dimanche 28 février 2010

Un autre haïku de paresseux

Il n'y a plus de neige dans les branches dénudées des arbres.

Il semble que les bourgeons soient sur le point d'éclore.

Le soleil luit et lentement se retire.

Une autre journée est passée.

Sayonara.

Haïku

Une neige fine recouvre les branches dénudées des arbres. On dirait une estampe japonaise.

Domo arigato.

samedi 27 février 2010

Deux-brins-sur-rien


Il est tout petit, petit. Tellement petit qu'on dit qu'il tient deux brins sur rien. D'où son surnom, Deux-brins-sur-rien.
Deux-brins-sur-rien c'est le monsieur qui demeure juste au-dessus du bar Le Grabuge. Il est minuscule, un paquet d'os de cinq pieds trois pouces qui marche comme une grenouille qu'on vient de faire frire. Même son visage est semblable à celui d'un batracien. Deux-brins-sur-rien a deux yeux globuleux qui clignent à gauche et à droite, comme ceux d'une proie qui se croit en danger dans une ville fondamentalement méchante envers les touts petits.

Deux-brins-sur-rien a des cheveux noirs de gras, peu de barbe au menton et une grosse bouche triste. Son nez est inexistant et il n'a pas de sourcils. Vous vous faites une image? Parfait.

C'est pas un homme qui boit, Deux-brins-sur-rien, et il reste au-dessus du bar juste parce qu'il s'est fait enfirouâpé par Tommy dit l'Oignon, le coquel'oeil qui travaille pour At Last Immobilier, une compagnie à numéros qui possède tous les taudis du coin. L'Oignon est râtoureux quand c'est le temps de louer ses coquerons. Deux-brins-sur-rien s'est retrouvé en un rien de temps au-dessus du bar Le Grabuge, dans un studio aux murs moisis avec des tapis qui sentaient le pipi de chat.

L'Oignon doit son surnom à son haleine. Il a l'air d'un gros joufflu rieur. Le genre de gars qui fera de la politique un jour. Coquel'oeil à cause de son oeil mort, remplacé par une prothèse réaliste mais figée à jamais.

-Regarde Deux-brins-sur-rien! s'excita l'Oignon la fois où il lui fit visiter le logement. Regarde! Icitte t'as toutte! D'l'eau chaude, d'l'eau frette, alouette! Ha! Ha! T'as même un p'tit frigidaire pis tu peux aller laver ton linge en face, à 'a buanderie Mado. L'autre locataire est parti sans payer pis y'a laissé sa tévé icitte. Ça fait que tu peux la prendre, mon boss t'la donne... On est-tu smatte ou pas, hein?

-Y'a pas d'douche... pas d'bain... avait répondu Deux-brins-sur-rien.

-Des douches? Des bains? J'en prends jamais moé! répliqua l'Oignon. Moé, j'me lave à 'a mitaine, comme ça, zipzap, pis la p'tite poche sent bon comme une poche de thé! Hé! Hé! Pis en plus, ben c'est meilleur pour l'environnement! E'l'monde gaspille de l'eau en joual vert! Ça gaspille ben qu'trop!

-C'est combien?

-Pas cher! Deux cent soixante-dix piastres par mois. Chauffé, éclairé. Mais pas nourri!!! Hi! Hi!

Ça fait bientôt dix ans que Deux-brins-sur-rien et l'Oignon ont tenus cette conversation. Dix ans que Deux-brins-sur-rien demeure au-dessus du bar Le Grabuge.

Du lundi au mardi soir, c'est parfois calme. Le reste du temps, ça brasse comme c'est pas possible et Deux-brins-sur-rien porte alors des bouchons.

-J'dors ben avec des bouchons, qu'il dit, Deux-brins-sur-rien.

C'est du moins ce que nous a raconté l'Oignon.

L'Oignon vient souvent au bar Le Grabuge mais c'est rare qu'il croise Deux-brins-sur-rien parce que, comme vous le savez déjà, il ne boit pas et ne fréquente pas les bars, Deux-brins-sur-rien.

Il passe le plus clair de son temps à marcher sur les trottoirs. On le voit parfois à la pharmacie et parfois au supermarché.

Il ne parle à personne parce que personne ne veut vraiment lui parler.

On lui trouve un air bizarre.

Deux-brins-sur-rien parle tout seul depuis deux ou trois ans. Oh! Il n'en a pas long à dire mais il le dit de plus en plus souvent. C'est inquiétant. Il dit... Hum... Qu'il le dise lui-même:

-Ragrawrawgrawitcz! Ragrawgrawgitch! Rarara! Rara!

-Qu'est-cé qu'i' a à gricher lui calice? commentent les passants.

Et Deux-brins-sur-rien continue. Jusqu'à ce qu'il retrouve son coqueron, juste au-dessus du bar Le Grabuge. Un coqueron de la compagnie à numéros At Last Immobilier, représentée par cet hostie de coquel'oeil de Tommy dit l'Oignon.

vendredi 26 février 2010

De l'autre côté du miroir

Il existe un monde parallèle qui est la reproduction en sens contraire de notre monde. Dans ce monde, vous mourrez puis vous revenez dans l'utérus de votre mère. Vous roulez de reculons dans votre voiture qui absorbe des gaz à déseffet de serre. Vous déglutissez votre nourriture qui se transforme en gâteau ou bien en poulet rôti. Et on ne parle même pas de comment on y fait l'amour...

C'est l'autre côté du miroir, ce monde, et tout s'y vit à l'envers du nôtre pour que l'univers demeure en équilibre et n'explose pas dans toutes les directions.*

C'est dur à croire vous dites? Bien sûr que c'est dur à croire. Mais personne ne vous a demandé d'y croire.

Donc, cette histoire se passe justement dans ce monde parallèle.

Suséj est sur la croix et les clous sortent de ses poignets. Il descend, revient se faire enlever ses coups de fouet et blessures, passe devant Etalip puis le voilà qui batifolle au Jardin des Oliviers, qu'on lui enlève des rameaux de sur les épaules et qu'il parcourt toute la Éeduj de reculons en rendant tout un chacun sourd, aveugle, lépreux et paralytique. Le vin se transforme en eau. Les clous sortent des meubles que déconstruit Hpesoj, son beau-père. Puis il disparaît finalement de ce monde. Un spermatozoïde dissocié de l'ovule. Perdu quelque part entre ce monde et le nôtre.

Et où est-il, hein, cet entre-deux monde?

Il est difficile de savoir où il est mais on suppose qu'il ne s'y passe rien et que ça ne vaut pas la peine d'en parler.

___________

NOTE:

*Stephen Hawking, le célèbre physicien, a commenté cette hypothèse dans Une brève histoire du temps, livre beaucoup cité et malheureusement peu lu.

mercredi 24 février 2010

Ça glisse en calice sur de la glace lisse

Ça glisse en calice sur de la glace lisse.

Tout le monde sait ça. Sauf Raymond. Le gros Raymond Trépanier. I' savait pas ça, Raymond.

Ça fait que Raymond s'est rendu à la station de ski de Notre-Dame-du-Mont-Carmel, au Nord de Trois-Rivières. Là où l'on peut glisser sur des tripes de tracteur pour quelques piastres par personne.

I' s'est dit, christ, me semble que ça serait l'fun d'essayer ça.

Il fait beau soleil. Tout est blanc. Et il y a des tas de gens qui tiennent leurs tripes en attendant leur tour pour prendre le remonte-pente mécanique.

Le gros Raymond, c'te gros cachalot, est hissé en haut d'la montagne. On a l'impression qu'le r'monte-pente va péter.

Ben non. Le r'monte-pente résiste. Et le gros Raymond arrive en haut, avec sa tripe de tracteur, pis y'installe son gros cul sur le pneumatique, toé chose.

Puis il amorce sa descente. De reculons. À une vitesse phénoménale.

Tout ce que se dit le gros Raymond pendant cette descente de deux à trois secondes, c'est quelque chose comme «si j'break avec ma botte je r'vole dans l'décor tabarnak!».

Effectivement, c'est comme si l'on avait mis un frigidaire sur une tripe. Ou bien un piano de concert. Le gros Trépanier descend fast en sacrament.

Le gros Trépanier arrive finalement en bas, sain et sauf. Son coeur bat comme celui d'un oiseau-mouche. Il a eu la sensation de voler, le gros. L'adrénaline lui pète dans le crâne. Il tremble comme une feuille.

Et lui qui disait que c'était pour les enfants, la descente en tripe...

Franchement, Raymond, avoue qu't'as eu peur gros christ de maillet!

mardi 23 février 2010

DANS LA FILE D'ATTENTE, AU RESTO-POP DES MOISSONNEURS DE L'AMOUR

Ils étaient deux ou trois cents, peut-être plus. Ils attendaient que les portes s'ouvrent pour un repas économique à cinquente cents la tête. On faisait crédit, évidemment, mais malheur à celui ou celle qui ne remboursait pas sa dette quand il recevait son chèque de BS. Au bout de trente-et-un jours bien comptés, on t'envoyait manger les pissenlits par la racine.

La charité, c'est bien beau, mais qui n'a pas cinquante cents par jour à mettre sur une soupe, une assiette principale et un dessert? Qui vous dites? Armand? Il boit comme un puits sans fonds, Armand. Mireille? C'est une pute qui fait de la poudre. Elle n'a pas un rond parce qu'elle est gelée tight. Ghislain, alias Ti-Caille? Il fume plus qu'il ne pèse et est en train de crever d'amphysème. Steven? Pas foutu de travailler en plus d'être handicapé mental... Qui d'autre? Étienne? Henri? Rita? François? Wo! Vous n'allez tout de même pas me sortir tous les noms de l'annuaire téléphonique! D'autant plus qu'ils n'ont même pas le téléphone... Ni cinquante cents.

Ok. Ok. Il y en a qui n'ont pas cinquante cents à mettre sur un repas. Et il y en a qui ne paient pas au bout de trente jours. C'est comme ça. Il y en a qui sont meilleurs que d'autres pour compter, lire et écrire.

Kevin s'en voulait d'être aussi pauvre ce jour-là. Il se trouvait parmi ces deux ou trois cents paumés qui attendaient de manger et se sentait visiblement mal à l'aise. De taille moyenne avec un tee-shirt de la compagnie où il travaillait avant que de tomber sur le chômage, avec les six semaines d'attente interminable que cela suppose. Six semaines avant de recevoir son premier chèque. Six semaines à gratter les fonds de tiroir, à taper sa famille et ses amis, pour finalement se rendre aux Moissonneurs de l'Amour, une organisation caritative qui se charge de nourrir les assistés sociaux et autres personnes qui attendent de recevoir leur premier chèque d'assurance-fromage. Tout ça pour aussi peu que cinquante cents par repas. Bientôt pour un dollar. Même que le céha a proposé un dollar cinquante, histoire de rentrer un peu plus dans l'argent et d'augmenter les salaires des administrateurs. On ne moissonne pas l'amour à l'improviste. Et qui n'a pas un dollar cinquante sur lui, hein?

Donc, Kevin était parmi la foule des paumés et cet imbécile pleurait comme un Madeleine, juste parce qu'il avait perdu sa femme, ses enfants, sa maison, sa piscine, son auto, ses lunettes et son dentier. Il ne lui restait plus rien, pas même cinquante cents, parce que tout avait joué de malchance pour lui.

-Bouhouhou, qu'il pleurnichait comme ça, Kevin, tout en gardant son rang dans la file d'attente du resto-pop des Moissonneurs de l'Amour, derrière un gros frisé mulâtre et un vieux sec.

-Arrête de brailler hastie! lui déclara le vieux sec.

-Pourquoi qu'tu brailles saint'-crêche? lui demanda le gros frisé mulâtre.

-J'ai honte... honte d'être ici... bredouilla Kevin, qui avait des cheveux gominés comme tout le monde.

-Qu'est-cé? lui demanda le vieux sec, tu trouves-tu qu'on est trop mal habillés pour toé?

-On va essayer de pas t'faire honte, rétorqua le gros frisé café au lait.

-J'travaillais à la Waka Company Limited et je gagnais vingt-cinq piastres de l'heure! hurla Kevin.

-Moé j'ai jamais travaillé, ajouta le vieux sec en se mouchant dans ses mains.

-Moé j'travaille icitte des fois, dit le frisé. J'les aide pour la vaisselle.

-Bouhouhou snif snif! continua Kevin. J'ai même dû demander qu'on me fasse crédit! J'ai même pas cinquante cents su' moé! Bouhouhou!!!

-Ah! Ta yeule ciboire! Arrête de brailler! déclarèrent une bonne cinquantaine de personnes en le regardant avec des yeux méchants.

Oui, ils souhaitaient tous qu'il ferme sa gueule, Kevin, le gars d'la Waka.

Franchement, la pauvreté ça se vit mieux dans le silence. Attends ton chèque comme tout l'monde calice pis ferme-la!

Sur ce point, nous ne pouvons que donner raison à la foule des paumés qui attendent leur tour stoïquement, sans sourciller, au resto-pop des Moissonneurs de l'Amour.

Dommage que ça n'y soit jamais gratuit, ou si vous préférez, gratoz...

dimanche 21 février 2010

Bouboule Gingras


Il s'appelle Emmanuel. Et ce nom-là, franchement, ça ne lui va pas du tout. Ce qui fait que tout le monde le surnomme Bouboule. Bouboule Gingras. Bouboule parce qu'il est de la taille d'un pachyderme. Cinq pieds dix pouces, quatre cent vingt-trois livres. Ce qui n'est que trop impressionnant pour faire la conversion dans le système métrique. Les Européens finiraient par penser que nous sommes des mammouths. Alors qu'il ne s'agit que des mensurations de Bouboule Gingras.

En plus d'être énorme, Bouboule Gingras est laid. Il y a des gros qui sont beaux. Je connais un certain Gaston Boucher qui n'est pas laid du tout, tout en étant plutôt gigantesque. Il a l'air solide, Boucher, avec ses épaules de bûcheron et sa gueule de rigolo.

En effet, il y a des gros qui portent bien leur graisse. Ce n'est malheureusement pas le cas de Bouboule Gingras.

Sa graisse pend de tous bords tous côtés. Et ça pend même dans sa face. Des mottons de gras s'accumulent en tabliers sur son visage bouffi. Des boules de gras enroulent ses articulations et gênent ses mouvements.

Bouboule semble toujours sur le point d'exploser, où qu'il soit, et il porte des vêtements trois points trop petits pour lui.

Hier, Bouboule Gingras revenait du dépanneur, avec des chips et du chocolat. En le voyant marcher péniblement dans le frasil brun sale, je me disais que je ne changerais pas de vie avec lui.

Bouboule était vêtu de son manteau d'hiver gris souris auquel il manquait deux pieds pour qu'il puisse l'attacher. Il portait une tuque trop étroite pour lui, évidemment. Et, outre son manteau trop petit, il ne pouvait compter que sur un chandail jaune fluo se terminant à mi-ventre pour se protéger du froid. Son nombril était au grand air. Son pantalon trop serré glissait sous son tablier de chair sillonné de vergetures larges de deux ou trois pouces. Ses bottes de plastique de marque économique n'étaient pas lacées.

-Tabarnak! que je me suis dit en moi-même en le voyant. Ouche! ajouté-je.

Bouboule Gingras vit seul dans un studio avec vue sur un mur de briques. Son proprio confirme que c'est sale chez-lui parce que Bouboule a de la misère à se pencher ou bien à forcer. Il sue pour un rien. Et, bref, il est probablement un peu handicapé.

Mais, quoi, tout le monde vous dira que c'est à lui d'arrêter de manger.

Comme quoi Bouboule Gingras n'attire la pitié de personne. Ce qui explique pourquoi ses vêtements sont trop petits pour lui, pourquoi son studio est malpropre, pourquoi sa tuque est trop petite pour sa tête, pourquoi ses gants sont troués, pourquoi les chips et le chocolat remplacent les fruits et les légumes, etc.

Il est laissé à lui-même, Bouboule, et il mange ses émotions depuis l'âge de sept ans. Donc, ça fait au moins cinquante ans qu'on rit de Bouboule Gingras.

À la petite école, personne ne voulait de lui quand on formait des équipes pour jouer au ballon chasseur. Et c'était pareil sur le marché du travail. Bouboule Gingras, tout le monde ne veut pas le voir, alors qu'il est plus que visible, de près comme de loin.

C'est comme ça. Le monde n'aime pas les gros. Ni les nains. Ni les sourds. Ni les aveugles. Ni les lépreux. Ni qui que ce soit qui n'a pas l'air d'un figurant dans une pub de dentifrice.

Bien sûr, j'exagère. Même que Bouboule Gingras ne tiendrait pas ce genre de discours. Parce qu'il n'a jamais rien dit, Bouboule. Ou si peu. Il n'a jamais rien fait d'autre que de manger des chips tout en se consacrant à quelque activité futile: lire des bandes dessinées à la bibliothèque municipale ou bien regarder la télé chez-lui, tout fin seul dans son coqueron. Ce qui fait qu'il a de vilaines dents, en plus d'être gros et laid.

Il pourrait s'en sortir vous dites? C'est que vous ne connaissez pas Bouboule Gingras. Il est rendu qu'il parle tout seul. Il dit souvent «Gniark! Gniark! Pétate de pétate!» Et rien d'autre. Il est jammé là-dessus. Bref, Bouboule Gingras a une araignée dans le plafond. Vous voulez faire quoi, hein, avec quelqu'un qui dit tout le temps «Gniark! Gniark! Pétate de pétate!»?

Y'a rien à faire. Non rien. Sinon lui trouver un manteau qui lui fasse. Et là, eh bien, je fais appel à la solidarité de tous les gros pleins d'soupe de ma région. On pourrait faire quelque chose pour les Bouboule Gingras des environs, non? Quelque chose de bien... On n'est tout de même pas pour passer notre temps à rire d'eux autres.

Emmanuel Gingras alias Bouboule, pétate de pétate, c'est peut-être un infirme... Hein?



*pétate=patate en québécois

samedi 20 février 2010

L'histoire d'un hostie de stool

Eusèbe avait coutume de dire ce que tout le monde médisait tout bas, dans l'insouciance parfaite des risques qui se rattachent au fait de ne pas avoir suffisamment d'inhibitions.

-Le gros Henri, c'est un hostie d'mafieux! Un plein d'marde! Un gars qui crosse tout l'monde pis qui m'fait pas peur! D'la marde! J'aime mieux crever que d'avoir peur! qu'Eusèbe disait dès qu'on évoquait le nom de Henri Querbes, un petit pégrard du coin qui terrifiait tous les commerçants et autres petits trafiquants de drogue.

Le voisin d'Eusèbe, Fabien Riendeau, était un stool, c'est-à-dire un officier rapporteur ou, si vous préférez, c'était un sale mouchard, un cafard, un indic, bref un sacrament d'hostie de stool.

Ce qui fait que Fabien Riendeau alla tout raconter au gros Querbes, cette grosse montagne graisseuse nourrie de pizzas, de poulets rôtis et de frites.

Le gros Querbes, bien que mafieux, pouvait parfois faire preuve d'une certaine sagesse. Malheureusement, elle s'effondrait aussitôt sous des gaffes violentes et sanguinaires. Il manquait de finition, le gros Querbes. Il n'avait qu'une septième année. Il ne fallait pas trop lui en demander.

Après avoir entendu Riendeau, le gros Querbes réclama de ses hommes de main qu'ils lui ramènent Eusèbe.

-J'aimerais ben lui dire deux mots, qu'il rota, entre deux bouchées de frites.

Les bandits lui ramenèrent Eusèbe en un clin d'oeil. Ils allèrent le chercher directement chez-lui, dans sa salle de bain, et Eusèbe ne trouva rien de mieux à faire que de les suivre, bien qu'il ne portait qu'un caleçon un peu défraîchi.

Eusèbe tremblait de tous ses membres devant le gros Querbes. La peur, c'est facile de ne pas l'avoir en théorie. En pratique, c'est impressionnant de faire face à une bande de brutes armées de bâtons de baseball et de barres à clous. Surtout quand vous n'êtes armé que d'un caleçon.

-Tu sais pourquoi j'ai demandé à mes gars de te ramener devant moé? lui demanda le gros Querbes.

-Non... répondit faiblement Eusèbe en remontant son caleçon.

-Ben... C'est pour te dire de t'méfier de ton voisin, Fabien Riendeau, parce que c'est rien qu'un hostie de stool pis moé, les stools, ben j'aime pas ça!

Alors on lui montra Fabien Riendeau, attaché sur une chaise, le visage tuméfié, la chemise ensanglantée.

Les hommes de Querbes lui avaient administré une sacrée raclée. C'est vrai qu'on n'aimait pas les stools dans le coin...

-En tous 'es cas... ajouta Querbes. C't'hostie-là devrait arrêter de te stooler.

-Merci monsieur Querbes... Vous êtes gentil, répondit Eusèbe.

-C'était tout naturel, conclut Querbes en lui donnant une franche poignée de mains. Mes hommes vont te raccompagner chez-vous. Bonne journée là!

-M...merci. B...bonjour...

Les brutes ramenèrent Eusèbe chez-lui en lui donnant des cigares, une bouteille de vin et quelques sachets de drogue.

-À la r'voyure! qu'ils lui dirent, en le laissant sur le trottoir en face de son loyer.

-Salut! qu'il répondit en remontant à nouveau ses caleçons. L'élastique avait fait son temps. Il était dû pour s'acheter de nouvelles paires de shorts.

C'était une journée pas très ensoleillée.

Un écureuil noir se battait avec un écureuil gris pour une vieille pomme abandonnée sur le terre-plein.

jeudi 18 février 2010

John le danseur

On le surnommait John, parfois John Travolta. Mais son vrai nom c'était Antoine Gignac. Y'était pas grand. Haut comme trois pommes. Et très maigre.

Mettons qu'il arrivait un peu en haut du genou d'une personne dans la moyenne.

John n'était pas très beau. Il ressemblait vaguement à Fernandel.

Beau ou pas beau, il reste que John était un sacré danseur.

Dès neuf heures le soir, alors que les discothèques sont encore très tranquilles, John était le premier à se jeter sur la piste de danse, avec son complet trois pièces blanc vanille, toujours le même, et ses cheveux gominés noir de jais.

Et John dansait, dansait et dansait encore, faisant onduler ses hanches et ses jambes frêles jusqu'à la fermeture.

À onze heures, John était perdu au milieu d'une centaine de danseurs et danseuses, à la hauteur de tous les sexes. Et il dansait, dansait et dansait encore. Dans ce fouillis de chairs humaines et moites, il fallait faire attention de ne pas l'écrabouiller suite à une fausse manoeuvre. De sorte que John pouvait continuer de danser aisément jusqu'au last call, à trois heures du matin.

John ne quittait la piste de danse que deux ou trois fois dans la veillée. C'était pour aller pisser ou bien pour commander son Pepsi. Un seul qu'il têterait toute la nuit. Ce qui fait qu'il ne pissait pas beaucoup. Ce qui lui laissait plus de temps pour danser. Donc, John était toujours sur la piste de danse.

Et il virevoltait, John, sautillait, ramait, vacillait. Mais jamais John ne faisait de moulinets avec ses bras. Non, ses bras étaient toujours tenus tout raides tout le long de son corps. C'était comme s'il était gêné d'avoir des mains. Alors elles pendouillaient stupidement tandis que ses pattes se faisaient aller en diable. Tout était dans le jeu de pattes pour John. Et méchants comme sont les gens, vous pouvez vous imaginer que plus d'un s'est essayé à l'imiter pour le ridiculiser devant les filles.

Heureusement, tous ces sales cons ont fini par recevoir leur raclée parce que John attendrissait les doormen, brutes et autres malabars. Ils s'étaient tous donner la mission sociale de protéger John.

Ce qui explique, en partie, le fait qu'ils leur cassaient la gueule, tous ceux-là qui se gaussaient de John. Pour le reste, je dirais qu'ils s'offraient une occasion de bien paraître aux yeux de tous. Ce n'est pas tous les jours que la foule approuve ce genre de comportement. Et John, que voulez-vous, tous les soirs il avait la foule de son côté.

Il ne disait jamais un mot, John.

Il disait juste «Bonsoir. Un Pepsi s'i'-vous-plaît.» Et rien d'autre. Rien. On ne l'a jamais entendu dire quoi que ce soit d'autre. John n'était pas un parleux. C'était plutôt un danseux.

Personne ne sait ce qu'il est devenu, John.

On en parle entre amis, parfois, pour se remémorer le bon vieux temps. Mais bon. On n'en parle pas si souvent. La plupart du temps on n'en parle même pas.

mardi 16 février 2010

Le roi Ulysse s'est fait mendiant

Les dieux et les rois aiment bien se mettre dans les souliers des autres.

Ulysse s'est fait mendiant pour mieux berner ses sujets et tester leur loyauté.

Zeus, Jupiter, Jésus faisaient la même chose. Ils se substitutaient à des vagabonds, des infirmes, des malades ou des vieillards pour tester le degré d'humanité des uns et des autres.

Flaubert, athée à ses heures, en a parlé dans son conte La légende de Saint Julien l'hospitalier . C'est l'histoire de Julien qui rencontre Jésus déguisé en malade. C'est une lecture spécialement conçue pour ceux et celles qui sont encore capables de se claquer une trentaine de pages sans s'endormir.

Cela dit, Jésus est revenu dernièrement, et je vous dis ça bien que je sois moi aussi athée à mes heures. Que voulez-vous? J'ai juste assez de foie pour déplacer ma montagne. Et je préfère la charité, de loin, à la foi. Puisque la foi n'est rien sans la charité j'en conclus que la foi n'est rien.

Cela dit, oui cela dit, Jésus est revenu dernièrement.

Ça s'est passé pas loin de chez-vous, puisqu'il peut être partout à la fois, sans compter tous ses autres super-pouvoirs: marcher sur les eaux, voler, désaveugler les aveugles, etc.

Jésus est revenu dans la peau d'un vieillard. Il rigolait de la bonne blague qu'il allait faire à tous les honnêtes gens du coin.

Car ce vieillard, évidemment, il était très malade, très laid et très purulent. Il chiait et pissait partout. Sans compter tout le reste qu'il ne faisait plus lui-même.

Eh bien, là, mon Dieu, on ne peut pas dire que Jésus éprouva le grand confort.

On le laissa baigner des nuits dans sa couche. On limita tout mouvement au minimum pour que son dos se transforme en plaies de lit. On le gava au lieu de le nourrir. On le torcha au lieu de le laver. Et puis on finit par dire, que voulez-vous? Ça coûte des sous tout ça.

C'est alors que Jésus s'est révélé. Zipzap! Aha!

-Mes tabarnaks! qu'il gueula.

Et ce fut comme la fois qu'il chassa les marchands du Temple à coups de fouets.

Le vieillard s'était transformé en charpentier robuste et voilà qu'il criait des trucs comme engeance, géhenne du feu et la cognée est à la racine des arbres, des trucs du genre. Il finit par dire «ok tout va bien» et préféra s'enfuir de cette ville de connards qui ne respectaient pas les vieillards. Il ne se ferait pas crucifier deux fois. Mieux valait se séparer de l'ivraie pour cultiver du bon grain ailleurs.

Jupiter aurait fait pareil. Et Zeus aussi.

Même Kitché Manitou n'aurait pas dédaigné cette ruse.

***

Musique de circonstance.

dimanche 14 février 2010

Doubidoubidou

-Doubidoubidoubidouwa! qu'il chantonnait, Grimard, en lavant ses planchers.

Il était tout le temps content, Grimard. Jamais de mauvaise humeur. Il lavait ses christies de planchers tous les jours de la semaine, sans interruption, trois cent soixante-six jours par année bissextile, comme un vrai jobber payé «en d'sour d'la table», au noir, avec quelques à côté comme la bière gratuite.

Grimard était un petit homme de cinq pieds deux pouces. Il était chauve et imberbe. Ce qui fait qu'il ressemblait à monsieur Net en plus petit et en surtout plus bedonnant. Grimard avait un tic dans l'oeil gauche. Sa paupière y clignotait sans cesse. Ce qui conférait à son regard une certaine asymétrie qui le rendait d'emblée sympathique.

Grimard chantonnait en lavant ses planchers, au bar Le Gorgoton des Barbares. C'était un bar tranquille où l'on ne faisait jouer que du cool jazz ou bien de la musique d'ascenseur. Grimard jurait un peu avec ses doubidoubidoubiwawas mais on ne pouvait pas dire qu'il était de mauvaise humeur. Ce qui fait qu'on le gardait.

-Doubidoubidoubiwa! qu'il chantonnait, Grimard, tous les jours, tout le temps.

On a tous fini par l'imiter, évidemment.

Georges, le notaire, passe maintenant toutes ses journées au bureau à reprendre Grimard.

-Doubidoubidoubiwa! qu'il chantonne, toute la journée, tout le temps.

Et c'est pareil pour Maude, docteure à l'hôpital régional, et pour Henri, livreur d'eau de source. Stan le facteur. Jocelyn, le gars qui étudie en informatique. Pis Hélène, la barmaid. Pis tous les autres, toute la journée, tout le temps: ils font maintenant des doubidoubidoubiwawas!

Il ne faut jamais mépriser l'influence qu'un seul homme peut avoir sur la société qui l'entoure.

Grimard a parti la mode des doubidoubidoubiwawas. Tout le monde, j'vous l'dis, tout l'monde fait maintenant comme lui, oui, comme lui!

Doubidoubidou.

vendredi 12 février 2010

Comment cultiver le sens de l'humour


Le sens de l'humour, ça se cultive.

Prenons deux types: Jacques et Réjean.

Jacques répète toutes les blagues et jeux de mots crétins qu'il a entendus au cours de sa vie. Ce n'est jamais très drôle ce qu'il dit. Tout le monde sait la finale avant même qu'il n'ait entamé le récit de sa blague idiote. Il possède tout un lot de jokes de blondes éculées, sans compter ses niaiseries sur les races. Au bout de deux minutes, on aurait envie de l'assommer avec une pelle.

Quant à Réjean, c'est tout le contraire. Il n'a jamais recours aux jeux de mots et autres trucs de malades mentaux pour faire rigoler. Quand Réjean veut nous faire rire, il ne sait même pas qu'il le voulait... Il tombe sur le trottoir, se pète la tête sur un poteau, porte un soulier plus grand que l'autre, se renverse du café sur les couilles, confond du bicarbonate de soude avec du sucre, attrape la diarrhée quand il porte des pantalons blancs, etc.

Réjean est une source inépuisable de bonne humeur pour tout un chacun alors que Jacques ne fait qu'augmenter l'agressivité de ses interlocuteurs avec ses jokes de mononcle.

J'oubliais de dire, par ailleurs, que ni Jacques ni Réjean ne portent de lunettes. Évidemment, cette information ne change rien à tout ce que je viens de vous écrire vous qui n'avez rien trouvé de mieux à faire que de venir jeter un petit coup d'oeil sur mon blogue.

-Franchement, ce Bouchard commmence à délirer! dira Untel.

-Tu l'as dit bouffi! répliquera sèchement Tel-Autre.

Et moi, qu'est-ce que je dirai?

Ah! Fuck off!

mercredi 10 février 2010

Les diplodocus


Les diplodocus sont des dinosaures qui existaient du temps où l'ancêtre de l'homme se confondait avec celui du rat.

Les diplodocus étaient énormes quoique ni beaux ni laids.

Ils pesaient plusieurs tonnes et pondaient de très gros oeufs. Des oeufs aussi gros qu'une citrouille de championnat.

Ils produisaient aussi beaucoup d'engrais.

Ce qui fait que l'ancêtre de l'homme et du rat glissait sur d'encore plus gros tas que ceux que l'on rencontre de nos jours, au hasard des rues et des sentiers de motoneige.

Pour le reste, franchement, je n'ai rien d'autre à rajouter.


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La semaine prochaine, une autre chronique divertissante sur le blogue SIMPLEMENT à propos de l'inventeur de l'ampoule électrique dont le nom m'échappe quand je l'évoque comme ça, à brûle-pourpoint.

Je livrerai une fois de mon plus mon ignorance avec ce zeste de passion qui finit par devenir de la franchise.



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mardi 9 février 2010

Ça fait neuf ans aujourd'hui que Gonzo est matché avec sa blonde

Ça fait neuf ans aujourd'hui que l'gros Gonzo est matché avec sa blonde pis, en mangeant sa sandwiche sur l'heure du lunch avec les autres gars, le v'là qui nous parlait d'amour, e'l'gros, d'l'amour qu'il a pour sa blonde, une christie d'belle femme avec une belle frimousse, des beaux seins pis toutte. En plus, est ben smatte. Ben, ben fine. Pis A sent bon. Hum! Oui mesieur. Oui medame.

M'en va's dire comme c't'e gars, c'est une femme dépareillée en sacrament dans tout c'qu'A' fait ou qu'A' fait pas pis Gonzo, comme de raison, i' se sait ben chanceux d'être matché avec elle.

Ça fait que sur l'heure du lunch, en mangeant sa sandwiche préparée par sa blonde, ben là Gonzo y'a vantait en caltor.

-C't'une caltor de bonne femme que j'vous dis les gars, smatte comme pas une, une belle face, des belles fesses pis toutte! J'la changerais pas pour une autre, hostie que non. On trippe au boutte. La vie ça peut pas toujours aller mal calvaire! Moé j'aime pas les hosties d'plates pis ma blonde, ben est ben l'fun. Pis drôle. Les pas drôles j'haïs ça.

Pis là y'avait l'air du gars contenté, t'sais, du gars en santé pis toutte.

Ça fait que j'lui ai offert mon May West. C'est toutte c'que j'avais à lui donner. Pis comme ma blonde m'en avait crissé deux dans ma boîte à lunch, ça m'achalait pas pantoute d'y en donner un, un May West. C'est bon en hostie des May West, hein? Moé, c'est la p'tite crème jaunasse que j'aime dedans. C'est bon en hostie. Menoum.

En tous 'es cas, Gonzo y'était content. I' te l'a avalé en moins de deux c't'e gros hostie d'cochon.

Hostie qu'i' mange c't'e gros hostie d'pas fond.

C'est p't'être ça qu'i' fait qu'i' est solide comme un boeuf, c't'e gros calice. I' t'soulève d'la machinerie d'une main, c't'e gros hostie d'gorille. Un hostie d'boeuf, ouais, c't'e Gonzo.

lundi 8 février 2010

Pogné sur le fait au club vidéo Ducoin



C'est arrivé au club vidéo Ducoin, propriété de Fernand Ducoin, entrepreneur en tous genres: un bloc de trois logements plus ou moins salubres, un casse-croûte miteux, une roulotte à crème glacée déglinguée et un club vidéo.

Un client a été photographié par un ingénieux système de surveillance en train de commettre un méfait. L'individu a subtilisé vingt-deux pochettes cartonnées des films de la section réservée aux adultes.

Il est facilement reconnaissable sur la photo qui accompagne le message «ON CHERCHE CE VOLEUR. Toute personne possédant des renseignements sur cet individu serait aimable de nous les communiquer pour mener à l'arrestation de ce trou du cul.» Et c'est signé Fernand Ducoin, propriétaire.

Ce trou du cul, c'est clair comme de l'eau de roche que c'est Henri Langevin. Tout le monde le connaît, ce gros gras qui porte des fonds de bouteille, avec ses cheveux carotte et son manteau portant le logo de Continental Pizza Acropolis, le restaurant où il travaille à titre de livreur.

Je ne sais pas s'ils ont pincé Langevin, mais je puis vous dire que tout le club vidéo est tapissé avec sa photo, où on le voit en train d'extirper la pochette de Extreme Squirt 6 de sa boîte de plastique.

Sur la photo, Langevin regarde par-dessus ses lunettes, au plafond, en plein dans l'objectif, comme s'il craignait de se faire prendre. Et, croyez-moi, il a vraiment l'air cave.

Musique

dimanche 7 février 2010

À propos de l'Infini et de l'Éternité


Une autre vue du Lac Saint-Pierre avec le reflet du soleil sur la glace.
C'est bizarre, mais j'ai la tête tellement pleine de belles images que je ne sais plus quoi écrire.
C'est pas facile de vivre à Trois-Rivières où l'on trouve l'Infini et l'Éternité à moins de quinze kilomètres à la ronde, facilement accessible à pieds, à vélo, en autobus ou bien en voiture.
Ici, sur la photo, on voit le Lac St-Pierre. Il y a sept kilomètres d'une rive à l'autre d'où la photo fut prise.
Nous ne sommes pas loin du milieu du lac avec le miroitement du soleil sur la glace polie par les vents. Un seul mot: magnifique!

vendredi 5 février 2010

EN MÉMOIRE D'YVON VÉZINA

Yvon Vézina est mort mercredi ou jeudi. Et ce n'est pas pour niaiser, mais je le trouve encore vivant aujourd'hui. C'était une personne de qui l'on peut dire qu'on ne lui connaissait pas d'ennemis. C'était le gars qui vous aurait donné sa chemise plutôt que de vous entendre vous plaindre. C'était un vrai, aux yeux de tous ses amis, et croyez-moi ce gars-là en avait beaucoup.

Yvon a fait sa marque comme prince du rock trifluvien. Il était un bon drummer. Il a joué avec Willie Lamothe, Aut'Chose et tant d'autres. Yvon avait l'oreille et la culture musicales. Deux qualités qui firent de lui un animateur de radio de talent.

Il animait de nuit, à CJTR. Il a fait entrer le rock pur et progressiste dans les oreilles de bien des gens, de minuit aux petites heures du matin.

Pink Floyd, Led Zeppelin, Frank Zappa, Leon Russell et combien d'autres musiciens, certains connus et d'autres méconnus, se firent entendre peut-être pour la première fois par des tas de jeunes et de moins jeunes qui saississaient que le monde et les temps changent, que rien ne reste figé à jamais.

Hey, hey, my, my, rock and roll can't never die*, Yvon.

 

*Neil Young

mercredi 3 février 2010

L'hiver c'est vivifiant

L'hiver c'est frais, c'est neuf, c'est vivifiant.

Hier, c'était bête à pleurer à la radio.

Un commentateur d'un poste local qui ne diffuse que de la guimauverie musicale. Mettons qu'il s'appelle Étienne-Mathieu. Avec sa voix préfabriquée à l'Institut des animateurs de radio commerciale, Étienne Mathieu nous disait qu'il valait mieux demeurer à l'intérieur et limiter nos activités extérieures.

-C'est un jour ensoleillé de smog, disait cet ahuri, et il fait-26 degrés Celsius. Étienne-Mathieu au microphone. Vous êtes à l'écoute de la radio la plus écoutée en Mauricie. Zwip zwip Fm. Et on poursuit avec Meeudonaaa.

Franchement, la température est montée jusqu'à -13 C dans la journée. Pas de quoi demeurer à la maison pour vivre sa vie dans sa foutue boîte de carton.

Sommes-nous en train de devenir une bande de mollassons? Ou n'est-ce que l'illusion que transmet ce satané Étienne-Mathieu avec sa voix de lagopède des neiges étouffé par un collet que quelque trappeur laissa traîner par là? Je me le demande et franchement à défaut d'un raisonnement solide je vais y aller avec ma verve légendaire de raconteux de fond d'taverne.

C'est normal qu'un Étienne-Mathieu à la con diffuse ces conneries sur des kilomètres et des kilomètres carrés à la ronde, dans les autobus, les vieilles autos sans lecteur de CD, les centres d'achats et les bureaux du gouvernement? Restez chez-vous!!! Brrr... Il fait ... moins treize calice!!! Juste moins treize fucking de Celsius. Pas de quoi mourir de froid. Ni de quoi s'étouffer sous un smog d'autant plus imaginaire que le ciel était clair.

Ce matin, il fait moins treize. Et je vais sortir dehors, ouais, et respirer de l'air à peu près frais qui ne peut être pire que l'air vicié de nos maisons, l'hiver. Évidemment, je n'écouterai pas Zwip zwip Fm. Je n'écouterai rien. Ou bien j'écouterai quelques grands hymnes de Bob Dylan sur mon baladeur numérique. Peut-être John Mayall. Ou bien John Lee Hooker with Canned Heat.

mardi 2 février 2010

Pas vrai Gingras?

-Il n'y a rien de mieux qu'un bon café. Hum. Du bon café. Gingras y'aime ça le café. Y'en boit des tasses et des cafetières. Un vrai hostie de saffe pour le café. Un pas d'fond. Un abîme. Y'est toujours stressé que l'sacrement. Le café ça stresse. Pis il en béguèye Gingras. Hostie qu'i' béguèye. Baba-bebi-bobuboba. Hostie de Gingras. I' boé trop d'café. Juste trop.Pis en plus son oeil drette se met à cligner comme le christ quand il ment. Ça paraît qu'il ment Gingras, ça paraît quand son oeil drette cligne comme le christ. Ting! Ting! Ting! I' reste jammé su' 'a clignette joual vert! Ouin. Il n'y a rien de mieux qu'un bon café. Pas vrai Gingras?

-Ba-ba-ba-va chier! qu'il lui répondit.

Ces deux hosties-là se pognaient tout le temps. Pis on les avait mis ensemble sur le travail d'équipe, sur le débroussaillage. Gingras pis Gervais-le-rebelle. Deux hosties de tannants ceux-là. Qui buvaient du café comme le christ.

lundi 1 février 2010

Quand Djid a envie d'fumer


Djid est poqué en hostie ces temps-citte. Fuck, y'en est rendu à fumer des botches, des botches qu'i' récupère dans les cendriers, à l'entrée d'la pharmacie. Fait pitié en hostie Djid, sérieux.

Vous savez pas c'est qui Djid, hein? Hiii! J'sais pas par où commencer. Djid c'est Djid. Tout l'monde sait c'est qui dans l'boutte. Un grand et gros à la mine patibulaire. I' fait peur rien que de l'voir pis y'a pas plus humble que lui pourtant. Faut qu'tu sois humble en hostie pour fumer des botches récupérés dans les cendriers. Christ que oui.

Ça fait que Djid, ouais, y'est poqué en hostie ces temps-citte. Pis i' fume des botches. Y'a p't'être même pas d'quoi s'rouler son vieux tabac. I' pourrait bien s'rouler ça dans des feuilles de cartable. Ou dans un morceau d'journal. Ouache. Ça m'lève le coeur.

Évidemment, Djid est l'genre de gars qui donnerait sa chemise s'il en avait deux. Mais y'en a rien qu'une, Djid. Toujours la même. Si vous lui demandez de tirer une poffe de son vieux mégot sale, il ne vous dira pas non.

-Quand y'en aura p'us, y'en aura d'autres! qu'i' vous dira, Djid, en vous regardant avec ses yeux féroces. Mais pas méchants pour autant.

Djid, j'vous l'dis, y'est pas méchant.

Pas méchant pantoute.

Juste pauvre comme la gale.
Pis pas orgueilleux pour cinq cents quand y'a envie d'fumer.