Il convient que je vous raconte ce qui l'a rempli de honte.
C'était à l'époque du disco.
Martin était toujours tout de blanc vêtu lors de ces soirées.
Un soir, après avoir trop bu, l'irréparable arriva alors qu'il était au beau milieu de la piste de danse.
Martin chia dans ses culottes.
Ses pantalons blancs étaient tout beurrés de marde et, évidemment, tout le monde le pointait du doigt en se bouchant le nez. Les moqueries ne cessèrent pas pour autant le lendemain. Martin devint la risée du bar qu'il avait choisi pour temple. C'en était trop.
Martin sombra dans une profonde dépression et ne pointa plus jamais le nez dehors. Il se sentait en exil du royaume des brosseux. Rongé par la honte, il en venait à ne plus pouvoir se regarder le visage dans le miroir. Du coup, ses sourcils devinrent fort longs, de même que sa barbe et ses poils de nez.
On le voit parfois derrière la fenêtre de son modeste taudis du centre-ville.
Martin se berce, café dans la main droite et cigarette dans l'autre. Il est toujours tout de brun vêtu. Le disco, c'est fini pour lui. Il écoute des imbéciles s'engueuler sur les lignes ouvertes des radios poubelles de Québec. Il s'est juré de ne plus jamais porté de blanc. Il ne voudrait pas être cuisinier ou préposé aux bénéficiaires. Aussi, pour être bien sûr de ne pas mal finir, Martin ne travaille pas. Ou plutôt il ne travaille plus. Enfin, il fait ce qu'il peut.