samedi 13 septembre 2008

UN SAMEDI SOIR AU CRUISING BAR L'OCTOPUSSY


Jack sortait au cruising bar L'Octopussy tous les samedis soirs.

Il ressemblait au Père Noël en plus jeune, pas de bedaine. Il avait les cheveux longs bouclés et une barbichette de style «guédge à plote», appellation vulgaire du «loup» dans une langue plus châtiée et, en même temps, beaucoup moins drôle.

Jack sortait à L'Octupussy à tous les sacrements de samedi soir... après s'être ennuyé une heure ou deux dans des bars composés de personnes raffinées et de bon goût, bref du monde plate.

C'était la place pour voir de jolies demoiselles, L'Octopussy. Elles étaient plus belles et moins farouches qu'au Xylophone Existentialiste, un petit bar branché où le sexe se faisait rare.

Célibataire, Jack ne pouvait tout de même pas passer ses samedis soirs à se dégraisser le salami dans la solitude de son appartement sordide. Alors il sortait.

Le centre-ville de Twois-Wivièwes l'appelait. La rue des Forges et toutes ces poitrines opulentes qui déambulaient sur les trottoirs étaient ressenties par Jack comme un vibrant appel à l'accomplissement naturel de son rut.

La dèche était sur le point de lui sortir par les oreilles. Ça faisait au moins deux mois que Jack n'avait pas eu de relations sexuelles en duo. Ses couilles gonflées de jus étaient sur le point d'exploser. Et puis, franchement, con comme il était, Jack cherchait aussi l'amour. L'amour dans un bar! Le cave!

L'Octopussy était un bar pour monsieur et madame tout le monde, sans doute un peu quétaine aux yeux des notables. Le genre de bar où les gens dansent sur de vieilles tounes de Phil Collins et Peter Gabriel.

L'Octopussy était situé dans un sous-sol. Il y avait un cover charge de deux dollars à l'entrée. Et c'était toujours plein. L'Octopussy était vraiment le bar pour cruiser au centre-ville, sans sombrer dans des discussions oiseuses. Il y avait pour toute décoration des moules en plâtre de couples tout nu entrelacés. Et les inévitables affiches publicitaires des marques de bière connues.

Ce samedi soir-là, Jack devait faire un toucher. Il était à bout de nerfs et ses gosses étaient enflées. Il en avait assez de sa vie d'ascète. Assez de fréquenter des bars d'intellos où personne ne baise. Alors, il se rabattait vers L'Octopussy avec la joie au coeur et l'espoir dans la bite.

Et l'espoir vint sous la forme d'une blonde un peu excentrique, vague souvenir de Cindy Lauper qui, tout comme elle, avait le béguin pour les physiques de lutteur.

Et voilà Jack et Cindy Lauper qui dansent un slow sur la piste de danse, sans même qu'ils ne se soient parlés. Évidemment, on ne peut pas parler à L'Octopussy. La musique est trop forte et personne ne s'entend parler. Donc, on danse un slow en se taponnant un peu pour communiquer.

L'instinct de Jack lui disait qu'il devait absolument sortir de L'Octopussy avec Cindy Lauper avant que la meute de ses potentiels rivaux ne s'abattent sur elle tandis qu'il irait pisser, mettons.

Le vin est tiré, il faut le boire. Ou tire la bobinette et la chevillette cherra. Hit the road Jack. Way to go.

Bref, il hurla dans les oreilles de Cindy qu'il l'invitait chez Bravissimo Pizza pour prendre un café avec une poutine. Cindy, une fille pas compliquée, trouva cela charmant.

Cependant, elle n'était pas seule. Elle était avec son chaperon, une fille qui ressemblait à Yoko Ono en plus trifluvien, avec les cheveux noirs ébourrifés. Pas nécessairement jolie, la chaperonne, mais il y avait tout de même un gars pour se zigner après elle sur la piste de danse.

Cindy pria Jack de l'attendre un moment et s'en alla taper du doigt sur l'épaule de Yoko.

Pendant ce temps, le zigneur vint vers Jack pour lui crier dans les oreilles tandis que se finissait Hotel California, la toune la plus jouée à Twois-Wivièwes de tous les temps. Une hostie de toune quétaine.

-Salut man! dit le zigneur en serrant la main de Jack. C'était un type dans la quarantaine, vague réplique d'un policier au cou de boeuf, l'air faussement grave qui cachait un petit enfant fragile.

-Tu as dansé avec l'amie de celle avec qui j'danse avec?

-Oui, répliqua Jack.

-I' faut qu'on s'organise de quoi man, qu'on fasse équipe, autrement on va les pardre toutes les deux! poursuivit le zigneur.

-J'ai invité Cindy chez Bravissimo Pizza...

-Cool! Je vais inviter ma douce aussi, à la même place, pis on va faire équipe, man... Elles restent ensemble... Savais-tu ça? Il faut trouver l'moyen d's'inviter chez-elles! postillonna le zigneur.

Jack ne protesta pas. Il devait maintenant composer avec ce foutu parasite. Cindy revint vers lui, pour lui faire oublier le crétin qui venait de lui parler, et quand il se rendit compte que tous les quatre s'en allaient chez Bravissimo Pizza, Jack commença à montrer des signes de déception. Ces arrangements-là, ça ne marchait jamais. Jack allait se tirer une tapoche pour un autre samedi de soir de plus.

Ils arrivèrent au Bravissimo Pizza, la place au centre-ville pour être saouls tout en se claquant une poutine d'après last-call. Les dames se commandèrent de la poutine. Et les deux gars firent la même chose.

Jack était assis aux côtés de Cindy et le zigneur aux côtés de Yoko.

Le zigneur avait un comportement diamétralement opposé à celui de Jack. Alors que Jack était d'un calme olympien, pour préserver une certaine conception de la virilité, le zigneur était dans tous ses états et abondaient en compliments sur sa partenaire de danse.

-Tu es belle comme la lune ce soir, une lune sans nuages, hein... Tu as vraiment une belle peau, hein... Hum! Tu sens bon, ton parfum sent bon... Hum! Et tes vêtements, tes vêtements sont jolis. C'est beau ce que tu portes.

Et il lui flattait la main, tout le temps, en plongeant dans son regard comme le ferait le gars le plus en manque de sexe de toute la ville, ce qu'il était probablement ce soir-là.

Même que ça devenait fou.

-Yoko! Je t'aime tu sais. Dans une autre vie nous devions être des papillons ou des chevaliers, nous nagions dans des lagons bleus, comme des dauphins, nous étions des abeilles qui butinaient le miel, César et Cléopâtre, je vois ton aura, oh! quelle belle aura! Je sens toute ton énergie! Hum! Quelle énergie!

Et il lui flattait le bras comme s'il se passait une branlette en même temps sous la table.

Tout à coup, il se tourna vers Jack qui, sans mot dire, se contentait de bouffer sa poutine. En fait, personne ne parlait sauf ce calice d'imbécile.

-Pourquoi qu'tu fais pas des compliments à ta douce Jack? Dis-lui qu'elle est belle, ravissante... Les femmes aiment ça se faire dire des mots charmants...

Et il disait ça à tue-tête, en postillonnant. Ce qui devenait de plus en plus désagréable.

-Dis-le lui, Jack, à ta douce! Dis-le lui qu'elle est belle comme le soleil pour toi, comme les étoiles qui brillent au firmament!

-J'mange ma poutine, répondit Jack, poliment.

Cela fit rigoler Cindy un brin. Et Yoko, pendant ce temps, devenait froide et figée comme une statue de plâtre, comme si elle se demandait dans quel foutoir elle se trouvait, avec le gars qui n'arrêtait pas de se zigner sur elle, même mentalement.

Tout à coup, il y eut un silence. Le zigneur avait envie de chier. C'est du moins ce qu'il avait dit, en toute sérénité.

-Vous m'excuserez, mesdames et monsieur, mais j'ai envie de chier.

Comme le zigneur était parti chier, Yoko sortit de sa torpeur et redevint subitement vivante.

-I' m'fait peur en hostie c'gars-là! Moé j'reste pas icitte! On va-tu ailleurs? demanda-t-elle à Jack et Cindy.

-Ok, répondit Cindy. J'ai un plan. On s'en va tout de suite, moi et Yoko, et toi, Jack, tu dis à l'autre que nous avons mal à la tête et que nous rentrons chez-nous... Ensuite, eh bien, tu viens nous rejoindre... dans quinze minutes mettons, on demeure pas loin.

Elle griffonna l'adresse sur une serviette de table qu'elle tendit ensuite à Jack pour qu'il sache où se rendre.

-Ok. On se revoit tantôt, conclua Jack.

-Merci! T'es ben fin, enchaîna Yoko. On se revoit tantôt...

Les deux femmes quittèrent les lieux subito presto avant que le gus ne revienne de chier.

Elles eurent même la bonté de payer leurs additions respectives, malgré les faibles protestations de Jack, plutôt cassé mais prêt à manger des spaghettis pas de sauce pendant un mois pour sauver l'honneur et la virilité.

Lorsque le zigneur revint de chier, vous comprenez qu'il cherchait les deux filles.

-Où sont-elles passées? Où est ma petite Yoko d'amour, mon ange? s'inquiéta-t-il, le regard ahuri.

-Elles sont parties, dit Jack, Elles avaient mal à la tête.

-Non, non... Tu comprends pas là Jack... TU COMPRENDS PAS!

-J'comprends pas quoi?

-C'est qu'je l'aime! JE L'AIME! J'suis bien sérieux. J'suis en amour avec Yoko! Ça ne peut pas se finir de même! JE L'AIME!

Disant cela, le zigneur devenait franchement inquiétant. Ses arcades sourcilières convergèrent vers ses narines de boeuf qui laissèrent s'écouler une morve de tristesse et de haine.

-Tu comprends pas Jack! Là ! Tu comprends pas! hurla le zigneur.

-J'comprends pas quoi, man? répliqua fermement Jack, prêt à lui en crisser une dans la gueule si jamais il pétait vraiment les plombs, sait-on jamais.

-JE L'AIME! JEEEEE L'AIME!!!

La serveuse du Bravissimo, une femme patiente comme mille qui devait affronter des meutes d'ivrognes toutes les nuits, vint avertir les deux zigotos de baisser le ton.

-Vous ne comprenez pas mademoiselle! Je l'aime cette fille-là! JEEEE L'AIME!!!

-Bon, ben j'pense que j'va's y aller, termina Jack en payant sa facture.

Le type pleurait maintenant au-dessus de sa poutine.

-Bou-hou-hou! Je l'aime! Je l'aime...

Par compassion pour ce retardé, Jack vint pour lui donner une petite claque dans le dos mais se ravisa, par pragmatisme.

-Salut man. Faut qu'j'y aille...

-Bou-hou-hou... Je l'aime, répondit le zigneur.

Une fois dehors, Jack respira un bon bol d'air frais en se réjouissant de s'être sorti de cette situation intenable. C'était maintenant le temps d'aller rejoindre les deux filles. Et toutes sortes de fantasmes lui passaient par la tête. Ce qu'il savait, c'est qu'il devait adopter pour stratégie l'exact contraire de celle pratiquée par le zigneur.

Il se pointa donc chez les filles qui l'accueillirent avec une bière. Puis ils jasèrent un peu, fumèrent un peu, s'enlacèrent un peu, tous les trois quoi, comme dans les films de cul que vous pouvez louer à trois pour dix piastres.

Après une bonne heure de gymnastique, le téléphone se mit à sonner dans l'appartement des deux meilleures amies du monde, partageant tout, buvant au même verre, suçant le même glaçon.

Ça sonna un coup, deux coups, trois coups.

Puis une voix se fit entendre sur le répondeur. Une voix reconnaissable entre mille. C'était la voix du zigneur!

-Shit! déclara Yoko. J'lui ai laissé mon numéro de téléphone!

-T'es mon ange! disait le zigneur. Mon amour! Ma fée! Tu étais là avec moi au début des Temps! Ton aura de pur amour brille dans le cosmos comme mille galaxies en feu!

Le trio, sur ces belles paroles d'amour, se remit en action.

Jack n'était pas prêt d'oublier ce samedi soir.

Et les petites madames donc...

Et le zigneur...

Quatre personnes partageant un même souvenir vu sous différents angles.

Et il n'est pas nécessaire d'avoir étudié la phénoménologie pour se rendre compte que cette histoire n'a pas de maudit bon sang.

De toutes façons, c'était toujours comme ça avec Jack, des histoires sans queue ni tête.

9 commentaires:

  1. Je l'aime pas, cette histoire-là! Première fois que tu me fais ce coup de cochon. Suspense, suspense, on attend que Jack finisse sa poutine et étende le cave qu'on l'entende pus jérémiader, pis tu nous laisses en plan, les gosses pleines d'irritation, pis après avec les filles c'est pareil, c'est pas assez cochon pour se soulager, pis le troisième acte, tu fais exprès de le finir frustrant aussi, la bière fait pas pssschhht, t'as pas l'air d'avoir soif, c'est somme toute fort en chien de m'avoir tenu en haleine si longtemps pour me crisser trois coups de botte dans les schnolles, mais fais-le pus avant que je guérisse!

    Je t'écris en privé pour te jaser de quelques affaires plus littéraires, genre cuisine-plomberie du texte, des aspects techniques qui n'intéressent que nous, en rapport avec cette INFÂME NOUVELLE!

    Héhé. Bine.

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  2. Dommage en effet, j'aurais bien aimé qu'elle lui sorte par les oreilles, la dèche.

    Et puis, avec deux filles, c'est pas pantoute comme dans les films à 4 piasses…

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  3. Heille! J'fais d'mon mieux! Pis ça coûte rien!

    Cela dit, un peu plus et je flushais cette histoire. Mais il reste un petit quelque chose dedans... Je vais laisser la nouvelle sur mon blogue encore quelques jours, au cas où ça pourrait servir à quelqu'un.

    La prochaine fois, je vais raconter l'histoire d'un gars en train de faire des mots croisés.

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  4. Yo, Butch, on te tire la pipe. Kestu veux, on aime ça le sexe et la violence, pis tu nous les passes sous le nez comme les bobettes de Bruni et y a pas de pay off. On est quadragénaires, mais on est pas morts. Si t'enlèves cette nouvelle de l'univers, j'oserai pus jamais te faire le moindre commentaire: y en a qui sauteraient sur l'occasion, héhé.

    Pas vrai que ça coûte rien. T'as pas arrêté de préciser qu'on t'a débarqué dans les pattes et que t'es débordé de lecture. Nous autres itou. Ça coûte le temps, l'énergie, la confiance, ça coûte tout ce que tu sais très bien que ça coûte, vieux, et que nous considérons tous trois comme pas cher payer.

    Faut que ce bâtard se ramasse une torgnole kekpart, sinon tes lecteurs vont te HAÏR.

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  5. HEILLE !!

    EASY SU' L'ALGONQUIN LÀ-LÀ !


    si'vous plaît?



    Misko

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  6. Ah non ! T'as pas compris, mon gars. Ta nouvelle est bonne en tabarnak. Toi, t'es bon en tabarnak. Sinon, j'aurais pas pris le temps de dire quoi que ce soit.

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  7. Sérieux, je suis assez grand pour départager le bon et le mauvais dans la critique. Et ma nouvelle, initialement, était trop longue. Il y avait presque trois pages de digressions et, je donne ça à Mistral quoi, il a vu juste.

    Pour ce qui est de la dèche et de la violence qui manquent à cette histoire, eh bien je vais y réfléchir. Il est possible que j'y revienne un de ces quatre. Je ne vous aviserai pas. Comme ça vos commentaires auront l'air complètement déphasés et à côté d'la track! Huhuhu!

    L'histoire pourrait aussi se finir autrement. D'abord, Jack irait trouver le gars dans les chiottes, pendant qu'il est en train de chier. Jack ouvrirait la porte de la bécosse et le gars, se relèverait en criant: «Qu'est-cé qu'tu fais là hostie d'malade?» C'est à ce moment même où il serait debout que Jack lui snapperait la porte dans la face, de toutes ses forces, pour l'assommer comme il faut. L'autre tomberait dans la bécosse, évidemment. Et on entendrait l'eau d'la bolle en train de flusher.

    Ensuite, Jack irait rejoindre les deux filles et hop, tralala, la passe de l'hélicoptère sur le phallus et le zipzapzoup ici, la tapoche par là, glouglou, miammiam, pouetpouet, le jus qui gicle, les filles qui passent la moppe et vaporisent du parfum pour enlever les odeurs, puis le téléphone sonnerait et, sur le répondeur, une voix: «Bonjour Yoko! C'est moman! C'est pour te dire que j'ai enregistré ton téléroman à tévé, si tu veux le voir. Ça fait que appelle-moé. Ou passe à maison. Merci. Bye.»

    Bon. Ça s'en vient pas pire.

    Le truc, c'est de délirer toujours plus dans ces histoires de cul.

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  8. Deux filles, c'est très spécial. Ça devient très… féminin.

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  9. Beeeen! C'était ty si difficile?

    All right, la porte de chiottes dans le front, le Jack qui plonge dans la porcelaine, ouf, ça fait du bien. Pour le cul, stie, tu sais ben qu'on veut pas entendre la mèere de la fille après le climax. Quand ka asse la moppe pour oter les odeurs, ca torche.

    :-)

    Pic va pas être content. Je serai pas au programme.

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