Nous sommes en 2038. L'éducation est gratuite pour tout le monde, de même que les soins médicaux et dentaires, tout ça payé par nos ressources naturelles, bien entendu.
On a fini par se rendre compte un jour que nous, les citoyens et citoyennes, étions les seuls propriétaires de tout ce qui se faisait sur ce putain de sol et même dans ce putain de sous-sol.
Ce qui fait que nous vivons depuis 2012 dans un monde socialiste qui fonctionne, où la corruption est beaucoup plus rare qu'elle ne l'était avant la chute du capitalisme.
Je suis un vieil homme. J'ai connu ces temps-là, et laissez-moi vous dire que c'était au plus fort la poche. C'était un monde sauvage mené par l'avidité d'une poignée de requins sans scrupules qui pillaient autant les ressources que les nations, formidable pertes d'énergie et de temps qui ne servait qu'aux jouissances de cette poignée de réels parasites de la communauté tout autant que du Grand Cercle de la vie. Cela se passait avant que l'on n'émette des mandats d'arrêts contre tous les matraqueurs de liberté du monde.
Ma génération, la génération X comme on dit, était essentiellement constituée de crétins reaganiens et vaguement adéquistes qui se prenaient pour leurs grands-parents, comme s'il ne s'était rien fait de mieux.
Aussi les années '80, '90 et même 2000 furent déprimantes comme vous n'en avez pas idée! Ce furent des années de toupettes en plastique, de boules en plastique et autres idées en plastique.
J'en ai connu des tas de mon âge qui braillaient contre les baby-boomers et autres hippies. Pourtant ce sont ces mêmes baby-boomers qui leur fournissaient du cash à longueur d'année pour qu'ils puissent vivre leur vie de bébé trop gâté qui ne sait pas prendre la rue pour défendre ses droits.
Ce qui fait que cette génération-là stagnait dans sa propre médiocrité à se penser plus fins et plus beaux alors qu'ils étaient tout sauf indépendants, autonomes et surtout intelligents. Crossés par un système qu'ils ne contestaient pas. Soumis et méprisant les insoumis. À genoux à se faire accroire qu'ils se tenaient debout.
La génération Z, celle qui a changé le monde en 2012, était essentiellement formée des enfants de la génération X. Ils se prenaient un peu pour leurs grands-parents, les baby-boomers, des gens qu'ils considéraient avec plus de respect que ne l'auraient cru les braillards de ma génération X. Tout le fiel que les trous du cul de ma génération crachaient sur les baby-boomers était sans effet.
Évidemment, tout le monde finit par changer. Cette année-là, la génération X commençait à grisonner. Et certains devenaient malades, perdaient leur job et leur maison, etc. Ça les rendait un peu plus humains, plus sensibles à la solidarité, ce qu'ils avaient toujours profondément méprisés par manque d'imagination et aussi par manque de dignité.
Quoi qu'il en soit, c'est en 2012 que le capitalisme a été balayé de la carte, au Québec d'abord, puis partout dans le monde. Et c'est la génération Z qui a réussi ce coup de force de réunir toutes les générations ensemble, par ces sortes de coups de générosité de l'histoire que plus personne n'attendait, surtout pas un adéquiste ou bien un reaganien de mon sale temps, que les historiens d'aujourd'hui ont appelé la Petite Noirceur, pour faire référence à la Grande Noirceur du temps de Duplessis.
Les lumières ont vaincu les ténèbres. Il reste encore bien des choses à changer en 2038, bien entendu, mais il faut se rappeler que tout a commencé en 2012, quand la génération Z a pris la rue, profitant de l'ancêtre de la télépathie, l'Internet, pour se coller à un idéal de conscience universelle véhiculée par toutes les religions et tous les courants philosophiques de la planète. Ils se sont dits «Fuck votre monde qui fonctionne selon le principe «au plus fort la poche». Fuck votre philosophie de toupettes en plastique. Fuck votre musique des années '80! À part U2 tout le reste c'était d'la marde! »
Qui aurait cru qu'avant les gens devaient payer pour des services de base, pour apprendre, s'éduquer, aimer ou manger?
L'argent dominait le monde et dans le nôtre, fort heureusement, il ne domine plus rien.
Tout fonctionne selon le principe que chacun a tout ce qu'il veut pour être heureux, dans la mesure où son rêve est en symbiose avec l'environnement. Le type qui veut un château avec huit milles domestiques peut bien aller se faire mettre avec de la broche. Il y a des limites à l'avidité humaine. Et ça, la Génération Z l'a compris mieux que tout le monde.
Toutes les communautés humaines de la planète vivent en parfaite autarcie grâce aux nouvelles technologies qui ont révolutionné l'agriculture et la nourriture. On produit même de l'eau autant qu'on en veut et la Terre n'est pas si mal en point qu'on ne l'aurait cru.
Tout est redevenu vert. Les guerres n'existent plus. Les communautés humaines sont toutes libres et autogérées, d'un Pôle à l'autre. La principale activité humaine est maintenant la transmission du savoir, le développement de l'intelligence, les arts, les sports et les lettres. Les machines font tout le reste. Et elles se chargent de tempérer nos excès de violence pour que nos cerveaux évoluent dans un environnement socialement sain.
Je vais bien vivre jusqu'à deux ou trois cents ans si ça continue comme ça. Les médecins m'ont fait suivre une thérapie génique qui m'a rajeuni de quarante ans. C'est comme si j'avais quarante ans. C'est fou la science... Et dire qu'on vivait dans un monde où il fallait se l'acheter... travailler comme des chiens... vivre comme des rats... Pouah! On est bien aujourd'hui et je gage que les jeunes ne s'en rendent même pas compte... Ils se plaignent bien plus pour la qualité de leur téléporteur et pour leurs cours de langues anciennes, comme le sumérien ou l'algonquin, comme si leur cerveau n'était pas capable d'en prendre... Ils sont un peu plus paresseux, certes, mais n'est-ce pas la preuve que nous vivons dans une société généreuse que cette bienveillante paresse qui ne fait de mal à personne et permet à la jeunesse de s'épanouir dans l'art et l'émerveillement? Ils auront peut-être six cents à deux milles ans à vivre devant eux... Pourquoi devraient-ils se presser, hein?
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PS: Vive l'Utopie. Fuck le nihilisme crétin des encravatés.
Texte prophétique... autant que faire se peut. Est-ce que ton blogue sera encore disponible en 2038 ?
RépondreEffacerCe conte n'est pas tombé dans l'oeil d'un sourd...Dee-Doo-Dah de bonne journée à toi et qu'un peu de paresse puisse te reposer de tant de lucidités.
RépondreEffacerMerci de participer un tant soit peu à mon utopie. Vous serez pardonnés pour non-lieu.
RépondreEffacerSi mon blogue est encore disponible en 2038, je me demande si cela viendra avec une traduction simultanée dans toutes les langues de la galaxie et plus loin encore...
RépondreEffacerEn 2038, tu m'liras tes billets à haute voix et les verres de terre que j'élèverai, déjà depuis un bon bout de temps, m'en feront écho.
RépondreEffacerEn 2038, tu m'liras tes billets à haute voix et les verres de terre que j'élèverai, déjà depuis un bon bout de temps, m'en feront écho.
RépondreEffacerMakesmewonderHum, nous faisons malheureusement partie d'une époque où l'immortalité est techniquement envisageable... Peut-être que tu empoteras toi-même des vers pour les vendre aux pêcheurs à la ligne... Arthur C. Clarke avait prédit la découverte de l'immortalité pour bientôt... de même que le clonage, l'Internet, les cellulaires... C'est freakant un peu, non, l'immortalité?
RépondreEffacerAh, tiens, ça fait du bien à lire ! Merci !
RépondreEffacerOuein! Des vers avec deux "r", ,comme les miens, oubedon ils seront saouls mort ou ils s'étireront comme des "slinky".
RépondreEffacerFreakant l'immortalité? Au début, je suppose, mais vers la fin tu t'y habitues,habitues,habitues, habitues,habitues, habitues...
Ouein bin! Si mes vers ont 2 "r", ou bedon ils seront saouls morts ou ils s'étireront comme des slinky's.
RépondreEffacerFreakant l'immortalité? Un peu au début, vers la fin, tu t'habitues, tu t'habitues, tu t'habitues, tu t'habitues...