vendredi 12 juillet 2013

Jacques le bon Jack, Jocelyn le cocu, son chien Cannibale & Zeus

Jacques le bon Jack

Jacques était un bon Jack Il se débrouillait tout seul dans la vie. Il en concluait un peu trop rapidement que tout le monde pouvait faire comme lui.

D'abord, qui était-il, lui, pour prétendre que tout le monde pouvait se débrouiller tout seul dans la vie?

Eh bien, Jacques Martineau-Pratte était un gars plutôt chevelu qui travaillait dans la même shop depuis vingt ans. Vous en conclurez, facilement, qu'il ne pouvait pas avoir moins de quarante ans. Pourtant, Jacques n'avait que trente-huit ans puisqu'il était entré à l'usine de clous à dix-huit ans.

C'est évident que les mathématiques nous ennuient. On y aurait même pas pensé.

Toujours est-il que Jacques se disait de droite. Et qu'il votait à droite. Et qu'il avait perdu deux doigts dans une machine à la shop de clous.

-Le monde qui vit su' l'piton pis qu'i' ont rien qu'à tendre la main vers la boîte à malle pour prendre leu' p'tit chèque... I' te r'gardent t'en aller travailler comme un cave pendant qu'i' prennent leu' p'tite bière su' leu' balcon! Pas capable hastie! Hastie qu'ça ej'su's pas capable!

Jacques ne participait jamais aux réunions syndicales. Il ne faisait pas plus de temps qu'il ne fallait sur les piquets de grève pour toucher son chèque de fonds de grève. Toute sa morale se résumait à take the money and run, débrouille-toé tout seul, après-moé le déluge.

***

Jacques a perdu sa job il y a deux ans. Il a commencé à avoir des maux de ventre. Puis des maux de dos. Finalement, il est devenu totalement inapte au travail. Et inepte en toute autre matière. Il est devenu aigri, colérique, anxieux. Quand il était à droite, il était plutôt débonnaire. Mais maintenant qu'il a été contaminé par les idées de gauche, il en veut au monde entier d'être sans ressources. Il n'a qu'à se débrouiller tout seul. Nah!

Jocelyn le cocu & son chien Cannibale

Jocelyn se débrouille tout seul. Il n'a qu'un chien à nourrir. Pour lui-même, il n'a qu'à fouiller dans les conteneurs des supermarchés pour y trouver de quoi de mou à se mettre sous la dent.

Il a travaillé pendant deux ans sur un truck de vidange puis il a fait une dépression.

Sa blonde baisait avec un autre les nuits où Jocelyn courrait derrière le truck pour le remplir d'ordures.

D'autres auraient fini par en rire, en se disant qu'il valait mieux que cela finisse ainsi. Mais pas Jocelyn. Ce con-là était vraiment trop sensible. Et il a fini par tout lâcher. D'abord sa blonde. Puis son appartement. Ses meubles. Sa job. Le pauvre abruti s'est retrouvé tout fin seul au monde jusqu'à ce qu'il adopte son chien, Cannibale, un mélange de chien saucisse et de berger allemand.

-Mon chien m'a sauvé la vie! dit souvent Jocelyn. Sans lui ej'me s'rais pendu!

Il dit ça en donnant une petite croquette à Cannibale, qui a d'ailleurs un oeil brun et un oeil bleu gris. Étrange chien.

Jocelyn mendie tous les jours ou presque avec son chien Cannibale.

Il se débrouille tout seul.

Enfin presque tout seul.

On a toujours un peu besoin d'autrui.

Toujours besoin de s'aimer un peu les uns les autres.

Zeus jouait des tours

Zeus aimait jouer des tours. Il se déguisait parfois en vieux mendiant puant pour mieux confondre les citoyens d'Athènes et mettre leur foi à l'épreuve.

Jésus aussi faisait cela. Gustave Flaubert rapporte un peu la même histoire dans La légende de Julien l'Hospitalier. Le type rencontre un vieux lépreux en cours de route et la vieille croûte ne se sent jamais satisfaite des bontés que lui rend Julien. Jusqu'à ce qu'il se rende compte que le lépreux n'est nul autre que le Christ lui-même, roi des vagabonds et fils de Zeus, alias Deus, alias Dieu.

Zeus se débrouillait tout seul dans la vie.

Et Jésus aussi.

Mais ce n'est pas une raison de croire que tout le monde s'en tire aussi facilement.




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