lundi 16 juin 2008

LA BEAUTÉ DES TERRAINS VAGUES


Les gens ont tort de tondre leurs pelouses, ne serait-ce que pour des considérations esthétiques. C'est bien plus beau un bosquet débordant de fleurs et de vie qu'un gazon terne, vert comme un fini plastique, triste et monotone.

Les terrains vagues et mal entretenus, en ville, sont de véritables sanctuaires pour nos insectes, nos chats de gouttière ou nos ivrognes.

Ce sont des endroits idéals pour rêver, un instant, au fait que la beauté soit tout ce qui n'est pas gâchée par la main de l'homme, créature maladroite et par trop dévorée d'ambitions qui, d'une journée à l'autre, s'acharne à parasiter la planète de mille et une façons ingénieuses, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que des terrains vagues pour rêver.

J'ai rêvé en me promenant près des terrains vagues hier et, pour ma promenade matinale, je vais y aller de ce côté, tiens.

Ainsi je pourrai voir et entendre des oiseaux, contempler quelques fleurs aux noms insolites, hypericum perforatum ou millepertuis. C'est bien plus saisissant, comme expérience esthétique, que de contempler un gazon frais rasé, inerte, désinfecté, débarrassé de tout insecte ou presque, vermifugé, plastifié, teint, éteint...

Le terrain vague sauve la beauté autant que la vie en milieu urbain.

Nous nous sentirions mieux et plus heureux dans un milieu plus vert, couvert d'arbres, de fleurs et d'herbes na-tu-rel-les! On a même pas besoin de se forcer: ça pousse tout seul. Ne touchez pas à votre tondeuse pendant un an et vous verrez. Vos voisins vous en voudront un peu, mais ils envieront votre jungle un jour ou l'autre, ne serait-ce que parce que la vie sans vie est nécessairement une vie triste, une vie d'objet en plastique, une vie terne et synthétique. De plus, ils pourront dormir le dimanche sans être dérangé par des psychopathes à la tondeuse.

C'est mon opinion. Je sais bien que certains d'entre vous s'en torchent. Et c'est très bien ainsi. Ceux qui pensent comme moi, généralement, me donnent envie de penser comme ceux qui se torchent de mes idées. Je déteste encore plus la plate obédience à un gourou, quel qu'il soit, que je ne déteste le gazon. C'est peu dire.

Si vous voulez penser comme moi, fouillez dans mes poubelles. Je me débarrasse de mes vieilles idées au moins une fois par semaine. J'évolue. Je suis une certaine ligne directrice à laquelle s'agglutinent quelques mesquineries du moment. Dont celle d'en vouloir à ceux qui tondent leur gazon. Ils vont certainement m'envoyer chier et me dire «va te faire couper les cheveux gros crotté!» ou quelques formules passéistes du temps où Duplessis régnait sur cette lamentable ville qu'est Trois-Rivières, quand on la regarde du point de vue de Sirius.

Trois-Rivières est parfois en banlieue de Hérouxville, saint lieu du nationalisme primaire. D'où son taux de chômage relativement élevé, conséquence directe de l'exode des cerveaux qui cogitent mieux sous les cheveux longs, bien que je ne dise ça que pour favoriser mon camp, celui des crottés aux cheveux longs, cultivés, raffinés et bons vivants, tant qu'à nous vanter.

Nous, les crottés aux cheveux longs qui laissons pousser les fleurs et les pins, qui ramassons nos ordures pour en faire des sculptures ou bien qui ne voyons que de la joie chez l'étranger, vous ne voyez pas qu'il y en a quelques uns parmi nous qui sont médecins, juges ou avocats?

Eh oui, il y a des crottés aux cheveux longs dans toutes les couches de la population de nos jours. Comme quoi le monde change. Une journée c'est court comme du gazon frais tondu. Le lendemain c'est long comme la tignasse de Samson. Et ça vous remue les colonnes du temple pour laisser pousser les fleurs parmi un champ de ruines.

Selon ce que je peux voir, les ruines de la civilisation des années '70 sont parfois plus jolies que les constructions modernes. Les fleurs et les plantes communes qui poussent parmi les ruines me rendent romantique, que voulez-vous...

Je vais encore passer pour Shiva, le destructeur, alors que je ne suis qu'un plaisantin. Je ferais mieux de me la fermer. «J'aurais dû, don' dû, ben dû farmer ma grand' g'y'ueule» comme chantait Richard Desjardins.

Maudit Internet! Je me permets toutes les libertés. Il n'y a même pas un rédacteur en chef pour m'arrêter.

Si mon génie était reconnu par Québecor ou bien Power Corporation, je sais, je serais obligé de la fermer.

Ce que vous venez de lire là, j'aurais dû le ravaler.

À moins que je ne me trompe. Alors là, je suis prêt à discuter de mes tarifs.

Je suis une pute raisonnable. Je vous ponds des textes en moins de deux.

Je vante le golf et le gazon frais tondu pour un léger supplément.

Évidemment je ne saurais écrire que sous le pseudonyme de Jos Bine, spécialiste du journalisme gonzo francophone.

Je ne signe de mon nom que les textes les plus importants.

Le golf, le gazon, je laisse ça à Jos Bine.

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