La prison était tellement pleine dans ce coin-là qu'on préférait transférer les prisonniers vers L'Infini, un centre de désintoxication planté juste en face de la prison et géré par une secte de fous furieux fanatiques. L'argent des contribuables était pompé vers L'Infini qui, au bout du compte, coûtait moins cher que le pénitencier. Un geôlier de l'État ça vaut dans les vingt piastres de l'heure au-dessus. Pour être geôlier à L'Infini, on ne demande même pas un secondaire cinq et on te paie au salaire menoum-menoum, comme dirait Chartrand. Neuf piastres de l'heure et trois pinotes. Pas cher, pas cher L'Infini, quand on y pense.
L'Infini était la propriété d'une secte. L'Église de Pimentologie que cela s'appelait. Qui vénérait le dieu Piment. Le dieu Piment apparaissant dans les cent soixante-trois romans de son fondateur, Lewis Louie Layton, affectueusement surnommé Mother par ses prosélytes essentiellement recrutés chez ceux et celles qui sont des dépendants affectifs du dernier degré. Il n'en pleut pas des tas, des comme ça, mais l'Église de Pimentologie trouve assez d'adorateurs du dieu Piment pour mener sa barque. Comme quoi l'être humain prend plaisir à penser en abruti.
À L'Infini, on vous traitait un criminel polytoxicomane à la manière forte. On lui faisait brosser les planchers avec une brosse à dents. Il y avait même l'exercice dit du «piment volant», qui consistait à fixer un piment intensément jusqu'à ce qu'il lévite. Comme personne n'arrivait à le faire, les séances étaient interminables. Et le pauvre gars de la maison L'Infini s'en voulait presque de ne pas avoir fait tout son temps peinard au pénitencier d'en face, où les gardiens te foutaient la paix et où la dope arrivait plus facilement.
Quoi qu'il en soit Louis Marcotte, alias Siffleux Marcotte, ne voulait pas se faire chier plus longtemps à L'Infini. Les brosses à dents et les piments volants, il en avait son truck.
Ce qui fait qu'il s'était entendu avec le gros Masson pour qu'il lui laisse de quoi se détendre sous le troisième érable de la rangée gauche du jardin.
Cela faisait quatre jours que Siffleux Marcotte se rendait sous l'érable et il se disait que le gros calice de Masson devait l'avoir oublié, comme d'habitude. Mais voilà, le petit sac s'y trouvait bien, tel qu'entendu, et il y avait de quoi s'envoyer en l'air encore bien plus loin que L'Infini.
De retour à sa brosse à dents, Siffleux Marcotte s'est sniffé une couple de tracks en cachette. Puis il a pris des Smarties. Et toutes sortes de trucs pour nourrir son inspiration de voyou frosté spécialisé dans le vol de bouteilles de shampoing et autres bagatelles de rien du tout de l'Empire du Mal.
Même le dieu Piment n'y pouvait rien. Siffleux Marcotte était d'un naturel petit voleur de bas étage.
Quoi qu'il en soit, Siffleux rêvait de liberté vers onze heures le soir alors que son buzz était nettement à son summum.
Il entendait des voix. Des voix qui lui disaient «Come on Siffleux c'est samedi soir, y'a un party chez l'gros Masson tabarnak!»
Il s'est donc enfui, Siffleux, mais le plus difficile fût certainement de franchir la clôture de cinq mètres de hauteur puis d'affronter la forêt de barbelés qui la garnissait.
De l'autre côté de la clôture, c'était le pénitencier...
Un gardien de prison qui passait par là pour sa ronde appela du renfort pour emmener Siffleux Marcotte à l'infirmerie.
L'hostie de niaiseux s'était enfui de L'Infini pour finalement retourner en prison! C'était la clôture de la prison!!! Quel niaiseux, hein?
Niaiseux, c'est relatif... Juste pour le taquiner.
En fait Siffleux Marcotte aimait bien mieux se retrouver en prison pour bris de condition que de retourner à L'Infini, la maison des crackpots d'en face...
No fucking way! Ça lui donnait presque l'envie d'arrêter de voler des bouteilles de shampoing...
Excellent. Voilà, moi qui me demandais ce qu'on peut faire de tous ces allumés...yka les recycler en gardiens de délinquants, "préposés au recyclage humain", qu'on les appellerait, même....Faut savoir utiliser les compétences !
RépondreEffacerDécapante, cette histoire. Une fameuse allégorie...
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