Je tenais de mon père ce mépris de l'autorité qui prenait forme dans ces concours de sacres que nous organisions entre amis à la sortie des classes. Je les gagnais souvent puisque j'étais mal embouché comme tout Bouchard qui ne respecte rien, surtout pas les bourgeois et les dames patronnesses des beaux quartiers qui nous regardaient de haut pour mieux nous mépriser.
-Hostie d'tabarnak de cibouère de saint-sacrament de calice de mange-marde de saint-chrême de christ de viârge d'étole de curé sale! que je disais, par exemple, en me gonflant le torse pour que ça sorte dru et solide.
J'avais compris que le langage de mes proches n'était pas beau, pas bon et pas fin pour que les gens bien éduqués, collés sur le pouvoir, puissent nous chier dans la bouche et nous ordonner de récurer leur maison, leur piscine et leurs chiottes.
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Une polémique tout à fait vide s'est formée il y a peu autour de Christian Bégin, un animateur de Télé-Québec qui a eu la franchise de laisser parler son coeur face à des gens qui manifestaient contre les politiques d'austérité du gouvernement libéral-saoudien du Québec. Il a dit au gouvernement Couillard de "manger d'la marde".
Denise Bombardier, bourgeoise d'Outremont qui joue aux extra-lucides par compassion envers sa classe de pleins d'marde, a reproché à Christian Bégin de manquer de politesse et de civilité dans un article puant le caca bouilli paru dans le Journal de Monrial.
C'est pas beau sacrer. C'est pas beau dire mange d'la marde.
Michel Chartrand, paix à son âme, sacrait comme un charretier pour se porter à la défense des travailleurs. Et il l'a fait bien mieux que Denise Bombardier et tous ces greluchons qui se croient porteurs de Lumières alors qu'ils ne sont que des lâches qui ne montent jamais au front pour défendre les plus humbles. Ils se battent pour des virgules et des points-virgules comme si le sort de l'humanité en dépendait. Ils se battent pour du fric, de l'éclat social, de la vanité vaine et encore plus vide que celle de l'Ecclésiaste.
Vous voudriez donner des leçons de style à des gens qui ont du coeur au ventre et ne craignent pas de mettre leur tête sur le billot pour combattre l'injustice?
Vous croyez que l'injustice se combat avec de beaux mots et des phrases bien ciselées?
Je respecte les arts et les lettres, mais je ne respecte pas les lâches et les larbins qui s'en prennent aux voix qui crient dans le dessert des riches.
Je sais bien perler français. Je parle aussi l'anglais et le singe. Cela dit, je n'ai pas honte d'utiliser la langue vernaculaire pour signifier mon opposition à toute forme d'autorité et d'inhumanité outrancières.
Sacrer, c'est me sentir en symbiose avec mon peuple et ma classe sociale.
Donc, tous ces bourgeois peuvent bien manger un hostie d'gros char de marde.
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