lundi 31 mai 2010

L'INCOMMUNICABLE

Je riais à m’en péter les côtes rien qu’à raconter cette histoire authentique. Mes amis riaient aussi.

-Tu devrais l’écrire cette histoire-là Gaétan… Ha! Ha! Ha! m’a dit Phil en essuyant les larmes qui pissaient de ses yeux. J'ai jamais entendu pareille histoire de cave!

-J’peux pas… Le gars m’arracherait la tête…

Ce qui fait que je n’écrirai pas cette histoire, malheureusement.

Je la garde en réserve pour mes vieux jours.

Comme tant d’autres que je ne peux pas écrire tout simplement parce que je ne sais pas comment je ferais pour que la personne en question ne puisse pas se reconnaître.

samedi 29 mai 2010

Un raisin, un radis, une framboise

Le bonhomme a quatre-vingt-sept ans. Il est dodu, mais affaisé dans ses graisses qui le nourrissent sur ses vieux jours, comme l'ours en hibernation. Sa tête est toute blanche et surmontée d'une casquette de baseball beige et anodine.

Il se tient au supermarché. Il a trouvé là matière à se nourrir sans sortir un sou.

Il picore dans le raisin, les bonbons, les échalotes, les radis, les fraises, les mûres, les framboises, les tomates cerises, bref dans tout ce qui se vend en paquets.

Une unité soustraite du paquet, pour le vieux bonhomme, ça ne peut pas être considéré comme du vol.

Le gros Lampron, gestionnaire du supermarché, ne pense pas la même chose. Néanmoins, il le laisse opérer sans représailles, parce que le vieux est trop vieux, parce que tout le monde le salue, le connaît, l'aime. Ce n'est pas que le gros Lampron soit particulièrement bon. Mais il a compris qu'en business il faut savoir tolérer certains parasites pour maintenir le statu quo sur les rentrées d'argent. 

De plus, il serait gênant d'arrêter le vieux pour un raisin, un radis ou bien une framboise.

-Laissez-le faire, c't'un vieux calice, répète fréquemment le gros Lampron aux nouveaux employés. Qu'est-cé qu'vous voulez qu'on fasse? Même e'l'juge rirait d'nous autres.

Pourtant, le vieux bonhomme salue toujours le gros Lampron qui lui rend rarement ses salutations.

C'est vrai que le gros Lampron ne sait pas vivre.

vendredi 28 mai 2010

Twois-Wivièwes: capitale de la marde

Il était une fois un hostie d'trou surnommé Twois-Wivièwes. Ce trou était situé au beau milieu d'une province de marde, dans un pays de cul.

Cette ville était sous la gouverne de types sans belles manières qui baragouinaient deux langues et se croyaient hot alors qu'ils n'étaient que des hosties d'trous d'cul. Ils pouvaient vivre au-dessus des lois juste parce que cette ville de marde était oubliée de Québec et d'Ottawa.

Ce qui fait qu'on y votait n'importe quoi n'importe comment, en se crissant du peuple, des référendums, des consultations populaires, des pétitions, bref de l'exercice normal de la démocratie dans un pays de cul où la plupart des villes étaient somme tout moins merdeuses.

À Vancouver, Toronto ou Shawinigan, on ne construit pas un temple du sport ou bien un éléphant blanc de la culture sans consulter les contribuables. On ne vit pas en démocratie pour rien.

Mais dans cette ville de marde, franchement, tout devenait possible. Et tout pouvait aller de travers. Franchement, Twois-Wivièwes était la championne toutes catégories confondues. La capitale de la marde.

Hier, ils ont approuvé un autre projet sans consulter personne. Ces peddlers ont fait approuvé leur projet pharaonique. Un amphithéâtre de 41 millions de dollars pour une ville de cent trente-cinq milles habitants... Un temple pour la kultur. La belle kultur pou' Twois-Wivièwes calvaire! Du cash pour les grosses poches...

L'amphithéâtre sera bâti sur un site de peuplement humain vieux de huit milles ans. Vous y trouverez des références à Cartier, Laviolette et autres monseigneurs. Et presque rien pour les Sauvages. Tout ça parce qu'ils n'étaient pas assez barbares pour prendre des décisions sans consulter toute la communauté. Aussi longtemps que ça prenait en discussions pour gagner l'adhésion de tous. Comme toute tribu qui se respecte et mérite de vivre sur l'Île de la Tortue. En conformité avec les principes du Grand Cercle de la Vie. Et toc.

Donc, c'était une ville de marde constituée de ruines modernes qu'on élevait sur des terrains contaminés. L'argent était siphonné des poches des contribuables sans qu'ils n'aient un calice de mot à dire.

Tu avais beau y faire signer des pétitions, interpeler les ministres de Québec et Ottawa, que rien n'y changeait. Tout le monde vous renvoyait à la triste réalité que ce trou d'bouette surnommé Twois-Wivièwes était devenu un genre de no man's land juridique où ça ne prenait qu'un tondu et trois pelés pour prendre toutes les décisions, surtout les plus mauvaises.

Dans le désintérêt général de tous, pour le plus grand bien de deux ou trois grosses poches qui pompent le cash de toutes les petites poches.

Jusqu'à l'inévitable catastrophe, le dépassement des coûts qui travestit mal l'avidité des grosses poches, qui suceront le cash jusqu'à la révolution, l'inévitable révolution...

Bien sûr, elle est déjà commencée.

jeudi 27 mai 2010

27 mai 2018, 38 degrés Celsius, 54 avec le facteur humidex

L'homme était assis sur le bord du vieux quai. Le nouveau avait été bâti cinq cents mètres plus loin puisque le lit du fleuve s'était considérablement asséché. C'était la conséquence inévitable de l'exploitation désordonnée des ressources naturelles. Malgré tout ce qui s'était dit et pleuré sur tous les tons au Sommet écologique de 2017, les eaux n'avaient pas cessé de se tarir. L'air n'en devint pas meilleur. De sorte que l'homme assis sur le bord du vieux quai peinait à respirer.

Il faisait chaud. Extrêmement chaud pour un mois de mai. 38 degrés Celsius. 54 avec le facteur humidex.

Heureusement qu'on avait trouvé de formidables quantités de pétrole dans le fleuve. Ce qui fait que le peuple vivait dans des boîtes de carton climatisées au pétrole, l'électricité ne suffisant plus à la demande compte tenu qu'il n'y avait plus assez d'eau dans les réservoirs.

L'homme assis sur le bord du vieux quai ne voyait plus les arbres de sa jeunesse, seulement des buildings de béton moches fissurés de toute part, datant du temps des bandits qui font de la politique.

Il y avait jadis des plages de sable fin et des forêts de pin, là où l'homme se trouvait. Maintenant, ce n'était plus que des ruines modernes. Ruines dès le premier jour de leur inauguration. Ruines qui souillaient le paysage, massacraient la vie et faisaient vivre les fantasmes destructeurs de ces despotes ordinaires qui se crossent dans des enveloppes brunes.

Le peuple? Il n'avait rien fait. Il s'était acheté plus de bagnoles, plus de piscines, plus de tout ce que vous voudrez, tirant tout le jus possible, jusqu'à ce que les étoiles s'éteignent s'il le fallait.

Les gus qui criaient dans le désert le voyaient bien grandir, le désert. Ils disaient que la Terre ne supporterait pas ça. Et l'homme assis sur le bord du vieux quai ne s'étonnait plus de rien.

Pourtant, quelque chose dans son coeur lui disait que Glouscap reviendrait pour sacrer une bonne dégelée à Malsumis, l'esprit malin. C'est vrai que l'homme était un Sauvage.

Tout ce smog, cette eau merdeuse, ces automobiles, ces bruits pour rien, tout cela ne pouvait que s'effondrer un jour ou l'autre. Parce que ce n'était pas vrai. Parce que le vrai triomphe toujours du faux. Parce que Glouscap fout toujours une raclée à Malsumis.

C'était le 27 mai 2018. 38 degrés Celsius. 54 avec le facteur humidex.

L'homme assis au bord du vieux quai cessa de respirer. Sa tête dodelina sur son épaule. Quelques goélands flottaient autour de lui. D'autres picoraient dans les ordures.

L'homme était trop vieux. C'est sûr. Et il aurait dû rester chez-lui, dans sa boîte de carton bien climatisée, au lieu que d'aller voir les pétrolières qui siphonnaient le fond du fleuve pour le bonheur de tous.

Par un temps pareil! Il fallait vraiment être fou...

lundi 24 mai 2010

La poésie de Jean-Luc

Aux petites heures du matin, quand la rosée perle d'un brin d'herbe à l'autre et que les oiseaux cuicuitent à qui mieux mieux, on ne se demande pas si Dieu ou bien l'amour existe. On vit. À moins d'être con comme un balai et de n'y voir encore que le reflet de ses malheurs. Ça se rencontre des gens comme ça. Il faudrait se mettre dans leurs souliers pour les comprendre et Jean-Luc, ma foi, n'était pas trop trituré par ce genre de réflexions.

Jean-Luc vivait comme l'on respire, sans chercher à respirer plus vite que la machine n'en demande. Juste le bon souffle. Et tout va toujours très bien. Pour Jean-Luc à tout le moins.

Qui c'est Jean-Luc? C'est le gars qui respire tout bonnement. On le voit passer depuis une semaine ou deux avec son sac à dos rempli de l'on ne sait trop quoi. Peut-être tous ses souvenirs et quelques vêtements de rechange. Faut dire que Jean-Luc n'a pas l'air d'avoir de rasoir avec lui puisque sa grosse barbe noire pend jusqu'au milieu de la poitrine.

Il marche souvent à pas vifs et rapides sur la rue Père-Daniel, dans le coin du vieux parc industriel de Trois-Rivières. C'est un secteur plutôt morne qui semble tout de même propice aux vagabonds que le printemps charrie sur toutes les routes du Québec. Et sûr que Jean-Luc en est un, avec sa grosse barbe, son gros sac et tout le reste. Un vagabond. Un type qui veut se lever aux petites heures du matin pour regarder la rosée qui perle d'un brin d'herbe à l'autre, et qui écrit ça sur des bouts de papier, le soir, avant que de s'endormir sous un viaduc, avec les pigeons et les rats.

Personne ne connaît vraiment Jean-Luc hormis le gros Tremblay, un gars d'entrepôt qui travaille dans le coin où Jean-Luc se tient, c'est-à-dire entre le Parc Pie-XII et les viaducs de l'autoroute 755. Le gros Tremblay le croise souvent depuis deux semaines et il a pris coutume de lui refiler des cigarettes Du Mortier à force de le voir ramasser des mégots.

-C'est un pauvre 'iable, que nous racontait le gros Tremblay au bar Chez Flagosse. C'est un hostie d'pas fin, ben sûr, mais ben gentil quand même. Y'achale parsonne. I' ramasse des botches. I' boit d'l'eau dans l'parc. I' ramasse des bouteilles, fouille dans les vidanges. Pis j'su's à peu près sûr qu'i' a pas d'chèque. Me semble en tout cas... I' dort en d'sour du viaduc calice! Avec les rats pis les pigeons... Brrrr... J'dormirais pas là moé. Sont gros en crisse les rats su' l'bord des autoroutes. La varmine ça s'tient dans 'es fossés. C'est d'là qu'ça part crétaille... Pis savez-vous quoi? I' m'a dit qu'i' s'appelait Jean-Luc. E'l'sais c'est parce qu'i' m'a dit son nom après que j'lui eille donner une copeule de cigarettes pour qu'i' arrête de fumer des hosties d'botches sales de tabarnak. Pis Jean-Luc i' m'a même donné què'que chose tiré d'son packsac. Un poème toé chose. Parce que fucké d'même, à vivre en d'sour d'un viaduc avec des rats, c'est sûr que ça écrit des poèmes, ciboire. Écoutez ça les gars... M'en va vous el'lire, E'l'ai dans 'es poches. Wèyons ciboire de calice! Où c'est qui est c't'hostie d'boutte de napkinne de tapsuit de calvaire! Ok. E'l'ai. Ok. Hahem. M'a vous lire ça:

Brun comme des souliers bruns
Vert comme une pancarte
Rouge comme l'oiseau
Toutes les couleurs sont mêlés

-Pis les gars? poursuivit le gros Tremblay après avoir bu sa gorgée de bière. Qu'est-cé qu'vous en pensez du poème de Jean-Luc?

-Moé j'ai soéf! hurla Gingras. Il hurlait tout le temps ça, le gros innocent. C'était un hostie d'maillet qui se saoulait du matin au soir sans jamais voir la rosée perler d'un brin d'herbe à l'autre. La poésie, sûr qu'il s'en torchait, comme tous les autres s'en torchaient, même le gros Tremblay.

Comme quoi Jean-Luc n'a pas fini de vivre sous un viaduc. Tout le monde se crisse de ses poèmes.

dimanche 23 mai 2010

Directement de l'atelier de l'artiste-peintre Régent Ladouceur

J'ai rencontré des tas de grands personnages vendredi soir. J'en ai parlé dans mon billet d'hier, ici-même. J'y raconte que je m'en allais à l'atelier de l'artiste-peintre Régent Ladouceur, sur la rue des Forges, à Trois-Rivières. Et je ne parle presque pas de Régent. Volontairement. Parce qu'un grand artiste de six pieds trois mérite un texte pour lui seul.

Ça fait longtemps que je suis la carrière de Régent.

Je vous ai déjà avoué que je suis tourné vers l'harmonica à cause de Guy Marchamps et de mon parrain Fernand, les deux seuls harmonicistes que j'aie connus avant que de souffler mes premières notes.

Eh bien c'est idem pour Régent Ladouceur. Je fais de la peinture à cause de types qui en faisaient. Et parmi ces types, il y avait Régent, Carl Pelletier, Henri Boudreault et Patrick Harvey. Dont je me souvienne à tout le moins.

Donc, je vous parle de quelqu'un qui m'a donné l'envie de peindre.

Je suis allé à l'atelier de Régent pour échanger l'une de mes toiles contre l'une des siennes. Il avait récupéré comme par hasard deux toiles de Henri Boudreault et il y avait aussi un dessin de Carl Pelletier. J'étais donc en bonne compagnie.

Sa toile est magnifique. Je n'étais pas pour me gêner. Je suis reparti avec ce portrait d'une de ses amies. Du fusain sur un panneau de bois. L'effet est saisissant. Métaphysiquement parlant. Et techniquement aussi.

Régent et moi avons eu le même professeur à l'université, feu Alexis Klimov, un gars qui savait comment s'y prendre pour donner à ses étudiants l'envie d'aller plus loin que l'étude des bréviaires et autres poncifs de l'art.

Klimov disait souvent que ce qui caractérise le plus l'histoire de l'art en occident c'est l'effacement progressif du regard. Le regard est intense, chez les Grecs, les Romains, puis au Moyen Âge, à la Renaissance. Avec la modernité, le regard devient flou. L'homme devient insecte ou machine. L'art devient fou. Reflet de notre monde tourmenté.

Ces derniers temps, Régent a peint toute une série de regards intenses. Je souhaite qu'il vous les présente bientôt, chanceux et chanceuses. Il y a du Klimov en dessous de ça.

Ce n'est pas parce que je le connais que je vous dis ça mais c'est un tabarnak de grand peintre, Régent Ladouceur.

Pas facilement accessible sur le web.

Mais facilement reconnaissable sur la rue des Forges. Il ressemble à Chapleau.

samedi 22 mai 2010

Un junky, Nicnic, une pute et l'atelier de l'artiste-peintre Régent Ladouceur


Ces derniers temps, j'écris parfois à la première personne du singulier. J'espère que vous saurez me le pardonner. Il est des moments charnières dans la vie où l'ego est le point de convergence de toute l'humanité.

Juste pour avoir écrit cette phrase je pourrais d'ailleurs fermer ma trappe et dormir là-dessus pendant un mois.

Mais je ne suis pas comme ça, vous le savez bien. Je disjoncte d'une digression à l'autre pour vous livrer les fruits de ma vie sous une forme plus ou moins imagée. Au je, c'est toujours un peu plat. On ne peut pas caricaturer un personnage, alors que c'est nettement ma force. Au je, j'assume pleinement mon propos et risque de me faire des tas d'ennemis, parce qu'il y a toujours quelque comité de crétins ici et là pour se demander si vous êtes conforme à tel ou tel slogan de deux watts qui se prennent pour Dieu.

Je suis souvent nul mais je m'assume. Évidemment, je préfère ne pas parler de moi, pour les raisons susmentionnés et pour faire de la belle littérature aussi.

Donc, parlons des autres. De mes rencontres d'hier.

Plusieurs grandes rencontres en moins de quatre-vingt-dix minutes.

D'abord un gars que je surnommerai Lamonde pour les besoins de la cause. Je vous dirais son vrai nom que ça ne lui crisserait rien dans l'état où il se trouvait hier.

Moi et ma blonde nous en allions à l'atelier de l'artiste-peintre Régent Ladouceur, dont je vous reparlerai. Et paf on tombe sur Lamonde. Il était assis sur le trottoir, à la pharmacie du coin où il a une prescription de méthadone, un succédané de l'héroïne ou du crystal meth, dur à dire.

Lamonde a le look squeegee et vit dans un bac de recyclage. Il a perdu sa job, sa famille, sa blonde, son chien, son appart', ses shorts, son sourire: tout. Plus dans 'a rue que ça tu vis dans un bac à marde.

Qu'est-ce que tu peux dire à un gars qui est dans la marde comme ça? Il faut bien dire quelque chose. Le gars est junky. Tu veux bien l'aider mais rendu là tu te dis qu'il doit savoir quoi faire. Tu ne poses pas de questions et tu lui dis qu'on est parti à zéro plusieurs fois. Ce qui est crissement vrai. Tu lui serres la main. Tu lui glisses ton obole. Et t'espères le revoir un jour aussi vif et en santé, assis à une terrasse de restaurant en train de manger un bon steak.

Revenant de l'atelier de Régent Ladouceur, dont je vous parlerai plus tard promis juré, nous tombons sur un jeune homme frais et dispos, quasiment méconnaissable, avec de la chair autour de l'os et pétant de santé. Il y a dix ans, Nicnic était presque dans la situation de Lamonde. Je n'ai pas d'analyse savante à vous faire là-dessus, je ne suis pas assez nul. Par contre, ça m'a fait chaud au coeur. Ça me disait qu'il y avait de l'espoir.

Puis, retour à la pharmacie du coin. C'est sur notre chemin, presque notre dépanneur.

Comme on vient pour sortir, nous sommes stupéfaits par le fond de culotte d'une pute qui fouille dans ses sacs. Elle est tout à fait penchée et son cul pointe vers midi. Mettons que sa jupe est de la dimension d'une ceinture et que sa petite culotte rose étoilée fesse dans le dash.

On fait semblant de rien. On passe devant elle. Puis la voilà qui fonce vers nous.

- Salut! Aurais-tu vingt-cinq cennes pour que j'appelle... I' m'manque vingt-cinq cennes.

Je lui donne vingt-cinq cents.

-Heille toé j'te connais! T'es l'gars du Vagabond toé! Moé l'monde qui écrive pour ceux qui sont su' l'béhesse ou ben don' dans 'a marde ben j'trouve ça correct... Comme à Point de rue pis au journal La Galère... Correct en hostie eux autres... Moé chu pute. Moé chu pas en amour avec les clients pis j'enlève pas les hommes à leu' femme. Moé j'fais ma job. Chu pute pis c'est toutte. La police me fait tout l'temps chier pis j'fais rien qu'ma job moé pis j'écoeure parsonne! Qu'i' m'crissent la paix!

-Ça vous prendra une carte, une association, que'que chose, pour qu'i' vous calissent la paix...

-Justement, chu dans Cat Woman. C'est un organisme icitte à Twois-Wivièwes, pour les travailleuses du sexe...

-Ça prend une carte, même pour les ramasseux d'bouteilles. I' s'font écoeurer par la police eux autres aussi. Si y'avaient une carte de ramasseux d'bouteilles, avec un numéro d'téléphone pis toutte le kit, la police leu' crisserait la paix parce qu'i' aiment pas les médias ceux qui abusent de l'autorité pis qu'i' frappent su' les plus petits parce que ça prend plus de courage pour fesser su' des plus grands ou ben don' sur ceux qui savent lire et écrire...

La pute me serra la main.

-J't'ai vu souvent mais j'tais trop gênée de t'parler. Ben là j's'rai p'us gênée!

Elle avait l'air vaguement gitane, cheveux noirs ébouriffés. Elle poursuivit son chemin, avec sa jupe trop petite qui laissait voir sa petite culotte rose étoilée, l'affiche pour ce rêve qu'elle vendait aux hommes qu'elle n'aimait pas.


jeudi 20 mai 2010

Bob, le ramasseux de bouteilles

Ce matin, j'ai croisé Bob. Bob, un gars qui travaillait à la Wabasso dans le bon vieux temps où des gars comme lui pouvaient gagner leur vie à Trois-Rivières.

Depuis que la shop est fermée, Bob ramasse des bouteilles.

Bob a l'air assez solide, mais c'est un grand gaillard aux genoux de verre. Il voudrait bien travailler dans une shop ou bien en-dessous de la table, comme tout le monde, mais ses genoux sont kapoutes. Kapoutes comme dans kaputt. Son vélo, pour lui, c'est un peu comme sa marchette. Il s'accote dessus pour faire sa run de bouteilles vides.

Sa run débute aux petites heures du matin. Il enfourche son vélo et fait sa tournée des lieux pour ramasser des bouteilles vides.

Il lui arrive de temps à autres de trouver de l'argent tombé des poches des quidams qui se saoulent au centre-ville. C'est souvent dans les stationnements. Des cinq piastres. Parfois des vingt piastres. Bob commence sa run aussitôt que possible pour trouver ce genre de choses. Il est loin de faire fortune. Mais le vingt piastres qu'il aura déniché fera son mois et justifiera ses runs à quatre heures du matin.

Récemment, Bob s'est fait arrêter par la police. Bob, le ramasseux de bouteilles vides. Accusé de tentative de vol d'automobile. Parce qu'il faut bien inventer quelque chose pour nuire à du monde qui n'ont pas une crisse de cenne.

Ça m'a mis en tabarnak.

Les ramasseux de bouteilles méritent un statut, un permis, whatever pour qu'on arrête de les achaler pour rien. Je vais en parler aux travailleurs de rue, au journal de rue, à Kitché Manitou, n'importe qui.

Bob est accusé de tentative de vol d'auto... Un gars qui roule en bicycle tous les tabarnaks de jour depuis au moins quinze ans et que tout le monde connaît et reconnaît dans cet hostie de Twois-Wivièwes-à-marde.

À suivre...

On laissera pas Bob dans 'a marde...

mercredi 19 mai 2010

L'albinos et l'hypnotiseur

Michel Flamant a perdu tous ses souvenirs. Comme la plupart des gens autour de lui. Il a beau s’efforcer pour les faire revenir à la surface que rien n’y fait. Ça reste bouché comme les intestins d’un gars qui mangerait trois repas de viande rouge pas de légumes par jour.

-J’ai beau fouillé autant comme autant qu’i’ ‘a rien qui r’monte à ‘a surface tabarslaque!

Flamant, qui n’était pas un grand gaillard, mais qui n’était pas un minus non plus, ressemblait vaguement à Yves Corbeil, avec le nez plus rouge et les cheveux blonds platine puisqu’il était parfaitement albinos.
-Caltor! qu’il disait encore. I’ doit bien y avoir moyen de faire r’monter les souvenirs à ‘a surface sainte-bine de craille!

Ce qui fait que Flamant est allé voir un hypnotiseur, bien entendu, qui savait vous faire imiter la poule en deux claquements de doigts.

L’hypnotiseur, Monsieur Gladu, était chauve, maigre et pas tout à fait propre. Il tenait boutique dans le salon de son appartement, juste au-dessus de la buanderie Sainte-Flavie.

Flamant s’y présente, imite la poule en deux claquements de doigts et ressort déçu de son expérience.

-I’ m’a dit qu’c’était trois cent piastres de plus pour un rebirth. Moé j’su’s pas capable de m’offrir ça. Ça fait qui m’a faitte imiter la poule pour vingt-cinq piastres. Tonio ‘tait là. I’ riait en mange d’la marde.

Flamant n’a pas retrouvé ses souvenirs, il est beaucoup trop pauvre pour ça. Mais il n’a pas perdu la face pour autant. Il aura fait rire Tonio en imitant une poule dans le salon de Monsieur Gladu, un hostie d’crosseur si vous voulez mon avis.

mardi 18 mai 2010

Un gars trop petit pour sa grosse calotte de baseball

Il s'arrêta et jeta un coup d'oeil à cet ensemble de tableaux hétéroclites qu'un artiste-peintre du quartier avait collé sur son mur de briques avec de la gomme-taque qui se vend à vil prix dans toutes les Dollarathèques du Québec. L'effet était saisissant, à tout le moins pour lui, le gus qui s'arrêta pour jeter un coup d'oeil.

Il était trop petit pour sa grosse calotte de baseball. Et blême. Mais son sourire rassura l'artiste qui ne demandait pas mieux que de le peindre aussitôt que possible, puisque son oeuvre se nourrissait de ce genre de rencontres inopinées sans lesquelles la vie n'est qu'une punition dans une tour de carton, avec la télé en couleurs et tout le reste.

Enfin. Le gus trop petit pour sa grosse casquette était tout de bleu marin vêtu. Sa calotte arborait le logo des Fêtes du 350e de la Ville de Twois-Wivièwes.Et de gros favoris noirs dépassaient de sa grosse calotte, de gros favoris trop énormes pour son petit visage fin, blanc comme une pinte de lait.

-Ha! Ha! Ha! commença-t-il par dire.

-Ha! Ha! Ha! lui répondit l'artiste-peintre, habitué à ce genre de réactions devant son oeuvre loufoque et par trop déjantée.

-Ha! Ha! Ha! poursuivit-il.

Et il y eut des rires, comme ça, échangés tout simplement entre ce gros artiste-peintre qui frisait naturel et ce petit gus à la grosse calotte de baseball.

-Moé 'ssi j'dessine! qu'il finit par dire au gros artiste qui exposait son oeuvre simplement dans sa cour.

-Ah oui? Pis qu'est-cé qu'tu fais toé?

-Moé? J'fais des visages d'Elvis! Plein d'visages d'Elvis. Un jour... Un jour m'a v'nir t'montrer ça! Ha! Ha! Ha!

Et le petit gus poursuivit son chemin tout en rigolant.

L'artiste était heureux, dans sa cour, de voir les gens s'arrêter chez-lui pour rire un brin.

Ça détendait l'atmosphère en sacrament.

lundi 17 mai 2010

Migwetch


Mon vernissage est terminé.

Un succès sur toute la ligne, d'autant plus que le beau temps était de la partie.

L'idée était folle que de tenir ce vernissage simplement dans ma cour. Pourtant j'ai été comblé plus que dans n'importe quel musée ou tripot culturel. J'étais heureux. J'ai rencontré des tas de gens, revu de vieilles connaissances et, oui, vendu des tableaux.

Tout le monde riait devant mes tableaux. Ça me faisait vraiment chaud au coeur de voir de parfaits inconnus se fendre la gueule en quatre tout en contemplant mes toiles.

Migwetch (merci en algonquin) à ma blonde, Carole, de m'avoir supporté dans ce happening de quarante-huit heures, authentique feu roulant de gitans, musiciens, saltimbanques et autres gens qui me font l'honneur d'assister à chacun de mes stunts.

Migwetch à mes clients.

Migwetch aux blogueurs qui ont fait circuler l'information.

Migwetch à mes voisins.

Migwetch au monde des esprits avec lesquels je suis demeuré en contact tout au long de l'événement.


QUELQUES PHOTOS PRISES SIMPLEMENT DANS MA COUR...

jeudi 13 mai 2010

Simplement dans ma cour...

J'ai coutume d'écrire régulièrement sur mon blogue. Presque quotidiennement, sauf les jours de paie et lorsque je prépare ma première exposition, intitulée Simplement dans ma cour,  qui aura lieu simplement dans ma cour.

J'ai lancé plusieurs invitations pour mon vernissage. Fernando Botero, Tex Lecor et Tanobe n'ont pas encore confirmé leur présence. Mais je compte bien les y voir pour les régaler de propos élogieux.

Tout artiste-peintre doit nécessairement parler de ses influences. Les miennes sont diffuses. Les peintres naïfs, d'abord et avant tout, ainsi que Georges De La Tour. Pour les peintres naïfs, ça va du douanier Rousseau jusqu'à Antoine Ligabue. Gauguin est mon préféré, parce qu'il était lui aussi daltonien.

Dali est drôle. Picasso est plein d'audace. Dallaire plein de couleurs.

À Trois-Rivières, je vous invite à découvrir Réjean Ladouceur, Marcel Dargis, Guillaume Massicotte et Jean Beaulieu. J'en ai parlé ici, il y a peu.

Marcel Dargis ne me connaît pas et moi non plus. Pourtant, je me sens près de l'univers de cet artiste-peintre naïf du Cap-de-la-Madeleine. Comme je me sens près de James Ensor, pour les mêmes raisons.

À Québec, il y a Myriam Dionne qui peint de fichus beaux tableaux. Et à part de ça, eh bien oui je pourrais vous en nommer plein d'autres: Luc Gaudet. Patrick Harvey. Jésus. Fil.

C'est une vraie pépinière d'artistes, Trois-Rivières. On a ça dans le sang, les arts plastiques. On peint comme on respire.

Et nous n'avons toujours pas de rue des arts à Trois-Rivières, juste parce que nous sommes trop morons pour en avoir une.Quand il y en a une, ça dure deux semaines et ça coûte 700 briques d'la shot. Ce qui fait une rue des arts plate en hostie, seulement accessible aux vendeurs de tee-shirts loup et autres bagatelles dont raffolent ces estivants dont le QI se rapproche de celui de Omer Simpson.

Donc, j'écris peu cette semaine pour mieux vous présenter mon premier vernissage, Simplement dans ma cour.

À bon entendeur, salut.

lundi 10 mai 2010

Le langage sacré

L'autre jour, à la Dollarathèque, il y avait un gars d'une trentaine d'années qui semblait communiquer quelque chose à ses deux camarades du même âge. Le gars ressemblait à Mario Bros en moins propre. Et ses deux potes n'avaient pas l'air de prendre souvent un bain. Pourtant, qui suis-je pour juger de la vie des gens, hein? Ce n'est parce que je me lave que je dois lever le nez sur les puants. Je sais. Et même que je leur accorde un peu de place dans mon coeur. Autrement je ne ferais pas qu'écrire sur les puants. Même si je me lave.

Bon, laissons-la l'hygiène corporelle des aborigènes. Revenons à Pseudo-Mario Bros. Et appelons-le, pourquoi pas, Origène Flagosse. Métier? Il vit sur le piton. Pourquoi? Parce qu'on ne comprend rien à ce qu'il dit:

Il couinait à peu près ceci lorsque je l'ai croisé à la Dollarathèque:

-A'hier souère toé a'm'ment d'nné a'j'cré ben qu'cibouère a'r's s'n'a faitte foin fa' que fouette sacrament d'sti' d'calice a'm'ment d'nné!!!

Franchement, je n'ai rien compris et je me demande comment j'ai fait pour vous l'écrire. J'ai tendu l'oreille et ne suis pas plus arrivé à décrypter les propos de ce taouin, avec la meilleure volonté anthropologique du monde.

-A's'maine longue du christ de calice d'ar's'wette d'ar'rien d'switte de craille d'hostie d'sifflette du cibouère!

Origène Flagosse parle mal, vit sur le piton, ressemble à Mario Bros et va s'acheter des barres de chocolat à la Dollarathèque.

Au moins, il restait le langage sacré pour point de repère. À quelque part, c't'hostie-là parlait ma langue mais j'étais crissement pas capable de comprendre c'qu'i' disait.

Hostie de ciboire...

vendredi 7 mai 2010

Encore une histoire d'harmonica

Cela se passait sur un terrain de camping aux abords de Whitehorse. Le Robert Service Campground que ça s'appelait, en l'honneur du poète qui portait le même nom, si l'on exclue le mot campground évidemment. Robert Service, un fonctionnaire qui chanta les charmes du Yukon.

Gaston était arrivé là comme du bois mort sur la plage. Sauf qu'il savait peindre et jouer de l'harmonica. Et travailler. Ça ne faisait pas deux heures qu'il était débarqué dans la métropole du Klondike qu'il s'était trouvé une job de pizzaman dans le downton whitehorsien. Ce qui lui permit de rencontrer des tas de gens. Il leur parlait avec des dessins de temps à autres et il obtint plein de petits contrats: panneaux publicitaires, affiches, caricatures, etc. Il revenait fêter au soleil de minuit au terrain de camping, aux abords de la rivière Yukon. Gaston avait plein d'argent dans ses poches pour boire et plein de mélodies dans sa tête pour ses harmonicas. Le reste, la vie allait se charger de le lui fournir.

Ce qui fait qu'il était heureux comme un pape, en moins chaste et en plus hétéro.

Une nuit d'août, Gaston était monté avec un Allemand et deux Irlandaises vers une maison reculée du Nord de Whitehorse où il y avait un party. L'Allemand, que l'on surnommait affectueusement Mozart, parce qu'il détestait les nazis, n'était pas tout à fait Autrichien. Il mesurait cinq pieds trois pouces et conduisait une vieille fourgonnette de marque Dodge. La plus grande des deux Irlandaises, Sarah, était à ses côtés. Gaston et la petite Irlandaise, Ruth, étaient dans la boîte du pick-up. Au-dessus du Dodge, il y avait des aurores boréales. Le soleil venait tout juste de se coucher. Il était deux heures du matin. C'était comme si de grands rideaux multicolores flottaient dans le ciel parmi les étoiles. Saisissant.

Ce qui fait que Gaston s'est saisi de Ruth puisqu'elle n'attendait que ça.

-Aho! dit-elle. Since when do you love me Gastonne?

-For about five minutes I guess, répondit-il avec son thick quebecer accent.

Après cela, ce n'est pas la peine de raconter tous les his et les has de ces animaux. Gaston et Ruth se sont connus. La fête continua.

Il y avait tout plein de gitans au Robert Service Campground et il ne suffisait que de sortir un harmonica pour rameuter des violons, des accordéons, des guitares, des tamtams et des tambourines. Tant et si bien que Sarah finit par envier les deux tourtereaux et leur vie de saltimbanques.

Sarah avait le béguin pour Brad, que Gaston ne savait pas prononcer autrement que par le mot Bread quand il parlait de lui.

Brad, alias Bread, était près de Gaston quand c'était le temps d'aller acheter du vin off-shore dans un tripot de Whitehorse. C'était un Torontois dans la vingtaine, plutôt bel homme, mais timide comme cent. Gaston, un peu moins beau, mais costaud, n'était pas timide. Du moins pas avec Ruth. Et Ruth devait en parler à Sarah.

Ce qui fait que Sarah à demander à Gaston de passer le message à Bread qu'elle l'attendait dans sa tente à vingt-et-une heures pile.

-Would you do for me Gastonne? lui demanda Sarah.

-Ok, répondit Gaston.

Et il alla voir Bread. Bread qui venait de perdre son emploi de beignet chez Tim Mortons et qui n'avait plus rien à boire.

-Hey Bread! You've got a sweet rendez-vous with Sarah, lui dit Gaston.

-I'm not Bread! My name is Brad!

-Ok Bread. But your name will be Spread with Sarah, hu, hu, hu.

Bread monta voir Sarah dans sa tente, avec un jeu de Monopoly sous le bras...

Ils jouèrent au Monopoly jusqu'au soleil couchant, une heure et demie après minuit.

Puis Bread embrassa Sarah sur les deux joues et s'en alla se coucher dans sa tente.

Pendant ce temps, Gaston et Ruth faisaient ce que font des tas de gens sur la planète et y prenaient probablement un certain plaisir.

À l'aurore, vers trois heures du matin, Sarah vint les voir pour leur raconter ses mésaventures avec Bread.

-He didn't do nothing!!! Oh Gastonne! Could you teach him? lui demanda Sarah au sortir de la tente alors qu'il ravivait le feu pas encore tout à fait éteint.

Gaston se tint coi en remuant les cendres encore chaudes.

Puis il parla.

-Well, Bread is bread and me I'm Indian with latin blood. That's it.

Ça ne voulait pas dire grand chose. Ruth questionna Sarah à propos de sa partie de Monopoly.

Gaston égréna du hasch dans sa pipe et partagea sa première bouffée de métaphysique de la journée. Tout cela devrait bientôt se finir. Il était bien mais le Québec vibrait trop fort en lui. Le Québec et sa sacrement de langue française.

L'anglais commençait à lui faire mal aux mâchoires.

Et surtout, il n'était pas en amour.

jeudi 6 mai 2010

Le petit harmoniciste de la rue St-Paul

Il y avait un petit gars qui jouait de l'harmonica ce matin. Il s'en allait à l'école St-Paul sur la rue St-Paul.

La pluie avait cessé.

Les lilas étaient en fleurs.

mercredi 5 mai 2010

Tout redevenait possible pour l'harmoniciste

Le boulevard Saint-Joseph à Montréal était d'une laideur totale aux yeux de Gaston.

C'est vrai qu'il avait pour ainsi dire touché le fond du baril. Sa job le faisait chier, sa blonde était mariée avec un autre et il vivait dans un petit studio minable sur le boulevard Saint-Joseph.

Il n'avait presque rien. Quelques vêtements, des harmonicas, une radio et un vieil ordinateur. Rien ne le retenait dans cette vie de merde d'artiste qui se maudissait lui-même, seul parmi un coefficient trois millions de solitude.

Un beau matin d'avril, il a ressenti quelque chose comme une illumination. C'était au cours de sa promenade matutinale. Gaston se promenait dans le cimetière Côte-des-Neiges, le plus beau parc de Montréal. Il faisait soleil. Le ciel était bleu vif et sans nuage. De fines gouttelettes de rosée se formaient au sommet des brins d'herbe. Les feuilles venaient tout juste de jaillir des bourgeons. C'était tout plein de pissenlits et de choux gras.

-Moé, j'calisse mon camp d'icitte! qu'il s'était dit, Gaston, devant tant de beauté.

Il était illico retourné chez-lui pour plier ses bagages et prendre la clé des champs.

Gaston prit le bus jusqu'à Répentigny. Puis il fit du pouce en direction du Nord. N'importe où mais loin de Montréal, loin du studio sordide du boulevard Saint-Joseph, loin de cette vie vide, insensée, dégueu.

Deux heures plus tard, ouais, la vie était redevenue belle pour Gaston.

Il jouait de l'harmonica devant un champ, à la hauteur de Berthierville, sur le bord de la 40, avec son packsac.

Tout redevenait possible.

mardi 4 mai 2010

L'harmonica de Gaston

L'harmonica est un instrument sublime. Ça prend peu de place et on est toujours prêt pour un blues où que l'on se trouve pour faire la fête ou bien vivre tout simplement.

Gaston ne jouait jamais de l'harmonica en mangeant. Mais il pouvait boire jusqu'à plus soif quand il en jouait.

À l'école, son professeur de musique lui avait dit qu'il ne serait jamais musicien. C'est vrai qu'il n'était pas très fort au xylophone. Jouer mille fois la neuvième symphonie en version bébé-lala, ça finit par jouer sur le moral de l'élève. Et Gaston, à vrai dire, s'en calissait pas mal du xylophone.

Un beau matin de ses vingt ans, Gaston souriait à pleines dents de savoir jouer Oh When the Saints Go Marching In sur son reluisant harmonica Hohner en do. Il était devenu un musicien. Désormais, l'harmonica ne le quitterait plus.

Il assimila l'oeuvre ineffable de La Bolduc, Little Walter, Guy Marchamps, Sonny Terry et cet inconnu qui jouait sur la rue principale à Whitehorse, un Australien qui mettait quinze notes là où le quidam n'en mettrait qu'une seule.

Puis Gaston laissa parler son âme à travers ses harmonicas et, d'une place à l'autre, il se fit des tas d'amis, des musiciens et des artistes qui se calissaient de toutte, dont l'Australien de tantôt. C'était une condition essentielle au développement d'un grand art et d'un talent plus que moyen.

Gaston ne joue jamais dans les bars. Parfois dans la rue. Souvent chez-lui ou chez des amis. Rien de trop compliqué.

À vrai dire, Gaston s'en calisse.

Il a son harmonica, ses millions de mélodies et du souffle.

Le reste, vraiment, il s'en calisse.

Ouep!

lundi 3 mai 2010

Du pétrole, ça ne se boit pas, ça ne se mange pas...

La pire marée noire de l'histoire. Rien à dire. L'être humain est stupide.

La terre est un organisme vivant qui pourrait se débarrasser de nous comme nous nous enlèverions un furoncle.

Ceux qui rincent le moteur de leur char ce matin sont des ordures.