mardi 24 février 2015

Les nuages, les merveilleux nuages...

"- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !" 


Charles Baudelaire, Le spleen de Paris

J'ai été fortement impressionné par le Docteur Jivago, tant par le roman de Boris Pasternak que par le film de David Lean. Dans un cas comme dans l'autre, tout commence avec les obsèques de la mère de Youri Jivago qui lui laisse en legs une balalaïka. Le jeune orphelin est déjà poète et contemple le scintillement du soleil ou bien l'éclat de la lune qui tous deux jouent avec les branches pour projeter ombres et lumières. Youri Jivago ne sera pas seulement médecin. Il est et sera surtout un homme qui a la capacité de s'émerveiller tout autant que celle de s'indigner. Son serment d'Hippocrate se conjugue à celui de mener une vie qui corresponde aux exigences de sa sensibilité artistique et de l'humanisme qui nécessairement l'accompagne.

Je ne suis pas docteur et pas tout à fait poète. Pourtant, d'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu cette faculté de me perdre dans les nuages. À l'école, je passais mon temps à regarder les arbres et les nuages. À l'âge adulte, j'ai continué de rêvasser devant les arbres qui poussaient dans la cour que je pouvais voir par la fenêtre du bureau où je travaillais. C'est un peu comme si je n'étais jamais tout à fait là tout en y étant pleinement. Selon ma vision du monde, le sens de l'existence se trouve dans l'infini et non dans les menus détails des obligations quotidiennes.

Jeudi soir dernier, par exemple, j'étais fasciné par un croissant de lune qui apparaissait au Nord-Ouest. La planète Vénus, alias l'étoile du berger, scintillait à deux portées d'étoile de cette lune qui faisait figure de berceau. J'étais sur mon balcon avec les sacs d'épicerie dans les bras et j'oubliais tout le reste pour me concentrer seulement sur ce spectacle.

-Regarde comme c'est beau mon amour... que j'ai dit à ma blonde qui a l'habitude de me voir la tête partie dans les nuages.

Et nous fûmes deux à regarder la planète scintillante ainsi que le croissant de lune.

Puisque je peins de temps à autre, je me perds régulièrement dans l'observation des branches, des oiseaux et des astres. Tout cela me semble bien plus réel que les labyrinthes et les minotaures de la politique.

Cette faculté d'émerveillement contribue sans doute autant à ma perte qu'à mon salut.

J'aurai toujours la tête ailleurs.

Et c'est très bien ainsi.

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