Il était une fois un gars qui mesurait cinq pieds huit pouces et qui était affûteur de couteaux de son métier.
Quand il rentrait le soir, il n'était jamais épuisé puisque plus personne ne fait affûter ses couteaux de nos jours. Quand le couteau ne coupe plus: on le jette.
Aussi, ce gars-là, l'affûteur de couteaux au chômage, eh bien il se sentait jeté au panier, abandonné, flushé...
Il en vint à détester notre époque de façon si véhémente qu'il passait son temps à crier le mot Calculatrice!
-Calculatrice! hurlait-il en montrant ses dents un peu tachées et pas très droites.
N'essayez pas de comprendre ce gars-là.
Lui-même ne se comprenait pas.
D'ailleurs, il n'affûtait même plus ses propres couteaux.
C'est tout dire.
Du coup, ses couteaux s'émoussaient.
Et son talent, qu'on avait dit prodigieux il y a 20 ans, disparut totalement.
L'affûteur de couteaux devint un trou du cul de cinq pieds huit pouces qui ne travaille pas et qui se lave avec du savon Irish Spring.
Il tenta pourtant de travailler chez Wal-Marde.
Mais Wal-Marde ne voulait pas de lui. On le trouvait trop laid.
De plus on le disait bizarre. Pendant sa formation, il n'avait pas arrêté de crier Calculatrice! Et il se grattait souvent un testicule ce qui, évidemment, n'avait rien d'obscène.
On voit bien que l'ascenseur ne monte pas jusqu'en haut chez ce gars-là mais comment vous sentiriez-vous devant un gars qui se tient debout devant vous en se grattant toujours la poche? Ne lui diriez-vous pas que vous ne voulez rien savoir de sa tendresse? C'est évident.
Tout le monde mérite de travailler.
Même les snappés comme ce pauvre gars-là.
L'affûteur de couteaux sans travail qui se grattait toujours la poche tout en criant Calculatrice!
L'affûteur de couteaux sans travail qui se grattait toujours la poche tout en criant Calculatrice!