samedi 30 janvier 2016

Une, deux!!! Gauche, droite!!!

Je suis un couche-tôt tout autant qu'un lève-tôt. Je profite de la nuit pour dormir et me lève avant l'aube pour savourer mon premier café en toute quiétude.

Il m'arrive malheureusement d'être perturbé par les hurlements des drogués et autres ivrognes qui déambulent sur les trottoirs du centre-ville.

C'était le cas ce matin.

-Une, deux! Une!!! Gauche-droite! Gauche-droite! jappait un cave,

-Qu'est-cé qu'il a pris celui-là? me suis-je dit en moi-même. Un autre imbécile qui est sur le crystal-meth et se croit de retour d'Afghanistan...

-Une, deux! Uneee! continua-t-il de plus belle.

Ma blonde se lève et, plus curieuse que moi, regarde par la fenêtre.

Un régiment de trente cadets est au garde à vous sur la rue Niverville, à trente pas de chez-nous, devant la boutique de la coiffeuse...

-C'est pas un ivrogne, c'est un régiment de cadets qu'elle me dit,

-J'ai mon hostie d'voyage! que je m'étonne d'ajouter en regardant moi aussi par la fenêtre.

Que peut bien faire l'armée dans les rues de Trois-Rivières à six heures du matin? Pourquoi un régiment est-il stationné à trente pieds de notre logement?

Mystère et boule de marde.

Je regarde par la fenêtre trente secondes plus tard. Le régiment est parti.

Attendait-il leur tour pour une coupe de cheveux?

S'en allait-il déjeuner à la Binerie Chik au coin de la rue Niverville?

Je n'en sais rien de rien.

Les ivrognes du centre-ville sont de plus en plus surprenants par les temps qui courent...

samedi 23 janvier 2016

Les arts sans honneurs et sans médailles

Feu Alexis Klimov, mon professeur de philosophie dont je vous parle souvent, avait coutume de nous dire qu'il faut se méfier de ceux qui reçoivent des honneurs et des médailles. Je ne me méfiais pas de lui, même s'il en avait reçu des tonnes. Il en riait lui-même.

J'ai compris avec le temps qu'il n'y avait pas pire échec que la réussite.

Réussir dans une société injuste et immonde c'est nécessairement collaborer avec elle.

Collaborer à l'injustice et aux immondices.

Voilà pourquoi je me tourne souvent vers les proscrits de toutes conditions et trouvent mes maîtres aux portes des cités, près des bacs à déchets.

J'ai pris Diogène le cynique pour modèle philosophique.

Le monde ne sera jamais prêt à reconnaître son génie parce qu'il lui était impossible de recevoir des honneurs. Lui en aurait-on offerts qu'il les aurait maudits en ricanant, dissuadant tout bourgeois de subir son ingratitude.

Cela explique aussi l'estime que je porte envers Léon Bloy, un écrivain détestable, pamphlétaire catholique que les catholiques eux-mêmes ne devaient pas supporter. Idem pour Georges Bernanos.

Ces deux-là étaient des voix qui crachaient dans le dessert des riches.

On ne pouvait pas leur octroyer un prix Nobel. Ni une récompense littéraire.

On ne pouvait que les détester entre deux bouchées de caviar et deux gorgées de champagne.

***

Je sais que je divague et passe naturellement du coq à l'âne.

Si je me mettais à réfléchir avant d'écrire, je ne ferais qu'accumuler des pages blanches.

Il n'y a rien de stratégique dans mon art. Rien de réfléchi. Rien d'autre que de l'intuition pure et les connaissances techniques nécessaires pour ne pas me faire reprocher d'être un illettré. Je préfère, de loin, qu'on me traite de fou plutôt que d'incompétent.

Cela dit, je dois poursuivre sur le thème des médailles et des honneurs.

J'ai vu hier deux énormes panneaux affichant les photomontages d'un artiste au centre-ville de Trois-Rivières. C'était d'une laideur absolue et, par conséquent, deux oeuvres fortement subventionnées. On voyait sur le premier panneau deux cabanes d'oiseaux, un clocher d'église, un triangle jaune et du béton gris. Sur l'autre, c'était quelqu'un qui semblait emballé dans du plastique. Deux photos horribles, dénuées de pouvoir d'évocation, De la laideur à la hauteur du profond ennui que cela suscitait.

Quelque fonctionnaire stupide d'un quelconque comité public s'est empressé de balancer du fric au pseudo-artiste de cette niaiserie insignifiante. J'imagine qu'il devait y avoir au moins trois ou quatre zéros précédés d'un chiffre sur le chèque qui lui a été remis.

Cet artiste a dû recevoir des médailles, des honneurs et autres récompenses pour sa volonté de nous faire détester l'art et les artistes.

Pendant ce temps, des tas d'artistes-peintres, de sculpteurs et de bosseurs ont continué de mariner dans leur jus en se demandant pourquoi ils se cassaient le cul à donner du sens et de la beauté à leurs oeuvres quand une petite cabane d'oiseau entourée de deux étrons aurait certainement été récompensée.

Il en va des arts comme des lettres.

On décerne des fonds publics à ceux qui n'intéressent personne.

Si tu peux intéresser quelqu'un à ton art, tu es tout de suite disqualifié.

L'argent public, les honneurs et les récompenses doivent revenir aux nullités et aux remueurs d'excréments.

-Cet artiste qui fait des photomontages idiots crèverait de faim sans les fonds publics! Ce type-là qui peint à l'huile des tableaux dignes des peintres flamands de la Renaissance ne mérite pas d'être reconnu...

L'art moderne est tout gagné à la vacuité et à la fatuité des bourgeois!

Évidemment, il se trouve des tas de revues spécialisées tout aussi nulles à chier pour parler des cabanes d'oiseaux et des étrons de cet artiste. Il faut bien qu'il vive cet artiste incompris et toujours couvert d'honneurs...

***

D'aucuns diront que je suis jaloux. Ce n'est pas tout à fait vrai. Je sais bien que je fais partie de ces artistes indépendants qui ne gobent pas de subventions et ne reçoivent ni médailles, ni honneurs et ni couverture de presse. J'en suis un peu responsable puisque j'affiche ouvertement mon mépris des institutions, n'assiste jamais aux vernissages et encore moins aux cinq à sept patriotiques. Je suis mon chemin sans rien quémander et j'emmerde les bourgeois.

Vous vous tromperiez de croire que je ne parle que pour défendre mon point de vue.

Je prétends plutôt présenter froidement des faits.

Les grands artistes que je connais, tant dans les domaines de la peinture, de la musique ou des lettres, sont invariablement solitaires et suspicieux envers les institutions.

Si le succès les atteint, c'est par leurs propres efforts, sans passer par telle ou telle association de pique-assiettes et autres parasites des arts.

***

Je parle tout de même un peu de moi, je sais bien.

J'ai la chance de vendre mes toiles sans passer par des comités, des associations et autres regroupements de cloportes.

Le jugement de mes pairs m'importe peu.

Mes textes sont publiés régulièrement sur ce blogue et je me sens comblé comme si j'avais publié sur du papier pour telle ou telle grande maison d'édition spécialisée dans l'art de charcuter les auteurs. Si X est sur le comité de rédaction, tout ce qui sera publié ressemblera à X. Si c'est Y, vous en aurez du Y. On prend tel ou tel larbin, on l'agenouille devant X ou Y et on lui fait faire du X et du Y avec ce qu'il croyait être du Z...

Allez vous faire foutre, X et Y. Je suis Z et ne deviendrai jamais votre pantin. Plutôt crever.

***

Je peins et j'écris depuis des lustres. Je crois avoir produit une oeuvre digne de ce nom. La réussite au sens strict m'échappe. J'obtiens la reconnaissance de grands artistes et grands écrivains, par ici et par là, et cela me suffit.

Je ne suis jamais photographié avec des bourgeois dans les pages des journaux et des revues.

Je ne suis jamais en présence d'artistes minables qui font des photomontages ridicules pour se faire graisser la patte.

Je ne fais que peindre, écrire et jouer de la ruine-babines.

Et si j'ai l'air de me plaindre, c'est parce que je plains mes semblables, mes frères et soeurs des arts et des lettres qui sont confinés à produire du sens dans un monde qui en est totalement dénué.






jeudi 21 janvier 2016

Les riches et les pauvres

Les riches n'ont que des vertus. La preuve, c'est qu'ils sont riches. S'ils n'étaient pas si riches, si la réussite ne les avait pas frappés de la marque de la Fête, eh bien ils seraient vicieux, mal intentionnés et pauvres comme trois fois moins que Job. D'où cette nécessité qu'éprouvent les cocus moyens et autres larbins de service de se prosterner devant les riches. Et de piétiner les pauvres pour que ce soit bien clair qu'ils ne veulent pas devenir comme eux.

Le pauvre traverse son destin en se maudissant pour tous ses échecs et ses infortunes.

Un riche traverse ce monde en se trouvant honorable et plus que parfait.

-Regardez comme je suis bon, bien intentionné et admirable en toutes choses! Tout ce que je fais n'est que beauté, développement économique et profits gargantuesques! Sans ma richesse, ils crèveraient tous de faim. Si je ne paie pas d'impôts, c'est bien la moindre des choses... Que ferait-on sans moi et sans mon argent? Rien. Et si je prends des fonds publics, c'est pour faire fructifier l'argent. Qui sait faire de l'argent? Un fonctionnaire ou bien des types comme moi? Vous ne savez pas produire de l'argent avec de l'argent. C'est tout à fait normal que je vous l'enlève d'entre les mains, sales communistes! Que feriez-vous avec cet argent, sinon créer de faux espoirs chez les faibles dont le rôle est d'être faibles et d'accepter de le rester... Est-ce que j'accepte mon destin, moi? Bien entendu. J'accepte d'être riche. J'accepte d'être dérangé à toutes les cinq minutes pour payer ceci ou cela, savourant à peine quelques récompenses pour toutes ces obligations suscitées par mon argent qui les rend tous jaloux, envieux et bourrés de ressentiments!

Les riches ne puent pas quand ils chient.

Les riches ne disent que des choses sensées et pleines d'esprit.

Les citations d'un riche, aussi banales qu'elles puissent paraître, valent tous les mots d'esprit des philosophes passés, présents et futurs.

C'est donc tout à fait normal de voir autant de politiciens leur lécher la raie.

C'est tout à fait normal de voir les petits rêver de devenir gros tout en se faisant déplumer par les riches.

Un riche qui est malade est déjà presque guéri.

Un riche qui a faim est tout de suite rassasié.

Un riche qui a soif n'a jamais la bouche sèche très longtemps.

Un riche qui pue peut se parfumer.

Un riche qui rote ne fait que digérer poliment.

Mais les pauvres! Ah ces maudits pauvres!

Ils font honte à l'humanité toute entière avec leurs cris, leurs pleurs et autres atermoiements.

Les pauvres se reproduisent et créent des nations de misérables.

Les pauvres sont des bandits en devenir qui peuplent les prisons et dépouillent la nation de toute forme d'ambition.

Les pauvres sont la plaie de notre monde.

Ils veulent tout sans efforts, sans économiser, sans sacrifices.

Ils préfèrent vivre sans manger, sans dentier et sans soins médicaux.

Les priorités des pauvres sont toujours à la mauvaise place.

Ils boivent comme des trous.

Ils se droguent.

Ils puent.

mercredi 20 janvier 2016

Voire de rien du tout

Tout finit par sembler d'une extrême insignifiance lorsque l'on atteint un certain point de saturation quant à notre capacité d'absorber tous les drames, horreurs et cataclysmes qui s'abattent sur le monde.

Les bulletins de nouvelles se nourrissent essentiellement de comportements pathologiques et de catastrophes naturelles. S'il ne se passe rien à cinq cents kilomètres à la ronde, on finira bien par mettre la main sur un homme qui s'est fait découper en rondelles à l'autre bout de la Terre. Ce pauvre homme sauvera, ce jour-là, nos misérables nouvelles.

Si d'aventure je consulte les actualités, je m'attends toujours aux mêmes nouvelles. Je regrette de laisser entendre qu'un attentat puisse paraître banal et soulever à peine mon indignation. C'est que j'ai atteint, bien malgré moi, ce point de saturation qui confine à l'indifférence.

Ce matin, je savais à l'avance que les nouvelles traiteraient d'attentats commis par l'État islamique, de bombardements en série et d'autres perturbations économiques.

Je les ai consultés rapidement, sans intérêt, sans critique ni commentaire.

Cela ne veut pas dire que je manque de compassion.

En fait, cela voudrait plutôt dire le contraire.

J'ai besoin de compassion en chair et en os bien plus que de ce qui m'apparaît comme une abstraction intellectuelle.

Les nouvelles sont devenues des vues de l'esprit.

Les êtres de chair et de sang qui m'entourent sont la seule et unique réalité.

Je n'ai rien de très intelligent à vous écrire aujourd'hui.

Sinon que je suis lassé des nouvelles.

Peut-être parce que je suis en vacances...

Je ne trouve pas le moyen de les gâcher avec tout et rien.

Ce billet lui-même est de trop et n'aurait jamais dû être rédigé.

Le mieux était encore de vous parler de bouffe.

Ou bien de musique.

Voire de rien du tout.


vendredi 15 janvier 2016

Le grand jeu démocratique de marde

J'ai longtemps eu cette naïveté de croire au grand jeu démocratique sans chercher vraiment à l'analyser en profondeur. Je me disais inconsciemment qu'il n'y a rien de parfait, sinon l'imbécillité, et cela me suffisait pour voir le monde par le petit bout de la lorgnette.

Puis vint le Printemps Érable, en 2012, qui me dessilla les yeux en plus de ramener à la surface tous les doutes de mes abysses philosophiques.

Les dettes publiques, l'impôt, la richesse et la pauvreté des nations: tout m'est apparu sous l'angle de la corruption généralisée de nos élites.

Depuis, j'aborde les actualités avec scepticisme.

Je ne m'attends à rien d'honnête des crapules au pouvoir.

Je me doute que nos gouvernements sont pris en otage par les banquiers et que seul le mensonge peut sortir de la bouche de nos prétendus représentants du peuple.

Il se dit bien une vérité de temps à autres. Lorsqu'on dit que la pêche aux petits poissons des chenaux ne va pas très bien, je ne peux qu'acquiescer compte tenu de la minceur de la glace. Par contre, lorsqu'on me tient des discours sur le pétrole, l'État islamique, les réfugiés ou bien la dette publique, je ne peux que m'enrager contre toutes les flopées de bêtises qu'on sert au peuple via les canaux traditionnels des communications. Les banquiers financent la maladie et le remède. Ils financent les terroristes et les combattants du terrorisme. Et quand tout est en ruines, ils mettent la main sur tout pour un quignon de pain rassis.

Ce que je croyais naguère n'être que des lubies de conspirationnistes me semblent maintenant des hypothèses envisageables.

Je ne m'attends à rien d'autre que des conspirations de ces bandits qui préfèrent l'amour du pouvoir au pouvoir de l'amour, pour paraphraser Jimmy Hendrix.

Vous croyez au hasard? N'allez pas en politique! Tout est pensé, pesé et soupesé pour nous faire avaler n'importe quoi.

On accuse les Russes de ceci ou cela, à tort ou à raison, et je me dis que nos gouvernements ne valent guère mieux. Ils tuent eux aussi lorsque c'est nécessaire et ne font pas de publicité ensuite. Ils balancent des bombes, traquent les opposants à leur doctrine, menacent les uns et les autres sans en avoir l'air. Ils jurent la main sur le coeur qu'ils servent l'égalité, la liberté et la fraternité. Dans les faits, ils servent leurs propres intérêts. Ils veulent nos biens plutôt que notre bien.

Ils se donnent des airs bon enfant avant que de souiller la vie, le fleuve et tout ce qui leur tombe sous la main.

Ils se trouvent des raisons pour justifier qu'un syndicaliste soit découpé en rondelles dans la jungle amazonienne.

Ils s'inventent des vertus et se servent des cloportes des médias traditionnels pour faire accroire à tous les ploucs que nous sommes que tout est sous contrôle, que nous allons réduire la dette et mettre fin à cette satanée justice sociale qui nous fait vivre au-dessus des moyens dont on nous prive. Tout le monde devrait savoir que l'argent sert à enrichir la mafia et non pas à paver des routes ou bien financer des écoles de serfs qui feraient mieux de casser des cailloux sur le bord des autoroutes.

Et voilà que nous reculons de cent ans. Qu'on laisse aux gens de décider du genre de société qu'ils veulent et laissons la charité ou l'égoïsme faire son oeuvre. Mettons fin aux retraites. Abolissons les lois du travail. Transformons toute cette masse d'abrutis payeurs de taxes en serfs du Moyen-Âge, condamnés à travailler toute leur vie soixante-dix heures par semaine, sans espoir de vivre une vie digne de ce nom.

Endettons tout le monde et lorsqu'ils seront tous pris à la gorge, on fera comme on a fait aux Indiens. On obtiendra leurs territoires pour une bouchée de pain et on parquera tous ces crottés dans des réserves où on les affamera chaque jour un peu plus, jusqu'au génocide. Des armées de drones leur empêcheront de sortir du dôme où on les parquera tous. Et on inventera bien une aide médicale à pourrir pour tous ces parias.

***

Non, je ne crois plus à la politique politicienne.

Je ne crois plus à la démocratie parlementaire conventionnelle. Les commentateurs et chroniqueurs des médias traditionnels m'apparaissent tous comme d'immondes faux-culs vendus au plus offrant. Ils ont les idées en fonction de l'épaisseur de leur portefeuille. Ils se désolidarisent facilement des trous du cul et autres sans-culottes édentés quand vient le temps de prendre un bon repas au restaurant.

Ils nous servent une morale pour laquelle ils sont grassement payés.

Et ils nous disent de nous méfier des médias indépendants, des sans-chemises qui bloguent et autres canailles qui twittent...

Ils ont bien raison.

Ce monde-là finirait par s'écrouler si on le remettait en question.

Nous vivons dans le meilleur des mondes qui soit.

C'est un monde de crapules mafieuses mais ce sont nos crapules mafieuses.

Les chiâleux ont toujours tort puisqu'ils n'ont pas un sou vaillant.

L'argent justifie tout.

L'argent est la seule raison qui soit.

La pauvreté se trompe toujours.

Donneriez-vous le pouvoir à Diogène le chien, ce philosophe qui vivait dans un tonneau et se nourrissait de déchets?

Pas du tout.

Nous avons besoin de légumes frais.

Nous avons besoin de billets de loterie.

Nous avons besoin de nous faire mener par le bout du nez par des hordes de malfaiteurs qui savent ce qui est bon pour eux-mêmes et tiennent fortement à ce que nous ne venions pas compromettre l'avenir de leurs enfants.

Vos gueules, crottés de tous les pays!

Vos gueules, travailleurs et payeurs d'impôt qui puent la pauvreté!




jeudi 14 janvier 2016

Murielle Merseault a les cheveux doux et soyeux

Je suis loin d'être un exemple à suivre et pourtant il se trouve trop d'aimables personnes pour entretenir cette fausse idée que je sois un sage. Je ne sais pas d'où ça leur vient. Comme disait Cioran à ses admirateurs: je ne suis qu'un plaisantin.

Il se trouve fort heureusement des tas de gens pour prétendre que je ne sois pas un sage et encore moins un plaisantin. Ils pourraient même dire que je sois un idiot ou, pire encore, qu'ils ne savent pas qui c'est Gaétan Bouchard...

Cela dit, je ne m'empêche pas de jouer au moraliste quand cela me vient à l'esprit. Pour dire vrai, je me sens plus d'affinités avec les conteurs qu'avec les curés. Je suis plus près de Ti-Ben, mon conteur préféré, que je ne le suis de l'évêque de Rome ou autres élégants masturbateurs frénétiques.

Pourtant, il y a toujours l'ombre d'une petite morale derrière mes contes et fabliaux. Est-ce un effet littéraire ou bien un sentiment qui m'est intrinsèque? Je n'en sais rien. Il faudrait que je me connaisse encore mieux moi-même. C'est que je suis loin d'en avoir fini avec mes confessions et autres concessions à ma bêtise.

***

Cette longue introduction m'amène à vous parler de Murielle Merseault, une dame que je connais fort peu mais de qui je retiens une leçon que je vous sers ici pour vous donner mauvaise conscience.

Mureille Merseault est une femme qui sent bon parce qu'elle se lave et se parfume finement, sans excès. Elle a les cheveux doux et soyeux même si je n'y ai jamais touchés. Elle doit se teindre en blond parce que ses sourcils sont trop foncés pour sa coiffure platine. Elle a aussi les dents blanches et très droites, trop éclatantes pour que ça ne soit pas un dentier, mais bon qui s'en soucie, hein?

Pour le reste, elle gagne bien sa vie, a une belle maison, une belle voiture, un bon mari, de beaux enfants, une belle piscine, un beau spa, un chalet, un lave-vaisselle, un broyeur à déchets et peut s'offrir plusieurs voyages dans le Sud ainsi que des années sabbatiques à répétition.

Murielle gère sa vie au doigt et à la règle. Rien ne dépasse jamais. Tout est pensé, soupesé et budgété.

Pour se détendre, elle intervient sur les médias sociaux pour rappeler à tout un chacun comment elle est belle, bonne et bien avisée en toutes circonstances.

Murielle est pareille dans la vraie vie. Elle rappelle constamment aux uns et aux autres qu'ils ne sont pas tenus d'être pauvres, laids et confinés dans la misère ou la maladie. C'est une optimiste, une pro-active, une vraie de vraie.

Elle connaît tous les proverbes qui rappellent à l'humanité qu'on peut y arriver et qu'il n'y a qu'aux paresseux que reviennent toutes les infortunes de ce monde.

Hier, apprenant qu'on avait fermé un centre de désintoxication, faute de financement de l'État, elle ne manquait pas de rappeler à tout un chacun qu'elle ne se drogue pas et qu'elle ne boit jamais.

-Je n'ai pas à payer pour ceux qui boivent et se droguent! qu'elle disait. Moi je mange santé et je ne bois que des boissons saines. Pourquoi devrais-je payer pour ceux qui s'empoisonnent? Pourquoi devrais-je payer la thérapie des voleurs et des bandits? Qu'on leur fasse casser de la roche et construire des routes!

Évidemment, elle ramenait tout vers elle. Les autres n'existaient qu'à travers sa propre expérience existentielle. Se drogue-t-elle? Non. Boit-elle? Non. A-t-elle perdu la garde de ses enfants? Non. L'a-t-on déjà violé? Non. Est-elle victime d'inceste? Non. Alors pourquoi tous ces gens se plaignent-ils alors qu'elle est un exemple vivant de talent et de réussite? Pourquoi se laissent-ils violer? Pourquoi laissent-ils la pauvreté entrer dans leur demeure? C'est qu'ils le font exprès!

Murielle Merseault vote libéral, évidemment.

Elle n'a que de bons mots pour l'austérité et ne voit rien de mal à ce que notre Premier ministre ait été grassement payé par l'Arabie Saoudite, un pays sanguinaire qui fait partie des pires dictatures de la planète en plus de financer le terrorisme international.

-Il n'y a que les jaloux pour dire qu'on ne doit pas faire de l'argent!

Quand on lui dit que les banquiers sont des bandits et des scélérats, elle nous rappelle aussi qu'elle a toujours bien payé ses dettes et qu'elle ne doit rien à personne.

Quand on lui dit qu'on paie trop d'impôts, elle vous dit de vous payer les services d'un bon comptable qui connaît tous les trucs pour que les bourgeois ne paient jamais un sou et laissent aux gens moyens le fardeau de se faire plumer par l'État.

Vous n'aurez jamais raison avec Murielle Merseault parce que vous n'êtes pas aussi belle, aussi bonne et aussi prospère qu'elle ne l'est elle-même. Sa réussite lui donne le droit de vous regarder avec condescendance en méprisant vos mauvaises odeurs de cigarette et d'alcool frelaté.

Vous puez tous un peu au nez de Murielle.

Murielle Merseault sent toujours très bon. Et ses cheveux sont doux et soyeux...

mercredi 13 janvier 2016

Les honnêtes gens n'ont pas d'empathie

J'ai longtemps cru que l'empathie se trouvait chez tout un chacun. Je le croyais par excès d'empathie... Au fil des ans, j'en suis venu à penser que l'empathie est une qualité rare. Elle est souvent vantée pour une raison qui m'échappe. On la méprise plus souvent qu'autrement.

Il devait se trouver des tas d'Allemands, qui se croyaient bons et honnêtes, pour envoyer des pauvres gens à la chambre à gaz.

Mon bon vieux prof Alexis Klimov, qui a grandi en Belgique pendant la Seconde guerre, ne manquait jamais de nous rappeler qu'il faut se méfier des honnêtes gens. Ce sont eux qui dénonçaient les Juifs, les communistes et les homosexuels qui tentaient d'échapper à la fureur des nazis. Alors que ce sont probablement les mécréants, les vauriens et les voleurs qui les prenaient en pitié.

Nous ne vivons heureusement plus au temps des nazis mais il semble que les gens n'aient pas tant changé pour autant.

J'entends à tous les jours des propos mesquins sur les pauvres, les assistés sociaux et les étrangers. J'entends moins souvent des propos sévères envers les riches, les mafieux et les vendeurs d'armes de destruction massive bien de chez-nous.

On s'amuse à frapper les gens qui ne peuvent pas se défendre et on disculpe les bandits à cravates.

On déteste les victimes et on encense les bourreaux.

On confirme les points de vue du Marquis de Sade sur la nature humaine. On trouve raisonnable que le vice prospère et que la vertu souffre d'infortune.

***

Hier, vers six heures trente du matin, j'ai vu un pauvre homme qui faisait la tournée des cendriers installés à l'entrée des commerces. Il faisait moins vingt Celsius et le misérable était monté à vélo pour se promener d'un endroit à l'autre dans l'espoir de faire une bonne cueillette de mégots.

-Y'a juste à arrêter d'fumer! diront les honnêtes gens.

Et moi, qui ne suis pas tout à fait convenable, je regardais le gaillard faire sa tournée de mégots avec une tristesse au coeur dont je n'ai parlé à personne, sinon à ma blonde, la seule qui fusse en état de la comprendre.

La plupart des gens n'ont aucune empathie pour les trous du cul qui fument des botches.

Ils ne peuvent pas se mettre dans la peau et les souliers d'un crotté.

Ils le frapperaient à coups de bâton s'ils ne craignaient pas tant la loi. Si la loi le permettait, ils s'en donneraient à coeur joie pour frapper les crottés, les juifs et les immigrés...

***

Je vous mentirai de vous dire que je suis nourri d'espoir envers l'être humain.

J'en ai fort peu.

Pour une personne qui a du coeur, j'en vois des centaines qui se moquent éperdument de tout ce qui n'a pas trait à leur garde-manger ou leurs loisirs.

C'est comme ça depuis que le monde est immonde.

Cela ne veut pas dire que je doive me ranger à cette idée.

Je cultive mon empathie comme une fleur précieuse qu'il faut souvent arroser.

Je ne dis pas que je suis le meilleur homme sur terre.

Néanmoins, force m'est d'admettre que je dois malheureusement faire partie des gens bons...


lundi 11 janvier 2016

L'amour n'est pas pour les intellectuels désincarnés

Justin Laramée est un homme qui se croit intelligent et entend le paraître autant que faire se peut pour éviter tout soupçon d’ignorance. C’est un travail de tous les instants qui nécessite souvent de piler sur son instinct. Il lui faut lire des livres que personne n’aime lire et regarder des films qui laissent tout le monde indifférent. 

-La captive du désert! Quelle oeuvre admirable! dit-il du film de Raymond Depardon. Sandrine Bonnaire y est sublime. Le film débute sur un long plan fixe d’une caravane de chameaux qui traverse le désert… On sent le désert. On le goûte. On le déguste!

Ce film est franchement nul à chier et il est probable que Justin Laramée le sache en son for intérieur. Par contre, tous les intellectuels de sa clique ont décrété que ce film est la quintessence du septième art, ce qui rend impossible toute forme de critique primaire.

-Enfin! C’est tout de même Sandrine Bonnaire! Et Depardon, quel œil!!!

Justin Laramée visionne en cachette des films hollywoodiens mais se prive de tout commentaire à ce sujet. Il faut dire que n’importe quel ahuri peut trouver sans efforts des failles dans les scénarios préfabriqués des cinéastes américains. Leurs méga-productions sont souvent prévisibles du début jusqu’à la fin. Alors que Depardon… Non.

On peut imaginer un film français avec un personnage qui se décrotte le nez pendant trois heures en lisant à voix haute La Nausée de Jean-Paul Sartre. On ne peut pas s’imaginer trente minutes de cinéma américain sans un couple divorcé qui se reforme pour se remarier devant un pasteur chauve.

Tout ce qui précède devrait nous permettre de comprendre ce qui se trame dans la tête de Justin Laramée, ce gaillard toujours plus sérieux qu’un pape qui aime ce que personne n’aime et refuse tout ce qui est banal pour mieux correspondre aux exigences de sa caste de petits-bourgeois malheureux.

***
René Guimond, c’est tout le contraire de Justin Laramée. C’est un petit gros jovial qui trouve toujours quelque chose de positif à dire sur de petits riens. Il aime le chant des oiseaux, la brise qui souffle dans le feuillage des arbres, les films avec Russell Crow, les disques de Plume Latraverse et même le cinéma indépendant quand ce n’est pas trop soporifique.

-J’ai vu les films de Xavier Dolan… C’est pas mauvais… C’est tourné comme des vidéo-clips.

On pourrait dire à prime abord que René Guimond vit un bonheur factice.

Pourtant, on le voit toujours main dans la main avec sa blonde. Ils se font des câlins, des embrassades et des petites caresses qui rend malade Justin Laramée, qui habite d’ailleurs devant le logement de René Guimond.

-Il vit un amour tout à fait banal ce Guimond! Très américain! Les caresses, les embrassades, la main dans la main… Pouah! Ça ne vaut pas ma relation avec Mireille-Luce Lamirande, ma muse, qui peut avoir autant de copains qu’elle veut et me permettre de rencontrer moi aussi toutes mes copines… Enfin! Celles qui souhaitent encore me voir… Nous sommes un couple libre, ouvert et post-moderne… Mais eux!!! Eux sont encore en 1950! De vrais traditionnalistes bébêtes qui croient que l’amour est unique comme dans les productions hollywoodiennes!

-Justin… l’interrompt Mireille-Luce, je ne sais plus si je préfère Jean-Michel à toi… J’aurais besoin d’un répit… J’ai pensé qu’il pourrait vivre chez-nous pendant un mois… Nous coucherions en haut, dans la chambre, et toi tu prendrais le divan… C’est très important pour moi et ma croissance personnelle… J’ai besoin de me retrouver… J’ai besoin de tout sauf de banalités…

-Heu… Bien sûr ma très chère… Nous ne sommes pas des australopithèques… L’exclusivité c’est pour les singes comme ce Guimond…

-Très bien mon chou… J’appelle Jean-Michel tout de suite et il emménage ce soir pour un mois…

***

Et, pendant un mois, Jean-Michel et Mireille-Luce se mettent à fourrer à plein cul, ce qui empêche Justin de dormir. Qu’à cela ne tienne! Il en profite pour réécouter La captive du désert et relire Roland Barthes avec, parfois, une larme à l’œil qu’il ne s’explique pas.

Pendant ce temps, René Guimond et sa blonde, qui s’appelle Marie Lavoie, se font de petits mamours sur le perron tout en se flattant mutuellement le bas des reins.

-Ils ne doivent pas être heureux en face, prétend Guimond. Ils ont l’air tellement coincés… Tout a toujours l’air bien trop compliqué pour eux… Tu leur dis que c’est une belle journée, qu’il fait soleil et tout, et les voilà qui se mettent à répondre qu’ils engagent rarement la conversation sur ce genre de lieux communs…

-Tu sais, René, je n’aimerais pas être une intellectuelle… Ils ont l’air de vivre des vies tellement fuckées… Plus ils vont à l’école et plus ça leur monte à la tête… Ils finissent par ne plus apprécier les petites choses de la vie qui peuvent vous rendre heureux… Tout devient un drame, une tragédie, un monologue tristounet… Comment font-ils pour prendre toujours le chemin le plus long pour se rendre nulle part?

-On ne peut pas vivre leur vie à leur place… Et c’est pas moi qui perdrais son temps à lire Roland Barthes…

-C’est qui Roland Barthes?

-J’sais pas…

-Est-ce que tu m’aimes mon loup?

-Tu sais bien que je t’aime mon petit lapin bleu…

-Moi aussi je t’aime grand fou…

-Tu es ma tibidou bidoune!

-Hahaha!

-Hohoho!

vendredi 8 janvier 2016

La pétillante Sheila et ses selfies de marde

Sheila était forte sur les autoportraits. Elle passait son temps à se photographier pour nourrir sa page Facebook. On pouvait la voir sous toutes ses coutures. Sheila le matin avec les cheveux dépeignés. Sheila le midi devant son repas pris à tel ou tel restaurant. Sheila en tenue de soirée. Sheila en tenue coquine. Sheila en train de chier...

Évidemment, elle était fortement médicamentée pour contrôler les troubles de sa personnalité qui lui faisaient faire de l'hyperventilation.

Sheila avait une opinion sur tout mais disait surtout des choses insignifiantes qu'elles tenaient pour des perles.

Elle aurait pu être belle si elle n'avait pas été aussi conne. Elle avait tout pour plaire à un producteur de films pornos mais surestimait largement son charme ainsi que sa libido. Elle s'intéressait tellement à elle-même qu'elle s'attendait à ce que n'importe qui tombe à la renverse lorsqu'elle prenait sa célèbre pose d'actrice ratée. Elle n'avait que des mauvais mots à dire sur tous ses amants. Untel puait des pieds, l'autre puait de la gueule, l'autre était un maniaque sexuel... Bref, ils étaient tous des incapables et n'arrivaient pas à sa cheville de princesse.

Lorsque sa pauvre mère tomba malade, Sheila se rendit d'abord chez sa coiffeuse pour se faire teindre en noir. Puis, se souvenant que sa maman était à l'article de la mort, elle confia à tous ses amis Facebook qu'elle souffrait beaucoup trop pour lui parler ou bien pour aller la voir.

-La maladie me fait mal en-dedans... J'suis trop sensible... Je bloque... Je ne sais pas quoi dire... C'est pour ça que je ne l'ai pas appelée et que je ne suis pas allée la voir... Le simple fait de penser à sa maladie me rend anxieuse... J'ai pris rendez-vous avec mon thérapeute pour qu'il augmente ma médication... Il m'a dit de ne pas regarder les bulletins de nouvelles et d'aller dans le Sud pour prendre des bains de soleil...

Ses amants, dont son chum officiel, Jean-Luc, le roi des cocus, approuvèrent tous ses choix comme d'habitude.

-Tu dois protéger ta belle sensibilité ma belle, lui avait dit Jean-Luc en espérant qu'elle n'aurait pas mal à la tête ce soir-là et qu'ils pourraient presque faire l'amour ensemble comme c'était rarement arrivé.

Ce soir-là, Jean-Luc dut se faire un noeud dedans comme on dit. Prétextant qu'elle avait besoin de se recentrer sur elle-même, Sheila se pomponna pendant deux ou trois heures pour aller à un party de filles. Évidemment, elle mentait encore. Elle se retrouva dans les bras de Gino Casgrain, un gars qui a une belle Porsche et qui lui a payé le resto, les drinks, la chambre d'hôtel, la dope et tout le reste. Comme tous les autres, Gino s'est fait un noeud dedans lui aussi, se disant que la prochaine fois serait sans doute la bonne.

La maman de Sheila est morte ce soir-là, comme si elle cherchait à faire de la peine à sa fifille si sensible...

Sheila en voulait à sa mère de n'avoir penser qu'à elle.

-Elle meurt quand tout allait si bien dans ma vie et qu'enfin je trouvais mon calme! Mais non! Il fallait qu'elle attire l'attention sur elle... Je n'ai même pas de quoi de convenable à porter pour les funérailles! Je vais devoir emprunter à Gino...

Elle emprunta à Gino. Un emprunt qui signifiait un don en échange de rien, comme d'habitude.

Aux funérailles, Sheila pleurait comme une Madeleine et hurlait sa peine pour bien se faire entendre de tout un chacun.

-J'ai pas pu aller la voir pendant sa maladie! Bouhouhou snifsnif! J'étais trop occupée! Je suis trop sensible pour voir souffrir ceux que j'aime! Bouhouhou!!!

-Voyons Sheila, ma petite lapine, il faut que tu te reposes... lui susurrait Jean-Luc.

-Oui tu as raison mon lapin... Ce soir je vais faire une sortie avec les filles pour me remettre les esprits en place... Je souffre le martyre! Bouhouhou snifsnif!

Le soir même, évidemment, Sheila était avec Marco Gagnon, alias Cro-Magnon, le gars qui a une compagnie de transport. Elle prit quelques selfies d'elle-même mais hésita à les placer sur Facebook parce que Cro-Magnon était à ses côtés à lui rentrer sa langue dans les oreilles.

Elle publia quelques belles citations de croissance personnelle sur sa page Facebook.

Et tous ses amis Facebook se fendirent la gueule pour la réconforter de ceci ou cela.




jeudi 7 janvier 2016

Salle d'attente

Elle se trouvait dans la salle d'attente de son médecin de famille.

On lui parlait mais elle n'y portait pas vraiment attention.

Elle fixait une tache sur un mur.

Elle savait que le médecin l'accueillerait avec une mauvaise nouvelle.

La bonne, c'était cette tache sur ce mur.

Cette tache qui ressemblait à un enfant qui sourit quand on la regardait de côté.



mercredi 6 janvier 2016

Faits d'hiver et bon usage de la langue françoise

Je suis debout depuis trois heures ce matin. Tout plein d'impressions me viennent à la tête. J'aurais pu rédiger au moins dix billets, dont un conte philosophique, une chronique d'opinions, un texte engagé, une critique littéraire et j'en passe! Finalement, je vais me contenter de rapporter ces impressions à brûle-pourpoint, avec le sentiment de négliger mon lectorat...

***

À quatre heures quarante-cinq du matin il ne faut pas s'attendre à ce que je remue ciel et terre. Je suis confortablement installé devant mon écran avec un café. Espace Musique diffuse un air de violon. J'ai une petite vidéo qui simule un feu de foyer. Je devrais me contenter de me la couler douce sans me casser la tête. J'ai pourtant la fièvre d'écrire.

D'abord, il me faut vous parler de ma promenade au-travers d'un nuage toxique.

Cela s'est passé hier en fin d'après-midi. Il était autour de seize heures trente. Je revenais du travail en empruntant, comme d'habitude, l'ancien boulevard Royal. Il porte maintenant le nom de boulevard Gene-H.-Kruger, en l'honneur du fondateur de la papetière Kruger qui nous pollue depuis tant d'années avec la bénédiction de tous les notables et employés d'usine trifluviens.

Un énorme nuage noir flottait à ras le sol. Cela sentait le caoutchouc brûlé et les produits chimiques. J'avais peine à respirer et je me demandais ce qui se passait à la papetière Kruger. Était-ce un incendie? J'ai regardé plusieurs fois derrière moi en m'éloignant de cette colonne de fumée noire. Elle était probablement visible à plusieurs kilomètres de distance. J'y pense et je regrette déjà de ne pas l'avoir filmée avec mon Iphone.

Rentré chez-moi, j'ai tout de suite googlé les mots incendie, Kruger, Trois-Rivières et 2016. Ce qui n'a donné aucun résultat probant. J'avais failli mourir étouffé et cette colonne de fumée noire ne faisait même pas l'objet du moindre fait divers.

J'ai googlé encore ce matin pour obtenir rien du tout...

Que s'est-il passé hier? Je n'en sais rien.

Tout ce que je sais, c'est que j'ai dû me racler la gorge pour cracher deux ou trois coups.

Rien d'anormal... Sinon pour les touristes qui sont unanimes pour dire que ça sent la marde à Trois-Rivières.

***

Passons maintenant à la belle langue de chez-nous.

Ça n'a aucun rapport avec le thème précédent, je le sais bien. Cela explique mes trois astérisques et le fait que je sois submergé sous un flot d'impressions.

L'Internet a flanché à mon travail. J'ai dû communiquer avec le soutien technique de notre fournisseur pour leur faire part de la situation.

Après une bonne demie heure de formalités décevantes, un technicien me rappelle pour me dire que près de trois milles clients étaient "impactés" par cette panne et que le service serait rétabli d'ici vingt-trois heures.

Impactés? Pourquoi pas touchés par cette panne? Ou affectés?

Impacted... Three thousand people have been impacted...

Sommes-nous au Québec ou bien au New-Brunswick?

***

Et je n'en ai pas fini avec notre belle langue!

Pourquoi au Wal-Mart de Trois-Rivières-Ouest une voix avec un fort accent anglais nous indique-t-elle d'aller à telle ou telle caisse?

-Bionnejour aviancé à le caisse throw-a! Bionnejour aviancé à le caisse seppt-heu!

Trois-Rivières est une ville francophone à 99%. C'est la ville la plus francophone d'Amérique du Nord.

Est-ce qu'à Vancouver les clients de Wal-Mart sont dirigés vers les caisses avec l'accent de l'inspecteur Clouzeau?

-Goude dé! Go tout de station truie! Go tout de station fève! Go tout de station séveune!

Pas du tout. Il n'y a qu'au Québec qu'on nous fait la politesse de piler sur notre langue dans les communications officielles. Notre politesse de colonisés rampants qui se détestent eux-mêmes.

***

Et vous croyez que j'ai fini avec notre belle langue?

Pas du tout.

Je suis atterré d'entendre les jeunes parler le franglais. Un mot de français, un mot d'anglais et une langue qui devient un authentique charabia.

-Je suis allé right through that fuckin' place pis là j'ai drivé jusqu'au gas station pour fuller mon brand new car and right after that j'me suis rendu compte que j'étais impacté par la panne d'Internet holy cow!

Je suis convaincu que cette même personne n'utiliserait pas un foutu mot de français si elle en venait à s'exprimer en anglais avec un dude...

Et je vous avouerai que cela me déprime.

Cela donne presque raison à Lord Durham qui croyait que nous étions un peuple sans histoire ni culture qu'il vaudrait mieux assimiler à l'anglais le plus tôt possible au lieu de le laisser pourrir dans une langue qui n'est déjà plus du français.

Ainsi, on ne sortirait plus de l'université avec un diplôme sans maîtriser au moins une langue, fusse-t-elle l'anglais, puisque plus personne ne semble croire à l'importance de maîtriser le français.

***

Je vais sûrement passer pour un vieux chialeux avec ces impressions.

Je les assume tout simplement.

Et m'en retourne illico vers mon café, ma musique douce et mon feu de foyer artificiel.


mardi 5 janvier 2016

Rivard le gros plein d'marde

Rivard, ce gros plein de marde, était marié à une névrosée qui fumait une cigarette à la suite de l'autre en lui reprochant de trop dépenser pour boire et pour fêter. Elle s'appelait Carmen, sa femme, et elle avait les yeux pochés. Elle passait toute ses journées en jaquette devant la télévision.

Rivard avait aussi les yeux pesants et se rasait rarement la barbe. Il se couchait souvent sale, sans se laver, prétextant que sa crisse de folle ne faisait plus l'amour de toute façon. Carmen l'aurait aimé un peu plus propre mais s'était vite rendue compte que c'était peine perdue avec ce gros sale. Ce qui fait qu'elle avait elle aussi cessé de se laver.

Rivard avait la peau grasse et les cheveux gras, évidemment. Il travaillait un peu sur la construction et un peu pour la petite pègre. Il vendait des cigarettes de contrebande et des bouteilles de shampoing volées dans un entrepôt par ses chums d'enfance.

Rivard était de tous les événements.

L'hiver, il allait à la pêche aux petits poissons des chenaux à Sainte-Anne-de-la-Pérade. Il jetait tous les poissons qu'il attrapait aux vidanges.

-C'est pas mangeable les poulamons! Moé j'va's là a'ec mes chums pour me saouler tabarnak!

Rivard se saoulait aussi lorsqu'il allait au Festival du cochon de Sainte-Perpétue où de grosses brutes courraient après des cochonnets pour les traumatiser à jamais avec leur vision décadente du sport.

Au mois d'août, Rivard ne manquait jamais le Grand Prix automobile de Trois-Rivières. Il aimait voir les gros chars pollués l'air et l'ouïe des créatures. Il aimait reluquer les plottes de char. Il se traînait un flasque de baboche dans ses poches pour se saouler pendant trois jours consécutifs.

Puis c'était le Rodéo de Saint-Tite. Rivard se saoulait aussi devant les animaux que l'on torturait pour le plus grand bonheur de la plèbe.

Il allait à la chasse à l'automne pour le pur et simple plaisir de tuer tout en se saoulant la gueule.

Rivard aimait aussi la boxe et les combats de chiens. 

Plus le sang coulait, plus il buvait. Et plus il buvait plus il lui venait à l'idée toutes sortes de cochonneries.

Évidemment, Rivard votait toujours pour celui qui avait le plus de chance de gagner.

Et il faisait quelques petites jobs sales pour les politiciens véreux lorsque c'était nécessaire.

Je voudrais vous en raconter plus sur Rivard que j'en serais incapable.

-Il y a sûrement quelque chose de positif à raconter à son propos? diront certains d'entre vous.

Oui. Rivard nettoyait son char tous les jours.

Il aimait rouler dans sa belle Mustang propre.


lundi 4 janvier 2016

Je ne suis pas un sage et c'est tant mieux pour moi

Écrire c’est s’exposer à toutes sortes de problèmes. Il ne manque certainement pas de personnes en cette triste vallée de larmes pour vous recommander de ne pas critiquer, de ne pas vous plaindre, de ne rien remettre en question, bref de ne rien dire.

Les sages gardent le silence. Ils se la ferment en réprimant toute forme de rires et de sourires inconvenants. Bref, ils sont soporifiques.

Je ne suis pas un sage et ne cherche pas à décrocher ce titre qui m’emmerde.

On est ce que l’on est. Un sage serait malheureux de jouer ma partie. Tout comme je serais malheureux de fixer un mur, les yeux mi-clos, la bouche entrouverte pour gober des mouches.

Le sage vous recommandera de jouer sa partie.

Et moi, qui ne suis pas sage, je ne vous recommande pas de jouer la mienne. Jouer plutôt celle du sage puisqu'il vous le demande. Il veut que vous soyez comme lui, pas comme moi ou l'un de ces triples abrutis qui chantent, dansent ou remuent ciel et terre avec leurs foutues inventions.

Moi, je ne vous demande rien.

Je n’exige rien.

Je ne m’attends pas à ce que vous soyez tous à mes genoux en train de vous pâmer devant ma sagesse, mon silence ou mon indolence.

Je ne crois pas que ma voie vaille plus que la vôtre. Je ne passe pas ma vie à traquer les mauvais comportements d’autrui pour les ramener vers mes dix ou quatre-vingt-trois commandements que je ferais passer pour ceux de Dieu lui-même.

Vous aurez compris que je ne tourne pas ma langue soixante-dix-sept fois sept fois dans ma bouche avant que de parler. J’ai peu de retenue et peu d’inhibitions. Cela me prive des meilleures places, des bonnes positions, de la gloire artificielle et des relations sociales oiseuses qui s’ensuivent inévitablement. Bref, je ne suis pas le candidat idéal pour recevoir une subvention, une prime ou bien une promotion.

J’aime discuter avec les publicains, les hérétiques, les marginaux, les prostituées, les alcooliques, les drogués et les malfrats. Je trouve chez-eux une sincérité qui fait cruellement défaut à tous ceux et celles qui vivent avec un livre sacré dans la main, un code civil dans l’autre et , bien sûr, un balai dans le cul.

En fait, j’ai tout ce qu’il ne faut pas pour réussir mes échecs.

Je suis incapable de feindre plus de trois minutes bien chronométrées.

Je déteste les vernissages, les cinq à sept, les coquetels, les assemblées, les réunions, les procédures, les règlements, les convenances, les regroupements organisés, les cliques et les claques.

Je me sens un étranger presque partout et presque tout le temps.

Je suis bien dans ma solitude.

Bien avec ma blonde.

Bien avec ma famille et deux ou trois amis.

Bien avec les arbres de la forêt.

Bien avec les nuages.

Bien avec le soleil.

Bien avec le cosmos.

Bien avec mes pinceaux, mes harmonicas et mes guitares.

Plus jeune, je m’en voulais de penser ainsi.

Je m’en voulais d’être si peu sociable et de fuir tous les attroupements pour toujours finir seul au comptoir d’un bar où je ne connaissais fort heureusement personne. J'étais attiré par l'inconnu. Tout ce que je connaissais finissait toujours par me décevoir.

Je me trouvais anormal parce que je me cherchais.

Puis je me suis enfin trouvé.

Je suis un vrai et authentique sauvage.

J’écris tout ce qui me passe par la tête.

Je ne me soucie pas de plaire ou de déplaire.

J’exprime la quintessence de mon identité, un moment furtif dans ce vaste univers qui se terminera après mon dernier souffle.

N’allez pas croire que je vous déteste.

Mon amour est totalement inclusif.

J’aime l’immensité et vous en faites partie bien malgré vous.

Je ne sais pas pourquoi j’écris ça ce matin.

C’est plutôt nul tout compte fait.

Mais c’est sincère.


samedi 2 janvier 2016

La sagesse de Jos Pleau

Joseph Pleau, alias Jos Pleau, n'est plus du genre à se nourrir de nostalgie et de mythes préfabriqués.

C'est un gars plutôt court sur pattes qui a des bras en forme de rondins. Comme on ne voit jamais ses pattes sous ses pantalons, on s'imagine qu'elles doivent être tout aussi grosses. Jos Pleau se fait aussi surnommé Ti-Massif. Sa blonde l'appelle plutôt Amour. Et ceux qui ne le connaissent pas ne disent pas grand chose à son propos, ce qui est bien normal tout compte fait.

Mais là n'est pas mon propos. J'aurais bien sûr pu ajouter que Jos Pleau a deux ou trois grains de beauté, voire quatre ou cinq puisque je ne les ai jamais vraiment comptés.

En fait, j'en suis à raconter un récit tout à fait anecdotique sur Jos Pleau et ne sais pas comment introduire le sujet. Il est même possible que je ne sache pas le conclure et encore moins le développer.

Allons-y donc sans tambours ni trompettes.

Jos Pleau buvait un café la semaine dernière dans un bar du centre-ville où je buvais moi aussi un café en attendant qu'il soit une heure de l'après-midi. Je devais aller me chercher un certificat de naissance pour compléter ma demande de renouvellement pour ma carte d'assurance-maladie et le bureau n'ouvrait qu'à treize heures.

Jos Pleau ne m'est pas tout à fait un inconnu bien que je ne puisse pas affirmer qu'il soit un de mes proches. Je le croise de temps à autres, rarement, et discute avec lui quand je n'ai rien de mieux à faire.

Homme à tout faire de son métier, Jos Pleau n'est pourtant pas sans éducation. Il est bachelier en littérature et l'ai connu du temps où j'allais à l'université pour apprendre, bien trop tard, que notre communauté se fout de la culture, des connaissances et des diplômes. On a bien plus besoin de bras que de têtes pour ramasser toute la marde que l'on fait avec nos airs de poulets dépités et décapités.

-Comment ça va Boutch? m'a dit Jos Pleau lorsqu'il me vit.

-Bien, comme d'habitude. Et toi Jos Pleau? Toujours aussi Jos Pleau?

-Certain! Y'a pas plus Jos Pleau que moi!

-T'es heureux? Tout va bien?

-Tout va mieux. Je me crisse de toutte à c't'heure... Du temps d'l'université, j'rêvais de devenir Lénine, Jim Morrison ou le Géant Ferré... J'ai passé à travers mon crépuscule des idoles... Me crisse de toutte à c't'heure. Tout l'monde chie à la même place pis pas un vaut mieux que l'autre...

-T'as bien raison...

-Qu'ça soye el' pape, el' premier ministre ou bien el' prof de sociocritique qui s'décrotte el' nez, on va tous mourir malade avec la tête dans l'trou des chiottes...

-Pas bête Jos Pleau...

-J'me su's délivré d'toutte c'qui m'rendait malheureux... C'est fini les grandes phrases pompeuses, les grands auteurs vertigineux pis les artistes maudits... Ej' me sens mauditement mieux... À c't'heure mon bonheur y'est tout simple: ma blonde, la forme d'un nuage, une discussion avec un vieil arbre qui pousse tout seul au milieu d'un parking...

-T'es devenu un sage Jos Pleau, tabarnak! T'es crissement sage si t'as compris ça!

-Certain! T'avais pas dit qu'i' fallait que tu y ailles à une heure gros Boutch?

-Oui. Salut m'sieur! On r'prend la conversation là où on l'a laissée la prochaine fois qu'on se r'voit.

-Salut Boutch!

-Salut Jos Pleau!

J'ai bu ma dernière gorgée de café, j'ai salué la compagnie et je suis sorti.

La morale l'histoire? Ne faites pas comme Jos Pleau. Faites comme vous voulez et ne braillez plus.

C'est pas la mer à boire, comme morale, mais je n'ai pas trouvé mieux.