Les Canadiens-Anglais et probablement les Américains n'en ont pas que pour les French Fries et les French Kisses. Il y a aussi the French "joie de vivre".
S'ils prononcent joie de vivre en français intégral, cela ne peut pas être anodin. Tout comme l'on dira la pura vida en espagnol pour magnifier la vraie vie en français.
Le spleen, par contre, origine de l'anglais. Comme si cette langue convenait mieux aux sentiments obscurs sinon à l'ennui mortel.
Je ne dis pas ça par chauvinisme malsain. J'adore l'anglais et, plus encore, mes amis Canadiens-Anglais.
Mais il y a tout de même lieu de se questionner. D'autant plus que je ressens intensément cette joie de vivre en ce moment. Comme si j'étais un Africain...
Vous n'avez jamais remarqué ça? Les Africains sont heureux. Je sais bien que ça va passer pour une forme de racisme sournois. Ce n'est certainement pas mon intention. J'ai tout bonnement constaté que les Africains que j'ai fréquentés avaient souvent le sourire aux lèvres et le ton joyeux. De quoi remettre en question ma joie de vivre française surévaluée... Mes compatriotes ont souvent des airs de boeuf, surtout au mois de mars. Tant et si bien que je doute de notre soi-disant joie de vivre. Cependant, je ne doute pas du bonheur des Africains. Un bonheur qui s'exprime même dans le malheur. Peut-être que je me trompe. Peut-être que les Africains que j'ai connus étaient heureux de ne plus vivre en Afrique... Pourtant, on les voit sourire tout le temps, même dans les reportages.
Curieusement, je me suis senti Africain au Labrador. C'était il y a déjà vingt ans. Je travaillais à la station de radio francophone de Labrador City. Et j'étais exotique.
En tant que francophone, je faisais partie de la minorité audible. J'oserais même dire visible puisqu'en me voyant une seule fois on savait ensuite que j'étais un Quebecer. Je parle l'anglais avec un fort accent que je n'arriverai probablement jamais à me défaire. Cela fait partie de mon charme. On aimait m'entendre parler. On riait de mes intonations. On me comparait à Jacques Cousteau, Pépé the Pew dans Bugs Bunny, l'inspecteur Clouseau ou bien un quelconque écrevisse dans le dessin animé The Little Mermaid. Ça devait être ça, the French joie de vivre...
J'ai su encore mieux ce qu'était notre joye de vivreuh en comparant Labrador City à Fermont.
Fermont est une petite ville québécoise située à quarante kilomètres au Sud de Labrador City. Les gens vivent en grande partie dans un centre d'achats, le fameux Mur de Fermont. Tous les logements donnent accès au mail commercial chauffé où l'on peut voir certains Fermontois s'y promener en pantoufles et robe de chambre comme s'ils étaient dans leur salon tandis qu'il fait -45 Celsius à l'extérieur.
À Labrador City, qui compte près de 15 000 habitants, on ne trouvait à l'épicerie qu'un seul fromage, une seule marque de vin et beaucoup de morue salée. À Fermont, qui n'en compte que 3 000, on trouvait des fromages fins, des vins de qualité, du cognac, du champagne et j'en passe. Les gens de Labrador City s'y sentaient comme à Paris. Je m'y sentais plutôt chez-moi avant que de retourner dans l'environnement plus austère de la ville anglophone dissimulée sous d'immenses nuages de rouille émanant des mines de fer.
Je n'ai jamais perçu comme une tare d'être francophone au Canada et partout ailleurs. Bien au contraire. C'était une signe de distinction. On pouvait nous traiter de crybabies ou de n'importe quoi je m'en foutais éperdument. J'emportais avec moi la joie de vivre. On ne pouvait que m'aimer au bout du compte, moi le Nègre blanc d'Amérique qui partageait sa bonne humeur avec tous les déshérités de la Terre.
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