jeudi 12 janvier 2017

Sortir du cercle vicieux

Jocelyn s'appelait Djosse pour les intimes. Il n'en avait pas tant que ça, des intimes. Mais bon, il tenait lui-même à ce qu'on l'appelle Djosse.

Djosse était plutôt malingre, le dos courbé et les yeux cernés.

Il avait été retiré de sa famille vers l'âge de huit ans.

Sa mère était une chienne de la pire espèce qui avait laissé violer ses enfants par son amant de l'époque, un gars sans génie, tout comme elle.

Ses parents se gelaient tellement souvent qu'ils avaient fini par croire que tout était permis, dont violer des enfants.

Djosse et ses soeurs avaient été placés en famille d'accueil. Ils étaient tous très turbulents pour une raison qui n'échappait pas nécessairement aux travailleurs sociaux. Il est vrai qu'ils n'étaient pas tombés sur les meilleures familles d'accueil. Chez les F***, par exemple, Djosse avait subi les pires vexations. On le violait de temps à autre et on mettait dans son assiette tout ce que la famille n'avait pas mangé. Il devait manger les restants comme un chien et se tenir toujours tranquille dans son coin sous peine d'être puni.

Un jour parmi tant d'autres, Djosse avait éventré le père de cette famille d'accueil indigne avec un pic à glace. On le confia ensuite à la Direction de la Protection de la Jeunesse (DPJ) qui le fit transférer dans une prison pour jeunes. On ne crut pas sa version de l'histoire. L'avocat de la Couronne laissa entendre que Djosse était un menteur, un jeune assassin sans remords et tout ce que vous voulez. Ce qui n'était pas tout à fait faux. Par contre, même les menteurs ont parfois raison.

Djosse était toujours aussi turbulent tout en étant taciturne. Il ne disait jamais un mot mais frappait souvent en guise de réponse à n'importe quelle question qu'on aurait pu lui poser.

À dix-huit ans, on le mit à la rue avec un chèque d'aide sociale.

Djosse se loua un logement qu'il défonça à coups de marteau en écoutant des airs de hip-hop où il était question de flics qu'il fallait tuer et de bitches tout juste bonnes à violer en groupe.

Djosse passait ses journées à se droguer avec d'autres jeunes peu recommandables qui volaient, violaient et auraient tué s'ils avaient frappé un peu plus fort. Évidemment, cela faisait chier les voisins qui se demandaient pourquoi la DPJ les abandonnait à eux-mêmes à dix-huit ans pour les foutre dans un bas-quartier de la ville où ils faisaient chier tous les honnêtes pauvres.

Djosse tomba en amour avec Lulu, une fille qui sentait le pipi et qui n'était pas portée sur l'hygiène. Elle lui fit connaître le crystal-meth qu'ils pouvaient se procurer après qu'elle se soit tapée un ou deux clients. Djosse assommait des clients à coups de marteau de temps à autres pour leur faire les poches.

Le couple eut bientôt un enfant qui était toujours malade. Ils l'appelèrent Jocelyn Junior.

Au début, c'était cool comme d'avoir un petit chien. Ils lui faisaient guili-guili et pout-pout sur le nombril.

Mais au bout d'un mois, il n'en pouvait plus d'avoir à changer des couches et tout le tralala.

Ils abandonnèrent leur bébé dans un bac à ordures en se disant que c'était justement le jour des vidanges.

Un vieillard entendit pleurer le bébé tandis qu'il passait par là. On fit venir la police et le couple fut arrêté.

Djosse traita les policiers d'hosties de chiens.

Lulu leur dit qu'elle n'en avait rien à crisser de leurs lois.

Leur bébé ne fut adopté par personne puisqu'on découvrit qu'il était sérieusement handicapé en plus de n'être pas très beau à voir.

Il passa d'une famille d'accueil à l'autre, lui aussi.

À dix-huit ans, on le libéra.

On aurait pu craindre le pire.

Jocelyn Junior était tout aussi malingre que son père, bien entendu, mais il avait rencontré quelqu'un qui lui avait servi de modèle. Un concierge qui s'appelait Reynald. Le concierge de l'école, pour tout dire. Un gars qui s'était lui aussi élevé tout seul et qui avait su détecter le désarroi de Jocelyn assez tôt pour lui insuffler le goût d'un nouveau départ.

Jocelyn devint concierge à sa sortie de l'école, grâce à un contact de Reynald.

On ne peut pas dire qu'il était vite avec sa jambe plus courte que l'autre, Jocelyn Junior, mais il était ponctuel et faisait bien son travail somme toute.

Il tomba en amour avec une certaine Dorothée, une fille qu'on disait pas très vite qui travaillait dans une usine de fabrication de bâtons de Popsicle.

Ils eurent bientôt des enfants, un garçon et une fille qui étaient tous les deux en bonne santé.

Ils n'étaient pas très riches mais ne vivaient pas si mal.

Leur garçon souhaite devenir cosmonaute plus tard.

Quant à leur fille, elle aimerait bien devenir bibliothécaire car elle adore la lecture.

Tous les deux sont des premiers de classe à l'école.

Djosse junior et Dorothée sont fiers d'eux.

Et ils sont toujours main dans la main à s'appeler Minou et Lapin.




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