mal des niaiseries sur la chaise en tant que chaise.

Les asiles débordent d'ex-étudiants qui n'ont jamais compris la chaise en tant que chaise. Et je ne blague même pas! Notre système d'éducation est une usine à produire des chocs nerveux et des désespoirs abyssaux. Seuls les plus caves réussissent. Les autres subissent. Et ils se révèlent un jour au monde par leurs propres moyens: oui, j'ai réussi mon cours de maternelle... Voici mon diplôme: je l'ai jeté aux poubelles.

Massif termine sa première session au Cégep. Il trouve les pré-socratiques soporifiques mais s'intéresse fermement à Diogène de Sinope (ma mauvaise influence peut-être?) ainsi qu'aux philosophes chinois. Cela me rassure. Il ne sera pas un imbécile.

On leur enseigne à détester la philosophie ou la littérature. On leur fait lire Les misérables en version abrégée et les pré-socratiques en version fleurdelisée. La pré-maternelle est plus exigeante à plusieurs égards.

Je pense à M***, C***, Rob-Bob et combien d'autres drop-out que j'ai
connus qui transcendaient en termes de savoir tout ce que l'institution leur offrait: un brouet immonde de dates et de statistiques, de commentaires stupides et de livres du Ministère de la Vérité. Nous nous en allions seuls sur les chemins de la vie avec Rimbaud, Prévert, Lao-Tseu, Darwin, Einstein, Miller et combien d'autres! On préférait la société des poètes disparus à la société tout court ou bien à l'école.

Vous êtes au front, Christian. Je n'envie pas ton rôle. Je sais qu'il est difficile.

C'est ce qui fait que Klimov était un géant parmi tous ceux qui nous enseignaient. Klimov se tenait debout avec sa pile de livres et nous en faisait lire trois cents par année, par goût bien plus que par obligation. S'il n'avait pas été là, nous n'aurions lu que des livres obligatoires, des livres probablement ennuyants, essentiellement des condensés, des extraits ou des exégèses...

S'il avait été possible de trouver ne serait-ce qu'un seul juste à Sodome, la colère du Ciel ne serait pas tombée sur la ville. Il y a quelques justes au Cégep, au Collège Laflèche et à l'UQTR. Vous ne subirez pas le sort de Sodome, pas cette année à tout le moins.

Dans le fond, l'institution a besoin de types comme toi pour sauver la face.

J'espère qu'ils vont te remercier de la leur avoir sauvée une fois de plus, comme à chaque année de ton magistère depuis que tu en saignes.

J'en doute cependant. Le rôle des crétins est de jalouser, pas de dire merci.

Sache que les drop-outs sont de ton côté!

Nous vaincrons... peut-être!

Gaétan

***

Sur ce, un air de musique.

samedi 29 novembre 2008

NOËL POUR TOUT LE MONDE


Luc marchait tous les jours, à heures fixes, pour se trouver du travail ou tuer le temps. Du lundi au vendredi, il se faisait refuser partout, au Canadian Tayeure, à la rôtisserie du coin, à la plonge des restos, au Rhona, partout.

Il en vint à penser que son baccalauréat en littérature lui nuisait dans ses démarches en vue d'obtenir un petit boulot. Il enleva donc cette référence de son cévé et se contenta d'écrire qu'il n'avait qu'un diplôme d'études secondaires.

Il enleva aussi toutes références à ses emplois précédents en traduction et rédaction technique. Il ne conserva que les shitty jobs sur son cévé pour se mettre au diapason des nouvelles réalités du marché de l'emploi.

Pourtant, il ne récolta rien de plus. Le problème était ailleurs. Peut-être que la ville où il vivotait ne se méritait pas pour rien le titre peu envié de capitale nationale du chômage au Canada.

Tout allait chez le diable. Trente pourcent de la population de la ville était au chômage. Et on trafiquait les chiffres, évidemment, pour faire baisser le taux de chômage dans les statistiques. Et on baissait la durée des prestations d'assurance-fromage pour la même raison. De sorte qu'il n'y avait plus que 10% de chômage. Et toujours trente pourcent de pauvre monde qui se faisait chier dessus par les politiciens crosseurs et les repus qui votaient pour eux pour que l'on fasse payer les pauvres.

Luc envoyait au moins trente cévés par jour en plus de cogner à toutes les portes pour se faire dire «envoyez-moi votre cévé». Ses traits se creusaient d'une semaine à l'autre et l'automne pluvieux lui conférait un teint pâle, voire maladif, qui rebutait à tous les employeurs. Et c'était sans compter ce sourire ridicule que Luc leur esquissait, un sourire à la dent pourrie, bourrée en permanence d'ibuprofène extra-forte pour engourdir le mal.

Maudite dent sale! Une molaire qui faisait entendre le battement de son coeur en permanence et que Luc oubliait de faire soigner dès qu'il recevait son chèque d'aide sociale parce que lui, sa femme et ses enfants avaient faim. L'épicerie passerait avant la dent. Tout le monde aurait de quoi se mettre sous la dent. Et on reprendrait des forces pour la suite des choses, la marche tous les jours, tôt le matin, à heures fixes, pour se trouver du travail, la dent pourrie bourrée d'ibuprofène.

Luc n'avait pas d'argent pour le dentiste. Il recevait de l'aide sociale depuis deux mois. Cependant, l'aide sociale ne couvrait les soins dentaires qu'après deux ans de végétation.

Aux grands maux les grands remèdes. Luc s'acheta une paire de pince-grippe le 1er décembre, en recevant son chèque d'aide sociale. Et il s'arracha la dent, lui-même, en jouant avec sa dent toute la journée, la pince-grippe dans la gueule, l'ibuprofène pas trop loin. Il réussit à l'extirper de sa gencive juste avant d'aller se coucher, vers dix heures le soir.

Chloque! Elle sortit d'un coup, la vieille molaire pourrie.

Évidemment, Luc s'en réjouit immédiatement. Enfin! Le mal était fini! Ce mal qui empoisonnait son quoditien depuis deux mois. Il n'aurait plus que la pauvreté à combattre!

Les jours qui suivirent, son teint prit du mieux. Luc n'avait plus mal aux dents et ne prenait plus d'ibuprofène. Il mangeait mieux. Il s'était mis à remâcher du côté de sa dent qui lui faisait mal.

Cependant, ses malheurs étaient loin d'être terminés. Il n'avait toujours pas d'emploi et Noël arrivait à grands pas, Noël, les cadeaux qu'il ne pourrait pas faire, la famille qu'il visiterait avec la honte et l'humiliation au coeur, sa blonde qui avait le teint pâle, ses enfants qui mangeaient du pain blanc sans protéines...

Si seulement il avait cru en Dieu, il aurait pu se plaindre à Lui ou bien Le supplier de lui venir en aide. Mais non, Luc affrontait tout ça comme une muette injustice qui lui faisait parfois serrer les poings. Et les airs de Noël jouaient partout. Et les lumières de Noël étincelaient. Et les sapins étaient recouverts de guirlandes. Et les paniers de Noël seraient distribués le 20 décembre, à la banque alimentaire du quartier. De quoi manger un peu mieux que d'habitude mais rien pour faire bombance. Rien pour fêter.

Et c'était justement le 20 décembre. Luc rentra chez-lui avec son panier de Noël, une gracieuseté des bienmunis aux démunis. «Merci! Oh! Merci de me soutenir dans ma pauvreté sale!»

Combien de temps de prison pour un vol de banque? Bah! Pauvre homme, ce Luc, qui va quêter son panier de Noël à la banque alimentaire au lieu de commettre un vol de banque... «Pas assez homme, hein? Nous ne sommes pas assez hommes dans l'quartier?» Luc regardait son panier de Noël et essayait d'avoir l'air heureux avant de rentrer à la maison, pour ne pas enfoncer sa famille dans la déprime. Il s'efforcerait de faire rire tout le monde, sa blonde, ses deux filles et son garçon.

-J'vous l'dis, ça va aller mieux bientôt... J'ai fait un voeu à la fée des dents!

Tout le monde riait jaune. Sa blonde lui frottait le dos l'air de dire, fais-toé z'en pas mon homme, on va s'en sortir. J'sais pas comment. J'sais pas quand. Mais on va s'en sortir...

Ce soir-là, en déballant son panier de Noël, Luc avait beau faire des farces, qu'il avait le motton dans le gorge, une envie de pleurer comme un enfant, une envie qu'il réprimait tant bien que mal, en façade, mais qui lui dévorait l'intérieur encore plus salement qu'un mal de dent.

-Quand est-ce qu'on va s'en sortir? pensa-t-il. On devrait faire une révolution. On devrait tous s'unir, tous les pauvres et tout faire péter ça! Ils nous font manger d'la marde toute l'année pis faudrait leur dire merci? Fuck off! Nous ne sommes rien: soyons tout!

Il délirait. Il reprenait des slogans communistes alors qu'il n'avait aucune estime pour leurs buts et leurs moyens.

-On va pouvoir faire une soupe au chou pour Noël, Bé, que lui dit sa blonde pour le sortir de sa torpeur.

-Hum... Ça va être bon! qu'il lui répondit, en riant jaune.

***

Luc passa toute la nuit à se tourner et retourner dans le lit.

Il avait fait un cauchemar.

Il marchait dans un labyrinthe avec une hache. Tous ceux qui s'amusaient à l'humilier, au jour le jour, étaient à ses trousses, dont la caissière de son institution bancaire qui le regardait toujours d'un air méprisant quand il allait changer son chèque d'aide sociale, à tous les premiers du mois.
Elle et tous les autres avaient de grands dents et menaçaient de le mordre. Luc courrait devant eux, hache en main, prêt à la leur enfoncer dans la gueule s'ils s'approchaient trop de lui.

***

Une fine neige tombait. Une odeur de soupe au chou flottait dans la pièce. Sa blonde était debout depuis quelques temps et avait commencé à cuisiner.

Luc déjeuna rapidement puis alla voir s'il y avait du courrier.

Il y avait deux lettres, une de Revenu Canada et une de Revenu Québec.

-Qu'est-ce que c'est encore? Les tabarnaks! se dit Luc en lui-même.

Il ouvrit la première lettre. C'était un chèque de 758$!

-Mes impôts! Hostie! Mes impôts!

Luc se souvenait tout à coup qu'il avait fait ses impôts il y a quelques mois, des impôts qu'il n'avait pas faits depuis cinq ans, par indifférence totale. Il les avait faits comme on lui avait exigé de les faire. Il inscrivit zéro partout et il posta ses dix rapports d'impôt sans trop se questionner.

-Ils ont les chiffres. Ils compteront à ma place les hosties d'chiens! qu'il s'était dit.

Ce qu'il ne savait pas, c'est que l'impôt lui devait de l'argent. Et beaucoup plus qu'il ne l'eût cru.

Le 758$, ce n'était que pour une seule année. D'autres chèques suivraient. Au fédéral: 758$, 654$, 235$, 376$, 508$. Au provincial: 203$, 328$, 114$, 123$ et 345$.

-Wow! Bé! Viens voir ça!!! Mes impôts!

-Quoi?

-Jette la soupe au chou pourri tabarnak! On va au restaurant Bé!

-Hein?

-J'viens de recevoir presque 1000$ de mes anciens rapports d'impôt! Pis y'a encore du fric qui va rentrer cette semaine! Yahou!!!

***

Pas besoin de vous dire que ce Noël fût magique. Le réfrigérateur et le congélateur étaient pleins. Tout le monde mangea à sa faim. Tous les enfants reçurent un beau cadeau. Et ça dansa. Et ça ria. Et ça s'aima, tout simplement, dans toute cette heureuse maisonnée, heureuse de retrouver sa place au soleil sous la neige fine qui tombait pour faire accroire que le Père Noël existe.

L'année s'achevait sous une belle note.

La nouvelle année ne pourrait qu'être meilleure encore, avec tout ce bel argent dans les poches.

-On va se racheter du linge pis du steak pis du pain brun prébiotique pis du jus d'orange naturel pis un ordi pis un numériseur pis de quoi se r'partir en business...

-Ah oui! Pis on va voyager aussi! Sortir de c'te maudite ville! Améliorer notre sort loin d'icitte!

-Ah oui! Ah oui! Ah ouiiii!

Il y eut comme un flash dans la tête des deux amants. Et une flaque dans le lit.

Tout redevenait possible.

Le Rédempteur avait brisé toutes entraves.

La Terre était libre et le Ciel était ouvert.

Le peuple, debout, allait vers sa délivrance.

Noël! Noël!

Même pour les athées.

Même pour les pauvres.

Noël pour tout le monde.

vendredi 28 novembre 2008

JE VAIS ROTER LE 8 DÉCEMBRE PROCHAIN


Le 8 décembre prochain, je rote.

Je ne voterai pas pour

1) le Parti libéral du Québec;
2) le Parti québécois;
3) l'Action démocratique du Québec;
4) Gauche solidaire;
5) et tous les autres petits partis.

Je ne voterai pour personne. Je vais roter. Je vais écrire fuck you sur le bulletin de vote et je vais le déposer dans l'urne. Comme si j'étais l'avant-dernier des paroissiens qui se présentait à la grand' messe, juste avant que l'église ne passe sous le pic des démolisseurs.

Le 9 décembre prochain, je vais faire comme si rien ne s'était passé la veille.

Le vrai pouvoir est toujours dans la rue, peu importe qui prend le pouvoir. C'est ce qui me réjouit et m'inquiète tout autant, paradoxalement.

Et le 9 décembre prochain, et les jours qui suivront, la partie se poursuivra entre le pouvoir constitutionnel et le pouvoir populaire, comme toujours.

Tout le reste n'est que du théâtre de marionnettes.

Le peuple ne sait pas que c'est lui qui tire les ficelles, pas seulement le jour du vote, mais tout le reste du temps. Le pouvoir constitutionnel n'est rien qu'un écran de fumée, un show de boucane derrière lequel se cache les magiciens d'Oz de la politicaillerie, des nains qui se croient des géants jusqu'à ce que le décor de carton s'effondre.

Les politicards gouvernent en tenant compte de la pression populaire. Ils se rappellent tous de 1789 et de 1917. Ça peut éclater n'importe quand. Et leur décor n'est qu'en carton.

Les derniers peuvent devenir les premiers et vice versa. Rien n'est coulé dans le béton de nos jours.

Tout est vaseux, brouillé, changeant.

***

«Vous vous laissez enlever sous vos yeux le plus beau et le plus clair de votre revenu, vous laissez piller vos champs, voler et dépouiller vos maisons des vieux meubles de vos ancêtres ! Vous vivez de telle sorte que rien n’est plus à vous. Il semble que vous regarderiez désormais comme un grand bonheur qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies. Et tous ces dégâts, ces malheurs, cette ruine, ne vous viennent pas des ennemis, mais certes bien de l’ennemi, de celui-là même que vous avez fait ce qu’il est, de celui pour qui vous allez si courageusement à la guerre, et pour la grandeur duquel vous ne refusez pas de vous offrir vous-mêmes à la mort. Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire.»

Étienne de La Boétie, Discours de la servitude volontaire

***

Le 8 décembre prochain, j'écrirai fuck you sur mon bulletin de vote.

Ouais.

Le 8 décembre prochain, je rote.


jeudi 27 novembre 2008

LES ADULTES SONT CONS ET EN PLUS ILS PUENT

Les adultes sont cons et en plus il puent. Quand ils ne sont pas en train de manger des pilules, ils passent des heures à se décrotter pour en revenir toujours au même point avec leurs squames sèches, leurs remugles dégoûtants et leurs poils hirsutes qui poussent à des endroits solites ou insolites.

Les adultes crient pour rien et s'enthousiasment de niaiseries même pas drôles. Tout leur univers se résume à de la routine, des poncifs ou des mathématiques.

Tout devrait être sérieux pour les adultes juste parce qu'ils puent.

Tout devrait être toujours pareil juste parce qu'ils sont cons.

Dès qu'on apprend à un enfant à compter, on ne mesure pas assez les dommages irréparables que nous provoquons à son cerveau. Dès qu'il sait compter jusqu'à dix, il a ses premières squames sèches et se met à puer.

Tout adulte sérieux vous dira que je délire et il aura raison. Comme j'aurai raison de vous dire qu'il est probablement puant et con.

***

Aujourd'hui, je vais vous chanter l'enfance, tiens.

J'ai une bonne raison pour ça. Emmy, la fille de Méli, elle-même fille de ma blonde, ce qui ne me rajeunit pas, nous a rendu visite la semaine dernière.

Elle va bientôt avoir trois ans. Et il n'y a rien qu'elle adore autant que de dessiner, sinon de jouer avec des contenants de Tapeurwère ou des outils. Les jouets que les adultes lui proposent, jouets high-tech et sophistiqués, où il y a plus de mathématiques que d'âme, ne lui disent pas grand' chose. Emmy préfère les jouets qu'elle se crée elle-même à partir des objets de la vie courante. Elle traîne ses toutous comme de petits êtres imaginaires pleins de vie et d'insouciance.
Et quand on lui dit d'arrêter de faire tomber une roche sur le plancher, elle se met à pleurer de se faire toujours contrarier.

C'est alors qu'il faut lui proposer une activité pour nous faire pardonner nos règlements d'adultes cons et puants. Le dessin est toujours approprié.

C'est ce que j'ai fait vendredi dernier.

-Ok d'abord Emm'. On va faire de quoi au lieu de garrocher des roches su' l'plancher. M'en va's t'dessiner que'que chose... Qu'est-cé qu'tu veux que j'te dessine, hein?

-Sais pas, qu'elle m'a répondu.

-Tu l'sais pas?

-Non, répliqua-t-elle en prenant un air dubitatif tout à fait drôle.

-J'm'en va's t'dessiner un chat d'ebord!

-Un chat? Un chaaaaaat! Oui! Un chat!

Je vous avouerai que j'aimerais que mes clients soient aussi enthousiastes qu'Emmy quand je vends mes toiles. S'ils avaient cette même naïveté, je me connais, je leur donnerais tout. Je ne suis pas assez bon moneymaker.

J'ai donc dessiné un chat.

-On va faire un travail d'équipe Emmy. J'dessine le chat et toi tu mets les couleurs... Ça risque de faire d'la belle job parce que j'su's daltonien...

-Enwèye le chat! Enwèye le chat! qu'elle m'a répondu.

Zipzapzoup, et voilà le chat en deux traits trois mouvements.

-Hoooooo! Le chat!

Elle s'est tout de suite mise au travail et le résultat final, vous le voyez en exergue de mon texte, tout en haut à gauche.

Pendant qu'elle coloriait, j'ai produit sa caricature en y mettant un peu de réalisme. J'ai fait quelque chose de beau, croyez-moi, mais je n'ai plus le dessin, parce qu'Emmy a décidé de l'emmener avec elle.

Quand je lui ai tendu son portrait, elle a pris un crayon noir et n'a fait qu'un point en haut de la feuille.

-Çui-là il manquait juste une ligne, qu'elle m'a dit.

Et elle avait raison. J'étais éberlué: il manquait une ligne dans le vide, une ligne au crayon noir, un point en haut de la feuille, c'était bien évident. Et je ne l'avais pas remarqué. Parce que je suis devenu un adulte puant et con.

Elle a tout de suite mis le dessin de côté et m'a interdit d'y toucher. Confisqué! C'est toutte! C'était à moi de savoir qu'il manquait un point en haut.

Elle a tout de même consenti à nous laisser le petit chat qu'on a tout de suite collé sur la porte du frigo.

N'est-ce pas qu'elle est gentille?

***

Avant-hier, les bus étaient en retard au Carrefour de Trois-Rivières-Ouest. Elles sont toujours en retard les jours de tempête. J'étais dans l'abribus avec un jeune père qui revenait de travailler et qui ramenait son garçon de la garderie pour s'en aller à la maison. Il m'avait tout l'air d'un père exemplaire, patient, communicatif, présent.

-On va aller jouer dehors tantôt Gabriel! Pôpa est pas habillé pour jouer dans 'a neige. J'sors d'la job pis j'ai pas d'tuques pas d'mitaines. À souère on va mettre nos suits de skidoo pis on va jouer dehors, ok Gabriel?

-Oui mais c'est l'fun Pôpa! C'est l'fun! Hahaha!

Et le jeune Gabriel lançait des boules de neige, glissait sur le trottoir, donnait des coups de pieds dans les bancs de neige, traçait des dessins dans la neige collée à la vitre de l'abribus, reglissait, resautait, recriait.

-Pôpa! Lançons-nous des mottes Pôpa!

-J'peux pas Gabriel! Je... Ah pis ok. Rien qu'une.

Il se pencha, modela une boule de neige et la lança mollement à son garçon.

-Encore Pôpa! Encore un' autre!

-Encore? C'est froid pour les mains de Pôpa Gabriel! On va y aller à souère, ok?

-Non! Tu-suite! Lançons-nous d'la neige Pôpa!

-À souère Gabriel! À souère! Maudite bus! A' va-tu arriver?

Tous les adultes que j'avais vus cette journée-là avaient un air de cul. Mais pas ce p'tit bonhomme. Il riait, criait, sautait. C'était la plus belle journée de sa vie. Et là, cela m'a fait l'effet d'un satori.

J'ai vu cette tempête avec les yeux de l'enfance.

Il pouvait bien avoir du fun, le flo.

***

En complément de programme, je vous offre ceci.

mercredi 26 novembre 2008

COMMENT IMPOSER LE RESPECT


Dans Ste-Cécile, à Twois-Wivièwes, il est toujours inquiétant de voir arriver de nouveaux venus. Les voisins souhaitent que ce ne soit pas des fous qui foutent le volume au max à trois heures du matin. De sorte qu'ils seront obligés de sortir encore une fois leur bâton de baseball pour refroidir les ardeurs des mélomanes invétérés qui ne consomment drogues et musiques qu'aux petites heures du matin. Ah! ce bruit de la chair et des os broyés aux petites heures du matin... C'est poésie à mes oreilles... (Ben voyons, je blague... Hum!)

Enfin, heureusement qu'il y a des gens plus polis, moi par exemple.

Je n'utilise pas de bâton de baseball pour régler mes différends. Je vais tout simplement cogner chez le voisin qui m'envoie chier après de multiples demandes de baisser le volume. Je frappe fort jusqu'à ce qu'il vienne m'ouvrir. S'il n'ouvre pas, je défonce la porte d'un coup de postérieur et puis je fonce dans le logement et -Paf!- je crisse un grand coup de poing dans son mur, à l'emplacement vide, pour faire un trou dans le gyproc.

Et là j'assène ma réplique dans un nuage de poussière de plâtre accentuant symboliquement ma violence refoulée:

-J'appellerai pas la police pour te dire d'arrêter d'me faire chier à trois heures du matin, mais toé tu vas appeler la police en tabarnak pour me faire sortir d'icitte pour que j'arrête de t'faire chier! M'as-tu compris?

-Oui... hee... monsieur!

-Bonne nuit! que j'ajoute, poliment.

Enfin, je ne conseille pas cette tactique à tout le monde. Elle me réussit parce que je mesure six pieds deux pouces et pèse trois cents livres. Mes bras sont gros comme mes jambes: conséquence d'une pratique soutenue de la natation dans ma jeunesse. Et il n'y a pas trop de mou. Donc, je suis un gentleman. Je ne fais jamais usage d'un bâton de baseball graissé de vaseline au bout pour qu'il soit difficile de retenir les coups. Et si l'on veut me frapper à coups de bâtons, il ne faut pas me rater. J'ai la tête dure.

Évidemment, je ne tiens pas à vous exposer des idées violentes. Je suis d'une nature douce. Je suis un vrai Roger Bontemps. Sauf quand on me fait chier. Alors, je m'impose physiquement avec une détermination qui dépasse la témérité. Je serais prêt à crever là plutôt que de laisser se commettre une atteinte à mon droit viscéral au bonheur.

ET MAINTENANT, LINDA

Où est-ce que je veux en venir?

Ah oui! À la folle qui restait à côté de chez-nous.

Elle était saoule du soir au matin et foutait son radio à plein volume en toutes occasions.

J'aurais des tas d'anecdotes à vous raconter mais quelques-unes suffiront.

D'abord, elle ressemblait à une sorcière. Elle s'appelait Linda. Elle avait quarante ans mais en «paressait» pour soixante tout au moins.

L'hygiène n'était plus sa tasse de thé depuis longtemps. Linda était toujours avec Vidal et Marco, deux ivrognes notoires nauséabonds. Elle portait des bottes de skidoo l'été. Elle puait elle aussi.

Le premier jour qu'elle est arrivée, les deux petites filles de la voisine du bloc d'en face ont eu toute une surprise. Linda n'avait pas de rideaux dans ses fenêtres. Et les petites filles pouvaient la voir en train de se faire manger la snatch par Marco, un grand dadais aussi mêlé chaud que sobre, un grand laid pas vite du cerveau.

-Meuman... qu'est-ce qu'i' fait le monsieur?

Les policiers sont débarqués chez Linda, évidemment. Ils la connaissaient bien.

-Pas encore la christ de folle! dit le matricule 245 à son collègue.

-Ouin, la Linda calice qui s'fait manger la snatch par un cromo, répliqua son collègue.

Ils l'ont arrêtée, embarquée et redumpée dans le quartier trois jours après. C'était par un après-midi d'orage du mois de juillet. Elle portait ses bottes de skidoo sous une chaleur suffocante d'orage tropical perdu au Nord. Elle vacillait d'un bord à l'autre de la rue, avec sa king can de bière en main.

-Mes hosties d'tabarnak! qu'elle disait. Vous êtes tous su' 'es pélules mes hosties!

Elle grimpa jusqu'au balcon de son troisième étage qui, sous l'effet de la pluie et des éclairs, lui conférait l'allure d'une figure de proue grotesque affrontant la tempête en pleine mer. Les éclairs déchiraient le ciel. Des éclairs comme on en voit rarement. Ça claquait comme des bombes.

Et Linda, seule sur son balcon sans toiture, s'étalait à la proue sans soleil excessif. C'était un sacré orage!

-Viens m'charcher! que criait Linda en levant le poing vers les éclairs. Viens m'charcher mon tabarnak!

Les éclairs surgissaient de partout! Comme si Linda les contrôlait. C'est là que j'ai pensé que, vraiment, c'était une sorcière.

-Viens m'charcher! CRÂÂÂÂÂWWWK! KABOUM!

C'était surréaliste. Je vous jure.

Le soir même, après que l'orage se soit calmé, Vidal est venu la visiter pour récupérer un vingt dollars. C'est du moins ce qu'il criait, Vidal, un type qui ressemblait vaguement à Charles Manson, en cognant à coups de poing sur la porte fermée à double tour.

-Ouvre-moé Linda tabarnak! J'veux mon vingt piastres hostie!

Bang! Bang! Bang!

J'étais à côté en train de lire les oeuvres de Tchékhov et cela ne me semblait pas du tout approprié. Mon premier réflexe fût de laisser faire.

-Ah pis! Qu'i' s'tuent les tabarnaks!

Mais je suis quand même sorti sur la galerie.

Vidal avait enlevé une de ses bottes et cognait à coups de bottes, de côté de l'embout en acier galvanisé.

-OUVRE-MOÉ MA TABARNAK! DONNE-MOÉ MON VINGT PIASTRES!

Puis j'ai entendu des enfants pleurer. Linda avait des enfants et elle les voyait une fois aux quinze jours. Ça m'a comme fendu le coeur tout ça.

-HEILLE VIDAL TABARNAK! TU M'ARRÊTES ÇA TU-SUITE TU R'METS TA BOTTE PIS TU DÉCRISSES, OK?

Vidal demeura stupéfait.

-Oui capitaine! Ok capitaine! C'parfait capitaine! J'cherche pas l'trouble capitaine!

Je devais avoir l'air mauvais. Il a crissé son camp.

Entretemps la police est arrivée. Les enfants ont été récupérés par la police. Linda est retournée en dedans pour je ne sais trop quel vol de dépanneur. Puis on a pu dormir tranquille quelques jours de plus, avec les voisins qui se parlaient entre eux de bâtons de baseball graissés pour favoriser le respect des règles de bon voisinage.

-Aimons-nous les uns les autres! que je leur disais. Pas vrai?

-Me semble oui... me répondaient-ils, l'oeil méchant.

Sincèrement, les policiers sont moins dangereux que les voisins dans Ste-Cécile. Pensez-y à deux fois avant d'y mener le trouble.

Ce n'est pas la conclusion du siècle.

Mais ça dit ce que ça veut bien dire.

Excusez-là.

mardi 25 novembre 2008

LES ENTREVUES JUSTE POUR RIRE DE STEPHEN BUREAU


Ce soir c'est le débat des chefs, dans le cadre des entrevues Juste pour rire de Stephen Bureau.

Chacun des trois chefs portera une perruque et devra participer à un sketch stupide, du genre Toto et Totoune qui se balancent des tartes à la crème en plein visage.

Il sera question d'économie, bien sûr, et on posera des devinettes aux candidats. Combien font deux fois deux et demi? J'ai trente moutons, j'en rase vingt-neuf, combien j'ai de moutons? De quelle couleur était le cheval blanc du marquis de Montcalm? Avons-nous retrouvé le dentier de Samuel de Champlain?

Il y aura des questions du public, évidemment.

-Bonjour, je m'appelle Georgette d'Amqui et je me demande si cette année il y aura un crédit d'impôt pour ceux qui pratiquent la natation dans leur douche, à la maison...

-Bonjour, je m'appelle Lucien de Rimouski et la question que j'aimerais vous poser est la suivante: y'a-t-il des endroits à Montréal où l'on peut pratiquer la pêche blanche?

-Bonjour, je m'appelle Gaétan Bouchard de Trois-Rivières et je n'ai pas de question à vous poser.
Je vous trouve plates tous les trois.

Après la période de questions, chaque candidat vendra sa salade, comme dans l'émission Coup de foudre.

-Alors moi je suis quelqu'un(e) de très sensible au peuple et j'aime le peuple et je sers les intérets du peuple et je dis au peuple qu'il n'y a rien de mieux que le peuple puisque je suis pour le peuple et que les familles ont besoin d'un coup de pouce de l'État qui est le peuple dont nous sommes nous mêmes les représentants et... hee... représentantes... et hee... le 8 décembre prochain, faites une croix au bon endroit. Votez pour moi. Pas pour eux: ils puent!

Gauche Solidaire prépare une surprise. Laquelle? François David qui portera une perruque gigantesque à la Twisted Sisters et qui fera son discours dans la boîte Voxpop à Musique Plusse?

-Salut la gang! Yo! J'suis Françoise David! Yo! Gimme five! Castro est super! C'est un chef honnête et bon élu à vie! Yo! La démocratie, nous autres on connaît ça! Yo!

***

Pour ceux qui se désintéressent de la politique québécoise, l'immense majorité à ce que j'ai pu constater, eh bien il y aura l'émission Mayday à Canal D, à 20h00, où l'on parlera des circonstances de l'écrasement du vol 522 d'Helios près d'Athènes le 14 août 2005. RDS nous présentera de la boxe: Jones Jr. contre Calzaghe ainsi que Taylor contre Lacy.

Peut-être qu'un concert rock sera radiodiffusé sur Espace Musique.

Autrement, il y a l'Internet. Des tas de vidéos amusants sur YouTube et autres sites pornographiques au goût du jour. Des tas de textes à lire, plus déjantés les uns que les autres.

Les plus actifs pourront aussi s'adonner à leur passe-temps préféré: construire une tour Eiffel en bâtons de hockey ou bien monter un château de cartes.

Puisqu'il neige, il serait même approprié de sortir les vieux disques de Noël pour les écouter un peu en se saoulant la gueule.

Ouin. C'est le débat des chefs ce soir.

De la vodka s'il-vous-plaît! J'veux d'la vodka!!!

lundi 24 novembre 2008

NOTE SUR LA SUPPRESSION GÉNÉRALE DES PARTIS POLITIQUES


Je tiens en haute estime l'oeuvre de la philosophe Simone Weil, ne serait-ce que pour ce pitoyable ascétisme politique qui l'animait, pitoyable parce que je m'y reconnais. Je me priverais bien de politique, aujourd'hui. J'aimerais bien que l'on fonde sur les ruines de la politique quelque chose de plus grand que ce jeu d'apparences béates et de débats soporifiques. J'aimerais que la culture prenne le devant de la scène. La culture et la bonté, si c'est possible... Une forme d'humanisme, quoi.

Simone Weil voulait changer le monde de tout coeur. Elle y mettait aussi sa tête. Elle était élève d'Alain et disciple de Moïse, pleinement animée du voeu d'affranchir les esclaves.

Il n'y a qu'à lire La condition ouvrière pour s'en convaincre. Au lieu de marxiser avec quelques marxistes pédants qui ne se salissent jamais les mains, Simone Weil s'est sali les mains dans une usine pour comprendre, justement, la condition ouvrière. Tout ça pour en parler avec sa chair et son sang. Était-elle folle? Masochiste? Ou altruiste? Humaniste? Ça dépend du point de vue. Ceux d'en bas auraient tendance à croire qu'elle était de leur bord. Qu'elle avait compris quelque chose d'essentiel, non seulement à la condition ouvrière, mais aussi à la condition humaine.

Simone Weil était une militante d'extrême-gauche très indépendante d'esprit, ce qui est plutôt rare dans ce milieu.

Elle fût malheureuse en politique et se tourna finalement vers les sphères de la spiritualité, au risque d'y perdre un peu plus de sa tête et de recevoir le baptême catholique.

Si je vous parle de Simone Weil ce matin c'est parce que j'ai en mémoire sa Note sur la suppression générale des partis politiques. Cela m'est revenu après avoir tenté vainement de parler de politique avec ma blonde, comme si ça nous levait le coeur. Comme si nous avions la nausée ou le spleen, juste d'entendre le mot politique. Est-ce dû au mois de novembre? Ou bien à la piètre qualité des candidats? Je ne saurais dire. Je vous laisse y répondre.

Je ne jouerai pas longtemps à l'exégète. Allez lire la note de Simone Weil quand le coeur vous en dira. Pour le moment, je ne retiendrai que l'idée générale qui s'en dégage: les partis politiques sont des associations de malfaiteurs qui complotent entre eux pour diriger le pays aux dépens de tous. D'où l'importance de les abolir.

On devrait se doter d'élus qui représentent vraiments leurs électeurs. Ce qui fait que des hurluberlus comme André Arthur ou VLB pourraient m'apparaître sympathiques, quelles que soient leurs idées, parce que je trouve que leurs idées, même si ce ne sont pas les miennes, ont une âme bien à elles. On sait qu'on aura affaire avec Arthur ou VLB s'ils sont élus et non pas à un quelconque gérant de succursale. Je ne voterais probablement pas pour l'un ou l'autre. Mais j'apprécie le geste même si je n'ai rien à foutre de leurs idées rétrogrades. Même si je suis fédéraliste, je voterais pour VLB à Rimouski. Je voterais pour le gus qui veut brûler ses livres de temps à autres, ouais.

Les députés élus sous une bannière politique complotent dans les coulisses du pouvoir pour jouer avec nos vies et nos impôts. VLB ne complotera pas. Il va peut-être encore brûler ses livres, mais je ne m'en formaliserai pas trop s'ils ne brûlent pas ceux des autres.

Bien sûr, il n'y a pas de magie possible avec la politique. Bien sûr, ce ne sera jamais comme au royaume de Walt Disney. Pourtant, je me plais à penser que nous pourrions supprimer les partis politiques, sur les bulletins de vote à tout le moins. Il n'y aurait que les noms des candidats au poste de premier représentant du comté: Pauline, Jean, Mario, Françoise, Amir, André ou VLB.

Oh! ne me prenez pas trop au sérieux avec ça. Je ne sais pas moi-même qu'en penser. Ce serait trop facile de vous dire que j'ai trouvé la recette pour faire de la vraie politique. Je n'ai rien trouvé, désolé. Je ne fais que parler pour parler. Je pense à voix haute sur la Note sur la suppression générale des partis politiques de Simone Weil. Je philosophe...

dimanche 23 novembre 2008

TOUT NU COMME LES PHILOSOPHES GRECS!


Le plus fucké d'entre tous, au département de philo de l'Univarsité du Quabec à Twois-Wivièwes (UQTW), c'était Planète. Et il planait en sacrement, croyez-moi.

C'était à la mi-décembre. Une neige fine tombait sur la ville déjà enfouie sous la neige depuis quelques jours. Et nous nous amusions de voir les flocons tomber, tout en nous demandant pourquoi la ville les ramassait aussi vite, alors que c'était si beau, un tapis de neige tout blanc...

-Pour moé t'as trop fumé toé, man... I' faut ben qu'la ville la ramasse, la neige, autrement les cols bleus seront en calvaire! Les cols bleus ou les cols verts, calvaire! Huhuhu! m'avait répondu Planète en tirant à nouveau une poffe d'herbes puantes de son chillum finement décoré de motifs aborigènes.

Rob-Bob jouait du tamtam tandis que Planète poursuivait son délire. On se préparait pour se rendre au souper de Noël du département de philo. Un souper qui aurait lieu dans un restaurant grec, Le Sirtaki.

Nous avions tous revêtu une toge, parce que nous étions saouls et gelés raide, une toge pour faire comme les philosophes grecs avec lesquels on arrêtait jamais de nous emmerder: Aristote, Platon, Socrate...

Y'a pas que les Grecs bon sang! Et Lao-Tseu? Et Sitting Bull? Évacués! Personne n'en parlait au département de philo sinon Kleemoffski, notre prof préféré, qui ressemblait à un Jos Dassin trop nourri et qui nous faisait lire Dostoïevski et les autres Chinois. Kleemoffski nous payait aussi la traite tous les lundis soirs après les conférences de son cercle de philo, où nous nous déplacions souvent pour le vin d'honneur et parfois pour les conférenciers. Il savait comment se rendre populaire auprès des ivrognes et des intellectuels du département, ce sacré Kleemoffski.

-Kleemoffski parle de liberté dans ses cours, man. Tous les autres profs nous parlent juste de trucs que j'comprends pas! déclara Planète en calant d'un trait sa quatorzième bouteille de bière. Pis en plus, Kleemoffski sert du vin à ses conférences! Pas des verres d'eau maudit sacrement! Comme l'autre là, Pomerleau, pis ses maudits cercles de philo analytique mon cul! De l'eau hostie! I' nous prend pour qui? Wooo! I'm flying out man! Heille man, feriez-vous du buvard, man?

J'ai sorti mon harmonica et j'ai poussé quelques notes tandis que les joints et les bouteilles de bière circulaient en s'entrechoquant.

-It's too crazy, man, ajouta Mark, un gars de Colombie-Britannique qui apprenait le français à l'université. I'm flying out too!

-C'est le temps de flyer, les boys... que j'ai dit, au bout d'un long silence. Le souper est à six heures au Sirtaki.

Planète bourra un autre chillum d'herbes puantes et aspira largement plusieurs bouffées. Puis il cala deux bières d'affilée, termina un dix onces de vodka à peine entamée, et s'envoya quelques buvards par derrière la cravate pour soigner sa présentation pour le souper de Noël des philosophes, au restaurant grec Le Sirtaki.

AU RESTAURANT GREC LE SIRTAKI

Il devait bien y avoir tout près de trois cents personnes ce soir-là au restaurant grec Le Sirtaki. Nous fîmes fureur avec nos toges. Ou bien avec l'odeur d'herbes puantes qui se dégageait de nous. Quoi qu'il en soit, on pouvait lire l'étonnement sur plus d'un visage.

-Pourquoi qu'i' s'habillent de même avec des draps pis des nappes? déclara une madame dans la soixantaine à son mari. Elle venait de se servir une troisième assiette au buffet, des crevettes qu'elle écossait lentement en dénigrant les gens autour d'elle.

C'est du moins ce que nous nous imaginions dans la montée de notre trip.

-Check-là, elle, la commère du village qui écosse des crevettes...

Les profs de philo, même Kleemoffski qui en avait pourtant vu d'autres, restèrent tous ébaubis devant nos toges de philosophes grecs, que nous portions d'ailleurs par-dessus nos vêtements. Ce qui fait que nous nous en sommes vite débarrassés une fois la blague retombée.

Planète n'était pas encore là. Il était passé chez un type pour chercher quelques produits euphorisants avant de se présenter au Sirtaki.

Son entrée fût encore plus remarquable que la nôtre. Comme nous étions dehors à fumer un splif près des poubelles du resto, voilà que Planète est arrivé en taxi avec Véronique, une fille pas rapport dans l'histoire qui n'était là que pour se geler et manger en se faisant passer pour une étudiante en philo. Elle portait une toge, elle aussi, mais par-dessus ses vêtements.

Planète, lui, trouvait que ce n'était pas assez. Il s'est donc déshabillé dans le taxi, tout nu pas de bas, avant de payer le chauffeur et de ressortir de la bagnole avec un drap blanc autour du corps qui n'était pas bien noué, ce qui fait que l'on voyait son cul et ses parties génitales.

-Tu peux pas rentrer d'même Planète! qu'on lui a dit. Voyons don' man!

Mais Planète était boosté, du fait de son ivresse mais aussi parce que Véronique était là, une fille, et qu'il voulait lui montrer qu'il était un excentrique, un vrai de vrai, un philosophe grec quoi.

-Man! La liberté c'est trop important pour que j'la laisse à quelqu'un d'autre! hurla Planète en riant de folie ou de rage. Si j'décide de rentrer dans le restaurant en toge, j'va's rentrer en toge!

-Ben, Planète... C'est parce qu'on voit tes couilles dépassées... Hee....

-J'm'en sacre! J'suis un vrai, moé, man! J'suis pas une imitation! LI-BAR-TÉ!

Et Planète, bien sûr, fit son entrée dans le restaurant, une entrée qui claqua encore plus que la nôtre, vingt minutes auparavant. Son drap était tombé devant trois cents personnes complètement ébahies. Planète ne s'en formalisa pas trop. Il ramassa son drap et se le noua tant bien que mal autour du corps, sans trop serrer les noeuds, comme un ivrogne sur le point de défaillir.

Les profs et les étudiants de philo les plus conventionnels ressentaient une forme de honte ou d'amusement difficile à décrire. Moi, je capotais pour Planète. Je me disais qu'il était en train de se crisser dans la marde.

-Ça va mal finir tout ça... Hostie... C'est pas créyable!

Comme c'était un buffet libre-service, Planète alla se placer dans la file, juste derrière Kleemoffski et quelques soixante autres personnes. Planète était maintenant nu comme un ver, dans la file. On ne trouvait plus son drap. Où l'avait-il mis?

Pendant qu'on cherchait son drap, je veux dire sa toge, eh bien Planète discutait philosophie avec Kleemoffski, sous l'oeil outré de trois cents clients. Les employés du restaurant Le Sirtaki se sentaient dépassés par les événements. Ils ne faisaient et ne disaient rien.

-Heille man, tu parles souvent d'liberté dans tes cours hein, man? demanda Planète à Kleemoffski, en lui tapotant l'épaule pour signifier qu'il s'adressait à lui.

-Man, c'est quoi pour toé la liberté? poursuivit Planète, toujours aussi nu comme un ver.

Kleemoffski bien qu'impassible, ressentait tout de même une petit gêne devant ce nudiste qui lui adressait la parole devant tant de regards qui convergaient tous vers cet homme à la verge à l'air, le clou de la soirée.

-Vous savez, cher ami, la liberté c'est tout et rien... Et hee... je veux dire... bredouilla Kleemoffski.

-Non man! La liberté, c'est tout'! répliqua Planète, en vacillant sur ses pattes. Pis pour te l'prouver, faudrait qu'tu viennes chez-nous écouter mon disque de Gentle Giant... Ça man c'est d'la musique, Gentle Giant...

-Je n'y manquerai pas, bredouilla Kleemoffski, comme pour s'en débarrasser.

-Tu n'y manqueras pas? s'émerveilla Planète. Parfait! Emmène ta gang de chums chez-nous, man, tu coucheras su' l'divan. On va s'jaser ça autour d'une bière ou d'un chillum, man, pis on va être libres comme la liberté! Ouais! Libres comme la liberté, man! Freedom! Freedom man!

-Je n'y manquerai pas, répéta Kleemoffski.

Ils étaient maintenant rendus à l'emplacement du buffet. Les plats de présentation étaient à la hauteur des couilles de Planète, qui ne s'est servi qu'une montagne de salade de macaronis avec une dizaine de petites pains...

Revenant vers nous, tout nu, Planète s'arrêta subitement devant la même pimbêche qui nous avait dévisagés lors de notre entrée fulgurante en toge philosophale.

-Quoi madame? lui demanda Planète. Vous n'avez jamais vu ça, un PÉNIS? C'est juste ça madame: un PÉNIS. Avons-nous besoin de vêtements quand Dieu nous a conçu un habit rien que pour nous?

-Ok Planète. Come on, qu'on lui a dit. Remets ton drap et r'viens t'asseoir pour manger ta salade de macaronis...

-Non, non, man. La liberté c'est plus important que la salade de macaronis! La madame elle n'a jamais vu ça, un PÉNIS! Tout le monde a déjà vu ça un PÉNIS! HEILLE TABARNAK! Y'A-T-IL QUELQU'UN ICITTE DANS LA SALLE QUI N'A JAMAIS VU ÇA UN PÉNIS!

C'est alors que les flics firent leur entrée, deux agents de la farce de l'ordre qui s'étaient dépêchés sur les lieux à la demande du gérant du restaurant, Kostas, un grec qui pratiquait son joual.

-Ma! Cé tabarnak-là cé christ dé fou cé tabarnak-là! Ma! Eucharistie! Pas maudite allure ça tabarnak! leur dit Kostas. Sortez-mé ça d'icitte tabarnak! Cé tabarnak-là! Mes clients tabarnak!

C'est là que j'intervins. Je suis allé voir les policiers et le gérant pour leur expliquer que Planète avait trop bu et que nous nous chargerions personnellement de le ramener chez-lui.

Les policiers étaient parlables. Ils ne voulaient pas vraiment s'occuper de Planète, qu'ils emmenaient coucher au poste au moins une fois par semaine.

-Ok, me dit le plus grand des deux policiers, un gars qui me ressemblait étrangement, avec moins de cheveux. Ramenez-le tout d'suite, maintenant, monsieur.

Comme il me disait ça, Planète péta les plombs.

Il se leva de sa chaise, tout nu, pour leur faire un discours.

-Mes hosties d'tapettes de tabarnak! Vous êtes pas assez homme pour fourrer vos femmes! C'est pour ça qu'vous voulez m'arrêter, hein mes hosties d'fascistes sales à marde! Gang de nazis! Si j'fourrais ta femme, A' m'dirait marci! A' me r'mercierait, hostie! Merci d'avoir été baisé par un Dieu et pas par un maudit tapette qui se promène avec une matraque pour s'penser homme! Vous êtes pas des vrais hommes! Vous êtes pas des vrais!

Véronique crut bon d'en rajouter, pour se mettre au diapason.

-Vous vous pensez forts avec vos matraques pis vos guns, hein? Vous aimez ça l'pouvoir, hein, gang de fascistes? Vous êtes pas des vrais hommes! Vous êtes pas des vrais!

Pendant ce temps, nous avions retrouvé le drap de Planète et c'est maintenant les policiers qui s'en servaient pour cacher les parties intimes de Planète devant les clients. Planète qui continuait à insulter tout un chacun.

-Vous autres, en philosophie, vous êtes pas des vrais! Pis vous autres, qui mangez comme des porcs, tandis qu'un homme libre est sur le point de perdre sa liberté, je vous dis pipi de chat! Vous n'êtes que du pipi de chat! J'suis un homme libre, moé! J'suis un vrai!

Et là, du renfort est arrivé. Trois autres policiers se sont emparés du vrai qui résistait énergiquement pour lui passer les menottes.

-Gang d'hosties de fascistes! hurlait Planète, à donner des coups de pieds à droite et à gauche. Vous êtes pas capables de bander! Couilles molles! Pea soup! Heil Hitler!

Nous n'avons rien fait, comme les apôtres, pour résister à l'arrestation de ce christ de fou.

-Man, Planète devrait faire une désintox j'pense, a probablement dit l'un d'entre nous. Mais je n'en suis pas si sûr, parce qu'aucun d'entre nous ne croyait en Dieu et encore moins aux douzes étapes des AA.

Quelques minutes plus tard, comme nous nous sentions de trop au Sirtaki, nous avons appelé un taxi afin de poursuivre notre beuverie au centre-ville.

J'étais avec Rob-Bob, Mark et Véronique. Nous étions pas mal amochés mais nous n'allions pas nous arrêter là. Il restait encore d'autres bouteilles à vider en ville.

Le chauffeur de taxi synthonisait CHLM 650, le poste de radio AM local. C'était l'heure du bulletin de nouvelles. Et on y parlait d'un étudiant en philosophie qui aurait été arrêté par les policiers pour s'être promené flambant nu au Centre d'achats Les Wivièwes.

-Sacrement, man! dis-je. Ils parlent de Planète ces hosties-là mais i' sont même pas foutus de raconter l'histoire comme du monde! Qu'est-cé que vient faire le Centre d'achats là-dedans? C'est au Sirtaki qu'c'est arrivé! Christ d'incompétents de CHLM!

DEUX JOURS PLUS TARD

Deux jours plus tard, alors que nous sirotions un pichet de bière aromatisé à la vodka, moi et Rob-Bob, voilà que Planète fit irruption dans le bar, le visage et les bras tuméfiés. Il venait d'être libéré de prison.

-Pis man? Qu'est-ce qui s'est passé? que je lui ai demandé en lui versant un verre.

-J'en ai mangé une tabarnak! ria Planète. I' m'en ont calicé toute une! Houhouhou! Hahaha! Hohoho!

Planète était encore gelé raide. Il riait, avec ses deux yeux au beurre noir et ses bras poqués.

-J'ai pas arrêté d'les traiter de fascistes, dans l'char, tout l'long du trajet... J'me souviens p'us exactement c'que j'leur ai dit... Mais c'que j'sais, man, c'est qu'j'en ai mangé une tabarnak! Houhouhou! Hahaha! Hohoho! Pour le prochain souper de philo, man, j'mettrai pas de toge! Houhouhou! Hahaha! Hohoho!

samedi 22 novembre 2008

L'ARGENT FAIT LE BONHEUR?


C'était au tout début de la propagation des imprimantes laser. Elles étaient encore dispendieuses et quelques-uns seulement pouvaient se permettre de s'en procurer une.

Dont Rémi Couillard, un escroc dans la trentaine qui vivait et travaillait seul sur ses coups. Ce qui fait que son casier judiciaire était vierge.

Rémi ressemblait à n'importe quel gars moyen que vous puissiez imaginer, sauf pour ses dents. Il avait un large espace entre ses deux palettes. Rémi aurait pu se servir d'une corde à linge en guise de soie dentaire.

S'il n'eût été de cet espace entre les deux dents, Rémi aurait été beau. Ses démarches auprès des femmes ou des employeurs auraient été plus faciles. Jamais il ne lui serait venu à l'idée de s'acheter une imprimante laser pour produire de faux billets de cinq dollars.

Pourquoi cinq dollars? Pourquoi pas de faux billets de dix, vingt ou cent dollars?

Eh bien, Rémi avait noté que les billets de cinq dollars étaient plus faciles à reproduire que les billets de dix ou de vingt, tout simplement. Les vieux billets de cinq, c'était l'idéal pour commencer.

Rémi en imprimait trois par page huit-et-demi-onze, recto-verso. Il les découpait. Puis il les chiffonnait un peu pour qu'ils aient vraiment l'air de vieux billets de cinq. Ensuite, il allait s'acheter des paquets de gomme toute la journée, dans tous les dépanneurs. Cela lui faisait pas mal de gomme à la fin de la journée, mais aussi une belle petite pile de vraies pièces de deux dollars bien sonnants.

En un mois, Rémi passa du statut d'assisté social à celui de petit entrepreneur.

Les pièces de deux dollars et les paquets de gomme s'accumulèrent. Rémi s'acheta deux autres imprimantes laser pour augmenter sa production. Et pour la première fois de sa vie, Rémi se mit à nager dans le fric. Sans trop d'efforts, il avait réussi à produire au moins dix mille soixante-seize dollars et quatre-vingt-deux sous en rouleaux de vrais deux dollars provenant de l'économie réelle.

Après avoir étudié la question, il se risqua à dupliquer de vieux billets de dix dollars. Il changea de stratégie. Il préconisa l'achat de pilules en sachets individuels pour le mal de tête. Cela lui rapportait tout près de neuf dollars à chaque coup, en plus d'augmenter sa réserve personnelle de pilules en cas de migraine.

Comme il n'était pas homme à se tourner les pouces, Rémi suivit un cours en imprimerie, à la polyvalente locale. Il s'acheta même une première petite presse portative qu'il paya rubis sur l'ongle. Ses billets de dix ne seraient plus de vulgaires photocopies laser qu'il lui fallait passer en douce, en maîtrisant ses émotions. Non, ses billets ressembleraient à s'y méprendre aux vrais billets de banque parce qu'ils seraient imprimés avec minutie sur du papier de qualité.

Rémi passa une semaine sur ce coup, à se bâtir une petite imprimerie maison pour produire des tas de billets verts. Il fit ses tests d'impression. Évidemment, le plus difficile était de tout enligner convenablement pour l'impression recto-verso. Il y réussit tout de même. Au bout de sept jours, tel que prévu, Rémi contempla son travail: plus de trois millions de dollars en petites coupures de dix dollars.

-Ouin... se dit-il. C'est pas au dépanneur que j'va's arriver à passer ça... J'pourrais m'faire pogner... C'est sûr...

Comment les passer alors?

-Ah pis d'la marde! J'en ai assez pour vivre jusqu'à la fin de mes jours! Pourquoi que j'me casserais l'cul? J'va's faire comme d'habitude. Un paquet de gomme. Un sachet de pilules. Une barre de chocolat. Pis j'collecte le vrai argent. Pis quand j'aurai assez de vrai argent, je brûle mes faux billets pis j'm'en va's vivre en Grèce pour boire du vin pas cher jusqu'à la fin des temps! J'ai vu ça à tévé. Ç'a l'air le fun là-bas, la Grèce pis les autres vieux pays...

Et c'est ce qu'il fit pendant un an, Rémi, en prenant bien soin de changer de ville tous les jours pour éviter les soupçons. Il trouva même d'autres astuces, dont il n'a jamais parlé à qui que ce soit. Des astuces qui lui firent acquérir son premier million de dollars en moins d'un an. Puis son deuxième million dans la semaine qui suivit son premier million. Et avec un peu d'ingénierie financière, Rémi quitta définitivement le pays, dès le mois suivant, avec plus de vingt-neuf millions de dollars de vrai argent sonnant caché ça et là dans les banques de tous les pays.

***

Rémi vit aujourd'hui sur une plage de la Méditerranée. Personne ne le connaît vraiment puisqu'il ne parle à personne. Il boit. Il mange. Il chie. Et il consomme, comme tout le monde, n'importe quoi, n'importe quand. Il aime le vin grec, bien sûr, mais ne dédaigne pas non plus de la compagnie d'une Athénienne d'à peu près son âge qui trouve charmant son espace entre les dents quand il balaie devant sa figure quelques liasses de devises authentiques.

-Dans 'a vie, j'me dis qu'un gars y'a l'droit d'être heureux...

-What? qu'elle lui demande en anglais.

-Forget it... I'm speaking to myself, qu'il lui répond.

Rémi a été tenté de reproduire frauduleusement le drachme ou l'euro. Mais ça lui semblait inutile, compte tenu de tout cet argent qu'il a caché un peu partout dans le monde, converti en vrais billets de cent dollars américains. Il est riche. Il a plus d'argent qu'il n'en faut. Pourquoi se casserait-il le cul? Il faut savoir s'arrêter quand tout va bien.

Quand on lui parle de la récession et du cours du dollar américain qui pourrait fléchir, Rémi se contente de rire, comme Zorba.

-Dansons, chantons! Pourquoi s'en faire, hein? Pourquoi s'en faire? Il y a du vin, des raisins, du fromage, une belle Athénienne... Pourquoi s'en faire?

C'est vraiment un hostie de crosseur, ce Rémi, quand on sait d'où lui vient ce sale argent.

Et, franchement, il ne mérite pas d'être heureux.

Pensons à tous ces gens qui suent sang et eau pour une poignée de dollars.

C'est immoral, oui, parfaitement immoral que d'imprimer de l'argent!

On finira bien par te retrouver, Rémi Couillard.

Tu paieras pour tes crimes. Ordure! Flibustier! Pirate!

***

Michel referma le dossier de Rémi Couillard. Il était midi et douze. Il n'était pas nécessaire de faire du zèle à l'escouade des crimes économiques. Pourtant, Michel était passé tout droit. C'était l'heure du dîner et il travaillait encore.

-Maudit Couillard! On va t'pogner mon hostie d'crosseur! Cré moé! On sait pas où t'es, mais on va l'savoir, on va t'mettre e'l'grappin d'ssus, cré moé!

Michel se leva, se frotta un peu le ventre pour s'aiguiser l'appétit, puis il sortit du bureau.

Il avait trois billets de cinq dollars dans ses poches.

De quoi s'acheter du poulet frit Kentoqué.

-Menoum, menoum. Du bon poulet frit Kentoqué! Ça, ça va être bon en pas pour rire!

Hostie de niaiseux. C'est full gras du Kentoqué.

Gros hostie de cave.

vendredi 21 novembre 2008

UN GARS DE SHAWI SUR LE PLATEAU MONT-ROYAL


Martin était un gars des régions plutôt conventionnel dans l'habillement et trop calme dans ses idées, comme tous les gars des régions. C'était un grand athlète dans la vingtaine, plutôt beau gosse, mais qui n'avait rien de spécial: un jeans ordinaire, une chemise de travailleur grise, des bottes de travail. Sa coupe de cheveux était inexistante. Il se faisait raser la boule aux deux mois et ça repoussait jusqu'à ce qu'il ait atteint son deux mois, jour pour jour. Alors, zipzap, il te rasait ça de nouveau, comme d'habitude.

Martin croyait en quelque chose d'innommable. Il avait la Foi, mais une Foi sans église ni dieu. Une Foi en la personne humaine. La sensation que nous sommes toutes de bonnes personnes, malgré tout. Une Foi naïve de crétin de la Mauricie, une mentalité de freak des années '70, trente ans en arrière, qui écoutait encore Hotel California, des Eagles, et qui trouvait ça bon.

Comment était-il arrivé là, sur le Plateau Mont-Royal, alors que tout ce qui était pédant l'irritait au plus haut point? Eh bien c'était à cause de Linda, une pimbêche d'un an plus jeune que lui qui se coiffait en poignée de bécik. Linda qui avait été sa blonde pendant soixante-douze heures. Ce coup de foudre éphémère l'avait déraciné de Shawinigan. Martin avait suivi aveuglément Linda sur le Plateau, Linda qui lui taillait des pipes sur Hotel California et qu'il faisait mouiller comme une fontaine avec toute la science qu'il avait apprise au fil des ans, de diverses manières. Ce qui faisait que Linda avait pu supporter Hotel California quelques jours, sans plus. Linda qui n'arrêtait pas, cela dit, de l'embêter avec tel type qui peint des tableaux ou tel autre qui écrit des circulaires de poésie.

Ce qui fait que Martin fût plutôt content de ce divorce abrupt, même si ça le crissait dans la marde une fois de plus, à traîner ses effets personnels dans une poche de hockey, de Shawi à Sherbrooke, puis de Sherbrooke à Québec, de Québec au Plateau Mont-Royal à vivre de shitty jobs, des jobs de resto essentiellement, tout simplement parce que Martin se crissait d'avoir des ambitions, comme la plupart du monde en Mauricie.

-Quand chu ben, chu ben. Pourquoi c'que c'est que j'changerais ça? disait souvent Martin.

Et il ne changeait rien, Martin. Il achetait toujours la même chemise, le même jeans, les mêmes bottes. Et quand son disque de Hotel California était trop usé, il en rachetait un autre.

Après son épisode avec Linda, il s'en alla vivre pendant un mois dans une chambre dégueulasse du boulevard St-Joseph, sur le Plateau. Une chambre avec une toilette qu'il fallait partager avec quinze autres personnes. Pour le même prix, à Shawi, il aurait pu louer un six et demi. Enfin, presque.

-Qu'est-ce que c'est que c'que j'fa's icitte? s'est dit Martin, à tous les jours de son séjour dans cette chambre minable du boulevard St-Joseph.

Dans les bars, c'était encore pire. Martin ne croisait que des maudits artistes, des gars et des filles qui pétaient plus haut que le trou et qui ne voulaient manifestement rien savoir de Hotel California.

-Ça, là, Hotel California, ben c't'une chanson qui m'pogne aux tripes, c'est comme la chanson d'amour la plusse pognante au monde... E'l'nombre de fois où c'que c'est que j'ai baisé là d'ssus c'est jusse comme c'que dirait comme c'te gars... C'est jusse cool. Ok?

Les filles du Plateau jetaient toujours sur Martin ce maudit regard dédaigneux quand il leur racontait ça. Maudites prétentieuses!

-C'est toutes des lasbiennes su' l'Plateau tabarnak! disait souvent Martin. Christ, les filles sont folles de moé partout, à Shawi, Sharbrooke, Quabec ou Twois-Wivièwes! Hostie d'Plateau à marde! Gang d'hosties de snobs! Allez toutes vous r'muer la bille t'u' seules ma gang d'hasties de gawines du calice de christ de tabarnak!

Au bout de son mois, Martin revint s'installer à St-Boniface-de-Shawinigan, qu'il n'a plus quitté depuis.

Il travaille à la rôtisserie Excelsior, comme d'habitude. Et le soir, il va jouer aux dards à la Taverne Centrale. D'autres Linda se trouvent sur les lieux pour lui faire les yeux doux. Et Martin leur fait encore le coup de Hotel California, les onze doigts dans la snatch, à leur dire des petits mots doux comme «toé j't'ai connu dans une autre vie» et «love me tender, love me true» chanté à l'oreille.

Quand il parle du mois qu'il a vécu sur le Plateau, il crache le morceau.

Tiens, prenez pour exemple ce qu'il en disait hier:

-Jamais c'que c'est que j'ira r'vivre là-bas st-calice-de-tabarnak! C'ben trop fou là-bas. L'monde sniffe d'la colle su' 'es trottoirs. Pis les filles veulent pas fourrer. I' s'promènent toutes déshabillées pis la moule à l'air mais, justement, i' s'passe jamais rien. Les filles su' l'Plateau, i' veulent pas fourrer. C'est clair. Moé, me dis qu'on est ben mieux icitte à St-Boniface. On est parlables pis d'bon tempérament. Pis on trippe encore d'écouter Hotel California. Pis on fourre. Ouais. C'est ça j'me dis. Icitte on fourre. J'prendrais ben un' autre bière mon Pierre.

Pierre, un barman barbu de taille moyenne, fit couler un long filet de bière dans un verre de vingt onces. Puis il lui dit, simplement:

-Quand tu prononces les C en latin, tu dois les prononcer comme des K. Comme Julius Caesar. Eh bien, tu dois dire Julius Késar. Tu comprends?

-Hostie Pierre, répondit Martin, t'en sais pas mal plus long que tou' 'es calices d'épais su' l'Plateau! À ta santé mon Peter!

-Haille Martin! poursuivit l'autre Linda, qu'asse tu dira's que j'te calice Hotel California dans l'juke-box toé mon homme? Mon hostie d'sweet fucking lover du christ, toé!

-Hostie que j't'a'me toé ma Linda!

-Pis moé too, mon tabarnak!

Comme vous voyez, en Mauricie, l'amour, y'a rien de plus simple.

jeudi 20 novembre 2008

LA GRANDE MANIF POUR RIEN!


C'était au début juin de 1998. Nous étions quatre chômeurs et nous nous emmerdions. Tout nous semblait futile et vain, d'autant plus que nous n'avions plus rien à boire et plus rien à fumer. On se partageait de grands verres d'eau en discutant de tout et de rien.

Nous étions quatre. C'est-à-dire moi, Roberto, Guy et Stéphane. Je ne sais pas comment cette idée nous est venue. Mais elle nous a tout de suite enthousiasmés.

Et qu'elle était cette idée? Vous ne le croirez pas, tellement c'est stupide, mais elle consistait à organiser subito presto, dans l'heure qui suivrait, une manifestation pour rien.

-Ouin, ouin, faisons-nous des pancartes! dit le grand Steph en s'emparant d'un crayon feutre et d'un bout de carton pour écrire tout simplement le mot «rien» dessus.

Nous prîmes donc chacun un bout de carton pour écrire la même chose: rien. Et puis on brocha les cartons sur des lattes de bois. Nous avions donc quatre pancartes et nous étions quatre vauriens à brandir le mot «rien».

Il s'agissait maintenant de rédiger un communiqué de presse et d'aller le porter aux média, au Nouvelliste, aux stations de radio, etc. Ça, évidemment, c'était ma partie.

J'ai donc rédigé à toute vitesse un communiqué, pour diffusion immédiate, avec le petit code 30 de rigueur. Cela disait substantiellement qu'une manif du Rien se tenait le jour même au centre-ville de Trois-Rivières, en prévision de la Grande Manif du Rien qui aurait lieu devant l'Assemblée Nationale, le 24 juin prochain.

Je me souviens que cela se terminait par cette phrase: «C'est la Grande Manif du Rien et personne n'y comprend rien! Nous vaincrons!» Pour tout renseignement, j'avais laissé le numéro de téléphone du Conseil du patronat du Québec. Probablement qu'ils n'y comprendraient rien, eux aussi...

-Bonjour, je suis journaliste au Nouvelliste et j'ai reçu votre communiqué de presse à propos de la Grande Manif du Rien...

Nous étions crampés de rire juste à penser à la tête qu'ils feraient là-bas, au Conseil du patronat.

-La Grande Manif du Rien? Mais vous êtes au Conseil du patronat ici...

Ouais, c'était clair: personne n'y comprendrait rien!

Nous avons donc distribué le communiqué puis nous sommes partie tous les quatre avec nos pancartes en direction du bureau de l'aide sociale, sur la rue des Forges, au centre-ville de Twois-Wivièwes, le meilleur endroit qui soit pour tenir des pancartes.

Les gens nous dévisagaient évidemment. Les automobilistes klaxonnaient. Personne n'y comprenait rien: quatre gus qui marchaient dans les rues du centre-ville avec des pancartes sur lesquelles on ne voyait que le mot «rien».

Évidemment, on en mettait plus que les badauds n'en demandaient. On prenait des poses au coin des rues, le poing dans les airs, comme les Black Panthers, pancarte bien en vue: rien!

Nous nous étions donné pour consigne de ne rien dire ou bien de dire tout simplement «rien» à toute question du public ou des média si l'on venait à notre rencontre.

Je me souviens entre autres de deux jeunes étudiantes qui n'en revenaient tout simplement pas de nous voir devant le bureau de BS avec nos pancartes.

-Pourquoi qu'vous manifestez? m'a demandé la plus dégourdie des deux. Pourquoi qu'c'est écrit «rien»?

-Pour rien, que je lui ai répondu.

-Ouin mais... Pourquoi?

-Parce que ça n'donne rien de manifester.

Elle m'a regardé d'un air médusé puis elle est partie à rire.

-Est bonne! C'est la meilleure manif que j'aie jamais vue de toute ma vie!

Après avoir reçu plusieurs compliments des badauds du centre-ville, nous sommes tout bonnement rentrés chez-nous.

Ce fût notre manif du rien. La plus belle manif de ma vie en ce qui me concerne.

Chaque fois que je revois Roberto, Guy ou Steph, cette anecdote est devenue incontournable. Elle fait partie de nos vies à jamais, comme nos cuites et nos nuits de folles ivresses, à la différence notable que nous étions totalement sobres ce jour-là.

-Hey man! Tu t'souviens-tu de notre Grande Manif du Rien?

-Certain! Hostie qu'c'était mongol! Hostie qu'le monde figeait! On en refait-tu une autre, hein?

***

Il y aura des élections le 8 décembre prochain. Si j'étais plus jeune et plus audacieux, je pense que je répèterais l'expérience. Une Grande Manif du Rien devant l'Assemblée Nationale, pour le 7 décembre prochain, mettons.

Pourquoi vous manifestez? Pour rien.

Quel est le but de cette action? Rien.

Qui est le responsable de la manif? Rien.

Rien. Rien. Rien...

Suis-je nihiliste? Je vous rassure tout de suite: pas du tout!

Je suis juste... écoeuré!

Rien, hostie, rien!

RIEN!

mercredi 19 novembre 2008

NE LISEZ PAS DE REVUES DE CUL!


-Bon, voici l'ordre du jour camarades. En fait, il n'y a qu'un seul point: le point le marxisme-révolutionnaire d'un point de vue féministe au sein des cellules de Gauche Populaire, section sympathisante de la Quatrième Internationale dans l'État canadien... Qui propose l'adoption de l'ordre du jour? Maude? Tout le monde est d'accord? Ok.

Elle avait dit ça comme si le sort du monde en dépendait, les yeux exorbités, les yeux que devaient avoir les soldats de l'Armée Rouge sous le commandement de Léon Trotski. Des yeux fanatiques et meurtriers. Il était temps pour les camarades de se mettre au fait de toutes les luttes de libération, et le féminisme était franchement à la traîne chez les gars du groupuscule prolétarien.

Combien étions-nous? Bah, je dirais sept ou huit. La cellule jeunesse de l'organisation. Tous des camarades de moins de trente ans qui souhaitaient faire du Québec une république des Travailleurs et Travailleuses. Et pour ce faire, il n'y avait qu'à lire les livres de recettes: Marx, Engels, Lénine, Luxembourg, Trotski, Gramsci, etc.

Ce jeudi-là, la réunion de cellule portait sur le féminisme. Les gars de Gauche Populaire, pour tout dire, s'en foutaient un peu. Ce n'est pas qu'ils étaient contre le fait d'accorder une pleine place au soleil pour les femmes. C'est juste qu'ils se crossaient parfois en tenant d'une main une revue porno et de l'autre leur appendice masculin qu'ils étiraient sans malice, pour se dégraisser le salami.

Or, camarade Lucie avait trouvé toute une pile de revues pornos chez camarade Michel. C'était essentiellement des revues de filles avec des gros totons dont on voyait bien la moule sur à peu près toutes les pages, toutes dans des poses suggestives pour l'éducation d'un jeune révolutionnaire rempli de folles ambitions.

-On ne peut pas être marxiste-révolutionnaire et acheter des revues pornos! La pornographie, c'est dégradant pour les femmes!

Camarade Lucie nous faisait la morale. C'était le seul point à l'ordre du jour. Pas le féminisme, en fait. Mais la pile de revues pornos qu'elle avait trouvée chez camarade Michel.

-Ben là... se défendait le camarade Michel. J'ai pas fait de mal aux femmes! Je respecte les femmes! Tout le monde sait qu'il n'y a pas plus féministe que moi! Conscient des luttes de libération des femmes! Conscientisé!!!

-Non, camarade Michel! reprit camarade Lucie. Tu ne peux pas te dire marxiste-révolutionnaire et acheter autant de magazines où les femmes sont présentées comme des machines dociles et soumises, de viles esclaves sexuelles des hommes!

Personne ne disait rien. On sentait comme un malaise. Les deux autres filles présentes écoutaient camarade Lucie en hochant la tête pour souligner leur approbation. Camarade Pierre, un béni-oui-oui, opinait du bonnet lui aussi. Cependant, camarade Michel, ce grand maigre, et camarade Louis, ce petit gros, ne l'entendaient pas de la même manière. Moi aussi, par ailleurs. Quelque chose se révoltait en moi. Ce qui fait que j'ai sauté les plombs.

-Au diable Marx et Trotski si c'est pour nous empêcher de nous crosser, tabarnak! J'en ai déjà acheté des revues de cul et j'en achèterai encore si je veux sacrement! Crisse, c'est pas Soeur Angèle ou Rosa Luxembourg qui m'fait bander!

-Bien dit camarade Gaétan, j'approuve en ciboire! enchaîna le gros Louis.

-Et moi donc! ajouta Michel. J'ai toujours bien l'droit d'me crosser calice!

La discussion qui s'ensuivit fût houleuse. Nous allions tous trois être dénoncés devant les hautes instances de la Quatrième Internationale, rien de moins, comme étant des ennemis objectifs du marxisme-révolutionnaire-féministe-écologiste-et-contre-l'oppression-des-peuples.

Nous avons quitté la réunion vers neuf heures le soir. Puis nous sommes partis nous saouler la gueule dans un bar de danseuses, moi, le gros Pierre et le grand Michel.

Nous nous sommes moqués au max de ces maudites folles qui voulaient nous dépouiller de nos revues de cul. Nous avons bu comme des trous en regardant les filles s'enrouler l'une après l'autre autour d'un poteau.

Une fois bien saouls, nous ne disions plus que l'essentiel.

-J'pense que la politique, man, c'est d'la christ de marde...

-Moé too j'pense ça...

-Check z'y la pêche man... Oua!

Trotski pouvait aller se rhabiller. Le marxisme-révolutionnaire venait de perdre trois camarades. La touffe venait de se faire trois nouveaux alliés.

mardi 18 novembre 2008

JAM SESSION AU KLONDIKE INN

Je plains du fond du coeur l'homme qui ne siffle jamais un refrain ou ne tape jamais sur le rebord d'une table. Toute rudimentaire qu'elle soit, cette musique le sauvera de l'utile et du désagréable. Elle l'aura fait entrer en communion, ne serait-ce que pour un ridicule instant, avec l'inutile et l'innommable. Avec la beauté.

Ah! Vous vous dites sans doute que j'y vais encore de quelques propos d'esthète. Et vous pourriez même rajouter: siffle donc, Ducon! Et tape sur ta table plutôt que sur le clavier. Comme ça, sans réfléchir, je siffle un air de Roger Whitaker. Et je tape sur ma table. Voilà c'est fait. Vous permettez que je poursuive? Merci.

Une histoire de musique, hein? C'est ça que je dois raconter ce matin? Bien.

Ça se passe à Whitehorse, au Yukon. En juillet '94.

Nous sommes donc au Klondike Inn ce soir là, toute la bande.

Parmi eux, il y a Craig, un gars en peine d'amour de West Virginia qui joue de l'accordéon et de la flute irlandaise. Il y a aussi Sarah, une jeune juive de Toronto qui joue du tambourin. Craig voudrait bien faire de Sarah sa girlfriend mais ne sait pas comment s'y prendre.

Ensuite, il y a Peter, un beatnik d'après la lettre d'Edmonton qui joue de la guitare.

Et Todd, le grand Todd de six pieds cinq, issus de parents pleins aux as du domaine du droit. Todd qui joue généralement sur des troncs d'arbre pour nous donner du beat.

Évidemment, il y a Ruth, mon amante du temps, une Irlandaise qui boit du vin au gallon, accompagné de Fay, son amie irlandaise qui veut absolument que je la matche avec Brad, un jeune timide plutôt beau garçon, qui ne lui propose que de jouer aux cartes au lieu de lui manger les boules, comme elle le souhaite ardemment.

-Could you teach him, Gitan? French is the language of love, isn't it? Ruth told me how sweety you are... and fast with women! que me dit Fay, pour que j'éduque Brad.

Ouais... J'avais été rapide avec Ruth. Je lui avais sauté dessus, spontanément. Parce que ça ne prend pas la tête à Papineau pour deviner ce qui se passe chez une femme quand elle est disponible, mettons. Et elle m'avait demandé depuis combien de temps je pensais à elle pour avoir fait ce que j'avais fait si naturellement.

-Well... For about ten minutes, I guess... lui dis-je.

-Ahoooo! Gitan, you are so gorgeous! qu'elle me répondit.

-I've got any problem with my gorge... haem... my throat... répliqué-je. I don't have the flu!

Gorgeous, ben ça veut dire beau, cute, quelque chose de même. Mon anglais était encore rudimentaire. Je croyais qu'elle parlait de ma gorge, quoi.

Enfin, Ruth est là, ce soir-là, avec Fay qui veut que le beau Brad lui mange les boules au lieu de jouer aux cartes. Et, ce n'est pas pour nous vanter, nous les Frenchies, mais nous n'étions pas du genre à nous priver de licher quelques cerises sur le sundae. Tandis que les Anglos et les Allemands se perdaient en discussions sur la lune et la poésie, auprès des dames, les Frenchies parlaient crûment de leur passion pour la viande crue.

On est donc au Klondike Inn, sur Main Street. Toute la bande. Et c'est un soir de jam session.

Les Yukoners et les voyageurs du Grand Nord se succèdent sur la scène pour exécuter des covers de Led Zeppelin, CCR, Robert Johnson ou Bob Marley. Ça fait deux semaines qu'on joue ensemble tous les jours et nous sommes prêts à monter sur scène. Je suis désigné pour chanter et jouer de l'harmonica. Nous allons leur jouer House of the Rising Sun. Craig est à l'accordéon. Peter à la guitare. Sarah s'occupe du tambourin et Todd, ben Todd est saoul raide et on lui confie le drum, le pire instrument à confier à un gars saoul.

-Yooooooou betcha! que je dis en prenant le micro. We're gonna play House of the Rising Sun. Ok. One, two, three, four!

On part en même temps. Comme les Ramones. Ça sonne fond de canne en sacrement. Todd a l'air de jouer pour une parade militaire. Et nous autres, ben on essaie de suivre Todd.

There is a house in New-Orleans
They call'd the Rising Sun
And it's been the ruins of many o' poor boys
And God, I know, that I'm one

Jusque-là tout va bien même si Todd joue mal. On me dévisage. My thick quebecer accent est facilement identifiable. Ça rigole rien que d'entendre ma voix. À moins que je ne sois en train de freaker. J'étais dans la ruelle du Klondike Inn, dix minutes auparavant, pour en fumer un avec des musiciens hilares d'entendre mon accent. Ce sont ces mêmes types qui rient à s'en claquer les cuisses tandis que je chante. Et ils sont juste devant moi.

Cependant, leurs rires ne me sont pas tous adressés. Todd vient de tomber de son banc. The show must go on. On continue. Todd se rasseoit et reprend sa partition sans se soucier de nous. J'ouvre la machine avec l'harmonica, en désespoir de cause. J'vais leur crisser un de ces solos qui retentira pendant des siècles sous les aurores boréales du Yukon.

Wiiiiiip-wippppp-pipipi-wiiiiiiiip!

Les yeux s'écarquillent. Les gars ne rient plus. J'impose le respect. On applaudit. Fiou! On ne s'en tire pas trop mal. Todd tombe encore de son siège. J'intègre sa chute dans le numéro.

-Let me introduce you to our drummer, Todd, the best drummer in Canada! Yes sir Todd!

Tous les clients du Klondike Inn, déjà pas mal saouls, se mirent à scander son nom. Je jouais de l'harmonica à ses côtés pour l'encourager à se relever et à s'asseoir sur son banc pour continuer à drummer.

Wiiiiiip-wippppp-pipipi-wiiiiiiiip!

Peter le guitariste me regarde d'un air inquiet. Je lui fais signe de poursuivre. Ce n'est pas le temps de tout foirer. On va se rendre jusqu'au bout, courage! C'est un happening, man, un happening!

Et, bon, pour rajouter un élément de surprise, je reviens avec Les portes du pénitencier, que je chante en français devant une salle bondée d'unilingues anglais.

Les portes du pénitentier
Bientôt vont se refermer
Et c'est là que je finirai ma vie
Comme d'autres gars avant moi l'ont finie...

C'est la rigolade dans le bar. On ne me crie pas Speak White. On applaudit à tout rompre. Je hurle et me déchaîne comme Johnny. Et ça se termine sur un dialogue entre mon harmonica et l'accordéon de Craig. Yahou!

Todd tombe encore en bas de sa chaise. On termine la chanson en criant rock and roll, tous ensemble, sans jeter la note finale. Tout est dans l'attitude. On a fait un bon show punk et des tas de pichets de bière nous attendent. Et tout le monde nous félicite pour le meilleur show qu'ils aient vu depuis longtemps.

Évidemment, tous les honneurs reviennent à Todd. Todd qui ne comprend plus rien à ce qu'on lui dit et qui a envie de vomir.

lundi 17 novembre 2008

LE RIRE, L'AMOUR ET L'AMITIÉ


Ce matin j'ajoute de la couleur à mes palettes. Mes deux derniers billets étaient agrémentés d'images plutôt grises. À force de ne présenter que des drôleries, je crains de ne pas passer au sérieux.

Tout le monde sait qu'il n'y a que la mort de sérieux, le mois des morts, la grisaille, la tristesse, la solitude, la démangeaison de l'aisselle, le spasme de vivre, le spleen, la gaudriole qui vire mal, le lumbago, la névrose, la nécrose, le morose, le pot-aux-roses, l'overdose, la scoliose et la politique.

L'esthète, être sympathique mais stupide entre tous, se tient parfois sur la rive à souffrir de voir le naufrage au loin, comme le décrivait si bien Ivan Karamazov dans son poème. Oh! Ne regardez pas ceux qui se noient loin du rivage, mais le poète qui les regarde se noyer et souffre de toute son âme... Quel con d'esthète!

Eh bien, je suis parfois cet esthète. Je vais prendre sur moi une partie de la faute pour mieux vous la garrocher en pleine face mes hosties.

On est tous comme ça. Je veux dire les esthètes. Un jour ou l'autre. On se croit le centre de l'univers. On crée. On est une planète, un astre, un trou noir, un oeil dévorant, un maelstrom, et parfois on peine à nouer ses lacets de souliers, juste parce que l'orgueil finit toujours par prendre un de ces sales coups. «T'es rien qu'un cave, rien qu'un christ de niaiseux!»

Je suis parfois cet esthète, cet artiste, ce créateur inspiré de Dieu, des astres ou de quelques lectures vite digérées. Oh! Et ah! Et hue. Napoléon sur son cheval blanc. À la conquête du monde.

Heureusement qu'il y a une cloche qui sonne dans ma tête quand je me prends trop au sérieux. Je deviens, justement, un peu cloche. Je ris, bêtement, jusqu'à ce qu'un filet de bave coule au sol. Parce que tout ça, même moi, ne sommes qu'une farce risible, un cirque, où tous les rôles s'équivalent. Le petit comme le grand chient à la même place et finiront tous dans la même question sans réponse. Il n'y a qu'une seule vie à vivre, à ce jour. Je ne crois pas en des réincarnations et des paradis tous plus fuckés les uns que les autres. Je ne suis pas assez savant, c'est vrai.

Ah! l'esthète et l'orgueilleux se sont emparés de mes doigts, encore une fois. Arrière, viles créatures, mesquineries et pauvreté de coeur!

Tiens, je vais parler d'amour. C'est lundi matin. Des fois qu'on aurait du fun à en parler tous ensemble, ou bien moi tout fin seul, sur mon rivage, à regarder le monde sombrer dans un naufrage économique surréaliste, avec l'orchestre qui continue de jouer sur le pont Plus près de toi Seigneur. Ah! Ce violon... Et ces mots qu'le gros Butch écrit... Butch!!! Écris-nous des mots qui sonnent.

L'amour, s'il-vous-plaît! Ne parlons que d'amour. Arrière orgueil et esthèteries! Je ne suis pas que moi. Je suis aussi un raconteux.

Ce qu'il y a de bien avec l'amour, c'est qu'on n'a pas envie d'en parler quand on le vit intensément. C'est comme pour nos bonbons préférés. C'est bien beau de les partager, mais il n'est pas toujours désagréable de se taper la boîte au complet, caché dans le coin.

Ce que d'autres appelleraient le péché n'est en fait qu'une forme de potlatch qui n'a rien de répréhensible au plan strictement spirituel.

La gourmandise, comme l'amour, nous emmènent à planer vers les sphères insoupçonnées de la béatitude et du contentement égoïste. On se referme sur son bonheur de crainte de voir les autres le gâcher. On se dévore des yeux, de la bouche, alouette. On rit. On danse. On crie. On se fusionne. On se passionne. Bref, on s'aime. Évidemment, l'amour se pratique mieux à deux et je crains qu'à trois, quatre ou cinq cela ne soit comme de le faire tout seul.

L'amour, c'est ce qu'il y a de beau en ce monde. Mais je n'en dirai pas plus. Je me cache dans le coin avec ma boîte de bonbons.

Et l'amitié. Ouais, ça peut être bien l'amitié.

L'amitié quand ça va bien: rien de plus facile.

L'amour quand ça va bien: aucun mérite.

Il faut avoir vécu les pires moments ensemble pour se sentir unis à jamais, par quelque chose de plus grand que l'amour, quelque chose qui s'appelle la vie, et qui nous suit du berceau jusqu'à la tombe. En amitié comme en amour.

Après la tempête, vient toujours un calme sans naufragés. Je me sens un peu dans ce calme, dans ce velouté de la vie qui m'oblige au bonheur. Je n'écris pas ça pour vous faire chier. Je voudrais bien être malheureux, mais quand vous me dites comment faire, j'ai l'impression que quelque chose cloche. Le malheur, j'ai appris à lui rire en pleine face. Et l'amour est la meilleure façon que j'aie trouvée de le narguer.

Tiens je vais pousser une chanson de l'ancien temps. Ahem! Je ne suis pas très en voix ce matin. Permettez que je m'éclaircisse la voix et crache un coup. Ahem! R-rrr-aaa! Ptou!

Auprrrrès de ma blonde-eu, qu'il fait bon, fait bon, fait bon
Auprrrrès de ma blonde-eu, qu'il fait bon aimer!

Excusez-là.