samedi 8 août 2020

Conte du vieux Chien

 Chien était un vieux chien qui passait la majeure partie de sa vie dans sa niche avec une chaîne au cou qui lui permettait de faire une ronde sur à peu près 2 mètres. Son maître se faisait vieux et n'avait plus la force de l'emmener en promenade. Il le nourrissait encore, bien sûr, mais c'était devenu mécanique et froid. Et même que ce n'était plus toujours lui qui préparait les repas et les distribuait. Tant et si bien que Chien le vieux chien s'ennuyait ferme dans sa niche.

La maison de monsieur Caouette était devant la niche de Chien. Monsieur Caouette se faisait vieux lui aussi. La maladie était devenue la chaîne qui le rattachait à sa niche. Il passait ses journées dans sa chaise berçante à regarder Chien qui le regardait aussi.

-Pauvre chien... Si c'est pas une vie que d'la passer avec une chaîne au cou quand l'monde est si grand et si beau...

À peine avait-il soupiré cette pensée qu'il s'endormait, épuisé d'avoir produit tant d'efforts.

-Crétak...

Chien jappait parfois. Comme pour lui dire salut mon vieux.

Monsieur Caouette lui faisait un petit signe timide de la main.

Chien n'avait que Monsieur Caouette pour toute odeur exotique à renifler sur cette rue asphaltée. Il tirait la langue de langueur comme pour lui dire «deviens mon ami» ou «svp coupe la chaîne!».

Monsieur Caouette regardait Chien.

Chien regardait Monsieur Caouette.

Et puis les jours et les saisons passaient.

Jusqu'à ce que Monsieur Caouette quitte ce monde. 

Sa maison était vide et à vendre.

C'était rare qu'il y avait des visites.

Même le facteur semblait bouder le secteur.

L'odeur du Maître humain était à des kilomètres de la niche de Chien.

Une petite fille se chargeait encore de nourrir Chien. D'où venait-elle celle-là? Chien n'en savait rien. Il sortait un peu la langue tendait un peu la papatte mais la fille ne voulait rien savoir. Elle donnait la nourriture et l'eau et puis s'en allait.

Chien était encore plus triste et plus seul.

-Comment peut-on faire ça à un chien? se mit-il à hurler la nuit, au clair de lune.

C'est là que, par miracle, des humains vinrent le délivrer de sa chaîne et de sa niche. 

Il était presque content, Chien.

Il ne savait pas encore qu'il finirait dans une cage. Parmi des tas de chiens abandonnés eux-aussi et hurlant quelle que soit la luminosité de la Lune.

Il sortait la langue, tendait la patte.

-Ça m'a tout l'air d'un bon chien ça, dit l'agente Baribault.

-Mouais... acquiesça son collègue Ibrahim. 

-Dommage qu'il aille se faire euthanasier...

-Qui voudra adopter un vieux chien? Quelle tristesse...

-Mets-en...





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