samedi 28 février 2009

La théorie du bing bang (sic!)


-Moé, en c'que c'est que j'pense du monde, ben j'dis qu'i' a eu un genre de bing bang mettons, un bing bang où toutte c'que c'est qui existe de force dans l'univers était comme qui dirait concentré en une seule place de l'univers vide pis frette. Pis un moment donné, ç'a faitte bing bang toé chose, ç'a explosé pis le monde y'est passé de vide à ben plein, comme de la vapeur qui se transformerait en eau que j'dirais moé là, si j'me fie à c'que j'ai entendu à Découvartes. T'écoutes-tu ça Tom, Découvartes, à Radio-Canada? C'est bon en crétak Découvartes. J'écoute tout l'temps ça moé, tous 'es dimanches.

-Non. Écoute pas à 'a tévé moé. Jamais. Tu l'sais ben Raynald. J'su's toujours icitte au bar. Pis le dimanche c'est ma game de dards.

-Ben sûr... Ben moé j'te dis Tom que l'bing bang c'est en c'que c'est l'temps y'où c'que c'est où toutte est pogné en mottons, comme un gaz dans une bombone de propane. Tu t'souviens d'Raymond quand qu'i' a sauté l'an passé avec son barbéquiou? Ben, ça c'est comme qui dirait l'bing bang. Paf! Ça saute toé chose pis les steaks revolent avec les p'tites patates en robes de chambre! Bing Bang! Paf! Pis ayoye don'! Pis ton barbéquiou tu y penses p'us pantoute. Tu vas t'acheter des chips au dépanneur ou tu t'fais livrer d'la pizza. Ben, l'bing bang c'est pareil. En seulement qu'i' 'a pas d'dépanneur pis qu'la pizza arrive tout l'temps frette à cause des années lumiere pis toutes sortes d'affaires de même.

-Veux-tu ben m'dire y'où c'qu'tu veux en v'nir avec ton hostie de Bing Bang Raynald?

-J'en viens à t'dire que j'ai pas compris pourquoi l'infini commencerait que'que part... Pis l'bing bang, ben, c'est comme pour le barbéquiou de Raymond. Y'a sauté, ben sûr, mais y'avait ben d'autres choses autour: des arbres, des maisons, des postes de police, des pancartes d'arrêt-stop, toutes sortes d'affaires de même...

-Ouin pis?

-Ben l'bing bang c'est p't'être rien qu'un bing bang parmi des millions d'autres, partout dans l'cosmoze. E'l'cosmoze c'est grand en batêche pis c'est pas vra' qu'on va finir par en vouère le boutte! E'l'cosmoze, c'est comme dans Star Trek, Tom, ça 'a pas d'limites. C'est infini. Pis l'infini, ben, ça s'mesure pas.

-Y'où c'est qu'tu veux en v'nir avec ton bing bang toé là?

-J'veux dire qu'i' 'a pas juste les barbéquious qui sautent, ça saute partout à tous 'es jours, n'importe quand. Ça fait qu'i' a pas juste rien qu'un bing bang comme de raison, mais tout plein, tout l'temps, pis même que l'temps existe pas Tom! Le temps, là, c'est comme pour le gars des vues... C'est une image, un fake, une idée qu'on s'fait rien qu'pour nous autres, parce qu'on est des crottes de nez dans l'cosmoze. Y'a j'sais pas combien d'étoéles dans l'ciel, maudit étole, mais on sait qu'on est pas tant qu'ça d'humains. C'qui fait qu'on a l'temps de se conter des pipes entre nous autres. Mais en seulement que y'a eu ben des bings bangs dans l'cosmoze, depuis toujours parce que le temps c'est bon rien qu'pour nous autres. L'infini ça s'mesure pas Tom. L'infini c'est ben qu'trop grand.

-Boés don' ta bière Raynald! Pis arrête don' de t'casser 'a tête 'ec des niaiseries. E'l'bing bang! Qu'est-cé qu'tu vas charcher là toé don'!

Raynald avala une autre gorgée de bière, sans mot dire. Il contempla une tache de moisissure au plafond. Puis il passa à un autre sujet.

-Pis, comment c'que ç'a été votre game de dards dimanche passé?

-Ah! là! Parle-moé z'en pas! C'était l'fun en tabarnak! Raymond était là pis Gilles le facteur, Henri, Georges... Toutte la gang. Henri y'a faitte j'sais pas comment d'boulezaille pis moé ben j'ai gagné trois games. On va faire un tournoi dans un mois... Ça t'tente-tu d'embarquer? Hein?

-Ça s'rait quand?

-Un dimanche soir.

-L'dimanche soir j'peux pas. J'écoute Découvartes.

-Ah toé pis tes hosties d'bing bang pis tes cibouères d'îles Galope-à-gosses!

-Tu d'vrais t'cultiver Tom! E'l'cerveau c't'un muscle! Faut que tu l'entretiennes itou!

vendredi 27 février 2009

Le Carême de Jacob


«Il n'y a rien d'intéressant sur la terre que les religions», écrivait Baudelaire dans son journal intime. Ce n'est pas tout à fait faux. J'ajouterais que les humains, pour tous les mystères qu'ils cachent par tête de pipe, sont d'autant plus intéressants.

Voilà pourquoi je veux vous parler de Jacob, le concierge de la Taverne des Joyeux Naufragés, qui généralement permute son salaire en pichets de bière. Jacob profite aussi d'un misérable loyer qui ne lui coûte rien puisqu'il est situé juste au-dessus de la taverne: une gracieuseté de son patron qui y trouve son compte, évidemment. C'est une chambre miteuse avec une douche en plastique noire de crasse. Ce qui fait que Jacob vit en quelque sorte dans la taverne et qu'il en est l'âme en défaut d'en être le propriétaire.

Jacob est un petit métis haut comme trois pommes, moitié juif, moitié iroquois. Bien qu'il soit chétif, il dispose de nerfs d'acier pour les travaux manuels: peinture, lavage de plancher, nettoyage du bol de toilettes et tout le reste.

Jacob travaille lentement mais bien. Et, de plus, il ne coûte pas cher. Ce qui fait que ce deal convient tout à fait au gros Mario, le proprio, un ancien gars de shop qui veut faire la piastre et qui se plaint de ne pas pouvoir ajouter une autre machine à sous dans son tripot compte tenu des nouvelles règles de Loto-Québec.

C'est que le monde ne se saoule plus dans les bars comme avant, du temps où l'on pouvait fumer à l'intérieur, ne cesse d'affirmer le gros Mario. Et le jeu représente au moins 50% de son revenu, au gros Mario. Il se sent comme si le gouvernement essayait de le ruiner, de l'obliger à vendre sa maison pour loger dans un petit studio avec une douche en plastique noire de crasse, ce qui est tout à fait inhumain.

Jacob joue rarement. Il est toujours cassé. Après avoir converti sa paie en pichets de bière et épuisé tout son crédit, Jacob reste au comptoir du bar, comme un goéland, attendant qu'un client lui jette quelques alcools ou psychotropes illégaux pour fraterniser. Jacob accepte tout sans sourciller, comme si ça lui revenait de droit. N'est-il pas l'âme de la Taverne des Joyeux Naufragés?

J'oubliais de vous dire que Jacob est vaguement chrétien. Il se saoule la gueule à tous les jours de l'année, sauf pendant le Carême. Ce qui fait qu'il est l'alcoolique le plus insolite que je connaisse.

Le Carême est commencé depuis mercredi dernier.

Comme les années précédentes, Jacob ne boira que de l'eau pendant quarante jours pour rendre hommage à son idole. Ce qui est presque attendrissant, je l'avoue.

Pendant quarante jours, Jacob, le roi des pochards, celui que tout le monde finit par ramasser couché sur le trottoir, en train de dégueuler, ce Jacob qui boit, fume et sniffe tout ce qu'il peut trouver, eh bien vrai comme je suis là, ce Jacob ne prendra rien d'autre que de l'eau, des graines et des raisins séchés pendant quarante jours, jusqu'à Pâques. Évidemment, il fume tout de même la cigarette pendant le Carême, mais avec plus de modération. Pas plus de dix cigarettes par jour. Et je vous jure qu'il va les faire ses quarante jours de jeûne sans alcool, religieusement.

Puis viendra Pâques, le jour de la résurrection. Et là, tenez-vous bien, on se passe le mot à la taverne, Jacob va se la saouler en tabarnak.

Le lundi suivant Pâques, sûr que vous verrez Jacob recouvert d'ecchymoses, la langue pâteuse, les yeux mi-clos, la diarrhée au cul et tout le reste.

Ce sera la fin du Carême pour Jacob et la vie pourra suivre son petit train-train quotidien.

Alléluia mon Jacob! I drink to that.

jeudi 26 février 2009

Comment trouver un sens à la vie?


Pour trouver un sens à la vie, prenez un chaudron, virez-le à l'envers et tapez dessus de toutes vos forces.

Que se produit-il alors? Des sons.

Pourquoi? Parce que l'atmosphère terrestre rend possible la propagation des ondes sonores, au contraire de la lune où le son n'existe pas.

Donc, il ne sert à rien de pleurer sur la lune parce que personne ne va vous entendre.

D'autres questions?

mercredi 25 février 2009

À propos du bullying et du tabarnak de discours sur le manque d'estime de soi des martyrs de l'éducation moderne


Louis se fait baver à tous les jours de la semaine. Dès qu'il met un pied hors de la maison, c'est pour affronter toutes les humiliations et injustices du monde, sans l'aide de qui que ce soit.

Oh! Sa mère a tout tenté pour mettre fin à son martyre. Elle a écrit des tas de lettres aux professeurs, à la directrice de l'école, au directeur de la commission scolaire, au député, au sous-ministre de l'éducation, au ministre de l'éducation, au chef du poste de police, au maire, au ministre de la justice, au Premier ministre du Québec et du Canada, à l'Organisation des Nations Unies, tout elle a tout fait pour que son fils ne se fasse pas molester à tous les jours scolaires inscrits dans le putain de calendrier.

Rien à faire. Les voyous s'en prennent encore à Louis en toute impunité. Ils lui font manger des excréments de chien. Ils l'attachent à des poteaux et ils lui lancent des sacs à ordures en pleine gueule. Ils lui rentrent des punaises dans le cul. Ils le ridiculisent en classe, pour passer le temps. Bref, ils le martyrisent.

Les psychothérapeutes, ces hosties de caves, prétendent que Louis manque D'ESTIME DE SOI.
Ça veut dire qu'ils ne le protègent pas. C'est à Louis de cesser de se comporter en victime.

Les voyous se font dire que c'est pas fin fin de faire manger du caca à Louis. Et chaque fois ils doivent tous se serrer la main et recommencer en neuf sur la base d'une relation plus fraternelle et égalitaire...

Le lendemain, Louis mange encore sa ration de caca.

Sa mère ne sait plus quoi faire. Son père est toujours absent.

Et Louis est détruit, totalement.

Quand un adulte fait bouffer de la merde à un autre adulte, l'autorité intervient.

Quand ce sont des enfants qui s'en prennent à un autre enfant, les hosties de tarlais disent que cette victime manque d'estime de soi... D'ESTIME DE SOI!!! BANDE D'HOSTIE D'FÊLÉS DE CIBOIRE!

Je ne suis pas un «intervenant». Je n'ai pas la science infuse de l'éducation. Tout ce que je sais c'est que je me promenais avec un couteau de chasse sur moi, à la polyvalente. Au cas où. J'étais premier de classe et je me faisais écoeurer. Cependant, ils respectaient ma bulle, les pourris, parce que j'étais assez fou pour les rouvrir de bas en haut avec mon couteau de chasse. On savait de quoi j'étais capable et ça tenait les crétins à distance.

J'en ai vu des tas manger du caca, se faire battre, humilier, molester, sans que personne n'intervienne. Ce n'est pas vrai que tout le monde peut facilement se défendre contre une bande de vauriens.

Il manque d'autorité à l'école. Sans autorité, il n'y a pas de justice.

Les sermons ne suffisent pas. Ni les théories en stucco des psychothérapeutes avec leur stupide mantra sur la calice d'ESTIME DE SOI.

Va dire à la femme battue qu'elle manque d'ESTIME DE SOI, saint-chrême! Ça ne se fait pas, hein, hostie de cave?

Franchement, je crains que Louis, un jour, ne développe trop d'estime de lui-même et en vienne à penser qu'il est seul contre le monde, avec une mitraillette automatique entre les mains...

À l'école, l'autorité n'est pas seulement garante de la justice, mais aussi de la paix, pour l'avenir.

Les députés devraient protéger l'exercice de l'autorité à l'école, en utilisant la clause nonobstant si nécessaire. Il y a des limites à abandonner l'école entre les mains des mous et des imbéciles, des charlatans et des peureux, des illettrés et des gestionnaires.

L'école doit protéger les élèves placés sous son autorité et favoriser la transmission du savoir. Les baveux doivent être ostracisés. On doit séparer le bon grain de l'ivraie. On a rien trouvé de mieux depuis l'invention de l'agriculture. .

***

En supplément de programme:

School's Out Forever

mardi 24 février 2009

La p'tite pilule, le stoïcisme, l'ataraxie, alouette!


Les philosophes et même les gens normaux se sont tous attardés à cette question primordiale que toute créature vivante doit un jour se poser: comment surmonter la douleur?

Les philosophes, au contraire des gens normaux, ont créé un mot pour désigner l'état où toute douleur est absente. Et c'est un mot grec: l'ataraxie.

Et comment atteindre cette putain d'ataraxie, hein? Comment vivre pleinement cet état où toute douleur est absente?

Eh bien, je ne peux rien vous dire de plus que ce que je sais. Quand j'ai mal, franchement, je prends des pilules. Évidemment, on parle ici d'un mal physique: migraine, foulure au pied, crampe du nez, etc.

Quand j'ai mal à l'âme, je pense que je suis fou. Ce qui fait que j'ai rarement mal à l'âme parce que je ne suis pas fou. Enfin, selon mes critères à moi. Suis-je un ataraxique? Peut-être. Mais je tiens tout de même à mes pilules.

On dira ce qu'on voudra, des fois y'a que ça pour te faire fonctionner et t'aider à traverser ta journée. J'ai beau lire Épictète, Sénèque ou Marc-Aurèle qu'ils n'arrivent pas à surpasser l'acétaminophène quand j'ai mal à la tête.

Cela dit, je n'ai ni mal à l'âme ni mal à la tête en ce moment où je vous écris, adorables lecteurs et lectrices qui venez perdre ici un peu de votre temps, quand il y a tant d'autres choses intéressantes à lire sur le ouèbe, dont ceci.

Je suis plutôt de bonne humeur. Et je n'ai pas trouvé le temps de vous écrire un conte pas piqué des vers comme il m'est coutume de le faire sur ce blogue, histoire de prouver que l'art littéraire peut être gratuit et désintéressé. Je vous ai parlé d'ataraxie... Hostie de niaiseux que je suis.

Une pilule?

lundi 23 février 2009

Viva Las Vegas!


Saint-Polycarpe-de-Mikinak est un petit village québécois de onze cents âmes situé aux abords de la rivière Métabéroutin. Ses affaires reposent essentiellement sur la production de baguettes chinoises. Auparavant, ce petit village concentrait toute son activité humaine autour de la production de patates et de farine de sarrazin.

Avec la mondialisation, plus personne n'avait besoin des patates et du sarrazin des gens de Saint-Polycarpe. Même Joseph Desmarais, maire et propriétaire du casse-croûte Chez Ti-Jos Patates, achetait ses frites congelées au diable vauvert. Elles étaient moins chères que les patates locales, qui nécessitaient un employé pour les peler et les trancher. Avec les frites congelées, Jos sauvait un salaire. Ce qui lui faisait encore plus d'argent pour jouer aux cartes, un de ses passe-temps préférés avec celui de la politique.

Ce qui fait que Jos et ses partenaires de cartes ont demandé une permission spéciale au ministère pour dézoner certaines terres agricoles afin d'y installer une usine entièrement consacrée à la production de baguettes chinoises pour les Chinois et autres acrobates des temps de repas.

Pendant deux ou trois ans, tout alla rondement. Des tas de camion partaient tous les jours de St-Polycarpe pour aller mener leur cargaison de baguettes chinoises un peu partout de par le monde. Les salaires étaient médiocres mais les emplois étaient stables et les ouvriers trouvaient toujours de quoi se payer une bonne poutine Chez Ti-Jos Patates, qui en faisaient des crisses de bonnes, cela dit en passant, le torvisse.

Le secret était dans sa sauce. Secret fort simple: il crissait deux cuillères à soupe de ketchup par deux tasses de sauce brune. Un jeu d'enfant. Et tout le monde s'y faisait prendre et ça disait tous qu'il n'y avait pas de meilleure poutine que celle de Chez Ti-Jos Patates. Et la vie suivait son cours, de l'usine à la maison, avec quelques détours du côté du marché d'alimentation Joseph Desmarais Inc., de la pharmacie Desmarais et fils, de la taverne Chez Dédé Desmarais et de Chez Ti-Jos Patates.

Un beau matin, tout s'est arrêté à St-Polycarpe-de-Mikinak. Les actionnaires de la compagnie Chopstick Inc. décidèrent de déplacer leurs pions ailleurs, en Pologne, où le prix des forêts avait baissé.

Ce qui fait que tout le monde s'est retrouvé sur le chômage. Puis sur l'aide sociale.

C'est là qu'il fallait agir. Et ce n'est pas que Joseph Desmarais manquait de dynamisme mais il n'était pas le bon Dieu non plus. Relancer la baguette chinoise dans le comté, c'était comme faire des tours de magie dans le contexte actuel du marché de la baguette chinoise. Il fallait donc user d'imagination.

Un jour que Jos avait de la misère à digérer, à force de penser à toutes sortes de moyens pour garder sa clientèle en vie, il se décida d'aller marcher du côté du lac Mikinak, à quelques pas du Village. C'était encore sauvage. Deux ou trois chalets, dont celui de Jos.

Il était neuf heures du matin. Le soleil luisait sur les eaux paisibles du lac. Les huards s'envolaient dans de voluptueux battements d'ailes. Joseph était en plein soleil et -zoup!- il eut comme une illumination.

-Un casino! On va bâtir un complexe de jeu avec vue sur le lac Mikinak! Hôtels, auberges, ski alpin, massages, spectacles, magie! Oui! On veut un casino!

Et il revint au village comme s'il était Moïse qui descendait du Sinaï avec les tables de la Loi.

-Ce sera majestueux! Beau! Des touristes du monde entier vont venir icitte rien que pour jouer aux cartes ou ben au vidéo-poker pendant que d'autres se feront masser ou feront du ski alpin!

-Y'a pas d'montagne dans le coin, rétorquèrent les sceptiques de la taverne Chez Dédé Desmarais. C'est faitte su' l'plate St-Polycarpe!

-On va en bâtir une montagne! C'est toutte! Quand on a un rêve et qu'on y croit, tout est possible!

Neuf mois plus tard, la vie reprenait à St-Polycarpe. Tout le monde apporta sa pierre pour bâtir la montagne du maire Desmarais, le futur centre de ski alpin le plus moderne de la région, avec massothérapie et jeux à volonté.

Joseph Desmarais fut réélu maire de la municipalité.

Et, comme de coutume, les sièges du casse-croûte Chez Ti-Jos Patates se remplirent de clients salivant à l'idée de sa régaler d'une bonne poutine à la sauce Ti-Jos, deux cueillérées de ketchup par deux tasses de sauce brune.

Comme quoi des réussites économiques sont toujours possibles, même en temps de crise.

dimanche 22 février 2009

Le sermon de Roland

* L'image est de Gauguin, chers lecteurs et lectrices.

Roland avait à peine trente-trois ans. Il était trop jeune pour son prénom. Il l'était aussi pour sa profession. Mettons qu'il ne pleut pas des tas de curés catholiques de nos jours. Pas au Québec en tout cas. Un curé de trente-trois ans, on dira ce qu'on voudra, ça ne se voit pas tous les jours.

Ce qui fait que l'église de la paroisse de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs attirait un bon nombre de curieux, soucieux de vivre leur foi en se tenant bien au fait des nouveautés en matière de liturgie. Et la nouveauté, c'est clair, c'était le curé Roland, ce jeune homme roux au visage de boxeur qui avait une voix d'or.

Sa voix suave et mielleuse lui méritait le sobriquet de Roland Chrysostome parmi les pairs de l'église. Chrysostome, voyez-vous, ça vient du grec ancien χρυσόστομος / khrysóstomos, ce qui veut dire grosse modo « Bouche d'or ». D'où le fameux St-Jean-Chrysostome, alias Bouche d'or. D'où Roland Voix d'or, Roland Chrysostome, une joke de curés qui se sentent dans le coup, quoi, et s'évertuent à s'épater l'un l'autre avec quelques racines latines ou grecques apprises dans les pages roses du dictionnaire Larousse ou bien dans une quelconque vie des saints.

Il faut dire que Roland Chrysostome était aussi considéré comme le Wayne Gretski de l'église catholique parmi les dirigeants du club.

Imaginez: c'était le seul curé qui réussissait à remplir son église de tout le comté, et même de toute la province, voire du pays.

On venait d'aussi loin que du fin fond du rang du Pays Brûlé à Saint-Célestin pour venir l'entendre réciter sa messe et, il faut l'avouer, lui regarder la sainte face. Les dames l'aimaient bien et les vieilles bigotes en frissonnaient dans le confessionnal à s'inventer des tas de péchés lubriques pour tester le curé à la voix d'or. Roland subissait tout ça avec un calme exemplaire.

Roland se donnait en tabarnak pour sa paroisse. Il n'était pas curé que parce qu'il trouvait ça moins difficile que de remplir une demande d'aide sociale. Il était curé parce qu'il voulait devenir un saint, comme le Christ, Son Sauveur, son exemple à suivre, son esprit de tolérance, celui qui ne lance pas la première pierre, tend la joue et rend à César ce qui est à César, celui qui regarde les oiseaux du ciel et rassasie les affamés, guérit les malades, marche sur les eaux, vole dans le ciel. Un super Jésus, ouais.

Roland aidait tout le monde. Quand il avait donné sa dernière pièce de monnaie, il offrait son repas, sa chemise, ses shorts. C'était un fou du Christ. Un vrai.

La vieille église de la paroisse Notre-Dame-des-Sept-Douleurs qui était sur le point d'être convertie en discothèque avait été rachetée par quelque dévot anonyme qui s'était miraculeusement remis d'une crise d'hémorroïdes saignantes. Et c'est Roland, déjà apprécié dans la paroisse avoisinante, qui en prit la direction, comme un chef d'orchestre talentueux, comme le dernier espoir de l'église catholique du coin.

Il fût capitaine de cette nef au moins neuf mois. Neuf mois à tout donner, comme François d'Assise, son autre modèle.

Les femmes? Roland était vierge. Il était manifestement timide, lourd et sentencieux avec les bonnes femmes. Il plaisait aux femmes mais il était trop enfoui dans son monde intérieur, imprégné de Jésus. Et il ne lui suffisait pas d'être son disciple, il souhaitait devenir son égal. C'est ce qui l'a mis dans la marde.

Plus les jours passaient, plus Roland Chrysostome doutait que ce soit dans le temple que la foi se vive le plus intensément. Pour lui, la foi se vivait à son zénith quand on prêtait main-forte à une personne dans le besoin.

Pendant la messe, au bout de son neuvième mois, Roland ne ressentait plus ces vieilles extases un peu théâtrales de sa jeunesse et le besoin de transmettre des rites ne lui semblait pas très chrétien à son goût. Jésus travaillait le jour du sabbat, s'il le fallait, et il pouvait confondre les docteurs du Temple tout en préférant les gens simples, les doux, ceux qui finiront au Royaume des Cieux, tiens. Il disait que le meilleur endroit pour prier, c'est en retrait, seul à seul avec son Créateur.

Donc, Roland sauta les plombs.

Au début de sa dernière messe, tout était impeccable, comme d'habitude. Il récita de sa belle voix tous les slogans d'usage jusqu'à son sermon. Mais quel sermon! C'était comme si la bombe atomique était tombée au milieu des fidèles réunis dans la vieille église faite de briques rouges et de panneaux d'aluminium.

-Mes frères, mes soeurs... Le Christ est encore parmi nous, tonna Roland à la voix d'or. Oui il l'est encore. Seulement, personne ne le reconnaît quand il le voit. Pourquoi? Parce que personne ne veut le voir! Comme il est encombrant ce gars qui dit que tout le monde doit s'aimer, qu'on doit donner, qu'on doit pardonner, qu'on est ici sur terre pour faire comme les oiseaux du ciel! Combien vivent une foi factice, hypocrite, enrobée de luxe et de superflu quand leurs frères et soeurs souffrent et demandent de l'aide! Non! Nous préférons être chrétiens à distance, comme si c'était un show! COMME SI C'ÉTAIT UN HOSTIE D'TABARNAK DE SHOW!

Les fidèles n'en croyaient pas leurs oreilles! Surtout madame Therrien! «Le curé as-tu ben dit hostie d'tabarnak? Hein?» Personne n'eut le temps de lui répondre car la suite fût encore plus stupéfiante.

Roland enleva son étole, puis sa robe, son caleçon, tout quoi et, flambant nu, il monta sur l'autel.

-Regardez-moi! Oui, regardez-moi! Nu je suis et nu j'irai! Je suis l'exemple du Christ! Vanité des vanités! Tout est vanité et poursuite de vent!

Et là, Roland traversa l'allée centrale puis descendit les marches de l'église pour finalement être arrêté trois coins de rue plus loin et être transféré à l'unité des soins psychiatriques de l'hôpital régional.

Depuis son transfert à l'asile, madame Therrien continue de répéter aux commères de la paroisse Notre-Dame-des-Sept-Douleurs qu'il ne faut pas se rendre fou avec la religion.

Un vieux curé soporifique remplace Roland. Il ne se rase jamais les poils du nez. Il est petit et chauve avec un air de marmotte. Il met tout son argent dans sa collection de disques de musique classique et n'aide jamais les pauvres plus que ses patrons ne le demandent.

samedi 21 février 2009

Traits humains enrobés de paysages psychanalytiques




















Je passe mes journées entières dans mon atelier à extirper de ma tête quelques traits humains enrobés de paysages psychanalytiques.

J'utilise de petites toiles pour mélanger mes couleurs quand je peins de plus grandes toiles. Je fais du deux pour un. Je christophe quelques coups de spatules ici et là et j'essaie ensuite de tirer quelque chose de ce fouillis. Cela donne les ébauches que vous voyez ici. Je vous ferai part des résultats finaux pour que vous puissiez plonger au coeur de ma célèbre technique d'artiste-peintre, narcissiquement intitulée «la technique casse-toé-pas-l'bécycle, prends tes couleurs, tes pinceaux et suis ton instinct»...

Et voilà l'état de mes travaux préliminaires. J'ai plusieurs grandes toiles en chantier. Je reviendrai aussi avec celles-là.

Mon carnet de commandes se remplit. Si vous vous prêtez au jeu du mécénat, il se peut que vous ayez à prendre un numéro... Merci à tous ceux qui tiennent à ce qu'un gus comme moi se tienne le plus souvent possible dans son atelier avec ses pinceaux.




vendredi 20 février 2009

Comment je blogue


Voici ce que je me dis chaque matin que j'ouvre Blogger pour écrire quelques fantaisies sur mon blogue. C'est sans doute sans intérêt. Mais je m'en voudrais de ne pas le signaler, ne serait-ce que pour vous fournir ma ration quotidienne d'élucubrations.

1) Résiste à la tentation d'écrire tout le temps au Je. Tout le monde se crisse des atermoiements et du moimoiment. L'Autre ment moins que le Je. Et puis l'égotisme ambiant est si répandu que tu finis par vomir le Je. Sois Gogol ou rien. Parle d'un autre pour mieux parler de toi. Et va chercher en chaque personnage cette part d'ombre et de lumière sans quoi l'art n'est qu'une description froide et monotone.

2) Parle de politique avec modération. N'hésite pas à rentrer dans l'arène quand tu sens qu'une injustice pourrait être commise par le plus grand nombre envers les plus petits d'entre tous. Pratique le pardon. Combats le ressentiment. Raisonne au lieu de gémir. Crée au lieu de palabrer sur telle ou telle mesure administrative. Évite de penser par slogans interposés. Il n'y a ni droite ni gauche: juste des gens qui rêvent de posséder l'anneau, le prrrr-r-récieux, comme le dirait Gollum dans Lord of The Rings. Tous les politiciens finissent par ressembler à Gollum, même les anarchistes. Et tu vaux mieux que Gollum. Sois Don Quichote ou rien. Un rêveur plutôt qu'un gérant d'estrade. Un poète plutôt qu'un prophète.

3) Pas trop d'inside jokes que personne ne comprend, gus. Retiens bien ça. Sois clair. Sois limpide. Sois simple. Sois Marcel Gamache ou rien.

4) La langue française est riche mais il ne faut pas confondre le vocabulaire du juriste avec celui de l'artiste. Le meilleur exemple d'échec littéraire demeure les romans de Léon Bloy. Tu les as tout de même lus un tant soit peu, gus, et tu comprends que ce n'est pas normal d'arrêter ta lecture à chaque deux phrases simplement pour t'extasier d'un mot tiré d'études latines mal digérées. Ce n'est pas de la botanique que tu fais, mais de la communication. Préfère le pissenlit au taraxacum de la famille des astéracées quand vient le temps d'écrire. Évite l'emploi trop fréquent du plus-que-parfait du subjonctif. Sois Marcel Aymé ou rien.

5) N'écris jamais deux fois le même texte et si ça t'arrive, calice-toi un gros coup de pied dans l'cul. Sois original ou rien.

6) Etc.

jeudi 19 février 2009

Dialogue sur le pied d'athlète


-E'l'meilleur moyen pour s'enlever e'l'pied d'athlète, mon homme, j'peux te l'dire tout-suite c'est quoi moé-là...

-Ah ouin? C'est quoi?

-Quand j'su's rentré en prison, en soixante-dix-neuf, ben fallait prendre sa douche à 'a même place que tout l'monde comme de raison... pis ben ça fait que j'ai pogné le pied d'athlète toé... Pis ça fait mal! C'est comme si t'avais des aiguilles en-d'sour des pieds!

-C't'en plein ça que ça m'fait... Ouin... Pis j'en suis v'nu à boutte avec du rince-bouche la dernière fois. Mais là, on dirait qu'ça veut p'us partir.

-Ça part pas hein? Normal. C'est parce que ça t'prendrait un chien. Mon cousin, Coco, tu sais qui, le gars avec des moustaches en forme de poignées d'bécycle? Ben i' t'vendrait un chien pour pas cher, un Labrador mélangé avec un chien barbette... Sa chienne vient d'accoucher d'une portée...

-J'veux pas acheter un chien! Pour quoi c'que c'est que j'achèterais un chien? 'Ai pas besoin de d'ça!

-Pas besoin... Pas besoin... Écoute un peu! T'as ben dit qu't'avais d'la misère avec ton pied d'athlète?

-Ouin pis en quoi c'que ç'a rapport avec le fait que Coco voudrait m'vendre un chien d'sa chienne?

-C'est parce que ça t'enlèverait le pied d'athlète!

-Hein?

-J'viens te l'dire! Ça t'prendrait un chien pour faire partir ton pied d'athlète! C'est d'même qu'i' est parti après ma sortie de prison...

-Hein???

-C'était un beau chien bâtard, un peu épagneul, un peu berger allemand. I' s'appelait Kaki. Pis le souère dans mon salon, j'appelais Kaki pis Kaki v'nait m'licher en d'sour des pieds pis enteure les orteils.

-Enteure les orteils?

-Entre les orteils! Et cré-moé, ça chatouillait en s'i'-vous-plaît! Ho! Ho! Ho! Même la plante des pieds, y'a des bouttes où ça chatouille que l'Yab. Hé! Hé! Kaki m'lichait pis m'lichait encore en d'sour des pieds toé chose. Pis quand ça t'liche, ben leu' langue sécrète que'ques produits chimiques... Y'a d'quoi avec leu' langue j'te dis, j'sais pas trop. Le faitte é qu'ça m'a guéri du pied d'athlète en tabarnak! J'l'ai pu jamais r'y'eu!

-Ah ben j'ai mon voyage!

-Coco t'vendrait un chien pour 20$. Un beau chien à part d'ça. Pense-z'y.

-Ouin, m'a' y penser. M'a' y penser.

mercredi 18 février 2009

Jackson Pollock, Yves Klein ou Antonio Ligabue?


Si j'étais Jackson Pollock ou bien Yves Klein je considèrerais ces jets de peinture travaillées à la truelle comme de oeuvres achevées qui valent leur pesant d'or.

Comme je ne suis que Gaétan Bouchard, un naïf de peintre qui retouche ses dessins et ses tableaux jusqu'à ce que cela atteigne une forme à peu près acceptable, je ne puis me permettre de m'enrichir avec des barbouillages abstraits, bien qu'il me serait facile de me perdre en discours sur l'histoire de l'art pour épater le bourgeois ou le mécène de passage.

Ces esquisses sont un point de départ, non un point d'arrivée. Vous les voyez dans leur apparence la plus brute, au point où le vrai travail commence. Des personnages vont émerger de ces pigments tartinés sur mes toiles. La psychanalyse et le surréalisme viendront à mon secours pour me guider dans l'exécution de ces tableaux partis de rien, quelques taches que j'aurais pu vernir si j'étais un peu plus paresseux et un peu moins orgueilleux.

Le fait est que je ne suis ni Pollock, ni Klein. Mes oeuvres nécessitent une certaine alchimie, une décantation quoi, le temps que tout s'organise dans ma tête et que ma main soit ferme, solide et précise, comme si je faisais office de chirurgien avec mes pinceaux.

J'ai beaucoup de tableaux en chantier. J'ai hâte de tous les vernir et de vous les montrer.

Pour le moment, je dois retourner à ma contemplation pour mieux m'orienter dans ma production.

Passez vos commandes, si vous en avez. Mais faites vite. Mon agenda se remplit et le temps viendra bientôt à me manquer pour peindre tout ce que l'on me demande. Je n'ai que deux mains. Et j'aime prendre mon temps pour que ce soit beau, à la toute fin.

Pour finir, je vous laisse sur un petit clip qui présente les oeuvres du célèbre peintre naïf italien Antonio Ligabue, un analphabète un peu schizophrène avec qui je me sens en étroite parenté artistique pour une raison que j'ignore encore puisque je ne suis ni analphabète, ni schizophrène. Je ne suis que naïf, comme le grand Ligabue. Pollock et Klein peuvent aller se rhabiller. Ces esquisses présentées ici ne resteront pas longtemps dans le champ de l'abstraction...

mardi 17 février 2009

LE GROS QUI SE PEIGNAIT POUR SE FAIRE BEAU


Le gros était en train de se peigner dans les chiottes du bar The Jungle. Il ramenait sa couette tant bien que mal, car il frisait le gros christ. Zipzip, zapzap, le peigne ne pouvait rien faire contre ses cheveux ébouriffés de gros calice pansu. Et ça le mettait d'autant plus en tabarnak qu'une fille venait de refuser ses avances, même s'il n'y en avait pas vraiment eues. Il lui avait juste dit salut et la conne ne lui avait même pas répondu. Ce qui le mettait hors de lui, déçu de s'être intéressé à une conne, et soucieux de penser que c'était peut-être à cause de cette maudite couette frisée pas peignable que ce gros cachalot n'avait pas la cote avec celle que tout un chacun désignait comme étant la plus belle fille du collège.

Hostie de gros cave qui s'intéressait aux niaiseries de tout le monde et qui tentait de fitter dans leur monde de taouins!

Anyway, le fait est que le gros ciboire se peignait devant le miroir, dans les chiottes du Jungle, avec son petit peigne à 50 cents acheté dans la distributrice à peignes, juste à côté de la distributrice à condoms et à cockrings. Il se peignait quand deux hurluberlus, passablement éméchés, entrèrent dans les chiottes pour tout de suite s'en prendre au gros christ.

-Heille! cria le plus teigneux des deux, heille le gros! Tu t'peignes pour te faire beau, gros christ?

-Grosse hostie d'plote! lui lança l'autre.

-Ouin! Tu t'peignes pour te faire beau, gros christ de cochon, groin! groin! répliqua le teigneux.

Entendant cela, le gros christ sortit de lui-même.

Quand il revint sur terre, il vit le teigneux étendu au sol. Il gisait dans une mare de sang. Le gros lui avait pété la tête sur le rebord d'un urinoir.

Il était pas mal susceptible, le gros.

Mais il savait vivre.

Il s'est d'abord excusé auprès des deux types.

-Vous m'avez fait chier... Qu'est-cé qu'tu voula's que j'fasse, hein?

-Hoooo...woooo...hoooo... déclara le teigneux, visiblement sonné.

-Ok man... On en reste là... C'est beau, ajouta le compagnon du teigneux, totalement apeuré.

Le gros a ressorti son peigne. Il s'est replacé sa couette devant le miroir. Puis il est sorti du bar. La décision la plus sage qu'il pouvait prendre ce soir-là.

Ses pas craquèrent dans la neige comme des boîtes de corn and starch que l'on presserait au-dessus d'un micro pour faire un effet sonore, sauf que c'était vraiment des pas qui craquaient dans de la vraie neige. Et le gros trouvait ça cool.

-Je vais finir ça avec une bonne poutine au Café de la Bagarre. Ça, ça va être tiguidou. Miam!

Et le gros se claqua une poutine, comme de raison.

Et ses pas craquèrent dans la neige, encore une fois, jusque chez-lui.

Puis il tomba comme une bûche dans son lit, repus et respecté de tous.

lundi 16 février 2009

Un peu de bile et de mauvaise humeur pour bien commencer la semaine



Une simple question: pourquoi personne ne reconnaît Clark Kent quand il enlève ses lunettes?

Une autre?

Pourquoi tout le monde semble avoir le besoin de donner son opinion à propos de tout et surtout de rien?

Pourquoi la terre est ronde s'il y a des montagnes et des abysses?

Pourquoi les gens traînent toujours leur passé et répètent les mêmes erreurs? Faut-il vraiment qu'ils cassent les oreilles de tout le monde avec leurs futilités? Se rendent-ils compte que personne ne s'intéresse à leurs hosties de bobos pis que tout le monde leur répond ça va aller sur l'air de dire calice pas encore c't'agrès-là avec ses crisses de problèmes d'enfance!

Wake up hostie de maillet, allume crisse de folle, t'es rendu à quarante ans pis tu penses comme si t'avais quinze ans pis tout le monde te regarde comme si t'étais rien qu'un fucking problème sur deux pattes, un problème dans la tête. Le pire des problèmes c'est ton hostie de raisonnement de cave. T'as eu un malheur pis t'en parles pendant des siècles: es-tu fou, es-tu folle calice? T'aimes ça patauger dans ta marde? A sent-tu bon? C'est trop difficile de s'enlever les pieds de la marde quand on s'est habitué à marcher dedans, même si c'était propre partout autour. Ben, marchez dans votre marde. Continuez. Let's go. Marchez surtout pas sur le plancher propre. Il faut que ça pue, c'est certain.

Pour être heureux aujourd'hui, règle numéro un, faire semblant que les niaiseux n'existent pas et que leurs problèmes ne sont pas le nombril du monde.

Bien des questions ce matin...

Des réponses à brûle-pourpoint...

Un peu de bile et de mauvaise humeur: quoi de mieux pour bien commencer la semaine!

Bonne semaine!

dimanche 15 février 2009

Il n'y a rien à rajouter

Ça fond un peu. Le printemps s'en vient.

Je peins et je ne me plains pas.

Je contemple les couleurs et projette leur réorganisation sur la toile.

Puis je regarde la branche d'arbre cassée qui trône sur le banc de neige qui fait presque figure de glacier dans la cour du voisin. Le soleil luit sur la branche d'arbre cassée et sur le banc de neige aussi.

Il n'y a rien à rajouter.

Ma journée est déjà plus pleine qu'il ne le fallait.

samedi 14 février 2009

LE JOUR DE LA FUCKING SAINT-VALENTIN


C'était le 14 février. Le jour de la fucking Saint-Valentin.
Ils étaient trois. Trois gars issus de la même mère. Trois frères.

Le plus vieux avait trente-cinq, le second trente-quatre et le benjamin trente-trois. Tous les trois se suivaient d'un an. Et il n'y en avait pas eu d'autres. La famille avait été empêchée suite à ce trio, en dépit des protestations du curé de la paroisse.

C'était rare qu'ils sortaient ensemble, ces trois frères. Chacun faisait sa vie, dans son monde, avec ses amis.

Mais en ce 14 février, jour de la fucking Saint-Valentin, les trois frères étaient bel et bien ensemble, au bar Le Baraquin, parmi toutes ces femmes vêtues de rouge et ces couples d'occasion.

Les trois gars avaient tous une belle tête et étaient bien solide sur leurs jambes. Ils jouaient tous les trois au hockey et avaient tous tâté un peu du midget trois A.

Le plus jeune, Louis, le plus rapide sur ses patins, venait tout juste de perdre sa blonde et comme il était seul ce soir-là il cruisait tout ce qui bougeait. Et surtout les femmes qui semblaient déjà sous la garde de quelque mâle qu'il ignorait tout à fait.

-C'est pas à ton chum que je veux parler, c'est à toé. J'te trouve pas mal cute. Mais j'voudrais pas que tu t'enfles la tête avec ça! qu'il leur disait, méthodiquement, jusqu'à ce qu'il y en ait une qui accroche.

Si le fiancé d'Unetelle se fâchait, Louis se contentait de le regarder froidement dans les yeux, selon sa fameuse technique moi-j'ai-un-regard-fou-et-je-reste-calme-donc-je-suis-un-christ-de-fou-et-ne-viens-pas-voir-ce-qu'il-y-a-de-l'autre-côté-du-miroir-mon-tabarnak-tu-vas-chier-des-taques!

Raymond, le second, était ce soir-là avec une fille fuckée qui portait des bottes d'armée. Raymond était un peu punk et il sortait avec une fille un peu punk aussi. Le lieu ne se prêtait pas à la punkitude. Le disc-jockey du Baraquin faisait tourner Phil Collins bien plus que Sex Pistols ou The Clash. Néanmoins, nos tourtereaux slamaient tout de même sur la piste de danse, comme des cons qui se demandent ce qu'ils foutaient là. Ce qui fait qu'ils s'engueulaient et que leur relation tournait au vinaigre, d'une consommation à l'autre.

Quant à Lucien, le plus vieux, alors là c'était le boutte du boutte. Il avait acheté une bague de fiançailles à une caissière de supermarché qu'il avait rencontré deux semaines auparavant et lui faisait sa grande déclaration d'amour tandis que ses deux autres frères faisaient leur niaiseux dans le bar.

À la fin de la soirée, sans trop que l'on sache comment c'était arrivé, les trois se sont ramassés tout fin seuls.

La fille aux bottes d'armée a quitté Raymond. Lucien s'est fait larguer par sa caissière qui ne voulait rien savoir de sa bague et du mariage. Quant à Louis, il s'est battu avec un gars jaloux à la sortie du bar, un gars jaloux qui s'est guéri de la jalousie en voyant apparaître Raymond et Lucien, qui venaient évidemment se porter à la rescousse du petit dernier, comme d'habitude.

Quand le calme revint, les trois frères en profitèrent pour se faire un brin de jasette.

-Les trois frères tout seuls le jour de la Saint-Valentin tabarnak! déclara Louis, en riant à gorge déployée.

-On va-tu aux danseuses? demanda Lucien.

-Hostie qu'on a l'air cave! répliqua Raymond, dégoûté.

C'était le 14 février. Le jour de la fucking Saint-Valentin.

vendredi 13 février 2009

Bipbip et rebip!

Le gouvernement du Québec lutte contre le ralentissement économique de diverses façons. L'une des plus drôles est sans doute de diffuser une pub à la radio où le bip des produits enregistrés à la caisse se confond avec le bip d'un moniteur cardiaque.

Plus le bip ralentit, plus on se dit que le patient va mourir, n'est-ce pas?

Alors bippons, plus vite encore, bipbip et rebip, haha, au fond Léon, achetons tout ce que nous voyons, remplissons nos chars d'essence et privons des continents entiers de riz ou de farine pour que ça bippe ici, bipbip et rebip, plus vite.

Le riz et la farine, c'est pour nos chars, au cas où il manquerait d'essence.

On a qu'à tremper tout ça dans le sucre quelques jours et l'auto va quand même démarrer au quart de tour si le pétrole vient à manquer. Bipbip et rebip. Et fuck le reste. Fuck les arbres. Fuck l'eau. Fuck la faim en Afrique. Fric, fric, fric. Bipbip et rebip.

Surconsommer c'est exister. C'est le message que m'envoie le gouvernement du Québec: bipbip et rebip!

Et là, ne venons surtout pas faire les rabats-joie avec nos théories gauchistes sur les changements climatiques, le capitalisme sauvage, les droits des animaux et des personnes... Nous, je veux dire, vous et moi, enfin si vous vous reconnaissez dans ma saute d'humeur.

Bipbip et rebip.

Tout pour l'auto, rien pour le prolo.

Tout pour le char, rien pour les plaignards.

Il faut que ça bippe. Il faut que ça fume. Il faut que ça brûle, brûle et brûle encore.

C'est la vente à tout casser! Tout doit être liquidé, liquéfié, transformé en jus pour char. Tout! Hostie! TOUTTE!

Vos shorts vont y passer. Et votre pain quotidien aussi.

Roulons, bêtement, comme des caves, bipbip et rebip, à la caisse plus vite que jamais, comme si la vie dépendait essentiellement de bips et que tout passait par ce qui désaltère la machine.

Bipbip et rebip. Morale de caves.

jeudi 12 février 2009

Esquisses


Je peins tous les soirs par les temps qui courent.

Je mélange mes pigments sur des feuilles de papier ou de carton.

Cela me donne une forme que je retravaille ensuite au crayon feutre ou bien au stylo bille.

Ces esquisses sont le produit du hasard et de l'organisation.

Je compte bien m'acheter des petites toiles pour mélanger mes couleurs quand j'en peins des grandes.

Ça me permettra de faire du deux pour un: du figuratif naïf et de l'abstraction figurative néo-expressionniste machin-chouette.

Voici quelques-uns de ces machins.

Je termine deux grandes toiles. Une tête de chef indien géante avec son couvre-chef tout en plumes et un rêve, ma foi, hallucinant.

Ne quittez pas l'antenne! Je vous reviendrai là-dessus.

















































mercredi 11 février 2009

Bonjour la gentillesse?


Je voudrais bien dire que la gentillesse est banale, qu'elle se produit à tout moment, si souvent qu'on ne la remarque jamais. Ce n'est pas le cas. La gentillesse est rare. Elle se produit rarement. Si rarement que je la remarque toujours.

La revue Courrier international vient de faire paraître un numéro spécial intitulé Bonjour la gentillesse! Paraîtrait qu'elle est finie l'ère du fric pour le fric, du chacun pour soi, de l'atavisme et de la haine d'autrui... Tout le monde veut devenir gentil. Pourquoi pas, hein? Tant mieux, tant mieux.

Sauf que je n'y crois pas. Je ne crois qu'en ce que je vois, touche et sens. Et je vois bien qu'il y a encore des tas d'idiots sans gentillesse ni courtoisie, que ce soit au volant de leur automobile ou dans la file d'attente des paumés qui attendent leur autobus.

Ouais. Je dis bravo à la gentillesse. Et même que je la mets en pratique.

Mais qu'on ne vienne pas me dire que tout le monde a le coeur à la bonne place.

Des sans coeur, il y en a à la douzaine, partout. L'impolitesse est la norme.

Des caves, c'est plein et la coupe déborde.

Des gentils et des gentilles? Quelques-uns. Et c'est sur leurs épaules que repose d'idéal de toute communauté qui se respecte un tant soit peu.

Donc, bonsoir la gentillesse, on repassera!

***

Post-scriptum: Là-dessus, permettez-moi de m'excuser auprès des caves que j'aurais pu blesser.

mardi 10 février 2009

Is it a plane? Is it a bird? No! It's Superman!


J'ai rencontré un fou qui passait son temps à produire des tas de dessins sur des feuilles blanches de format huit et demi par onze. Le pauvre homme se sublimait sous les traits de Superman, le Kryptonien. Il ne lui ressemblait pas beaucoup. Mais comme lui, il était vierge et comprenait que ses origines extra-terrestres l'empêchaient de se reproduire avec l'espèce humaine. Ce qui fait que Superman était souvent dessiné bandé comme un chevreuil sous ses collants bleus. Et le fou n'avait rien trouvé de mieux à faire que d'offrir tendrement ces dessins du surhomme archi-bandé aux femmes qu'il croisait au hasard de ces sorties. Les serveuses dans les bars et les cafés, les chauffeuses d'autobus et les caissières de tous les commerces de la ville avaient reçu au moins une fois un de ses dessins de Superman bandé raide, accompagné de paroles mielleuses diamétralement opposées à ces oeuvres vulgaires d'érotomane déglingué. «T'es comme le soleil! T'es comme le nuage blanc et un peu rose! T'es comme...

-Ok! Ça va faire. Arrête-moé ça... finissaient-elles toutes par lui dire et toujours il obtempérait en se confondant en excuses, l'élue de son pauvre coeur dédaignant son Superman à la queue qui déchire son slip.

-J'm'axcuse mon ange! J'm'axcuse... J'voulais pas... J'm'en va's... J'm'en va's...

-Ouin c'est ça...

Et il partait, le fou, avec des tas de supermen bandés sous le bras.

S'il existe un artiste maudit en ville, je me dis que c'est bien lui.

Ce qui fait que j'ai conservé quelques-uns de ces surhommes bandés qu'il dessine, depuis le jour où il me les a offerts pour que je les publie dans le journal où j'étais rédacteur en chef.

Je ne les ai pas publiés. On a fermé le journal pour nous rappeler à l'ordre.

Un jour, je vous les montrerai ces dessins de Superman. Pas tout de suite: je veux vous faire languir.

C'est pas que ce soit bandant.

C'est juste totalement fou.

L'oeuvre maudite d'un vrai artiste maudit.

lundi 9 février 2009

LA CÉLÉBRITÉ C'EST PAS GRAND' CHOSE QUAND ON Y PENSE RIEN QU'UN PEU


Gendron retourna son corps d'armoire à glace vers le cornet du téléphone.

-Oui allo? dit-il, la gueule pâteuse.

-Salut Gendron, c'est Linda. Y'a un préposé qui est pas rentré ce matin en orthopédie... Pourrais-tu rentrer le plus tôt possible s'il-vous-plaît?

-Hee... Ouin... répondit-il.

Ils l'avaient appelé à huit heures et quart du matin pour rentrer au travail à sept heures du matin, maudite affaire.

Hostie que ça commençait mal!

Déjà une heure et quart de retard, sans compter le temps de prendre une douche, d'avaler une bouchée, de boire une gorgée de café et de s'envoyer quelques cachets d'aspirine par derrière la cravate.

Gendron revenait d'une rumba qui s'était terminée à trois ou quatre heures du mat' au bar étudiant de l'université. Il faut dire que Gendron était étudiant en sciences politiques à cette université et qu'il gagnait ses études en travaillant à l'hôpital universitaire comme d'autres jouent au football pour les mêmes raisons.

Dure vie d'un préposé aux bénéficiaires sur appel. Tu es toujours à la merci du travail qui te tombe dessus à toute heure du jour, dont à l'heure où tu cuves encore ton vin.

Maudite boisson... Gendron avait vingt ans, voyez-vous. À huit heures et quart un dimanche matin, c'est possible qu'un vingtenaire ait fêté un peu, sans quoi sa vie serait un peu triste. Et Gendron fêtait plus qu'un peu. D'où les aspirines. Et le fait qu'il soit en tabarnak d'aller travailler comme un fucking yesman à toute heure du jour ou de la nuit, «sur appel» comme ils disent.

Gendron était donc rentré au travail, à neuf heures pile, avec deux heures de retard sur le plan de match.

Professionnel comme pas un, il s'est crissé un sourire dans la face et a fait sa job en faisant des jokes à tout un chacun pour détendre l'atmosphère. Laver le cul de quelqu'un, veut, veut pas, faut que tu fasses ça comme si tu faisais ta routine à l'étable, en riant, sans capoter. Comme ça les bêtes se tiennent tranquilles, tu leur donnes leur avoine et la vie est belle. Puis tu sers quelques bonnes paroles pour tout un chacun en apprenant à connaître leur passion. Comme le barbier qui parle de politique, de sport, d'automobile ou de lampadaires selon ce qu'il perçoit chez celui qu'il tond, l'humain qui lui rapporte son salaire.

-Ça va bien m'sieur Corbin? Parce que si ça va mal j'pourrais toujours m'essayer à vous conter une joke...

-Enwèye don' mon toé chose!

-Ok... Ben c't'une fois... hee... Finalement j'm'en souviens p'us. En avez-vous une vous m'sieur Corbin?

Et là monsieur Corbin de raconter une joke de gars qui monte au Ciel et qui se fait dire par Saint-Pierre que la porte est jammée et de crisser un coup de pied dedans ou quelque chose du genre.

Donc, c'est tout un art que de torcher un cul en gardant le sourire pour détendre l'atmosphère. Un art de barbier. Et Gendron, que voulez-vous, ça il l'avait. En plus d'être fort comme un boeuf. Car il fallait être fort comme un boeuf pour faire cette job-là. Les machines ne font pas tout. Ça prend des bras dans les hôpitaux, pour toutes sortes de raison.

Enfin. Gendron a fait sa job avec brio. Et il a bien mérité sa pause à onze heures, après deux heures de gymnastique intensive. Il prit un autre café. Puis comme il vint pour s'asseoir avec le personnel médical du département, voilà qu'on vint le demander en renfort pour la chambre 308, à l'étage au-dessous.

Gendron est parti à la course vers la chambre 308. Boum, boum, boum, il déboula l'escalier quatre à quatre.

Chambre 308. Gendron avait devant lui un ancien grand ministre de tel ou tel gouvernement, une figure historique quoi, un gars que tu voyais presque tous les jours à la télé pour rappeler telle ou telle époque, enfin bref un grand politicien québécois.

C'était pour lui qu'on avait demandé du renfort. Il avait sauté une coche, le pauvre. Il hurlait à mort et s'était barbouillé le crâne avec ses propres excréments. Il s'était détaché de ses contentions. Et il fallait le rattacher, lui injecter un calmant et le débarbouiller. Ce qui fut fait en deux temps trois mouvements.

Gendron était comme un as du rodéo dans ce genre de travail. Zipzap, il vous attrapait un gus et l'attachait en un rien de temps. Le débarbouillage, ensuite, n'étant plus qu'un travail de finition, comme l'époussetage des cheveux pour le barbier.

Le pauvre gus avait manqué d'oxygène au cerveau suite à une crise cardiaque et il n'était plus lui-même. Il hurlait nuit et jour en commettant des actes insensés, d'où les contentions. Le politicien célèbre était devenu dément.

Gendron avait vingt ans. Et il ne voyait plus les sciences politiques de la même manière. Et ce n'était pas juste à cause de la boisson.

-C't'une christ de job, préposé aux bénéficiaires... Tu voés des affaires qu't'aurais jamais cru vouère, même dans les films!

Sacré Gendron, hein?

dimanche 8 février 2009

Tout est en soi-même & ne cherchez pas ailleurs!


Le vagabond, ci-contre, a été peint sur une toile d'une dimension de 20 X 36 pouces. Les couleurs sont un peu plus vives que sur cette photo. Enfin, c'est tout ce qu'il m'en reste puisqu'on me l'a achetée, cette toile que je ne reverrai plus. Ce qui fait que j'ai la faiblesse de vous en parler une dernière fois.

Je l'ai regardée partir sans pleurer. Toute bonne chose a une fin. Et cette toile peinte en 2006 devait bien me quitter pour faire son chemin ailleurs, d'une grotte à l'autre, pendant un an, dix ans, cent ans, mille ans: je n'en sais rien.

Ce que je sais, c'est que je retrouve l'éternité, pour reprendre Rimbaud, quand je peins la mer en allée avec le soleil ou bien un vagabond.

Le produit final en art, que ce soit pour une peinture, une chanson, un pâté chinois ou bien une fable, cela me fait toujours le même effet: quand est-ce qu'on s'y remet, hein? Vite mes pinceaux! Vite ma guitare et mes casseroles!

C'est pendant que j'exécute un de mes arts que je retrouve l'infini. Je perdrais tout demain matin que je n'aurais rien perdu si ma boîte à souvenirs fonctionnait encore.

C'est en-dedans de soi-même que réside le coeur de l'art, le coeur de la spiritualité et même le coeur tout court de notre enveloppe charnelle.

Donc, adieu Le vagabond! Poursuis ta route et réchauffe l'âme de ceux et celles qui te verront. Apporte-leur la paix, la sérénité et le sourire.

***
La spiritualité, c'est en soi-même que ça doit se passer. Les gens courent à gauche et à droite comme des poules pas de tête pour se donner l'illusion d'une quête spirituelle tout aussi vaine que factice. Ils pensent pouvoir s'acheter de la sagesse comme on s'achèterait une boîte de céréales. Ils cherchent, cherchent et cherchent encore sans jamais rien trouver.

«Connais-toi toi-même», disait le vieux Socrate, et ça devrait suffire. Cherche en toi-même, pas ailleurs, poule pas de tête!

J'ai souvent lu cette vieille légende hindoue, au hasard de mes lectures. La référence exacte me manque. J'ai beau m'ingénier à la trouver, en naviguant sur le ouèbe tant en anglais qu'en français, que rien ne vient. Est-ce que ça fait partie des Védas? J'sais pas. Mais ça cogne. Voici donc cette vieille légende hindoue qui proviendrait d'un auteur anonyme. Le traducteur pourrait être Frans De Ville. Mais j'ai des doutes...

« Une vieille légende hindoue raconte qu’il y eut un temps où les hommes possédaient, en eux, la divinité. Mais , leur cupidité, leur égoïsme, leur soif du pouvoir, leur désir de toujours supplanter les autres, firent qu’ils abusèrent tellement de leur divinité que Brahma, le maître des dieux, décida de leur ôter le pouvoir divin et de le cacher à un endroit où il leur serait impossible de le retrouver. Il convoqua les dieux mineurs et réfléchit avec eux.


Un des dieux lui suggéra d’enterrer le pouvoir divin de l’homme au plus profond de la terre, jusqu’au centre du monde, près du magma, mais Brahma lui répondit : « Non, cela ne suffit pas, car l’homme creusera, creusera, et un jour il le retrouvera, s’en saisira et se comportera à nouveau comme avant.»


Un autre dieu lui dit alors : « Maître, cachons-le au plus haut du ciel, là où finit notre monde et commence l’éternité .» Mais Brahma répondit : « Non, cela ne suffit pas non plus, car dans son désir de conquérir l'univers l’homme finira par l’explorer, il montra très haut dans le ciel, et il le retrouvera.»

Un troisième dieu lui dit enfin : « Maître, immergeons-le au plus profond des océans, là où il n’y a plus de vie, il ne pourra jamais descendre si bas ! » Mais Brahma répondit : « Non, car l'homme voudra aussi conquérir toutes les mers, il construira des machines qui pourront descendre au fond des océans et en explorant les profondeurs, il le trouvera et le remontera à la surface .»

Les dieux mineurs, désappointés, étaient atterrés et conclurent qu'ils ne savaient pas où le cacher car il ne semblait exister sur terre, dans le ciel ou dans la mer d'endroit que l'homme ne puisse atteindre un jour.

Alors Brahma, dans sa grande sagesse leur dit : « Je sais ce que nous allons faire, nous allons cacher le pouvoir divin des hommes au plus profond d'eux-mêmes, là, ils ne le chercheront jamais.»


Depuis ce temps, conclut la légende, l'homme a fait le tour de la terre, est monté très haut dans le ciel, a exploré la profondeur des océans, à la recherche de quelque chose qui se trouve en lui-même et qu'il retrouvera, lorsqu'enfin il possédera la sagesse.»


PS: Un beau petit site ouèbe pour lire des quossins spirituels. Ça passe le temps...

Et de la musique, pour vous quitter en beauté.

samedi 7 février 2009

Deux tableaux, une esquisse et un banc de neige

J'ai deux tableaux récents à partager avec vous, chers voyeurs et voyeuses, lecteurs et lecteuses, tous et toutes autant que vous êtes.

Les voici, sans trop de préambule.

D'abord, permettez-moi de vous présenter Tout juste après la tempête. C'est un tableau qui doit bien prendre un mur tout entier. J'ai joué avec les tons de bleu. Le ciel a été peint au torchon pour lui conférer un air chargé de mouvement, comme si la tempête s'avalait elle-même pour finalement disparaître. Comme un serpent qui se mordrait la queue. À la fin, sûr qu'il disparaît. C'est la sagesse que les bandes dessinées m'ont enseignée.

Voici donc ce tableau, puisque j'en parle:





















Ensuite, il y a La femme enceinte au pays où les arbres sont rouges. J'ai peint ça sauvagement, avec tendresse. Pensez-en ce que vous voulez. La voici:

























Enfin, une petite fantaisie peinte en deux temps trois mouvements sur du carton cheap qui absorbe très bien l'acrylique par ailleurs, ce qui permet des textures fascinantes que l'ordinateur ne saurait rendre dans toute sa rotondité, sa fluidité, sa façon toute physique d'absorber la vraie lumière du jour. D'où l'importance d'acheter mes oeuvres au lieu de regarder une vulgaire reproduction sur le ouèbe. Cette esquisse représente une fraîchepète aux seins laiteux.



























Vous voyez bien que je travaille tout le temps, l'air de rien. Même le samedi.

Pour finir ça en beauté, j'ai cru bon aussi de vous permettre de voir mon studio de photo. Il est en plein-air, à trois pas du port de Trois-Rivières. Il consiste en un banc de neige, une congère d'un bleu très doux et légèrement ombragé. Un bleuté qui permet d'envelopper l'image dans une sorte de confort propre à la brume qui souffle de la voie maritime du fleuve Magtogoek.

Kwey!

vendredi 6 février 2009

L'ACTE SURRÉALISTE LE PLUS SIMPLE


Il y avait des tas de livres dans le bureau de Roland Gratton. Son bureau était déjà minuscule. Il n'en était que plus petit avec tous ces livres de philosophie, ces romans et ces livres d'art qui grimpaient jusqu'au plafond pour retomber comme une lourde vague, au sol. Une vague de mots et d'images qui laissait à peine un étroit corridor où poser les pieds. Sacré Gratton!

Comme si ce n'était pas déjà trop petit, il fallait aussi que Gratton soit énorme. Cette boule de graisse adipeuse devait se frayer un chemin parmi les livres pour finalement choir son gros cul sur une chaise trop petite pour lui et manifestement inconfortable. Ce qui faisait suer Gratton. Gratton qui s'épongeait le front tout ce temps où il palabrait sur tout et surtout sur rien. Il n'y a que lui qui pouvait vous parler des mérites de telle ou telle traduction d'un obscur auteur de l'antiquité tardive, Philon d'Alexandrie par exemple, ou bien vous raconter en détails l'histoire d'une quelconque bande de troglodytes.

Ce jour-là, Gratton était dans le garde-robe sans fenêtre que l'université lui accordait à titre de bureau. Il épluchait ses livres, comme d'habitude, tout en recevant un étudiant venu interrompre sa lecture pour lui parler de son projet pour sa thèse de maîtrise. L'étudiant s'appelait Alain Grenon. Il devait avoir vingt-quatre ans. Une petite barbichette au menton. Des lunettes rondes. Un béret avec une étoile rouge. Gratton, anti-communiste notoire et militant d'Amnesty International, n'attirait visiblement que des gogos totalitaires alors qu'il passait tous ses cours à défendre les droits de la personne avec une passion inégalable.

-C'est mon karma de n'attirer que des imbéciles! se disait Gratton en lui-même. Ils sont jeunes... Ils croient que la justice passe par l'injustice, que la fin justifie tous les moyens, que l'on ne fait pas d'omelette sans casser les oeufs... Et comme dirait Panaït Istrati, on ne voit jamais d'omelette tout au bout, juste les oeufs cassés... Ah! Et il faudrait que je m'épuise tout le temps à répéter les mêmes choses à tous ces étudiants tentés par l'une ou l'autre forme de totalitarisme: nationalisme, collectivisme, communisme, fascisme... Comme il est difficile de se trouver soi-même, de se connaître soi-même et de s'affirmer soi-même!

-...et j'ai pensé que... he... Vous avez entendu ce que je viens de dire? demanda Grenon, fort poliment.

-Excusez-moi! répondit Gratton en sortant de sa torpeur. Je viens de vivre un moment de contemplation. Il m'arrive d'être dans la lune. Je m'en excuse... Alors vous parliez de votre projet pour votre thèse de maîtrise n'est-ce pas?

-Oui... Et cela partirait d'une citation de André Breton, vous savez... Ce dont vous parliez dans votre cours sur l'esthétique... Le second manifeste du surréalisme... «L'acte surréaliste le plus simple...»

-Ah oui!
« L'acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu'on peut, dans la foule. » Oui. Oui. Cette fameuse formule de André Breton, tant décriée par ailleurs. Une formule qui, par ailleurs, ne serait pas étrangère à L'Étranger de Albert Camus, si je peux me permettre l'expression. L'Étranger, un type qui tue quelqu'un sur la plage juste parce que le soleil lui pique les yeux...

-Oui... Justement... Et...

Comme ils disaient cela, la porte du garde-robe professoral s'ouvrit subitement pour laisser entrevoir la silouhette d'un gus au regard halluciné qui déchargea le contenu de sa mitraillette dans la chair des deux philosophes. Cela ne dura que dix interminables secondes. Puis des coups de feu se firent entendre plus loin, dix autres interminables secondes. Puis encore plus loin...


Il y avait eu trente-neuf victimes. Vingt-deux morts et dix-sept blessés.


Le gus à la mitraillette s'appelait Luc Cayouette. Moyen en tout, ni beau, ni laid.

Il n'avait laissé aucune raison pour expliquer son geste. Il avait commis l'acte surréaliste le plus simple et raccourcit la vie de deux érudits qui préféraient la théorie à la pratique.

C'est bien pour dire, hein?

jeudi 5 février 2009

NOUVEAU SLOGAN DE TROIS-RIVIÈRES: ICI ON S'EN TORCHE!

Je me permets aujourd'hui ce petit devoir civique. Cela m'emmerde d'être une des rares voix de l'opposition dans ma ville natale, Trois-Rivières. Mais je n'ai pas le choix. Je dois monter au front, juste pour dire que je ne suis pas resté les bras croisés devant le Cheuf de la ville.

1) Le maire Yves Lévesque n'a jamais eu de légitimité au plan démocratique dans la mesure où le directeur général des élections du Québec a reconnu qu'il ne pouvait pas garantir les résultats suite au fiasco du vote électronique. Si nous étions à Vancouver ou même à Ottawa, on aurait repris le vote, par souci de respecter les règles du jeu démocratique avec la rigueur de l'honnête homme qui laisse passer les piétons au lieu de les écraser. Ici, on s'en torche. On se torche autant de la démocratie que des piétons. Et ça n'étonne personne. Et personne ne fait rien. Paraît que c'est normal d'agir ainsi dans les coins reculés de la planète.

2) Le maire Yves Lévesque s'est torché du fait que le registre municipal ait dépassé le nombre de signatures nécessaires pour qu'il y ait un référendum sur le projet Trois-Rivières-sur-Saint-Laurent. Du coup, plus personne n'a envie de signer de registre. Ça donne quoi, hein? Rien. Et comme nous vivons dans une ville qui a beaucoup souffert de l'exode des cerveaux, il ne reste plus qu'un pelé et deux tondus pour rappeler qu'ici on s'en torche. Un type me rappelait ceci récemment: «T'as beau écrire autant qu'tu veux dans Le Nouvelliste personne ne sait lire à Trois-Rivières.» Je pense qu'il exagère. Néanmoins, il subsiste un peu de vérité dans cette assertion. D'où l'importance pour tout démocrate de soutenir les organismes d'alphabétisation. Car ici, la lecture, on s'en torche aussi.

3) Le maire Yves Lévesque n'a pas abandonné la prière à l'hôtel de ville suite à l'avis de la Commission des droits de la personne qui lui a rappelé son devoir de neutralité en tant que représentant de l'État. Il a simplement confié aux chevaliers teutons le mandat de réciter la prière à sa place avant le début des assemblées. Et si la plaignante dans cette histoire se fait tordre les bras et insulter au début de l'assemblée, bien sûr qu'il s'en torche. La parole est aux citoyens. Qu'ils portent ou non une cagoule blanche, en autant qu'ils brandissent la croix. Ouais, ici la laïcité et les autres irreligions, on s'en torche. La salle est paquetée de Croisés qui forment la garde rapprochée du maire. Les églises sont vides. Mais les Croisés veillent au grain au conseil de ville. La foi est morte mais il reste le pouvoir dans tout ce qu'il a de plus sale. Et les symboles du pouvoir sale malicieusement déguisés en traditions.

4) Le nouveau slogan de Trois-Rivières pour son 375e anniversaire de visages pâles teutoniques: ICI ON S'EN TORCHE!

5) Power to the people!

mercredi 4 février 2009

ÇA SENT LA BIÈRE DE LONDRES À BERLIN (JACQUES BREL)


Étienne Plamondon cultivait une passion toute particulière que sa blonde, Renée Lacerte, ne réussissait pas tout à fait à comprendre, voire à tolérer.

Le gros Plamondon était à ce moment-là un jeune colosse dans la trentaine qui gagnait bien sa vie en tant que technicien en chimie pour une papetière. Il ressemblait à un Vicking. Il était brun et roux avec un gros pif. Renée était professeure d'espagnol au cégep. Elle ressemblait un peu à Céline Dion en beaucoup plus maigre. Elle était aussi dans la trentaine. Et elle avait aussi un gros pif, contrairement à Céline, semblablement à Plamondon. Un point commun pour vivre ensemble. Un point commun tout menu. Parce que pour le reste, ils n'étaient pas du tout faits pour s'entendre.

Renée était une rêveuse plutôt active qui aimait discuter d'art et de littérature autour d'une bonne bouteille de vin. Plamondon était un ivrogne plutôt passif qui aimait roter avec sa bande de copains autour d'une partie de hockey à la télé ou bien d'une partie de cartes.

Plamondon aimait la bière sous toutes ses formes et en buvait du matin jusqu'à l'autre matin, aussi souvent qu'il le pouvait, jusqu'à ce qu'il soit complètement saoul. Ce qui arrivait rarement, en fait. Plamondon était dur à saouler. Avec de la bière à tout le moins. Ce qui fait qu'il en buvait d'énormes quantités, tous les jours, pour recommencer le lendemain avec le même sentiment d'un vide immense à combler. Il n'y avait pas assez de bière sur terre pour saouler Plamondon.

Fait à noter, Plamondon collectionnait les marques de bouteilles de bière. Il rangeait ses bouteilles avec dévotion au dernier étage de sa bibliothèque où l'on trouvait essentiellement des monographies sur l'art de fabriquer de la bière ou bien sur l'histoire vraie de telle ou telle célèbre brasserie.

Il faut dire qu'en plus de boire de la bière, Plamondon en faisait. Et beaucoup à part de ça. De sorte que sa blonde devait vivre parmi trente-six cuves de plastique de 4 galons réparties un peu partout dans leur petite maison de campagne en banlieue de Trois-Rivières.

Il y en avait même dans la chambre, imaginez. Cette chambre que Renée avait tenté de rendre un peu plus féminine, tant bien que mal, puisqu'elle n'avait jamais réussi à en faire sortir les huit cuves de bière en fermentation.

-Va falloir que tu choisisses un jour, Plamondon. C'est moi ou ta bière! qu'elle lui avait dit, deux ou trois jours avant leur séparation.

-Des menaces, la Lacerte, hein? Tu seras ben contente de m'siphonner du cash le jour où j'aurai ma brasserie!

Disant cela, évidemment, Plamondon ressentit un peu la soif. Ce qui fit qu'il s'ouvrit une bière pour se calmer. Et, glouglou, il cala une bouteille en une seule gorgée.

-Ta brasserie? Maudit robineux! poursuivit Renée, visiblement irritée. Ça fait cinq ans qu'tu m'en parles! Est où ta brasserie? Dans notre chambre tabarnak! C'est là qu'elle est ta calice de brasserie! DANS NOTRE FUCKIN' CHAMBRE!

Plamondon, ne supportant pas d'être insulté par sa mégère, claqua la porte et s'en alla voir ses vieux chums pour se saouler la gueule. Ça dura un jour, deux jours, peut-être trois jours.

Le fait est que Renée l'avait quitté quand il revint. Elle lui avait laissé un mot sur le frigo: «Oublie-moé.» C'était clair, net et précis. De même que la suite: «Mange d'la marde!»

Évidemment, Plamondon constata qu'il aimait Renée. Sa chambre avait l'air triste maintenant qu'il n'y avait plus que des cuves de bière en train de gonfler. Un peu de féminité, on dira ce qu'on voudra, c'est beaucoup moins triste.

Donc, Plamondon se mit à capoter, à sangloter et à téléphoner un peu partout pour retrouver sa Renée. Personne ne savait où elle se trouvait. Ses proches lui répondaient tous la même chose: «Elle veut que tu lui crisses la paix. Elle veut p'us rien savoir de toé, Plamondon.»

Plamondon s'est donc fait une raison. Il s'est présenté à sa banque, un beau lundi matin, pour retirer toutes ses économies, un bon quinze milles piastres, l'air de rien. Puis il a vendu sa maison, son auto, ses cuves de bière. Où s'en allait tout cet argent?

Au vidéo-poker.

Pour ce faire, il n'avait qu'à traverser la rue pour se rendre à la brasserie Aux Vrais Copains. Il y avait quatre machines dans le bar. Juste assez pour le lessiver jusqu'à la dernière cent en moins de trois mois.

Plamondon faisait encore moins de chemin pour s'y rendre après avoir vendu sa maison. Il s'est loué une chambre à vil prix, juste au-dessus de la brasserie Aux Vrais Copains. C'était une chambre minuscule où il entassa sa collection de bouteilles de bière et autres trucs sans intérêt pour un prêteur sur gages, dont un vieux radio et quelques photos de Renée Lacerte en costume de bain.

Évidemment, Plamondon finit par se faire expulser de sa chambre, juste après avoir perdu sa job à la papetière qui l'embauchait. Il ne payait pas son dû. Et il têtait tout le monde au bar pour une bière ou bien quelques trente sous à mettre dans le vidéo-poker.

Au moment où j'écris ceci, je ne sais pas ce qu'est devenu Plamondon.

Certains me disent qu'il est mort. Mais ce ne sont que des ivrognes qui disent n'importe quoi, n'importe comment et tout de travers. On peut autant leur faire confiance qu'à des politiciens.

Ce que je sais, par contre, c'est que Renée Lacerte enseigne encore l'espagnol au cégep et qu'elle a trouvé un chic type pour remplacer Plamondon. Il s'appelle Diego. C'est un Mexicain. Gentil. Poli. Débordant de passion pour les arts, la littérature, les sports de plein-air. Il boit sa cervoise de temps à autres, comme tout le monde, et traite sa blonde en multipliant les petites attentions et les grands frissons de l'amour. Renée trippe sur lui, c'est bien évident. Et elle ne parle jamais de Plamondon que pour nous dire d'arrêter de lui parler de cet hostie de trou d'cul insignifiant.

-Crisse di tabarnak, ça doui pô itre facile, facile d'itre un trou di cul, Guitane, han? se permet d'ajouter mon nouvel ami, Diego.

-Asta la vista, Diego...

Ce qui fait que, peu à peu, on l'a tous un peu oublié, Plamondon. Sauf moi qui, à ma façon, vous ai tout de même raconté une partie de son histoire, pour le plus grand bénéfice des générations futures, sans vous demander le moindre sou.