jeudi 31 décembre 2009
Tryptique
mercredi 30 décembre 2009
Douze nouvelles qui ne seront pas publiées dans la revue Mollusque
Évidemment, j’ai refusé. Je tiens plus à mes couilles que je ne tiens aux cinq à sept avec des écrivains à temps partiel qui ont la sensibilité artistique d'un maoïste qui vient de couler trois fois son cégep.
Deux semaines plus tard, j’aurai produit douze nouvelles en un temps record juste pour dire aux gens de Mollusque qu’ils sont d’une lenteur affligeante, tant au plan de la production littéraire qu’à celui de la publication. Ils m’apparaissent comme des fossoyeurs de la littérature. J’ai bien fait de ne pas perdre mon temps parmi eux. Merci à tous les blogueurs et blogueuses qui ont publié mes sacres et ma vulgarité pour me permettre de faire un pied de nez à la revue Mollusque… Tabarnak! J'ai le temps de publier un recueil complet en dix jours alors que ça prend un an à la revue Mollusque pour produire un seul numéro. C'est dur de charcuter les textes des autres. Ça prend du temps pour écraser toute velléité de talent... Gang d'hosties d'pleins d'marde qui jouissent de voir une poignée de pauvres scribouilleux qui donnent la papatte pour avoir leur misérable susucre, leur prébende et leur per diem au Salon du livre...
1) Et si tout n’était que littérature
2) La vie, rien que la vie de Eugène Marchildon
3) La transformation extrême d’Églantine Lafaillance
4) Il s’appelait le Smatte
5) 23 décembre 1978, à l'école St-Jean-Bosco, dans la P'tite Pologne, à Twois-Wivièwes
6) Au point où nous en sommes, le mieux serait qu'il y ait encore un Ponderosa Steak House
7) Jodawininiwak
8) Chapeau de paille
9) Le chapeau Easy Smoking
10) Le roman sans romance de Romain Romanow le Russe qui n'était pas Romanichel
11) Oua-la-la et ce fût son Walhalla
12) Comment imposer le respect
Comment imposer le respect
Jérôme Langevin, un Huron aux allures de bûcheron de la Haute-Mauricie, avec un visage normal, en a conclu qu'il valait mieux mourir debout que de vivre à genoux.
Ce qui fait qu'il n'était pas du genre à se fermer la gueule, où qu'il soit, à l'école ou au travail, au bureau de poste, à l'épicerie, au dépanneur, à l'hôpital. Langevin parlait, prenait position et défendait somme toute certains idéaux chevaleresques, similaires à ceux de l'Idiot dans le roman idoine de Dostoïevski. Il disait que la Beauté sauverait le monde, imaginez. Et il disait aussi que la plupart du monde se comportait comme ce poète qui regarde un naufrage à l'horizon et qui dirait ne regardez pas les naufragés mais moi qui souffre d'assister au naufrage, les deux pieds bien au sec, sur la plage. Du grand Dostoïevski encore une fois. Tiré tout droit des Frères Karamazov, tiens.
Cela dit, Langevin était reconnu pour n'être pas abordable, comme s'il vivait dans une bulle impénétrable ou bien dans quelque beffroi des temps médiévaux. On ne l'approchait pas sans se sentir un peu tressaillir parce qu'il n'avait aucune inhibition quant au principe de ne pas se faire piler sur les pieds.
Qu'on vienne lui faire quelques remontrances injustifiées ou seulement tenter de l'écraser et le voilà qui partait sa machine à imposer le respect.
-Ouin ben j'pense que j'va's aller chier.
C'était sa réplique la plus cinglante, la plupart du temps. Il allait vraiment chier. Et tout interlocuteur restait sur son appétit, si je puis m'exprimer ainsi.
D'abord, il est nécessaire de savoir que Langevin est constitué de marbre froid au plan psychologique. Il se plaît à se voir ainsi pour écarter de son chemin les imbéciles qui se laissent emporter par leurs émotions pour faire chier tout le monde. Langevin ne faisait chier personne, s'occupait de ses affaires, travaillait avec diligence, se comportait en homme respectueux et responsable envers les autres. La compassion était son guide. Le sang-froid son bouclier.
Il avait plein de belles qualités, sérieusement. Il était même plutôt drôle, pince-sans-rire sans doute, mais tendre en quelque part. Néanmoins, il ne fallait pas lui piler sur les pieds et encore moins l'envisager. Langevin vous réglait ça net, frette, sec.
-Hostie achale-moé pas crisse de trèf'le à deux feuilles! qu'il répondait aussi aux impudents et autres cuistres en situation d'écraser les autres.
Langevin trippait sur Don Quichote de Cervantès. C'était un hidalgo qui aimait s'en prendre aux moulins à vent tout autant qu'aux moulins à paroles. Rien ne l'effrayait, sinon que de penser comme tout le monde sans y avoir réfléchi. Il était d'une logique implacable, en quelque part, sous ses yeux doux et ses maximes de fou furieux.
-Moé j'm'en crisse des caves. Hostie j'me tiens d'boutte. Qu'i' mangent toutte d'la marde!
C'était un peu rude, comme propos, mais cela faisait bien sa job. Il ne gardait rien sur le coeur, Langevin, et c'était lette de l'entendre, parfois, mais toujours de bon ton malgré tout. Il fallait bien qu'il y en ait qui parlent pour tous ceux qui ferment leur gueule et mangent leur caca bouilli sans se plaindre, par crainte d'atteindre une certaine grandeur d'âme qui vient gâcher la juste appréciation de tous ces beaux programmes qui passent à la télé.
Les caves s'éloignaient naturellement de lui. Et Langevin était l'homme le plus heureux du monde, avec sa femme, ses deux enfants et tout le reste quoi.
Il paraît que Langevin collectionnait aussi des Vic-20 et des Commodore 64 mais ça, franchement, ça n'a rien à voir avec ce récit.
mardi 29 décembre 2009
Oua-la-la et ce fût son Walhalla
Dave n'avait pas la patience de la plupart des gars et des filles du quartier qui se contentaient de peu parce qu'ils faisaient peu d'argent et l'acceptaient presque.
Petit, nerveux et volubile, Dave s'était promis de saisir l'occasion qui finirait par se présenter.
Dave était laid et n'avait aucun succès avec les filles. Ce n'est pas qu'il n'était pas propre sous les ongles, bien au contraire. Non, il était plutôt du genre à faire chier sans avoir ce génie du mal qui te permet de faire chier. De faire chier tout en obtenant quelques satisfactions dans l'accomplissement de ses besoins primaires en matière de sexe ou de nourriture.
Il traînait dans les bars depuis deux ou trois ans, à l'affût d'une combine ou d'un mauvais coup qui contribuerait à l'enrichir. Il ne se sentait pas assez de cran pour braquer une banque et encore moins un dépanneur. Il voulait plutôt se trouver un job by the side dans le monde du crime, genre patron de la pègre ou quelque chose du genre.
Dave savait bien qu'il faudrait tout de même commencer quelque part et il choisit naturellement de devenir le commis d'un gang de motards local, le chapitre mauricien des Diables Vauvert, affilié aux Fire Fighters du Missouri.
Le chef des Diables Vauvert, Tête-de-fromage, ressemblait un peu à Abraracourcix. Il faisait beaucoup d'argent avec les polytoxicomanes. Ce qui finissait par créer de la jalousie parmi les autres commerçants de psychotropes. Dont les membres de la mafia russe, chinoise et italienne, sans compter les gangs de rue et tous les autres petits démons qui flairent toujours le bon moment pour commettre quelques vilenies.
C'est en cette période de rivalité entre les Diable Vauvert et tous les autres félons que Dave devint le chauffeur officiel des Diables Vauvert.
Sa job était simple. Dave devait partir les autos de tous les membres du groupe, le matin. Juste ça. Et reconduire des danseuses à Montréal ou ailleurs. Ce qui fait qu'il a fini par connaître des tas de filles qui, bien qu'elles ne l'embrassaient jamais, le libéraient un peu du poids de ses soucis.
Une belle job, simple, payante, avec des filles qui te succionnent l'ambition: que pouvait-il demander plus? Dave devenait enfin quelqu'un. Il pouvait s'acheter du beau linge et se parfumer un peu. Tout en continuant de faire chier.
Puis un beau matin, kaboum!
Dave a explosé en démarrant la Hummer de Jos «Dostoïevski» Poitras.
Il est probablement mort sur le coup. Ce n'était pas de la petite bombinette. C'était plutôt du gros pétard. De quoi envoyer tout un clan au Walhalla. Et défoncer une Hummer, quoi.
Kaboum!
-Oua-la-la! hurla Dave.
Oua-la-la et ce fût son Walhalla.
Mort. Crevé. Kaputt. Enfin la lumière au bout du tunnel.
Alors si l'on vous demande de devenir chauffeur pour les Diables Vauvert, pensez-y à deux fois.
C'est moi, Jos «Dostoïevski» Poitras qui vous le dis... Gniark! Gniark! Gniark! Hé! Hé!
***
RIP Dave...
lundi 28 décembre 2009
Le roman sans romance de Romain Romanow le Russe qui n'était pas Romanichel
Romain Romanow était Russe comme d'autres sont Romanichels. Il n'y voyait là rien de bien particulier puisqu'à Rome on fait comme les Romains.
Ce n'est pas qu'il se trouvait à Rome, Romanow. Il se trouvait plutôt à la Pharmacie Populaire pour s'acheter des capotes. Ce n'est pas qu'il baisait particulièrement par les temps qui courent, mais bon, c'est quand même plus propre si vous voyez ce qu'il veut dire.
C'est du moins ce que nous a rapporté la caissière de la pharmacie, une femme un peu grossière qui accoste les clients avec des formules du genre «M'sieur, savez-vous ça? J'ai pogné la picole.» Et là vous lui demandez ce qu'est la picole.
-La peau du cul qui décolle! Arf! Arf! qu'elle répond, en gloussant comme une grosse dinde.
Et vous vous dites, franchement, on n'a pas élevé les cochons ensemble. Et le lendemain la voilà qui vous raconte sa vie et dit n'importe quoi sur les immigrés, dont Romain Romanow.
Quant à Romain Romanow, eh bien il se cachait toujours derrière sa barbe. Il ressemblait vaguement à Karl Marx qui porterait des bigoudis. Oui, Romanow portait aussi des bigoudis, allez savoir pourquoi, ce qui est tout à fait banal à Twois-Wivièwes, où tant de gens attrapent la picole. Sans compter qu'on y picole jusqu'à ne plus s'étonner de rien.
Il paraît qu'hier en achetant ses capotes, toujours selon la grosse dinde qui a la peau du cul qui décolle, Romanow aurait dit qu'il aimait bien prendre un café de temps en temps.
La caissière lui a répondu oui, imaginez.
-Oui j'aime ça e'l'café moé tou!
Et elle a un rendez-vous avec Romanow. Romanow qui est tombé sur la fleur des fleurs de toute la ville, la grosse torrieuse qui a la picole et vous raconte n'importe quoi n'importe comment.
Pas plus tard qu'il y a trois jours elle médisait sur Romain Romanow. Elle disait qu'il sentait l'ail et l'oignon frit, la crème sûre et les patates moisies. Et là, franchement, elle s'excite de finir dans son lit, parce que les bigoudis ça lui rappelle des bons souvenirs.
-Ma tante en portait des pareils! qu'elle disait. J'espère qu'i' aime e'l'cognac, Romain, pa'ce que moé j'tanke en tabarnak! En tout cas, j'sais qu'i' a des capotes pa'ce qu'i' vient n'acheter tous 'es jours! Arf! Arf! Arf! On va fourrer en hostie pour moé.
Les clients se demandaient s'il fallait se plaindre au gérant. Mais ils n'avaient pas que ça à faire, se plaindre.
-Qu'A' s'fasse fourrer par un Russe ou ben un truck d'la voirie m'en crisse!
Les gens sont comme ça, de par chez-nous. Ils n'aiment pas les files d'attente.
Ils n'ont pas la patience des Russes...
dimanche 27 décembre 2009
Le chapeau Easy Smoking
samedi 26 décembre 2009
Chapeau de paille
vendredi 25 décembre 2009
Il y a miracle et miracle, trop souvent c'est de l'hostie de niaisage
À moins que ce ne soit une mousse.
À vrai dire, c'est une mousse.
C'est une mousse qui flotte au vent.
Rien de bien mystérieux pour un vingt-cinq décembre.
***
Un miracle c'est possible.
Mais il faut que les règles soient strictes pour qu'il y ait vraiment un miracle.
Prenons quelqu'un qui s'est fait amputer une jambe jusqu'à la hauteur du scrotum.
Eh bien si sa jambe repousse trois semaines après, hop, tout le monde conviendra naturellement que c'est un miracle, les croyants comme les athées.
En bas de la regénération d'un membre suite à une amputation, il n'y a pas de miracle. Il n'y a que de l'hostie de niaisage.
***
Une mousse flotte au vent.
Est-ce vraiment une mousse?
Non. Là c'est un flocon de neige.
***
Pour ceux qui ne connaissent pas La Bolduc.
***
Demain, c'est le vingt-six décembre.
jeudi 24 décembre 2009
JODAWININIWAK
On avait organisé un pow-wow au village pour célèbrer le retour du soleil. On se tiendrait tous dans le grand wikiwàn de Misko, le loup, et de Ingwam, dormir, parce que l'on ne choisit pas son nom.
C'était une nuit épouvantable pour fêter. Des bourrasques de neige sortaient en hurlant du fin fond des forêts. Windigo se moquait bien de tous ces Anishinaabe qui parcouraient les lacs et les rivières au Nord de l'Île Mikinak, l'Île de la Tortue, ouais.
Il y avait au menu des pâtés de maïs, haricots et courges dans lesquels trempaient de succulents morceaux de deux orignaux tués par Wagoceweiân, Peau-de-renard, trois jours auparavant, à la hauteur de Shawinigan, sur la rivière Métabéroutin.
Des ragoûts de castors cuisaient lentement dans des auges de bois dans lesquels on mettait deux grosses pierres chaudes aux cinq minutes. Les femmes se plaignaient de ne pas avoir encore de chaudrons en fer, comme les Français en avaient. C'était moins de travail, les chaudrons en fer.
Tout ce qu'ils avaient reçu des Français pour le moment, c'est Robe Noire, François qu'il s'appelait.
François ne savait pas faire grand' chose et tout un chacun en avait assez d'être poli avec lui. François se moquait de Windigo et de tout ce que les Anishinaabe racontaient. Ils savaient bien que Windigo c'était une figure de style, les Anishinaabe, du moins les plus éclairés. Dans toutes les tribus il y'en a toujours qui croit à n'importe quoi, comme s'ils ne comprenaient pas le deuxième niveau de ces fables, qui sont des rêves quoi, des analyses pointues du coeur humain.
Mais François croyait dur comme fer que les Anishinaabe croyaient dur comme fer en quelque chose, alors que leur religion, essentiellement, c'était le doute. Du moins pour cette tribu-là. Ce qui fait qu'elle acceptait les robes noires et même les chaudrons en fer, si ça pouvait se faire.
François, la robe noire, semblait s'ennuyer ferme au fond du wikiwàn. Il chantait des chansons de son coin de pays, et il pleurait. Les Anishinaabe, qui ne sont pas très démonstratifs en matière de larmes, n'en étaient pas moins contris. Misko le loup et Makwa l'ours lui donnaient des claques dans le dos en poussant des ho! ho! de réconfort.
-Ho! Ho! François. Ho! Ho!
Et François chantait maluron, maluré, pucelle qui vient du rosier et tous les chants gutturaux de ses ancêtres.
-Jodawininiwak! lui dit Tewikwe, Avoir-la-migraine, en désignant son propre fils Kwanisak, Qui-est-chatouilleux.
Ça voulait à peu près dire les hommes de la Judée. Jodawininiwak.
-Kikinohamaw Kwanisak! ajouta Tewikwe.
Enseigne-lui les lettres, montre-lui ton jeu quoi. On n'est pas plus con que les autres.
De fait, Tewikwe voulait que Frère François apprenne à son fils les rudiments de la lecture et de l'écriture, les histoires qu'il y avait dans la Bible, le missel et toutes ces légendes qui suscitaient sa curiosité.
-Isa! murmura Misko, le loup.
Isa qui veut dire je suis dégoûté. Misko s'en tenait aux vieux récits et ne voulait rien savoir de la morale des Français. Selon lui, les Français sont des gens bien pauvres et bien misérables. Ils doivent errer pendant des lunes sur l'océan pour venir ici trouver de quoi à manger. Au lieu de pêcher seulement la morue dont ils ont besoin, ils en prennent des tonnes et des tonnes et rapportent ça chez de pauvres mendiants en France. Ils travaillent nuit et jour pour vider la mer et ne se reposent jamais. Ils achètent nos vieilles peaux de castor que nous avons portées toute l'année pour s'en faire des chapeaux... Des chapeaux, même avec les couches de nos bébés, parce que le cuir est plus souple pour leurs chapeaux... Ce n'est pas une vie digne. Franchement! Et ce n'est pas un chaudron de fer qui viendra faire la différence, même si la chasse est bien meilleure avec un fusil... Par ailleurs il semble que tout le monde attrape des grippes bien plus sévères depuis qu'ils sont là, les Français, vous ne trouvez pas?
-Rhooooo! hurla Makwa en frappant sur son tambourin en peau de wapiti, au rythme des battements de son coeur, manière d'entrer en transe bien connue de tous.
-Makong inwe! s'émerveilla Kwanisak dit le chatouilleux.
Il fait entendre le cri de l'ours: makong inwe. Et tous les Sauvages dansaient, prenant bien soin de déposer délicatement la plante des pieds sur le sol, pour que notre mère la terre ne se sente point blessée.
François, perdu parmi les Sauvages, chantait tout seul dans son coin.
François n'avait pas mangé sa ration de ragoût de castor et il n'en pouvait plus du maïs, des fêves et des courges. Il priait le Seigneur de lui donner la force de leur enseigner la Foi.
Kwanisak, le fils de Tewikwe... Son seul espoir peut-être. Lui enseigner la Sainte Doctrine pour qu'il ne soit pas comme ces tas de manitoks toqués, diablotins superstitieux et autres païens aux moeurs dissolues en matière d'accouplement. Amen. Jodawininiwak. François lui enseignerait les fables des hommes de la Judée...
mercredi 23 décembre 2009
Au point où nous en sommes, le mieux serait qu'il y ait encore un Ponderosa Steak House
-Moé 'me dis qu'j'a'me mieux Soboué. C'est moins gras.
-Ah non! Je déteste viscéralement les sous-marins et toutes ces tranches de viandes froides si dures à digérer. La viande se doit d'être bien cuite, comme du temps du Ponderosa sur la rue des Forges, oui.
-Ouin ben moé 'pas fort su' 'e l'steak. C'est trop chargeant.
-Pas du tout! Que dites-vous là? Il ne suffit que de mastiquer lentement. Et puis la viande cuite est déjà digérée par la chaleur. Oui. Et elle ne bloque pas dans les intestins comme la viande froide, remplie de nitrites par ailleurs, qui lui confère des vertus bouchantes, voyez-vous, qui font en sorte que l'on risque la constipation à tout moment. Ce qui est fort désagréable, vous en conviendrez avec moi.
-C'est sûr. C'est sûr. Mais y'en a qui aiment ça pis d'autres qui aiment pas ça. C'est toujours d'même ces affaires-là!
-Oh! C'est se méprendre de croire que tout est relatif. Il faut tout de même des balises à la vie, des points des convergences, des tables de valeurs. Et, selon moi, il ne s'est jamais fait d'aussi bons steaks aux Trois-Rivières que du temps du Ponderosa Steak House, sur la rue des Forges, devant le centre d'achats Les Rivières, oui.
-Toé t'aimes ça e'l'steak. Ok on a compris. Ben moé j'aime mieux Soboué. Pis qu'est-cé ça dérange? Ponderosa ou pas, m'en sacre. Mange ton steak. Mange-lé pas ton steak. M'en sacre.
-Vous avez tort. Le steak chez Ponderosa était tout à fait exquis.
-Hostie! A' l'arrive-tu la calice d'autobus à 'a marde? E'j'su's tanné de geler! J'ai 'es gosses qui rentrent par en-d'dans saint-cibouère!
-On attendait moins longtemps dans les années soixante-dix. Oui.
Les deux gus se gelaient à l'arrêt d'autobus. Le taouin qui faisait des bulles sur le Ponderosa était très petit et très maigre. On n'aurait pas dit ça, hein? Il louchait beaucoup et portait une casquette de l'Université du Québec à Plutonville. Il s'appelait Le-gars-qui-parle-toujours-tout-seul-sur-la-rue-quand-qu'i'-marche. On ne lui connaissait pas d'autre nom.
L'autre, le gars qui préfèrait Soboué, était juste normal, ni grand, ni petit. Il ne portait pas de casquette, seulement une tuque sans logo. Rien pour le distinguer de la masse. Il s'appelait Zippo, à cause de son briquet Zippo.
La neige tombait à gros flocons et le jour peinait à se lever. Zippo et l'autre fraternisaient tant bien que mal. Un monde les séparait. Un arrêt d'autobus les réunissait.
On entendait de la musique de Noël. Cela provenait du perron d'un bungalow situé juste en face de l'abribus. Une grosse boule de Noël gonflable. Unflatable Christmas... Avec un radio tiouné sur un poste débile qui ne diffuse que des chansons qui hurlent. Z'auraient pu crisser Espace Musique, les hosties d'niaiseux. Ça serait moins agressant.
mardi 22 décembre 2009
23 décembre 1978, à l'école St-Jean-Bosco, dans la P'tite Pologne, à Twois-Wivièwes
On en déduit que l'école St-Jean-Bosco, c'était pour les pauvres. Et la P'tite Pologne aussi. Quoi qu'on n'y vit aucun Polonais. Sinon un seul, Karol Wojtyla, qui passa au Nord de la P'tite Pologne en septembre 1984 pour se rendre jusqu'au sanctuaire Notre-Dame-du-Cap, à Cap-de-la-Madeleine, à deux ou trois miles de l'école St-Jean-Bosco...
Mais je sens que votre patience a ses limites et déjà vous me dites «assez d'explications, Butch, allons au vif du sujet.»
Ok. L'école St-Jean-Bosco accueillait la marmaille pauvre des pauvres qui travaillaient ou ne travaillaient pas à l'usine de textile Wabasso. La Wabasso, l'université des pauvres selon un chroniqueur local qui ne voyait rien de mal à ce que les pauvres soient au coton.
Anyway, à l'école St-Jean-Bosco ça brassait un peu. Ça se battait à toutes les récréations. Et les institutrices préféraient fumer leurs cigarettes plutôt que de risquer leur vie à départager tous ces jeunes voyous surexcités. Beding, bedang, tout le monde recevait sa ration de claques su' 'a yeule.
Pis là, ben justement, c'était Noël. Le 23 décembre. La dernière journée d'école avant le congé du temps des Fêtes. Le 23 décembre 1978. Le PQ était au pouvoir. Pis l'reste j'm'en souviens p'us trop. Le film Star Wars? Ouais. Goldorak. Hum. Ah pis le jeu de lignes sur la télé en noir et blanc. On pouvait jouer au pingpong, au squash, au tennis. Deux rectangles blancs qui se lancent un carré blanc. Avec un petit bruit. Touppe! Touppe! Comment ça s'appelait tabarnak?
En tous 'es cas! Ça fait qu'on est le 23 décembre 1978, dans la classe de Rita Fournier, à l'école St-Jean-Bosco. La maîtresse nous demande à tour de rôle ce que l'on va donner à nos parents pour Noël. Massicotte dit qu'il leur donnera un dessin. Nancy va leur faire un cendrier en terre glaise. Jacques va leur acheter un sac de bonbons.
Puis c'est le tour du Zweffe. Le Zweffe est le clown de la classe et vit emmuré derrière deux armoires, punition appliquée par la maîtresse depuis la fin du mois d'octobre. Il est maigre comme un clou. Et plus intelligent qu'on ne le croie. Ses parents couchent parmi des bouteilles vides sur le plancher du salon. Et pour le reste, le Zweffe n'est pas jasant.
-Et toi, Réjean, puisque le Zweffe s'appelle Réjean, et toi Réjean que vas-tu donner à tes parents pour Noël?
-À Noël? répondit le Zweffe, enfermé entre deux armoires pour que personne ne le voie faire ses singeries. À Noël? M'en va's prendre la vaisselle pis j'va's toutte leu' la péter su' 'a tête! Arf! Arf!
On a tous rigoler, ce 23 décembre 1978, dans la classe de Rita Fournier, à l'école St-Jean-Bosco, dans la P'tite Pologne, à Twois-Wivièwes. Comme quoi le bonheur peut tous nous atteindre.
dimanche 20 décembre 2009
Il s'appelait le Smatte
samedi 19 décembre 2009
La transformation extrême d'Églantine Lafaillance
Églantine n'est pas jolie, certes, mais encore qu'il faudrait savoir pourquoi. Ok. Elle a des cheveux en laine d'acier. Un gros nez clignotant. Un strabisme convergent prononcé. Une bouche asymétrique. Une dentition aléatoire. Un cou trop long. Un dos recourbé. Une jambe berlinguette. Pour ce qui est du reste, elle zozote et s'exprime avec une lenteur qui fait fuire les plus compatissants. Bref, c'est une brave fille mais elle n'intéresse personne parce que la vie est chienne, oui.
Évidemment, Églantine pourrait en rester là jusqu'à la fin des temps mais un jour arrive qu'Églantine est juste p'us capable de continuer à jouer son hostie d'game habituelle.
Elle se regarde un jour dans le miroir et elle se dit, en zozotant, qu'elle aussi voudrait devenir quelqu'une et sentir passée sur elle le regard hennissant des hommes. Églantine se rappelle d'avoir vu une annonce sur le ouèbe. Une annonce du genre on cherche des candidates pour une transformation extrême. C'est pour une émission de télévision. Alors Églantine leur envoie son petit vidéo produit par sa ouèbecam.
-Bonzouz, dit-elle sur la vidéo, ze m'appelle Églantine. Z'ai tzente-huit ans. Ze suis viezge et ze veux sentiz passer suz moi le zegazd hennissant des hommes!
Son vidéo est retenu trois semaines plus tard par l'équipe des Productions Z. Églantine est folle de joie. Elle va bénéficier d'une transformation extrême dans le cadre de l'émission De vilain canard à joli cygne, suivie par des millions de téléspectateurs bien entendu.
Le jour J approche. On voit Églantine sous son plus mauvais jour, en vilain petit canard, avec sa dentition aléatoire et son regard convergent. Puis elle rencontre des tas de spécialistes qui la charcutent, la tripatouillent, lui retirent graisses et gros bobos laids. On lui redresse la colonne avec un tout nouveau concept de la firme d'ingénierie médicale Plutonian Inc. Puis on lui arrange la chevelure, lui greffe de nouveaux yeux, lui injecte du botox et autres produits pulpeux jusqu'à ce qu'elle ressemble à quelque chose de regardable.
Le vilain petit canard est devenu un cygne.
Elle sort de l'émission comme une vieille voiture sort revampée d'un garage spécialisée en esthétique automobile. Oua! Églantine est devenue une vraie madame aux yeux de tous.
Elle a de beaux yeux bleus bien droits et ses dents sont droites itou.
Ses cheveux sont soyeux et doux grâce à plusieurs produits bourrés de collagène et de moelle d'os de jambon.
Églantine a bon dos et elle porte des vêtements griffés qui lui confèrent un air de femme d'affaires toujours très préoccupée par son budget mais toujours prête à faire la fête...
-C'est confortable et léger, qu'elle dit sans zozoter, Églantine.
On lui a payé des sessions privées avec un orthophoniste. Ton thé t'a-t-il ôté ta toux? Les chaussettes de l'archiduchesse sont-elles sèches ou archi-sèches? Et toutes ces sortes de conneries qu'Églantine devait prononcer avec des pierres dans la bouche, comme le grand Démosthène, ouais.
Ce qui fait qu'elle ne zozote plus. Qu'elle est belle. Et que tous les hommes la désirent.
À la fin de l'émission, Églantine danse avec des tas de beaux mecs et certains osent même caresser ses hanches, imaginez, elle qui n'était pas plus tard qu'il y a trois semaines une trentenaire célibataire endurcie vierge comme un lac sur la lune.
Évidemment, lorsqu'elle revient chez elle, Églantine se rend compte qu'elle n'a pas les moyens financiers de s'entretenir la face, de se shooter du botox ou de la glaise, du wallpatch, whatever.
Ce qui fait qu'elle se met à décrêpir et redevient assez rapidement ce qu'elle était auparavant, avec des cheveux en laine d'acier, des yeux croches et tout le reste. On ne le montrera pas à la télé, ce bout-là.
Églantine conserve tout de même la photo de sa transformation de même qu'un enregistrement vidéo de l'émission où elle devenue la star d'un soir. Aucun homme ne s'intéresse à elle. Et les femmes ne l'intéressent pas.
Alors elle se fait une petite transformation extrême bien à elle. Elle se rase le crâne au complet et se fait tatouer un dragon sur le caillou. Puis elle s'outremaquille comme dans les années follement expressionnistes de Berlin. Elle s'habille en noir et hop! Églantine a du style. Son botox pète de partout mais elle s'en fout. Elle est la princesse des ténèbres maintenant. La princesse Églantine mou-ha-ha! Elle se tape des artistes dégénérés. Elle est belle comme un diamant brut dont on ne verrait que la gangue. Et elle s'en moque. Elle retrouve la joie de vivre. Elle pète sa cerise. Elle gicle. Et ainsi va la vie qui va.
Comme quoi ce n'est pas nécessaire de passer à la télé pour vivre une transformation extrême.
vendredi 18 décembre 2009
La vie, rien que la vie de Eugène Marchildon (histoire vraie)
-On sait jamais quel crabe va t'piquer en d'sous des gosses! qu'il disait, sur un ton gouialleur et un accent franc.
Marchildon se mettait vraiment du Muskol à l'année longue, jusqu'en d'sour des gosses, oui.
C'est vrai qu'à La Providence-du-Barrage-de-l'Énergie, un petit village de quatre-trois âmes, on a de ses moeurs que l'on ne rencontre nulle part ailleurs. Elles peuvent étonner le voyageur endurci tout autant que le pied-tendre. Ce qui fait que Marchildon à lui seul avait fait la réputation du patelin, un endroit où les hommes se parfument au Muskol et où les femmes ne sont pas courailleuses puisqu'il n'y a nulle raison d'y courir tellement c'est vaste, la toundra.
Marchildon qu'il s'appelait. Ouais. Eugène Marchildon. Maire du village. Et propriétaire du relais routier. Un gars qui se parfumait au Muskol. Ouais.
Pis le café était cher à ce calice de relais-là! Hostie qu'i' était cher. I' d'vait faire la piastre, Marchildon. Y'aurait pu s'payer du parfum ben moins cheap. Ouais.
ILS ONT PUBLIÉ MES SACRES ET MA VULGARITÉ
Et si tout n'était que littérature
C'est ce que se disait cet hostie de trognon dans le fin fond de son être.
Trognon parce qu'il vivait comme un trognon, quoi.
Un trognon de pomme qui sèche derrière une vieille armoire et qui lentement pourrit dans son coin, à s'imaginer une vie faite de mots, de métaphores, d'oxymorons et autres fadaises de mécanicien du langage.
Trognon comme un imbécile qui ne sait pas écrire en dépît de toute sa science de la langue française. Tu lis une phrase de ce trognon et t'as le temps de te faire cuire deux jambons avant que tu n'y comprennes quelque chose. Juste de la mélasse métalangagière. De l'hostie de bouette, croyez-moi.
Trognon alias François Gériatrie était un homme entre deux âges, avec un peu de gris dans le toupet. Trognon était professeur à tel ou tel cégep. Il était spécialiste de l'oeuvre de Greimas, un gus qui n'était pas du tout poète et encore moins un artiste. Juste un spécialiste, quoi. Un trognon. Une pomme qui sèche derrière une vieille armoire. Et qui pense qu'elle sent bon. Si tant est qu'une pomme pût penser. Ce qui semble raisonnable à mes yeux intérieurs d'animiste.
Bref, Trognon se demandait si tout n'était que littérature. Une question grave à laquelle il avait consacré toutes ses énergies au cours des vingt-cinq dernières années, de ses études en littérature à l'Université du Québec à Plutonville jusqu'à son poste d'enseignant au cégep des Mille-Feuilles.
Trognon avait un peu de gris dans le toupet mais son toupet était de moins en moins épais. Je tiens à le préciser. Puisque tout n'est que littérature, hein?
Donc, Trognon se posait cette question tous les jours. Toutes les putains de journée.
Si je vous raconte ça, c'est parce que Trognon a changé tout récemment, ouais, y'a à peine trois jours. Il est comme ressuscité, le sacrement de Trognon. Et il assume son surnom maintenant.
-J'su's un hostie d'trognon! qu'il disait l'autre jour au bar Le Karaoké où la grosse bière est à cinq piastres.
Je ne l'avais jamais entendu parler sur ce ton. Manifestement, il semblait aller de mieux en mieux.
-Comment ça? lui demandé-je.
-J'porte ben mon surnom tabarnak! Trognon! J'su's 'ien qu'un hostie d'trognon! La littérature! La sociocritique! Greimas! Hostie que j'm'en calice! J'étais complètement à côté d'la track! Comme si j'm'enfermais en d'sous d'une galerie, ouin, ou ben don' d'une armoire... séchée comme une pomme sous une vieille armoire...
-Tu voés! Qu'est-cé qu'j'te disais Trognon? lui répondis-je sans malice.
-Ah Butch! Hostie d'fêlé d'tabarnak! Tu m'étonneras toujours toé mon hostie d'rieux sale! Ha! Ha! En tous 'es cas... Sérieux, man. On s'en calice! Hein qu'on s'en calice Gros Butch?
-Je ne suis pas gros. Juste ce qu'il faut pour survivre à un hiver de famine...
-Ok Gros Butch.
-Tape là-d'dans mononc'!
-Yeah! Gimme five!
-Ah pis on s'en calice-tu hein?
-Certain qu'on s'en calice!
-On s'en calice!!!
jeudi 17 décembre 2009
LA REVUE LITTÉRAIRE MOLLUSQUE ME PUBLIERAIT SI J'ÉTAIS MOINS VULGAIRE ET SI JE SACRAIS MOINS...
MISE EN CONTEXTE: Le texte suivant a été proposé à la rédaction d'une revue littéraire montréalaise bien connue. Appelons-la Mollusque. Il fallait écrire sur le thème des liens de famille, mettons.
Il paraît que le comité de lecture de Mollusque a jugé mon propos intéressant mais qu'il y avait trop de sacres et de vulgarité dans mon texte. J'ai dit à leur messager d'oublier ça, de ne pas me publier, parce que j'ai sacré, sacre et m'en sacrerai toujours. Enlever les sacres et la vulgarité dans mon texte, c'était comme tout enlever puisqu'il est essentiellement conçu comme un monologue fonder sur la littérature orale, essentielle chez les aborigènes, donc chez mes parents.
On s'attendrait à se faire juger par des artistes et l'on ne fait face qu'à de petits profs et fonctionnaires de la littérature à temps partiel. Un texte qui pourrait être publié immédiatement est retenu pendant des mois dans le tiroir pour satisfaire une quelconque production de papiers qui prennent une éternité à se faire coller ensemble et à se faire distribuer. En un clic de souris, votre texte est disponible pour le monde entier et aucun comité de lecture n'est venu mettre ses sales pattes dans votre âme pour la faire siffler comme un serin aux ailes coupées.
La rédaction de Mollusque demandait un texte inédit qui comporte un titre et mon texte s'intitule justement Texte inédit qui comporte un titre. Le voici en grande primeur, chers lecteurs et lectrices. Vive le ouèbe. Fuck les revues et maisons d'édition. Et fuck le cinquante piastre de Mollusque et la reconnaissance par les pairs qui se sont faits entuber par un comité de lecture qui tient à ce que vous ne chantiez que des chansons de matante ou de mononc' qui n'aurait qu'une job d'été dans son cévé.
Évidemment, je les pardonne, les gens de la revue Mollusque, car ils ne savent pas ce qu'ils font. La finale de mon texte était super... J'ai sué sang et eau pour la trouver. Dommage qu'ils n'aient pas le sens du sacre et du sacré chez Mollusque. Sont pas artistes pour deux cennes...
***
TEXTE INÉDIT QUI COMPORTE UN TITRE
Un gars qui écrit des livres m'a laissé entendre que j’pourrais publier un texte inédit qui comporte un titre dans la revue Mollusque, une revue de littérature toé chose.
C'est un numéro thématique sur les Sauvages. Hostie, j'en suis un. Ça tombe bien.
Ça fait qu'après m'être gratté la tête une couple de fois, j'me su's dit que j'pourrais ben torcher un p'tit que'que chose pour Mollusque.
D'abord, mon père disait qu'i' était pas un Sauvage pis qu'les Bouchard v'naient d'la Normandie.
Fuck, i' v'naient même pas d'la Normandie les Bouchard! I' v'naient comme i' pouvaient quand l'occasion s'présentait. Pis i’ d’vaient v’nir souvent parce qu’i’ étaient dix-neuf enfants du côté d’mon père.
La mère de mon père était une Sauvage, une Algonquine ou, comme on dit à c't'heure, une Anishnabé. A v’nait d’la réserve d’Oka. Le père de mon père a grandi à deux miles de Métis-sur-Mer. Pis du côté d’ma mère, c'est pareil. Des descendants d'Acadiens métissés de Micmacs qui vivaient à Sainte-Clothilde-de-Horton su' l'bord d'la track, comme des Gitans.
Nous autres, des Bouchard d'la Normandie? Christ de joke de curé, oué... D'la christ de marde. On nous a pâlis maudit calvaire de pompier sale! Comme si on était des Juifs sous l'occupation allemande, en France, en 1944. Pâlis pour notre bien, bien sûr. Pour ne pas passer pour des hosties d'Sauvages. J'm'appelle pas Simon Ben Gourion mais François Dupont! J'm'appelle pas Makwa Grizzli mais Gaétan Bouchard!
Ces hosties de curés-là ont toutte faitte pour crisser ça dans 'a tête de mon père, qu'on n'était pas des Sauvages, mais des chevaliers de la table ronde, avec une fleur-de-lys dans l'cul.
Tabarnak! On a gardé de nos racines que le paillard français qui a trempé sa bite dans 'a p'lote de nos grands-mères. Maudit christ de saint-cibouérisation d'calice!
Ça fa' qu'un m'ment d'nné e'j'me su's dit qu'c'était assez. Toutte disait que j'étais un Sauvage. C'était écrit dans ma face saint-chrême, dans 'a face de mon père, de mes frères, de ma mère, de mes ancêtres. On était des Métis calice! Pis on l'est d'venu, avec des cartes toé chose pis toutte le kit.
Mon pays, c'était encore l'hiver. Mais c'était aussi l'île Mékinak, l'Île de la Tortue. Pis j'me su's mis à comprendre plein d'affaires sur moé et mon pays. D'abord que je ne savais rien de Saint-Laurent et Saint-Maurice. Comme tout le monde autour de moé. C'qui fait que j'ai rebaptisé mes noms de lieux : le fleuve Magtogoek, la rivière Métabéroutin, pis toutes sortes d’affaires de même. Pis ça fait juste commencer. C'est pas fini. Christ que non c'est pas fini.
J'me suis mis aussi à écouter les arbres. Fuck, c'est pas d'ma faute, mais nous autres les Sauvages on sait qu'i’ nous parlent, les arbres, les roches pis toutte le reste, juste parce que c'est comme ça. Nous sommes animistes, ouais. On pense qu'i' a d'la vie dans toutte. C'est ben dur à comprendre ça, hein?
Moé, les arbres me parlent. Pis i' m'disent crissez-nous don' patience tabarnak!
-Arrachez pas mon écorce torrieu! Fendez-moé pas en quatre pour rien! Wo! Menute! J'su's pas tout seul là-dedans... J'fais vivre des oiseaux, des moénaux, des pas beaux... Toutes sortes d'affaires de même... Christ! Wake up!
Ouin, ouin. Les arbres me parlent. Pis si j'peux prendre une feuille de moins, j'va's l'faire. Pour être en parfaite symbiose avec le Grand cercle de la vie.
Ça se pourrait donc que mon texte ne soit pas publié dans Mollusque pa'ce qu'i' faudrait que j'leu' z'envoie une version imprimée par courrier postal, aux éditions Diptyque, à l'adresse de j'sais p'us trop qui, à Monrial. C'est sûr que j'f'rai pas ça.
Moé j'aime trop les arbres pis ça m'tente pas d'imprimer ça sur papier quand toutte se fait si simplement de nos jours par les voies électroniques. Hostie on n'est plus au temps des mandarins. C'est pas des rapports à doubles interlignes que j'fais, mais d'la littérature.
-Hostie d'Sauvages! qu'i' vont s'dire en r'cevant mon texte. Faut toujours qu'i' fassent chier en plus qu'i' savent pas boire!
Ben oui, ben oui.
Vous vous attendez à quoi, que j'vous liche le cul?
No way.
J'su's un Sauvage hostie.
Wou-wou-wou-wou-wou-wou!
Makwa Grizzli
Alias Gaétan Butch Bouchard
mercredi 16 décembre 2009
Il y a des jours où les mots sont de trop
mardi 15 décembre 2009
Wake Up Flamondon
lundi 14 décembre 2009
L'eau est presque redevenue pure à Trois-Rivières...
L'industrie des pâtes et papiers se servit longtemps de la Métabéroutin pour le transport des pitounes*, du Rapide Blanc jusqu'à Shawinigan et Trois-Rivières, d'où on les retiraient pour produire des pâtes, papiers et cartons envoyées partout dans le monde.
Les billes de conifères se décomposaient dans l'eau. Et cela conférait à l'eau potable un goût d'excrément humain. Les papetières balançaient des odeurs de marde sur la ville et l'eau goûtait la marde. Mais tout le monde pouvait avoir une maison, un char et une piscine. Tout le monde pouvait boire de l'eau embouteillée. Enfin, presque tout le monde.
Un beau matin des années '80, un bateau du mouvement Greenpeace s'est faufilé un chemin à travers les pitounes (billes de bois) pour se présenter à la sortie des eaux usées de la Canadian International Pulp and Paper Company (Cé-ail-pi: CIP), bouche d'ombre sulfureuse qui lançait dans la Métabéroutin un flot ininterrompu de produits chimiques depuis au moins cent ans.
Une mousse verdâtre flottait à cette hauteur et les hippies sur le bateau de Greenpeace repompaient cette eau sale, devant les yeux du monde entier, pour la renvoyer sur le terrain de la Cé-ail-pi.
Le geste de Greenpeace a eu de l'impact. Quelques mois plus tard, les autorités signaient un protocole pour l'arrêt du flottage du bois sur la rivière Métabéroutin. Quelques années plus tard, l'eau s'est mise à goûter bon, très bon même et les truites sont revenues peupler la rivière, à la hauteur du rapide des Forges, à Trois-Rivières.
On peut maintenant se baigner à l'Île Saint-Quentin et voir le fonds sablonneux de la rivière. La Black River est redevenue claire.
Évidemment, la Cé-ail-pi a fermé mais la conjoncture économique jouait plus en sa défaveur que la conjoncture écologique. On recyclait de plus en plus de papier dans le monde, produisait pour moins cher ailleurs, et de plus l'usine était vétuste.
De nos jours, on redécouvre la beauté de la rivière Métabéroutin. On la voit revivre.
Rien ne justifie que les êtres humains vivent loin de la beauté, rien.
Et ça ne prend qu'une poignée de barbus verts et de sorcières vertes pour nous rappeler que nous gâchons des vies, que nous vivons loin de la beauté, tiens.
***
En ce moment, il y a des gus en Mauricie qui réclament que l'on n'investisse plus un sou dans la réfection de la centrale nucléaire de Gentilly 2, située à quelques kilomètres de mon habitat pas trop naturel, à Twois-Wivièwes.
Le nucléaire produit des cancers, des mutations génétiques, des fausses couches, des monstres, whatever, et c'est documenté ciboire. La centrale devrait être fermée pour 150 millions d'années et on veut qu'elle tourne bien au-delà de sa durée de vie initiale, ce qui représente un risque accrû pour la santé publique.
Ils sont sur Facebook. Ajoutez-les à votre liste. Encouragez-les à militer tous les jours pour que cela cesse puisque vous trouvez qu'il ne fait pas chaud pour porter une pancarte.
Je suis pour que l'on ferme la centrale depuis la première distribution de capsules d'iode effectuée en ville en cas d'accident du réacteur nucléaire. C'était dans les années '80. Il était écrit que nous devions avaler ce comprimé d'iode immédiatement, en cas d'explosion du réacteur, et nous enfuir à Montréal. Est-ce que j'ai rêvé ça? Vous vous en souvenez, hein, gens de Twois-Wivièwes, de la distribution des capsules d'iode? Hein?
jeudi 10 décembre 2009
Casaubon l'homme qui devint riche
Il avait fait fortune en s'accaparant la matière première sans demander la permission à qui que ce soit.
Il volait généralement les fils après les poteaux, dans quelques coins isolés où la compagnie Tell Telephone & Co. avait laissée des poteaux et de vieux fils qui n'étaient plus utilisés.
Casaubon avait commencé modestement, avec quatre gars qui lui devaient de l'argent. Il en a fait ses bras droits ultérieurement. Et il n'y avait pas de bras en trop puisque Casaubon devint très riche avec sa petite arnaque qui, à ses yeux, n'était que de la débrouillardise.
Il passa de la récupération du fil de cuivre à la gérance d'une petite chaine de magasins à rabais, Casaubonprix, essentiellement alimentés par une équipe de ramasseux de poubelles qui savaient que les gens jetaient leurs choux gras.
Puis il se lança dans l'immobilier. Casaubon Immobilier, ouais. Puis il poursuivit dans l'agro-alimentaire avec Les abattoirs Porcins Inc. Et enfin, il s'offrit le luxe d'un journal, puis d'une radio, d'une chaîne de télé spécialisée, de plusieurs sites Internet, fiou! Mettons que Casaubon s'est mis à faire le gros moton.
Puis un jour, paf, il a de la misère à marcher et il a toujours l'air saoul. Une maladie quelconque qui finit par affecter son sens des affaires. Casaubon perd deux ou trois compagnies, fait des mauvais placements, voit partir sa femme avec la moitié de ses avoirs, puis découvre qu'il s'est fait leurrer par ses conseillers financiers, de sorte qu'un jour, repaf, il n'a plus un rond. C'est la faillite. Casaubon boite et il a toujours l'air saoul. Il fait une demande d'aide sociale. Il loue un studio miteux avec une salle de bains pour quinze. Puis c'est la dégringolade.
Tout le monde l'oublie.
Il est seul dans son petit studio miteux et il écoute la télé.
Il a toujours l'air saoul même s'il ne boit pas.
Et il boite. Ouais. Casaubon boite.
Quand on fouille, on ne trouve que de l'humain
mercredi 9 décembre 2009
Les gens de son pays
lundi 7 décembre 2009
La vraie histoire du Père Noël
Le reel des p'tites patates
Le reel des p'tites patates, Gédéon l'a appris de son grand-père, Théosphase Baril, qui l'avait lui-même appris de son grand-père Checagou, un Algonquin aussi surnommé Oignon-Sauvage.
Gédéon a maintenant quatre-vingt-douze ans. Il est petit, un peu bossu mais entêté comme un Paganini. C'est le quatre-vingtième Noël qu'il va jouer le reel des p'tites patates sur son violon toujours désaccordé.
En quatre-vingts ans, Gédéon n'a jamais été capable de vraiment accorder son violon.
Gédéon a toujours joué faux. Jamais un son harmonieux n'est sorti de son instrument, sinon un vulgaire couinement qui ne l'empêcha jamais de persister dans sa passion. Ce qui fait qu'il vécut presque toute sa vie en retrait, dans le fin fond du rang des Bretelles-à-Méo, à Saint-Athanase-de-Brandon. L'hiver, on ne déneige pas dans ce rang-là. Et l'été, le facteur ne sait pas où ça se trouve.
Suite à son dernier pontage, Gédéon vit maintenant au Foyer Le Sourire, au village, sur la rue principale, juste à côté de la pharmacie.
Gédéon est nerveux. Il va jouer à une heure et demie, cet après-midi, dans la salle de bingo.
-Allez-vous jouer Le reel des p'tites patates comme l'an passé? lui demande justement l'infirmière, Rachelle, une belle madame gentille avec les p'tits vieux.
-Çartain! de répondre Gédéon en lui montrant son violon qu'il nettoie minutieusement pour sa prestation qui commence dans quelques minutes.
Une dernière cigarette. Le coeur de Gédéon pompe à tout rompre. Il se remémore les temps forts du reel des p'tites patates, une dernière fois, avant que de leur livrer la prestation de sa vie.
Une heure et demie. Louis, le préposé, vient chercher Gédéon et l'emmène en chaise roulante à la salle de bingo où tout le monde est réuni pour un petit party de Noël entre intimes. Mademoiselle Blanche est là et lance un sourire à Gédéon qui le lui renvoie. Monsieur Hudon est là aussi, avec de la glaire sur ses pantalons, comme d'habitude. Tout le monde y est quoi.
C'est Rachel qui fait la présentation.
-Et maintenant, mesdames et messieurs, écoutons tous Le reel des p'tites patates interprété par le violon de Monsieur Gédéon Jidi Baril!
-Enwèye Jidi! de hurler Mademoiselle Blanche.
Et là Gédéon laisse glisser son archet comme s'il découpait des tomates avec une lame extrêmement tranchante. Et pour une fois, le voilà qu'il joue juste. Ce n'est plus Le reel des p'tites patates qu'il sue de peine et de misère à jouer depuis tant d'années. Oh que non! C'est le vrai reel des p'tites patates, celui qu'il avait appris de son grand-père, Théosphase Baril, qui l'avait lui-même appris de Oignon-Sauvage, alias Checagou, son grand-père algonquin.
Et son reel s'étend dans le temps. Et c'était comme si le feu avait pris dans la salle. Tout le monde sautait, trépignait, giguait. Pour une fois, Jidi jouait juste. Pour une fois, on y croyait presque à son foutu reel des p'tites patates.
Il donna son dernier coup d'archet, salua comme un artiste et se retira la tête bien plus haute que jamais elle ne l'avait été auparavant. Il avait joué juste. Et il était ému, Jidi. Ému d'avoir aussi bien joué son reel des p'tites patates...
dimanche 6 décembre 2009
Le temps était un peu frisquet
-Wachiya! Ta-n(i)si ! qu'il disait ce soir-là dans son cibi à son cousin William, trappeur du lot jouxtant le sien, un vieux Cri, lui aussi, ce William, tout fin seul dans sa cabane en panneau de bois contreplaqué à mener la vie comme d'autres la menèrent bien avant eux.
Ces deux-là, Tom et William, c'était vraiment des irréductibles du mode de vie traditionnel. Ils passaient trois semaines dans le temps des Fêtes à Chisasibi et y revenaient vers le mois d'avril, jusqu'en août, le temps que les bois ne soient plus infestés de maringouins et de mouches noires. Ils avaient tous deux le même âge. Soixante-dix-sept ans. Et au lieu de crever dans un foyer, ils préfèraient finir leurs jours dans le bois et si possible y crever un jour.
-Monana'ntow. Ki-n'a ma'ka? répondit William, seul comme un Cri dans sa cabane remplie de provisions pour l'hiver et dotée d'une bonne guitare. La guitare pour qu'il puisse fredonner quelques airs cris de sa composition sur des accords pas trop difficiles.
Ils détestaient tous deux tout ce temps encabanés en communauté à Chisasibi, l'été et dans le temps des Fêtes. Ils se sentaient moins prisonniers dans leurs petites cabanes ou leurs mitogans, plantés ça et là pour la chasse, la pêche ou la trappe.
Ils étaient heureux d'être dans le bois, parmi les loups et les lagopèdes.
-Kisina-w... rajouta Tom.
Y'avait rien d'autre à rajouter en fait.
La nuit était froide et il neigeait.
vendredi 4 décembre 2009
jeudi 3 décembre 2009
Encore des patates!
Il est malaisé de raconter l'histoire de Zigzag alias Simon Gingras.
D'abord, Zigzag a tout de l'ogre. Il est grand, gros et fort comme un boeuf.
C'est le genre de type que tu n'as pas envie de rencontrer dans la rue à trois heures du matin.
Même à trois heures de l'après-midi tu en aurais peur.
Zigzag a les épaules un voutées, le regard glacé et l'air vaguement coupeur de têtes.
Ce mastodonte de six pieds trois, deux cent soixant-dix livres, passe la majeure partie de son temps à être cassé.
Vient toujours un temps où il n'a plus un rond, le deux du mois généralement, et il tente de survivre le reste du mois du mieux qu'il peut malgré le pire qu'il veut.
L'an passé, autour du deux décembre, Zigzag hérita d'une grosse poche de patates de cinquante livres, contribution d'un ami de la rive Sud, Ti-Oui, producteur de patates.
Évidemment, Zigzag passa les jours qui suivirent à manger des patates arrosées de sel et de margarine. C'était tout ce qu'il lui restait.
Dès son lever, il faisait cuire ses patates au micro-ondes, dans la chambre misérable qu'il occupait juste au-dessus d'un bunker où tout un chacun faisait de la poudre sous toutes ses combinaisons possibles. Y'en a qui sniffaient, d'autres qui s'crinquaient, d'autres qui fumaient d'la free-base, whatever. Ce qui n'empêchait pas Zigzag de manger ses patates selon un rituel qui lui permettait de survivre, encore plus mal nourri qu'en prison, mais libre comme... ouais pas plus libre qu'il ne le faut à vrai dire.
Puis vint le quatorze ou le seize décembre, je ne sais plus trop. Zigzag reçut enfin sa TVQ. Un peu d'argent pour manger au moins un sous-marin de dépanneur.
Tout le reste du cash était passé à l'étage d'en-dessous, avec les cokés. Zigzag a sniffé, s'est crinqué pis a fumé et bu jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus un rond.
Le lendemain, une faim atroce le tenaillait... Il n'y avait rien à manger dans les armoires. Rien dans le frigo. Il ne restait que des patates...
-Encore des patates! grogna Zigzag en les épluchant sous le flot de ses larmes de grand con.
Encore des patates... Son radio-réveil était laid. Ses vêtements étaient moches. Son coeur était brisé et il n'avait pas de bottes d'hiver, seulement des espadrilles de toile.
Encore des patates...
Encore des patates... Lui, si grand, si fort, si terrifiant... si seul...
Franchement, Zigzag devenait une vraie bombe à retardement qui pouvait exploser n'importe quand et nous, les chambreurs du bordel, on savait bien que l'gros allait sauter les plombs s'il passait une semaine de plus à ne manger que des patates.
Ce qui fait que toutte la gang de sales pis de cromos qui vendraient leur mère pour une ligne ce sont tout de même passés le mot pour apporter un peu de variétés à son ordinaire.
Nancy Mangesperme lui a donné du macaroni au fromage. Bob le Chinois lui a refilé une pointe ou deux de pizza. Et Smoky Robillard lui a laissé terminer sa poutine qui, même si elle ne contenait plus que des patates, conservait encore l'arôme gras du fromage en crottes.
Comme quoi s'il n'y avait pas un peu de solidarité dans ces sales niques à feu toute la ville serait à feu et à sang, croyez-moi.