Germain Lupien était devenu membre du Parti en 1973. À l'époque, le Parti attirait de nombreux jeunes qui rêvaient d'un pays. Ils rêvaient même un peu trop aux goûts des dirigeants du Parti mais il fallait bien faire avec eux pour distribuer les dépliants du Parti. Ils étaient, pour tout dire, des idiots utiles.
Le Parti leur rappelait constamment qu'il leur fallait mettre de l'eau dans leur vin.
Germain Lupien avait très bien compris ce message, même s'il buvait plutôt comme un trou. Plus il faisait comprendre aux jeunes poilus qu'il fallait faire preuve de modération et de stratégie, plus il se trouvait dans les bonnes grâces de l'organisation. Bientôt, il fut nommé membre de la commission jeunesse du Parti. Comme il bénéficiait d'un bon réseau de contacts, grâce à ce poste prestigieux, Germain Lupien obtint facilement un poste de professeur de sociologie au Cégep. Il n'enseignait pas vraiment. En fait, il militait devant ses étudiants. Il recrutait. Et parfois même se faisait sucer le pepiau.
Quand le Parti prit le pouvoir en 1976, Germain Lupien grimpa encore de plusieurs échelons dans le Parti. Il faisait maintenant partie de l'élite du Parti.
Le Parti perdit le référendum de 1980. Puis il perdit aussi la face en 1984 en sacrifiant la social-démocratie pour tendre le cul devant les sodomites actifs conservateurs.
Dès lors, le Parti devint toujours plus stratégique et toujours plus inutile.
Germain Lupien en profita encore. On proposa sa candidature à titre de député de son comté. Il remporta l'élection haut la main et devint vite Ministre délégué aux affaires locales et autres trucs pas explicables.
Germain Lupien menait un gros train de vie, avec sa limousine et ses petites poules qui venaient lui picorer le pepiau quand son épouse n'était pas dans ses jambes à lui parler de leurs chats, de leurs perruches et du vétérinaire.
Le Parti perdit un autre référendum puis adopta le programme des conservateurs pour punir ce peuple qui ne comprenait rien à la stratégie.
On instaura l'austérité. On coupa à la hache dans le système de santé. On mit au pas les étudiants et les syndicats. Il fallait bien faire quelques sacrifices, d'autant plus que les Québécois sont si paresseux. Ils devraient travailler jusqu'à 90 ans. Mais non! Ils veulent se reposer... Ils veulent un seul boulot...
Germain Lupien approuvait bien sûr toutes les nouvelles orientations du Parti parce qu'il devait tout au Parti: son statut social, ses petites poules, son dentier neuf. Le Chef, qui aimait tremper ses biscuits dans un verre de lait chaud, avait travaillé pour les huissiers. Il connaissait son peuple de racailles qui ne paient pas leurs dettes. Il allait leur montrer la voie. Jusqu'à ce qu'il s'en aille faire de l'argent ailleurs. Ce n'était pas assez payant le poste de Premier Ministre.
Puis l'impossible arriva. Le Parti fut battu à plates coutures à cause de jeunes poilus et poiluses qui criaient n'importe quoi dans les rues. À les entendre, le Québec était gouverné par la mafia, par l'argent, par les magouilles et tout le tralala. Comme si l'argent poussait dans les arbres! Comme s'il ne fallait pas marchander avec le vrai pouvoir. Croyaient-ils que les limousines roulaient à l'eau tiède?
Germain Lupien perdit tout, même sa femme, même ses petites poules, même sa santé.
Il était maintenant vieux et con.
Il ne restait plus que deux députés du Parti à l'Assemblée Nationale, deux obscurs députés d'arrière-ban d'une région éloignée qu'on n'arrivait même pas à situer sur la carte électorale.
Le Parti n'avait plus un rond.
Germain Lupien faisait encore du porte à porte, quand il se sentait en forme, pour amasser des sous.
Plus aucune entreprise ne leur remettait des enveloppes brunes.
C'était la fin. La triste fin.
Tout ça parce que les jeunes crottés avaient tout sabordé. Ils avaient jeté le vieillard avec l'eau du bain.
Germain Lupien aimait rappeler à son entourage cette heureuse époque où il roulait en limousine en se faisant pomper le pepiau.
C'était des temps héroïques.
Des temps où ils étaient des dieux.
Les temps avaient bien changés.
Germain Lupien était maintenant trop vieux.
Il avait une petite chambre à l'hôpital avec même pas un bain par semaine.
L'austérité, qu'ils disaient...
Le déficit zéro...
La stratégie...
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