Je vais vous raconter l'histoire d'un de mes héros.
Il est fort possible que vous ne le connaissiez pas.
Si vous le connaissez, vous le reconnaîtrez au cours des lignes qui suivent sans que j'aie à le nommer.
Ce gars-là, c'est un sacré militant. Un type qui s'accroche à une cause, dur comme fer, et qui ne la laisse jamais tomber. C'est tout le contraire d'un carriériste, ce gars-là, puisqu'il aura tout fait pour devenir persona non grata auprès desdits carriéristes. Il a toujours fait passer son intégrité avant sa loyauté envers ses employeurs qui croyaient s'être trouvé à tort une nouvelle marionnette.
Je l'ai connu à l'époque où il dirigeait un journal de rue, lequel tirait son origine d'un projet auquel j'avais contribué pour ensuite me faire dépouiller de toute forme de mérite. J'étais déjà habitué. On m'avait fait le même coup lorsque j'avais mis sur pied CFOU 89,1 FM, la radio des étudiants de l'UQTR, qui fêtera son 20e anniversaire cette année sans que je ne sois invité je suppose.
Ce gars-là, plutôt que de m'ignorer et de me chier dessus, comme tous les autres l'avaient fait pour ne pas accorder de crédit au pestiféré que j'étais devenu, eh bien ce gars-là avait souhaité me rencontrer.
J'ai su dès lors que je n'avais affaire à un faux-cul comme il y en a tant. Et je ne dis pas ça parce que je me suis trouvé au centre de cette histoire. Je le dis simplement, sans arrière-pensée, sans tentative de me réhabiliter. En fait, j'aurais même dû vous taire comment et pourquoi je l'ai rencontré. Voyez-y une petite vanité bénigne. Il me reste un fond d'orgueil j'imagine. Je suis un peu humain et je n'aime pas manger de la vache enragée...
Quoi qu'il en soit, ce gars-là était un vrai. Et pas rien qu'avec moi. Il était vrai et authentique avec tout le monde, au grand dam de tous les faux-culs, comme cela se passe toujours.
Sa sensibilité à fleur de peau, son humanisme et son désir de rendre le monde plus beau l'avait naturellement conduit à épouser plusieurs causes. Dont celle de l'écologie.
C'est ainsi qu'il se donna corps et âme à militer pour la fermeture de la centrale nucléaire de Gentilly 2. Cette vieille centrale, située aux abords du fleuve Magtogoek (anciennement Saint-Laurent), à quelques kilomètres de Trois-Rivières, arrivait en fin de vie.
Après 25 ans, on a joué avec l'atome assez longtemps pour causer des dommages irréparables à l'environnement. Les libéraux étaient prêts à réinvestir un ou deux milliards pour qu'elle continue d'opérer, malgré tous les risques accrus en raison d'avoir dépassé toutes les limites associés à la sécurité de la population, de la faune et du fleuve. Malgré le taux anormal de bébés nés avec des déformations congénitales dans les environs de la centrale. Malgré que le fleuve soit une zone où se rejoignent deux plaques tectoniques, ce qui représente un risque de tremblement de terre majeur qui pourrait affecter la centrale nucléaire, le fleuve et tous ses habitants.
Donc, ce gars-là a donné tout son temps libre à dénoncer ce projet sur toutes les tribunes, sous toutes les températures, pancartes et pétitions en main, lettres ouvertes aux journaux, marches, vigiles et j'en passe. On l'a même banni de l'Assemblée Nationale du Québec. Il avait eu le malheur de balancer des confettis jaunes sur les parlementaires pour signifier son opposition à Gentilly 2.
J'ai participé à ses manifs. J'ai porté son carré jaune.
Puis, un jour, Pauline Marois à annoncer qu'elle mettait fin au projet de réfection de la centrale nucléaire de Gentilly 2...
On n'a pas vu beaucoup de péquistes lors des manifs, mais bon, il fallait faire contre mauvaise fortune bon coeur. Le banni de l'Assemblée Nationale avait été tellement actif qu'une part importante de la population soutenait maintenant le projet de fermeture de la centrale nucléaire.
Le PQ en tira tous les bénéfices, bien entendu.
Ce sont eux qui l'ont fait fermer, et personne d'autre, surtout pas ce crotté qui balançait des bouts de papier jaune sur les parlementaires.
Ce gars-là, bien entendu, était satisfait que la centrale Gentilly 2 soit fermée. Il a plié bagage et a travaillé quelques mois pour le NPD dans le Bas-du-Fleuve. On l'a congédié après qu'il eût refilé une facture à une compagnie qui avait pollué une plage. Une facture pour les produits de nettoyage qu'il avait employés pour la nettoyer... La compagnie s'est plainte à son employeur qui s'est débarrassé de ce militant inconvenant qui ne comprenait pas que le progrès social doit se faire en concertation avec les pollueurs.
Lorsque je l'ai revu, quelques mois plus tard, il se cherchait du boulot. Il était brûlé partout, comme je l'avais moi-même été. Aucune organisme communautaire ne voulait de lui, alors qu'il s'était montré nettement plus engagé et efficace que tous ces ronds-de-cuir et décrotteurs de nez de métier, aspirant à quelque fonction publique en lichant des culs ministériels.
Je ne sais pas ce qu'il est devenu depuis notre dernière rencontre.
Je l'imagine encore à cheval sur un vieux balai, prêt à affronter tous les dragons du capitalisme sauvage et tous les fonctionnaires de la social-démocratie raisonnable.
Ce gars-là, franchement, je le vois comme mon frère.
C'est un bon gars justement parce qu'il ne réussira pas sa carrière et sacrifiera sa vie pour celle des autres.
Nous sommes quelques-uns comme ça.
Quelques-uns qui dérangent tout un chacun avec notre air de supériorité morale, nos beaux sentiments et nos actes de bravoure...
J'oubliais de vous dire son nom.
C'est vrai que personne ne veut savoir son nom.
Surtout pas le PQ qui s'octroie tous les mérites de la fermeture de Gentilly 2.
Ce gars-là, mes frères et soeurs, il s'appelle Sébastien Bois.
C'est un héros. Un vrai. Comme il s'en fait trop peu.
J'espère qu'il me lira, où qu'il soit.
Et qu'on se reverra bientôt.
Des gens comme lui, j'en ai connus trop peu dans ma vie.
C'est un privilège de les voir passer dans mon existence.
Merci Sébastien Bois!
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