Chasse-Galerie, acrylique sur toile 18 X 34 po. Gaétan Bouchard |
Selon Buies, les Canadiens-Anglais apprenaient à lire et à compter tandis que les Canadiens-Français apprenaient l'histoire et le petit catéchisme. Il importait que nous réformions nos moeurs et nos institutions afin de nous extirper de ce qui, à ses yeux d'homme libre, lui semblait le Moyen-Âge.
Les années passèrent. Buies lui-même, bouillant anticlérical, dut se soumettre à l'Église pour continuer quelque chose ici. Le curé Labelle lui ouvrit les portes qu'il avait fermées une à une par excès de vérité. On lui fit comprendre qu'il ne pourrait pas vivre ici sans dévisser sa tête. D'autres auraient pris le chemin de l'exil. Il prit celui de la résignation...
Les années passèrent. Les nationalistes se succédèrent à la tête de notre belle Laurentie.
Les syndicalistes se faisaient copieusement matraquer.
Les orphelins étaient maltraités.
Le pauvre monde vivait dans la misère crasse.
Et c'était tout le temps de la faute d'Ottawa selon le Cheuf.
Lorsque le Cheuf mourut, Robert Rumilly perdit à jamais son influence.
Il y eut une Révolution. Ailleurs on aurait dit une réforme.
Le Cheuf fût remplacé par un peu de progrès et de modernité.
Les personnes naguère méprisées par l'ancien régime obtinrent une forme de justice et de reconnaissance de leurs droits civiques.
Ce n'est pas le nationalisme qui a fait ça.
C'est plutôt une forme de conscience sociale universelle. Un peu de christianisme et d'humanisme. Un peu de fleurs. Un peu de scories, mettons de nationalisme.
Comment prétendre que l'abolition de l'esclavage soit un mal?
Il est indéniable qu'on ne pourra pas discuter calmement avec l'esclavagiste. Il est même possible que son droit à la parole soit un tant soit peu malmené.
Le nationalisme n'a pas servi de levier au progrès social. Ni ailleurs, ni au Québec. Il est toujours un peu à traîner dans le décor pour nous nuire. C'est une nuisance avec laquelle toutes les communautés du monde doivent composer. Il y en a qui aiment ça porter des Cheufs sur des boucliers. Et les autres grenouilles doivent composer avec le bouclier. Au risque de subir les foudres des cerbères du Cheuf.
Il ne manque ni de cerbères ni d'apparatchiks au Québec pour venir nous rentrer dans la gorge toute velléité de culture exotique ou bien de sensibilité humaine. Quand ils entendent les mots multiculturalisme, libéralisme et islamisme, ils sortent leur revolver. Comme les tribuns du peuple le faisaient dans les années '30 avec le cosmopolitisme, le libéralisme et la «juiverie internationale». Tout ça sur des airs bavarois qui donnent le goût de boire pour oublier ou ne pas se mêler des affaires d'autrui.
Il est indéniable qu'il existe au Québec une tendance lourde à se servir des Québécois et des Québécoises comme d'un levier aux conneries de l'élite nationaliste.
Tout ce qui s'attaque de près ou de loin aux privilèges de cette élite est systématiquement perçu comme une attaque faite envers le Québec et les Québécois. Ils ne se prennent pas pour des Seven-Up flat. Ils vous feront des effets de toges et des gloussements de dindon farci par le Front National de France. Tout ça pour remuer les loups de la nation et leur faire croquer un peu de mauvais sujets coupables de lèse-majesté envers leur Laurentie.
À leurs yeux fourbes et malhonnêtes, un type comme Martin Luther-King est indéniablement un radical extrémiste qui propage la haine des Blancs et le communisme...
Nous ne sommes pas en 1930 en Allemagne.
Ni en 1955 dans le Mississipi.
Nous sommes en 2020, au Québec.
Nous avons au pouvoir un parti qui ne reconnaît pas l'existence du racisme systémique sur son territoire.
L'idéologue officiel du Cheuf passe à Tout le monde en parle pour nous livrer un soliloque qui tient de l'exorcisme. On le sent nous empissetter de formules grandiloquentes et de plus-que-parfait du subjonctif pour réduire à néant la grande masse des sans-voix qui réclament droit de cité. Le seul qu'on puisse citer, c'est lui. Tout autre paria devrait se taire et ne jamais avoir une chronique dans Le Journal de Montréal...
Beaucoup pensent comme lui. Ils n'osent pas le dire. Ils ont peur.
Lui, le brave séminariste, il n'a pas peur. Il fait des tours d'hélicoptère avec le tycoon du village. Du haut des airs, il voit tout en bleu et blanc fleurdelisé. Les poubelles qui débordent, du haut des airs, ça ne paraît même pas. Mettre le Québec sur la map se fera à ce prix.
Ils ont peur de dire comme lui parce qu'on ne peut tout de même pas s'en payer tant que ça pour dire des conneries.
Dans l'autre camp il y a les demandeurs d'asile, les harceleurs de droits civiques, les pleurnichards qui veulent un salaire minimum bonifié, les fofolles. Bref, le camp de la canaille qu'il faudrait battre à coups de canne à pommeau d'or,
C'en est tellement bête que l'on en demeure sans voix.
Comme les animateurs de Tout le monde en parle dimanche dernier.
Pas nécessairement parce qu'ils craignaient de dire ce qu'ils pensaient selon moi.
Simplement parce qu'il y a des limites à vouloir contredire Humpty Dumpty.
Humpty Dumpty est sur son mur, ses limites, ses frontières.
Il peut dire à la petite Alice et à tous les petits Mohamed du monde qui oseraient venir ici que c'est lui qui décide de la signification des mots.
Parce que Humpty Dumpty est maître chez-nous voyez-vous.
Enfoncez-vous bien ça dans le crâne, raclures d'extrême-gauche.
Vous ne pourrez plus rien dire dorénavant.
Ni manifester.
Ni porter une pancarte.
Ni ternir l'image de Humpty Dumpty, ni celle des saigneurs de la Nation.
Nous ferons des saluts au drapeau en classe avant le début des cours.
Nous apprendrons aux uns et aux autres que chacun doit se tenir bien à sa place quand le Cheuf ou bien Humpty Dumpty explique un point de doctrine dans le nouveau petit catéchisme.
Il y a des limites à se montrer ingrats envers de tels bienfaiteurs qui nous caressent la tête comme les bons missionnaires d'antan.
J'en viens parfois à me dire que le Canada protégera mieux mon foyer et mes droits.
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