Le citron n'est jamais trop pressé.
Il reste toujours un peu de jus.
Suffit que d'y mettre un peu d'efforts.
C'est ce que se disait Siméon Mon-Mon Fafard. C'était une manière de conjurer sa vieillesse.
À 63 ans bien sonnés on ne peut pas dire que Mon-Mon avait encore beaucoup de jus dans le citron. Mon-Mon était un semi-retraité semi sur l'aide sociale et semi sur le marché noir.
Pourtant, il refusait de croire qu'il n'allait plus livrer sa goutte à force de se presser le citron.
Aussi se pressait-il le citron.
Bien plus fort qu'auparavant sans doute.
Mais bon. Vers la fin il faut s'attendre à ce que le jus s'évapore un tant soit peu.
Quant au citron, eh bien Mon-Mon en mettait surtout sur le poisson et parfois dans le riz.
Pourquoi vous parle-t-on ainsi de citron, pressé ou pas?
À vrai dire, c'est Mon-Mon qui nous imposait ce thème.
Tout est citron pour Mon-Mon.
Je veux dire que tout se rapporte au citron: proverbes, paraboles, allusions, comparaisons...
-Hé citron! qu'il dit Mon-Mon.
Vous entendez? C'est toujours pareil. Citron par ici. Et citron par là.
-Mon char de v'là dix ans, ma Buick, c'était un vrai citron. C't'un vrai citron c'te candidat à la mairie. Citron que c'est bon cette crème en glace! Inspecteur Citron, citrouillard, trognon de citron rôti!
Mon-Mon disait n'importe quoi.
Et personne ne l'écoutait.
Non.
Cré citron.