samedi 13 septembre 2008

MES COURS DE CATÉCHÈSE À LA POLYVALENTE

On passait notre temps à jouer aux mots croisés dans les cours de catéchèse.

Ça, c'était pour nous calmer. Quand les mots croisés ne venaient pas à bout de notre impatience, nos profs nous montraient des films plates, des histoires soporifiques, sensées nous inspirer Dieu sait quoi.

Le cours de catéchèse était le cours le plus méprisé et le plus méprisable du temps où je m'ennuyais à la poly.

Tous les catéchumènes que j'ai vu défiler devant mes yeux ont sauté les plombs, tous, à un moment ou un autre.

Il était tout aussi difficile de nous enseigner Dieu, Jésus et le St-Esprit qu'il l'était aux Robes noires de transmettre le dogme ridicule de la trinité aux Sauvages.

Hostie qu'on se faisait chier.

D'abord, les mots croisés sur Jésus ou David, c'était nul.

Et les films aussi.

Heureusement qu'il y avait les profs sur lesquels tout un chacun pouvait se défouler de se faire bourrer le crâne de niaiseries pas possibles, comme des récits de types qui marchent sur les eaux ou volent dans les airs. Faut pas charrier.

-Come on!
On n'est pas des caves. Dieu n'existe pas!

-Oui, il existe, répétait le professeur de catéchèse, un nabot qui portait une perruque et que les sauvages de mon cours de catéchèse surnommaient Ti-Coune, devant lui, en pleine face, pendant qu'il communiquait son sacerdoce.

-Ti-Coune! Ti-Coune! scandaient les petits bandits.

-Cessez tout de suite ou j'appelle le directeur de l'école, monsieur Gérard Frappier lui-même!

-On s'en crisse Ti-Coune! dirent quelques gredins dans la rangée du fond.

Ti-Coune alla vers l'intercom et, stupéfait, constata que des voyous avaient enlevé les boutons.

-Oua! Ti-Coune! On te l'avait dit qu'on s'en crissait! On a enlevé les boutons! Tu voés ben qu'tu sautes les plombs, coq!

Comme par hasard, le directeur, Gérard Frappier lui-même, brassait son trousseau de clés dans le corridor. Ce tabarnak-là passait ses journées dans les corridors à brasser ses clés. Et il avait l'air d'un twit, sérieux, avec sa face qui riait jamais, l'air d'un gardien de prison frustré d'être en-dedans sans l'avoir demandé.

-Monsieur Frappier! Monsieur Frappier! cria Ti-Coune en fonçant sur son rédempteur.

-Qu'est-ce qu'il y a? répondit-il en cessant d'agiter ses clés.

-Ils me manquent de respect monsieur Frappier! Ce sont de jeunes voyous!

-Heille! Roger! s'énerva le directeur, Gérard Frappier lui-même, si t'es pas capable de tenir ta classe, ben tu ferais mieux de songer à changer de job.

Ouche! Ti-Coune revint vers notre classe dépité. Il avait même le regard un peu vide.

-On te l'avait dit christ de mongol que tu perdais ton temps! se réjouit Louis Massicotte, le plus baveux du groupe.

Ti-Coune ne répondit rien. Vide. Son regard fixait le crucifix sur le mur du plafond, l'air de dire je me crisse de tout ça.

L'anarchie s'empara de la classe. Si Gérard Frappier lui-même s'en crissait, aussi bien faire tout ce que l'on voulait. En moins de cinq minutes, les élèves de mon cours de catéchèse se passèrent la perruque de Ti-Coune dans la classe, sous le regard mort du principal chauve des lieux.

On n'entendit plus parler de Ti-Coune. Dépression nerveuse. Il fût remplacé par soeur Latreillère que tout le monde appelait Soeur Latrayeuse.

Elle était sautée sur le crinque, elle aussi. Et pas jolie, jolie. Malgré Vatican II elle continuait de porter l'uniforme qui jurait énormément avec les tee-shirts à têtes de mort des élèves.

Soeur Latrayeuse organisait à chaque cours de catéchèse une boîte aux questions.

-Alorrrs là, là, les amis, vous allez composer une trrrès petite question, pas trrrès longue...

-Accouche tabarnak Latrayeuse! Qu'est-cé qu'tu veux? se fit entendre une voix tout à fait anonyme, sans doute Massicotte qui criait dans ses mains, pour étouffer le bruit.

-...hee... Je vous en prrrie! Soyez polis! Alorrrs je disais que vous...

Bref, on écrivait une question sur un petit bout de papier. Une question qui devait se rapporter à la Foi. Évidemment, tout le monde n'écrivait que des conneries. Et Soeur Latrayeuse était plutôt du genre batté, comme si elle était en dépression nerveuse sans vraiment se l'avouer. Donc, elle lisait toutes les questions, même les plus vulgaires, en les pigeant dans la fameuse boîte aux questions.

-Alorrrs... Prrremièrrre question! Est-ce vrrrai que les soeurrrs se lèchent la touffe au couvent?

Tout le monde pouffait de rire évidemment. Et Soeur Latrayeuse se mettait alors à réprimander mollement.

-Ce n'est pas trrrès, trrrès poli!

-Ta yeuleeeeeee! lançait encore Massicotte, en étouffant le bruit entre les paumes de ses mains.

Et les questions se poursuivaient. Pourquoi vous puer de la gueule? Aimez-vous ça, chier? Si Dieu existe, pourquoi que vous êtes lette? Et, last but not least, cette question de Mario Légaré dont je me souviendrai toute ma vie.

-Bon... une derrrnièrrre question.... Bi, ba, bo, dou, dou, yé, yé, prrrout? Qu'est-ce que c'est que cela est les amis? Qui a écrrrit cela, s'il-vous-plaît? Bi, ba, bo, dou, dou, yé, yé, prrrout?

On était tous morts de rire, comme des étudiants méchants, anticléricaux au naturel, sans besoin de se justifier.

-Ta yeule crisse de folle! fit encore Massiscotte entre ses doigts, pour étouffer le son de sa voix.

-Je vous en prrrie! On rrreste polis les amis!

Un jour, un trou de cul parmi nous posa la question qui tue. En tout cas, qui tua presque Soeur Latrayeuse.

-Aurrriez-vous aimez ça avoirrr des enfants?

Le visage de Soeur Latrayeuse se décomposa. Elle se mit à pleurer à chaudes larmes puis s'effondra au sol.

-Capote pas hostie d'folle! continua Massicotte.

-Ta yeule Massicotte, m'a t'en crisser une dins dents! que je lui dis en me dirigeant vers Soeur Latrayeuse pour voir si elle était en train de crever.

Elle se releva. Je l'aida à sortir de la classe et la ramena jusqu'au bureau des professeurs.

-Merrrci mon bon Guétan! Merrrci!

Elle me donna un chapelet. Puis elle me demanda si je ne voulais pas faire une affiche pour le recrutement des soeurs, au noviciat. Elle avait constaté que je dessinais bien, même si mes thèmes étaient plutôt macabres: des têtes coupées, des humains se faisant rôtir la plante des pieds au-dessus d'un feu, comme s'il y avait de vieux rituels païens dans mes gênes.

J'ai fait semblant de dire oui, pour ne pas faire de peine à Soeur Latrayeuse.

Je ne l'ai plus jamais revu elle aussi. Dépression nerveuse.

Puis ce fût une succession de remplaçants en catéchèse. Ils finissaient tous en dépression nerveuse, évidemment. Ce qui devint lassant.

Trois mois avant la fin de l'année, on nous envoya une brute de six pieds trois pouces trois cents livres pour nous donner notre cours de catéchèse.

Quand l'armoire à glace se pointa devant la classe, même Massicotte se tint tranquille.

Ils l'avaient trouvé où celui-là? Était-il débardeur au port, videur de bar?

Ça filait doux en st-chrême dans le cours de catéchèse pendant son règne de trois mois.

Tout le monde se mit à faire ses mots croisés sans dire un christ de mot.

-L'amour du Seigneur, ça se mérite! disait souvent le gorille. Et prouvez-moi que vous vous méritez l'amour du Seigneur! Qu'j'n'en voie pas un faire le mongol, parce que j'va's lui régler son compte t'u' suite.

Hostie qu'ça filait doux!

6 commentaires:

  1. Hostie, ça faisait looongtemps que j'avais pas ri d'même!!


    Misko

    P.S. Moi, dans un cours d' enseignement religieux", j'ai déjà sorti par une fenêtre en plein pendant le cours...Ce fut mon "political statement". Hostie y a ben des limites aux idioties qu'un élève doit endurer.

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  2. Ouaaah! You did it! T'attaques sur les mots croisés.

    Just like you said.

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  3. J'avais ben de la misère avec les parties « sauvages qui trucident les gentils jésuites » du cours de catéchèse. Entre ça, les jeux de cowboys et indiens dans la cour et les westerns à tivi, mettons que… le nomadisme était clairement pas l'ami du bon monde, mettons.

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  4. T'as vu ce qu'ils faisaient subir à leurs profs? Jean de Brébeuf l'avait facile!

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  5. Je vous reviendrai avec une autre histoire... hee... inventée?

    Si je dis que c'est une histoire vraie, il y a au moins 10 000 personnes qui ont fréquenté ma poly qui vont savoir de qui je parle. Je suis un peu blond, parfois, mais pas si cave...

    Ah non! Pourquoi j'écris ça, moé-là... Ah pis d'la marde. J'efface rien.

    L'autre histoire, c'est à propos de vrais Indiens, en Saskatchewan, qui avaient été condamnés à assister aux offices de la Salvation Army. J'étais avec eux autres, évidemment. Juste pour le fun, moé, ce qui est encore plus crétin. En fait, j'accompagnais mes frères Indiens.

    Pendant l'office, les Indiens crachaient de gros clams verts dans le livre des cantiques. Ils refermaient le livre, riaient un coup puis recommençaient.

    Franchement, je trouvais ça cool.

    Une manière de dire fuck you au juge qui les avaient condamnés à aller à la messe parce qu'ils avaient été pognés sur la rue en état d'ébriété ou whatever.

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  6. J'aime à penser que ça remonte ben plus loin. Doit rester une mémoire orale quand on a décimé ton mode de vie, même si tu l'as pas connu, tous ces Indiens forcés de se catholiciser et de renoncer à tout, langue et parents, ché pas, les mères devaient en parler tout bas le soir aux flos, les mères Indiennes renommées Marie-Jeanne.

    Kessa peut foutre vingt ans après que tes anciens camarades reconnaissent du monde? Ce que tu décris avait lieu partout au Québec, sauf le Hulk à la fin, sinon c'était des faiblichons aux cheveux sales ou à perruques, s'ils avaient joué au hockey à l'école ils auraient pas choisi la pastorale, et si Marie-Trayeuse avait croisé Mario Taureau...

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