samedi 28 février 2015

Évita, la vraie patriote en g-string

Évita ne s'appelait pas vraiment Évita. On ne voyait pas ce prénom-là sur sa carte d'assurance-maladie. Elle s'appelait, en fait, Georgette Laprise, un nom qui ne convenait pas du tout à son âge. Évita n'avait même pas trente ans. Personne de sa génération de type caucasien ne s'appelle Georgette, à moins de provenir de quelque coin reculé du globe où sévissent encore des curés sur les registres baptismaux.

Cette jeune femme, plutôt jolie et pas méchante pour deux sous, détestait son prénom. Évita, selon elle, cela faisait plus mystérieux que Georgette.

Évita Peron n'avait rien à voir dans le choix de son surnom. Georgette ne savait même pas qui c'était, Évita Peron, et Madonna n'était pas vraiment de sa génération. Elle trouvait que ça sonnait bien, Évita, et ça lui suffisait.

Évita aimait porter des vêtements qui laissaient voir le galbe de ses cuisses et le piercing de son nombril. Son physique étant plus avantageux que son vrai prénom, on peut comprendre qu'elle ait choisie cette voie pour mettre pleinement en valeur sa personnalité.

Elle se pavanait à moitié dénudée hiver comme été. La plupart des gens ne trouvaient rien à redire, sinon qu'elle devait se les geler l'hiver, disaient les vieilles, en parlant sans doute de ses ovaires.

Évita, qui n'était pas méchante pour deux sous comme je le disais précédemment, aimait chantonner toutes sortes de trucs où il était question de sweet love, de lovers et de paradise. Les mecs la regardaient avec de la bonne humeur bon enfant selon leur âge et leur expérience.

Georgette, alias Évita, savait bien qu'elle suscitait quelques émois, autrement elle aurait revêtu une poche de patates en jute. C'était même sa manière bien à elle d'être patriote en exhibant sans contrainte les charmants attributs de sa féminité sans complexe.

Mais voilà qu'un drôle de barbu s'était installé près de chez-elle. Il ne voyait pas d'un bon oeil le fait qu'elle s'affiche ainsi dans toute sa splendeur.

Le barbu, religionnaire de métier, disait à toutes ses filles ainsi qu'à ses femmes qu'elle était une prostituée, une mécréante, une impie. Pour les rappeler à la piété, il les obligeait à revêtir des poches de patates en jute dans lesquelles il pratiquait un trou pour qu'on ne puisse voir que leurs yeux.

-Comme ça, qu'il disait le sale plouc, je suis sûr que vous ne deviendrez pas des putains!

Il prenait le même autobus que Georgette tous les matins, ce barbu barbant qui, d'ailleurs, s'appelait Bubu Le Grand dans sa langue maternelle, le Chouinne-gomme, un dialecte à peu près disparu de la surface de la terre.

Un jour, n'en pouvant plus, il traita Évita de chienne et de prostituée pour son habitude de se montrer ainsi les jambes, les cuisses et la craque du cul.

-Allez vous habiller! Vous insultez Dieu! qu'il lui a dit, le tabarnak.

-Veux-tu bien aller chier ma calice de barbe en poils de cul? qu'elle lui a répondu du tac au tac. Chu chez-nous calice pis icitte on s'habille comme on veut. T'aimes pas ça? Crosse-toé avec une poignée d'braquettes pis décrisse!

Le barbu se tut par dépit puisque tous les passagers le regardaient comme s'il était le roi des ploucs.

Le pire c'est qu'il était lui-même vêtu étrangement. Il était déguisé en femme et portait une robe. Pourtant, personne ne lui reprochait quoi que ce soit. S'il voulait s'habiller en femme, c'était son affaire.

L'histoire s'arrêterait ici qu'on aurait de quoi s'en contenter.

Mais non! Notre société étant inclusive comme cela ne se peut pas, le barbu revint le soir même chez-lui pour découvrir ses affaires pliées dans des sacs verts sur la galerie de son appartement. Ses filles et ses femmes ne portaient plus leurs sacs de patates en jute sur le corps et s'étaient même vêtues un peu comme Évita, avec le g-string qui dépasse de la mini-jupe et tout le tralala.

-Qu'est-ce que vous faites femmes impies? leur demanda le barbu en agitant sa robe.

-On veut que tu foutes le camp! Va te masturber avec une poignée de braquettes! qu'elles lui dirent en lui jetant au visage leurs poches de patates.

-J'appelle la police!

-Pas nécessaire... C'est déjà fait et ils viennent te chercher sale connard!

Le barbu fût bientôt entouré de policiers qui lui expliquèrent sommairement ses droits, dont celui de communiquer avec un avocat.

On l'incarcéra pour violence conjugale, agressions sexuelles multiples, etc.

Le soir même, lorsque Georgette revint chez-elle, elle fût surprise de voir ses voisines écouter Madonna à plein volume dans l'appartement qu'occupait auparavant l'infâme barbu.

Filles et femmes dansaient lascivement en brandissant des bouteilles d'alcool qu'elles buvaient à larges rasades.

-Nous sommes libres! qu'elles criaient. Qu'il aille se faire foutre cet enculé!

Évita ne savait pas la bonne influence qu'elle pouvait avoir dans son quartier.

C'était une vraie patriote en son genre. Ses piercings et son g-string faisaient tomber les intégristes plus vite que tous les discours des stupides politiciens.

7 commentaires:

  1. Voilà du vrai féminisme -
    Que les masculinistes en prennent de la graine !
    Merci pour cette belle histoire !
    Charles de Sète -
    http://mondeindien.centerblog.net/13-lavoisier-et-leonard-nimoy

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    1. C'est moi qui te remercie, monde indien, de m'encourager à écrire mes bêtises .... Amitiés.

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  2. Ça n ' est pas de l ' encouragement , juste façon de dire que sens les choses de la vie à peu près comme ça - et puis c ' est pas des bêtises - bien au contraire -
    Amitiés à toi et aux tien-ne-s .
    http://mondeindien.centerblog.net/

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  3. Ca me rappelle aussi un film , " les corps célestes " , fait par un gars de chez vous - Gilles Carles - un peu sur ce thème-là .

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  4. Gilles Carles était, en quelque sorte, un féministe. Ça rappelle aussi le film La vraie nature de Bernadette, où Bernadette inspire tout un chacun par sa liberté et... sa nudité.

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  5. Je suis féministe pour la simple et bonne raison que ceux qui ne le sont pas me semblent manquer de tendresse et d'humanité. Maintenir 50% des humains en esclavage au nom d'une religion ou d'une morale patriarcale relève de l'ignominie.

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  6. être féministe au jour d ' huis est une évidence - Merci à toutes les femmes et les hommes qui se sont battue-s pour que ce mouvement advienne - Il nous faut le continuer -
    Il n ' empêche que les cons et les connes seront toujours là : alors nous ferons/faisons , sans eux-elles !
    Ils-elles ne sont pas comme nous -
    Faisons nos nations à nous -

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