Elle prend plusieurs formes dans le monde et n'exprime pas souvent ce qu'elle signifie.
Il ne faut pas s'en étonner. On ne se battrait pas pour justifier une définition dans le dictionnaire.
Il est donc d'usage d'instrumentaliser les mots pour leur faire dire le contraire de ce que l'on fait.
La liberté, l'amour, la paix et la démocratie sont tous malmenés.
En tant qu'intellectuel, il m'arrive de brandir le dictionnaire et de m'en tenir à ce qui y est écrit.
On a tôt fait de ridiculiser mon manque de pragmatisme, sinon ma méconnaissance de la realpolitik.
La démocratie peut très bien être l'une des formes que prend la dictature.
Ne dit-on pas de la Chine qu'elle est une démocratie populaire?
Et la nôtre, n'a-t-elle pas qu'un ou deux partis de plus?
Quant à la liberté, veut-on dire la liberté d'un groupe ou bien la liberté d'un oiseau qui s'envole en poussant son cuicui?
L'amour... On a tué au nom de l'amour. Et je ne parle pas que des amants aigris. Toutes les religions prêchent l'amour du prochain d'une main tandis que l'autre main est armée d'un glaive sanctifié par les prêtres.
La paix, on le sait, n'est possible que si l'on prépare la guerre...
Y'a-t-il un mot qui veuille enfin dire quelque chose?
Je vous dis ça d'un point de vue purement littéraire. J'aime les mots, voyez-vous. Et j'aime trouver le mot juste pour décrire un objet, un événement ou bien une sensation.
Devrais-je cesser de faire confiance aux mots parce qu'on les travestit en n'importe quoi?
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Les gens éprouvant des difficultés à lire et à écrire représentent la majorité des Québécois.
Je trouve malheureux qu'il en soit ainsi. Mais je ne leur en veux pas.
J'ai besoin d'eux comme ils ont parfois besoin de moi.
Je ne crois pas qu'ils sont moins intelligents pour autant. Il leur manque sans doute des moyens d'interpréter le monde. Par contre, il serait ridicule de croire que la seule interprétation qui vaille provienne essentiellement des scribes, c'est-à-dire des membres de la caste à laquelle j'appartiens. Je me suis souvent trompé et j'ai peine à croire que certains ne se trompent jamais.
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Sitting Bull ne savait ni lire ni écrire.
Louis Armstrong n'était guère mieux.
Ces deux hommes, pour ne nommer que ceux-là, ont accompli de grandes choses.
Ils ont inspiré leur peuple qui trouvait en eux quelque chose d'indicible que l'on ne trouve pas facilement dans la vie. Quelque chose comme un talent brut, une force de la nature.
Quand on veut faire taire un gars de chantier ou bien une serveuse de restaurant qui s'aventure en politique, je le ressens comme si l'on souhaitait étouffer Sitting Bull et Louis Armstrong qui ont largement mérité leur droit de parole.
Je le ressens aussi comme si l'on avait dit à feu mon père, opérateur de pont-roulant dans une aluminerie, de fermer sa gueule parce qu'il n'avait qu'une huitième année.
Cela dit, on peut dresser des listes de gens bien éduqués qui ont commis les pires exactions qui soient au cours du siècle dernier.
Staline était un séminariste plutôt bien éduqué. Il n'a pas hésité à en tuer quelques millions.
Mao et Himmler étaient tout aussi bien élevés. Ils en ont tué des tas eux aussi.
Pol Pot enseignait Verlaine et la suavité du langage. On lui doit le génocide cambodgien.
Évidemment, on ne doit pas que des meurtres aux gens lettrés. De même qu'on ne doit pas que du bonheur aux illettrés.
Le monde est certainement plus complexe que ces ridicules tentatives de le cloisonner dans un système de castes et de compétences formelles.
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Je ne méprise pas les lettres, ni les intellectuels, ni la culture et ni l'érudition. Je crois même démontrer un tant soit peu mon engouement pour le monde des livres et des idées plus ou moins complexes.
Néanmoins, je ne cultive pas ce mépris des gens sans éducation qui, tout comme moi, paient plus que leur part de taxes et d'impôts pour nourrir une machine déréglée où les spéculateurs l'emportent à tout coup.
Plus de 75% des Québécois gagnent moins de 50 000$ par année. Ce groupe de citoyens, fortement majoritaire, est représenté dans quelle proportion dans notre régime parlementaire? Je ne saurais le dire. Je serais surpris que cela s'approche de 20%.
Il semble que pour devenir député il faille nécessairement être médecin, avocat, comptable ou journaliste. Serait-il le dernier des abrutis qu'on ne trouvera rien à redire s'il ne dit jamais rien. Ce que tout politicien finit d'ailleurs par comprendre: l'art de ne rien dire en donnant l'impression de dire quelque chose...
On ne veut pas des plongeurs, des trappeurs autochtones ou bien des coiffeuses dans notre système parlementaire. Tout concourt à les remettre à leur place, c'est-à-dire nulle part. On veut qu'ils se taisent et qu'ils écoutent!
S'ils ne sont pas allés à l'école, s'ils n'ont pas fait la piastre, s'ils ne sont pas dignes de fréquenter des notables, eh bien ils n'existeront tout simplement pas.
Évidemment, cela finit par faire ruer les sans-culottes dans les brancards.
Ils se disent, à juste titre, qu'ils ne feraient pas pire que tous ces incapables qui siègent à l'Assemblée Nationale ou bien à la Chambre des Communes.
Bien qu'ils éprouvent des difficultés à lire et à écrire, ils se disent naïvement que le mot démocratie est détourné de sa véritable signification.
Et ce n'est pas moi qui vais prétendre qu'ils ont tort de le croire.
Le mot «démocratie» n'a jamais voulu rien dire. C'est une simple «idée» des Grecs, mais avec aucune application dans la réalité, déjà à leur époque, et encore moins aujourd'hui.
RépondreEffacer@Rhizome Deleuze: Je serai nominaliste jusqu'au bout: le démocratie signifie le pouvoir (cratie) du peuple (démo). Si l'on ne s'entend pas sur la signification des mots on n'est pas sorti de l'auberge... ;)
RépondreEffacerD'accord. Nous vivons en ce moment dans ce que nous pouvons appeler une «démocratie». En quoi consiste ce «pouvoir du peuple»? -À choisir, à certaines périodes fixes, un roi à élire ou réélire. C'est une monarchie avec des droits de l'homme.
RépondreEffacerLe propre de la culture est de célébrer ET d ' enrichir constamment le sens des choses et de tout ce qui existe - Ainsi la démocratie ne doit + signifier le seul pouvoir de quiconque , mais le bien-être et l ' épanouissement de toutes et de tous , en harmonie avec la vie et tout ce qui existe et se transforme . Il ne faut pas avoir peur de ça , il faut l ' assumer .
RépondreEffacer@Rhizome Deleuze: La démocratie, tout comme la paix et la liberté, sont des projets inachevés.
RépondreEffacer@Monde indien: Power to the people! comme le chantait John Lennon...
RépondreEffacer@Gaétan Bouchard ; @Rhizome Deleuze : Peace and Love !
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