mardi 25 août 2020

Dostoïevski, Hugo, London, les macchabées et je ne sais plus trop quoi...

 Je me plais à croire que le culte que je porte envers la Beauté m'a sauvé du monde.

Dostoïevski, dont je suis le fidèle lecteur depuis des temps devenus immémoriaux, m'a enseigné que la Beauté sauvera le monde.

À cette époque, j'étais plutôt un puceau révolté qui tenait plus des personnages des Possédés de Dostoïevski. J'était ni plus ni moins un «ange exterminateur» prêt à faire oeuvre de rénovation sociale comme on joue à Risk ou Stratego. Les pertes se comptent en pions et jamais en vies humaines. L'idéalisme nous monte à la tête et détruit un peu le coeur au passage. À moins que le destin ne vous ramène vers la Beauté. Alors l'idéalisme cédera volontiers la place au coeur. Et peut-être à l'Amour.

Je sais qu'il y a beaucoup de majuscules depuis le début de ce texte. Je sais aussi que Victor Hugo abusait des majuscules et voyait partout cet incommensurable abîme qui nourrissait son art et sa poésie.

Ce ne sont pas Dostoïevski et Hugo qui m'ont sauvé de quoi que ce soit. Mon sauvetage, je le dois à des humains bien plus humbles et souvent anonymes, c'est-à-dire aux autres.

Plus jeune, je trippais fort sur l'écrivain Jack London. Pour les mauvaises raisons. Parce que comme lui je me disais que tout me réussirait à force d'efforts et de volonté. J'allais me payer de «grandes études»(sic!) avec mon salaire de préposé aux bénéficiaires.  Je travaillerais jour et nuit pour mon triomphe, prêt à y mettre cent heures par semaine, au détriment du sommeil, avec l'aide d'un peu de vin de dépanneur pour demeurer combattif, éveillé et vivant.

Puis j'ai planté. Parce que c'était trop tout ça. Surtout mes études à la faculté de droit à l'Université Laval. De nuit, j'emballais des macchabées dans des linceuls et les emportais à la morgue. De jour, j'étudiais le concept de baux emphytéotiques en droit commercial. J'étais seul à Québec, sans vraiment d'amis ni d'amour. Je vivais en théorie plus qu'en pratique.

Puis, subtilement, le concept de l'amour a pris de la chair et de l'âme en moi.

J'ai pris conscience que sans les autres nous ne sommes rien.

Jack London lui-même s'en était rendu compte lors de la crise économique de 1894. London se croyait un surhomme nietzschéen du monde ouvrier qui allait devenir Gatsby le magnifique par sa propre volonté et propre détermination. Il réalisa plutôt que même le plus fort pouvait être considéré pour rien dans une société comme la nôtre. La crise le projeta au chômage, presque tout nu dans la rue, parmi des millions d'autres humains survivant au capitalisme sauvage. Dès lors, il devint socialiste. Parce que cette société-là n'a pas de sens si elle jette même ce qui est bon, fort, utile.

Évidemment, le point de vue utilitaire m'importe peu. J'ai délaissé la lecture de Jack London pour son recours trop récurrent aux concepts sociaux. Il était à son meilleur dans ses nouvelles à propos de la ruée vers l'Or. Des nouvelles où la vie peut se montrer aussi cruelle que sublime. 

Il a fallu que je les lise tout un été au Yukon, dans l'environnement où il situait ses nouvelles, pour en apprécier toute sa beauté.

Dostoïevski, Hugo, London... Je m'égare encore.

Où en étais-je?

Je vais couper court.

Je ne suis rien sans l'amour.

Rien sans la Beauté.

Rien sans les autres.

Ces leçons que j'ai apprises de vous tous et vous toutes me semblent fondamentales.

Tout le reste c'est de la pure connerie.

J'essaie parfois de m'y intéresser.

J'apporte ma contribution au débat public.

Mais ce n'est pas là que je trouve ma quiétude et mon bonheur.

Il faut sans doute sortir ses vidanges parfois.

Il faut faire des trucs désagréables, bien sûr.

C'est la vie.

Je souhaite seulement de ne jamais être comme ce poète qui contemple le naufrage au loin les pieds bien au sec sur la plage. Ce poète qui pleure et qui clame de ne pas regarder les noyés mais lui qui souffre de les voir se noyer... Combien de ces narcissiques pleurnichards nous empoisonnent l'existence? Au lieu de pleurer sur vous-mêmes, prenez un kayak et allez sauver les noyés. On s'intéressera à vos sentiments ensuite si vous le voulez bien. Ayez du moins la délicatesse de ne pas vous croire dans un état encore plus lamentable que tous ceux et celles que vous auriez pu aider autour de vous sans même faire trop d'efforts.

Je paraphrase du grand Dostoïevski évidemment. C'est tiré du roman Les frères Karamazov

Ce satané Dostoïevski avait trop bien sondé l'âme humaine...

Si vous vous êtes rendus jusqu'ici, c'est que vous me lisez encore.

Voici donc votre récompense.


mardi 18 août 2020

Intouchable et imperturbable

 Si nous devions tourner un documentaire sur la vie des primates il est certain que notre espèce figurerait parmi les plus chaotiques. Il n'en demeurerait pas moins certains traits communs. Les primates ne choisissent jamais la voie de la violence a priori. Ils sont généralement lâches et paresseux de ce point de vue là. Ils préfèrent de loin l'intimidation à la confrontation physique où l'on risque d'y perdre des morceaux.

Un gars peut vous gueuler à deux pouces de la face et n'avoir aucun effet sur vos sourcillements si vous ne vous laissez pas intimider. Vous pourrez le frapper, à la rigueur, métaphoriquement, voire physiquement si le danger vous y oblige. La voie de la métaphore est toujours préférable. Ou bien celle de la parabole. Ça monte et ça redescend. Ça apaise plutôt que de révolter.

Les intimidateurs ont besoin d'une réaction qu'ils peuvent facilement interpréter selon la petitesse des poncifs qu'ils tiennent pour des raisonnements. Leur tenir tête exige plus de silence que de coups de gueule. L'absence de réactions est le plus souverain des mépris qu'ils méritent.

-Vous n'existez pas, doit devenir votre mantra pour résister à leur connerie. Exister, c'est tendre vers quelque chose. Vous ne tendez qu'à vous dissoudre dans votre propre fatuité, fier de votre vacuité mortifère.

En fait, les intimidateurs ne méritent pas de parler à qui ou quoi que ce soit.

Ils peuvent chier tout seul dans leur froc à se croire les forts parmi je ne sais trop quelle bande de lâches décérébrés.

Leur intimidation ne prend pas. Elle n'adhère à rien de ce que je puisse leur offrir. 

Froid et imperturbable devant les baveux, les gorilles, les caves...

Parce que dans ce documentaire sur la vie des primates de mon espèce, je ne passerai pas pour le loser qui se tape la poitrine en chiant des ailes de poulet épicées. 

Je serai le vieux singe qui ne bronche pas au zoo quand tous les autres singes se tapent la tête sur les barreaux de leur cellule.

Prisonnier comme les autres, sans doute, mais intouchable et imperturbable.

vendredi 14 août 2020

L'histoire invraisemblable de Mararadjah LePreshöïzthe

On n'a parfois rien à dire.

Ce n'est pas qu'il n'y ait rien à dire.

Il y a toujours de quoi à dire.

Ce jour-là, Mararadjah LePreshöïzthe (il tenait à ce qu'on écrive son nom ainsi et avait même payé le registre d'État civil pour changer de nom...) alias Mathieu était étendu sur son sofa perdu au beau milieu de la forêt vierge d'une quelconque terre de Caïn.

Mathieu se faisait dévorer par les moustiques sur son sofa.

Aux pieds du sofa, il y avait des champignons. Des vesses-de-loup. Ils étaient frais et comestibles. Le meilleur champignon qui soit. Ça ne goûte pas la moisissure mais les noisettes. 

Mathieu en mangea un ou deux en chassant les moustiques avec une vieille pantoufle.

La pantoufle ne suffisait pas à la besogne. Pif, paf, pouf les moustiques buvaient son sang à tire-larigot...

C'est là que Mathieu sortit sa carte d'assurance sociale où il était indubitablement inscrit Mararadjah LePreshöïzthe. C'était vraiment sa carte. Il montra aussi sa carte d'assurance-maladie, avec sa photo, et le même Mararadjah LePreshöïzthe . C'était lui Mararadjah LePreshöïzthe.

Il tolérait qu'on l'appelât Mathieu. Mais pas que les maringouins et autres bestioles lui soufflent des n'importe quoi à la petite aiguille par ci par là. 

-Cessez tout de suite! Je vous somme d'arrêter!!!

Mathieu leur calissait des coups de pantoufle envouèye don' toé chose.

-Tiens! Mes sacraments!!! Tiens! Tiens! à grands coups de pantoufles.

Puis Mathieu se réveilla.

Il s'était endormi, saoul mort, sur le perron du chalet, tout nu.

Il s'était faitte manger par les bébites toutte la nuitte.

D'où ce rêve décousu.

Mathieu Belhumeur ne s'était jamais appelé Mararadjah LePreshöïzthe.

Cependant, il s'était vraiment crissé des coups de pantoufles.

Et là, la gueule de bois, la peau pleine de boursoufles, le pauvre Belhumeur se trouvait un air médiocre et pitoyable.

-C't'idée d'brosser dans l'bois calice!!!

On n'a parfois rien à dire.

Alors on explore nos rêves pour en tirer quelques leçons.

Dont celle-ci: ne rêve pas tout nu dans le bois sur le perron du chalet avec vue sur la swompe.

Et slaque la boisson tarlais.

Ou n'importe quoi d'autres.

Ça dépend pour qui.

Pour quoi.

Pour quand.

Rien à dire?

Non, là je n'ai vraiment plus rien.


samedi 8 août 2020

Conte du vieux Chien

 Chien était un vieux chien qui passait la majeure partie de sa vie dans sa niche avec une chaîne au cou qui lui permettait de faire une ronde sur à peu près 2 mètres. Son maître se faisait vieux et n'avait plus la force de l'emmener en promenade. Il le nourrissait encore, bien sûr, mais c'était devenu mécanique et froid. Et même que ce n'était plus toujours lui qui préparait les repas et les distribuait. Tant et si bien que Chien le vieux chien s'ennuyait ferme dans sa niche.

La maison de monsieur Caouette était devant la niche de Chien. Monsieur Caouette se faisait vieux lui aussi. La maladie était devenue la chaîne qui le rattachait à sa niche. Il passait ses journées dans sa chaise berçante à regarder Chien qui le regardait aussi.

-Pauvre chien... Si c'est pas une vie que d'la passer avec une chaîne au cou quand l'monde est si grand et si beau...

À peine avait-il soupiré cette pensée qu'il s'endormait, épuisé d'avoir produit tant d'efforts.

-Crétak...

Chien jappait parfois. Comme pour lui dire salut mon vieux.

Monsieur Caouette lui faisait un petit signe timide de la main.

Chien n'avait que Monsieur Caouette pour toute odeur exotique à renifler sur cette rue asphaltée. Il tirait la langue de langueur comme pour lui dire «deviens mon ami» ou «svp coupe la chaîne!».

Monsieur Caouette regardait Chien.

Chien regardait Monsieur Caouette.

Et puis les jours et les saisons passaient.

Jusqu'à ce que Monsieur Caouette quitte ce monde. 

Sa maison était vide et à vendre.

C'était rare qu'il y avait des visites.

Même le facteur semblait bouder le secteur.

L'odeur du Maître humain était à des kilomètres de la niche de Chien.

Une petite fille se chargeait encore de nourrir Chien. D'où venait-elle celle-là? Chien n'en savait rien. Il sortait un peu la langue tendait un peu la papatte mais la fille ne voulait rien savoir. Elle donnait la nourriture et l'eau et puis s'en allait.

Chien était encore plus triste et plus seul.

-Comment peut-on faire ça à un chien? se mit-il à hurler la nuit, au clair de lune.

C'est là que, par miracle, des humains vinrent le délivrer de sa chaîne et de sa niche. 

Il était presque content, Chien.

Il ne savait pas encore qu'il finirait dans une cage. Parmi des tas de chiens abandonnés eux-aussi et hurlant quelle que soit la luminosité de la Lune.

Il sortait la langue, tendait la patte.

-Ça m'a tout l'air d'un bon chien ça, dit l'agente Baribault.

-Mouais... acquiesça son collègue Ibrahim. 

-Dommage qu'il aille se faire euthanasier...

-Qui voudra adopter un vieux chien? Quelle tristesse...

-Mets-en...





jeudi 6 août 2020

Ça sent les oeufs pourris à Trois-Rivières

Hier, un avis de confinement a été émis par la Ville de Trois-Rivières. C'était suite à un incendie dans un entrepôt de produits chimiques destinés à la papetière Kruger. L'usine occupe ce qui fût naguère l'une des plus belles plages de sable fin du Québec, au beau milieu de la ville, parmi les huttes des humains. Ça sent la merde et les oeufs pourris selon la direction des vents. La Ville nous a avisé, plutôt tardivement, à l'effet que le gaz émanant de cet incendie était toxique et dangereux pour notre vie... On nous recommanda de fermer nos fenêtres et nos airs climatisés, voire de calfeutrer les trous de ventilation avec un linge humide. Et ce sur un territoire d'à peu près 10 kilomètres carrés, parmi 135 000 Trifluviens et Trifluviennes.

Ce confinement n'est pas sans rappeler que nous sortons d'un confinement en raison de la COVID-19. Confinement auquel nous pourrions retourner sans appel puisque le virus n'a touché qu'à peu près 3% de la population. Il peut encore muter. Il peut encore tuer. 

Je ne peux m'empêcher de relier tout ça non pas à la lutte contre les changements climatiques, mais à la préservation de la vie tout court. Nous ne pouvons plus continuer comme ça.

Plus nous coupons d'arbres, pour faire des stationnements ou des temples de la surconsommation à grandes surfaces, plus nous menons notre île vers la ruine.

Du point de vue des arbres, Trois-Rivières est la capitale mondiale de leur holocauste.

Pendant cent ans on a pollué les eaux de la rivière Tapiskwan Sipi et du fleuve Magtogoek avec le flottage du bois qui libérait aussi du mercure dans notre eau potable. Les forêts coupées à blanc ont glissé jusqu'aux Trois-Rivières. Les arbres ont été enfournés pour en faire une pâte sur laquelle on a imprimé des journaux ou bien des âneries que l'on a refoulé vers le dépotoir. Pour faire la pâte on n'a pas lésiné sur les produits chimiques. Ni sur leur entreposage. Paf au milieu de la tribu. Vos gueules sales gueux et sales gueuses et dites-vous que vous ne serez rien sans la machine à broyer les forêts qui vous fait respirer cet air excrémentiel, fierté trifluvienne reconnue partout à travers le Québec. «Venez à Trois-Rivières où ça sent les oeufs pourris à l'année longue!»

Dans l'avis émis par la Ville, on disait à la population de surtout craindre une odeur d'oeufs pourris suite à l'émanation de gaz résultant de la combustion d'hydrosulfite de sodium. Ça sent toujours les oeufs pourris à Trois-Rivières. 

Toujours...

Quand est-ce qu'on va fermer la Kruger et la Wayagamak?

Nos vies sont aussi en jeu...




mardi 4 août 2020

La crotte de nez de l'artiste

Je me fais sans doute toutes sortes d'idées sur ce que doit être la vie d'artiste. D'autant plus que j'ai la prétention d'en être un. Prétention qui me vaut son lot d'inconfort. 

Il faut toujours prouver ce que l'on prétend. Saint-Paul avait raison d'écrire aux Corinthiens que la foi n'est rien sans les oeuvres. 

Aussi dois-je m'appliquer une fois de plus à vous pondre un texte alors que l'époque ne roule définitivement pas pour les artistes. Y'eût-il seulement une époque qui roulât pour eux? Je n'en sais rien et vous ne me ferez pas changer d'idée...

Pour ce qui est de mes prétentions littéraires, un art nettement mineur, je vais y aller de deux ou trois anecdotes jetées ici comme si j'allais recevoir le prix Nobel de l'insolite.

Il arrive toutes sortes de trucs bizarres aux artistes, mais c'est centuplé pour les écrivains parce qu'ils se servent de leur plume pour nous bourrer de bobards. On ne se fait pas autant avoir par un air de musique ou bien un coup de pinceau. L'écriture: quel mensonge!

Cela dit, je ferai tout pour ne pas succomber au mensonge. Le truc, c'est de briser autant d'inhibitions que possible, pour écrire comme si l'on en avait rien à foutre d'être lu, su, bu et durludidu.

Ensuite, ça sort tout seul et ça fait du bien. Une rinçure à vous en dégager les neurones pour autant d'heures qu'il le faut pour revenir à l'anormal.

***

Ce matin, vers sept heures trente, un type que j'ai connu dans une autre vie s'est pointé devant chez-moi. Ses cheveux étaient hirsutes et sa mine déconfite avec des traits sévères de trouble mental. C'était nul autre que Fardoche, un gars qui en a trop pris et qui était cool dans le temps. Fardoche traîne maintenant sa misère d'un lieu à l'autre en cognant chez-vous sans prévenir à tout moment de la journée. Dont à sept heures et demi du matin ce matin...

Il avait l'air saoul, Fardoche, mais je prétends qu'il ne l'était pas.

Il était confus. Peut-être sous l'effet des pilules. 

Nous parlions d'art, de littérature et de science autour d'une bière il y a trente ans.

Trente ans plus tard, Fardoche tient des propos incohérents après avoir sniffé des kilos de poudre et bu des tonneaux de bière. Petit, un peu bedonnant, il se tenait ce matin devant ma porte en brandissant un gobelet de café Tim Horton's dans une main et une cigarette Du Maurier dans l'autre.

Je me demandais évidemment qui pouvait bien se tenir à ma porte de si bonne heure alors que je m'étais couché à deux heures du matin.

-Salut l'Gros... T'as une crotte de nez su' l'bord du nez... I' t'manque une dent...

Fardoche m'a dit ça pour toute forme de bonjour ou de salutations...

Je me suis senti un peu amer.

J'ai d'abord enlevé la crotte de nez qui pendait vraiment à mon nez.

Puis je lui ai dit que je travaille de nuit et que j'allais me coucher.

Il a semblé vouloir me dire qu'il resterait là pour fumer sa cigarette.

Je lui ai fermé la porte au nez. 

-J'vais t'en faire toé! T'as une crotte de nez!!! I' t'manque une dent!!! Va don' chier!

Voilà.

Il est parti en titubant et s'est allumé une clope de l'autre côté de la rue, près de la Binerie Chik où il s'en allait déjeuner. 

-C'était qui? demanda ma blonde, un peu inquiète.

-Un gars qui a pété un câble... Dire que ce gars-là était un haut fonctionnaire avec le gros salaire pis toutte...

-J'veux pas r'voir ça icitte... Ça fait peur...

-Avec raison...

Ma porte est virtuellement ouverte à tous et toutes. C'est connu d'à peu près tout le monde.

Par contre, il est possible que ma porte se ferme devant vos yeux si vous m'abordez cavalièrement à propos de mes crottes de nez ou de tout autre particularité de mon enveloppe charnelle.

Je sais que je ne vous ai pas appris grand' chose en écrivant ainsi.

Néanmoins l'écrivain, tout comme l'artiste, se doivent de témoigner de ces événements trop souvent occultés par l'omniprésence de l'utilité.

Il n'y a rien d'utile ni de leçon morale à tirer de cette histoire.

C'est pour ça que je l'ai écrite, bien sûr.

Qu'est-ce que vous pensez? Je suis un artiste.


lundi 3 août 2020

La tendresse

Il n'existe pas de plus beau refuge que la tendresse.

Cette tendresse que l'on ne vit pleinement qu'en échappant aux pressions sociales.

Il est plus facile d'être tendre tout fin seul.

Un peu moins facile à deux, mais c'est possible.

C'est pratiquement impossible en groupe.

Le groupe se laissera emporter par n'importe quoi et n'importe qui.

Le groupe est le degré zéro de la tendresse, sinon son exact contraire.

En groupe, on pense en troupeau. On n'aime plus. On professe. On prophétise. On trompe. On suit.

Qui voit l'oiseau chanter? Pas le groupe. Mais elle. Ou lui.

En groupe, on n'écoute plus oiseaux. On les enterre avec nos angoisses vociférées. 

Seul, ou à deux, peut-être à trois, rarement à cinq, il est encore possible d'avoir un semblant d'étincelle de tendresse dans l'oeil.

Cette étincelle illumine ma vie et lui donne du sens.

Tout ce qui n'est pas de la tendresse, honnêtement, ça n'a pas de sens.

J'abandonne tout ça à n'importe qui ou n'importe quoi, tout le reste: argent, soucis, haine, petites crottes sur le coeur, et coetera.

Je ne suis rien sans la tendresse.

Je dois la préserver comme la prunelle de mes yeux.

Je dois laver mes yeux des ordures de ce monde.

Bref, je dois rêver.

Et tenter, aussi fort que possible, d'appliquer le vieux précepte des évangiles: aimons-nous les uns les autres.

Malgré tout.

Sans perdre la substantifique moelle de mon existence: la tendresse.