mercredi 30 novembre 2011

Un député épais parmi tant d'autres

Georges Sanschagrin était député au parlement. C'était un épais. Un épais qu'on pouvait tirer par des ficelles, comme une marionnette.

Le golf était son passe-temps préféré selon sa biographie officielle.

L'alcool prenait tout le reste du temps pour le fin observateur des boires et déboires du député.

Il ne disait que des conneries, comme le Premier Ministre, lui-même marionnette, l'entendait bien.

Il s'était fait élire en disant des conneries.

Il avait trouvé tout plein de contrats à trois fois le prix normal. Des contrats pour les marionnettistes.

Et on appelait ça du «développement économique». Détourner les fonds publics vers les marionnettistes.

Sanschagrin était un épais pitoyable, certes.

Mais il n'était pas la source du problème.

Le député Sanschagrin n'en était que le messager, le porte-parole...

lundi 28 novembre 2011

Les baveux du temps de la poly ont pris du galon

On dirait que les baveux du temps de la poly ont pris du galon.

Comme si le seul muscle qui ne comptait pas était le cerveau. À moins qu'il ne faille ce cerveau de «m'en va's t'en crisser rien qu'une». Cerveau pas très musclé qui permet aux baveux du temps de la poly de prospérer et d'opérer dans le monde parallèle qui gouverne cette démocratie d'opérette.

Évidemment, le vrai pouvoir se tient toujours ailleurs.

Les méchants perdent toujours, même dans les mauvais films.

La confiance aux institutions est essentielle pour maintenir le système en place.

Cette confiance est disparue. Grâce à nos amis les baveux du temps de la poly.

-Écoute! qu'ils disent. R'garde. Moé là moé...

Et ils se jouent des lois comme des journaux en siphonnant le fric de la communauté.

Pour qu'ils s'écoutent, se regardent et se disent des trucs comme «moé là moé».

Ça va passer, je le sais.

Parce que la nature a horreur du vide.

Mais bon, en attendant, je voulais vous offrir ce texticule pour vous consoler.

mercredi 23 novembre 2011

La révolution est commencée

Les mendiants gouvernent les rois depuis des temps immémoriaux.

Depuis les premiers anachorètes de l'Inde qui défiaient les rois il y a 3 000 ans, via les cyniques grecs qui se moquaient de tout, jusqu'aux sans-culottes d'Occupons Montréal, on les voit narguer les autorités pour les rappeler à leurs devoirs envers la communauté.

Les rois veulent bien les prendre pour des bouffons. Pourtant, ce sont les bouffons qui renversent les gouvernements.

Les mendiants leur disent en pleine face que leurs paroles camouflent l'avidité de leurs privilèges.

Les scribes et autres prêtres officiels tentent tant bien que mal de freiner ces anachorètes chrysostomes qui défient l'autorité temporelle et stimulent les masses sur Facebook ou Youtube.

Bientôt, les journaux et les médias vendus au Veau d'Or seront submergés par ces voix provenant des tréfonds des jungles, des forêts et des HLM.

On aura cru à une simple émeute, une petite manifestation...

Et c'était déjà le début de la révolution.

Une force autant physique que spirituelle.

Une pensée qui faisait son chemin parmi les mortels.

L'idée que l'avidité est un cycle qui tire à sa fin.

L'idée que nous sommes déjà au coeur d'une révolution...

mardi 22 novembre 2011

Liberté 55 pour Jack Latourbe

Quand on laisse la peur entrer en soi l'on devient la peur.

C'est une vieille sagesse que l'on saisit encore ça et là sur l'Île de la Tortue, un continent rebaptisé du nom d'un Européen pour une raison qui échappe à cette même sagesse...

Jack Latourbe n'a peur de rien.

C'est un mélange d'Iyéyou*, de Tinglit, de Français, d'Irlandais et de Kenyan. Une espèce comme on en rencontre partout sur la Terre de nos jours. Rien d'étonnant.

Aussi, Jack Latourbe n'est pas étonné par ses origines. Il les tient pour une suite de hasards. Et tant qu'à choisir, aussi bien pousser son Cri. Ce qui fait que Jack Latourbe s'affirme en tant que Cri pour être un peu plus en symbiose avec sa grand-mère Kokomis qui lui a enseigné à parler l'iyéyou, pour être de pair avec l'humus de son continent.

Latourbe pratique le plus vieux métier du monde. Il est caissier, le seul caissier de Chibougawa.

C'est lui qui change les chèques.

C'est lui qui gère les transferts d'argent.

Lui qui sait la combine pour ouvrir le coffre-fort.

Jack Latourbe se fout bien sûr de son boulot. C'est un homme trop intelligent pour se nourrir de passions sans intérêt.

Sa passion, c'est la forêt.

Aussi, dès qu'il a fini de travailler, le guichet automatique le remplace.

Latourbe peut regagner sa chère forêt. Il enfourche son quatre roues et en avant le paradis!

Son paradis, c'est le lac Iyéyou. Tout un lac où personne ne passe, sinon Ernie Diamond, un Cri de Weskaganish qui emprunte ce chemin pour se rendre à son lot de trappe R-23.

Latourbe consacre tous ses temps libres à vivre en forêt comme les Anciens, c'est-à-dire comme un vrai homme habitant l'Île de la Tortue.

Pour financer ce rêve, il doit compter de l'argent de neuf à cinq, du lundi au vendredi.

Les temps sont durs... Bien sûr, bien sûr...

Mais l'âge de la retraite s'approche.

L'âge où Jack Latourbe pourra se retirer avec un petit magot pour financer ses expéditions.

Il ne lui reste plus que six semaines à travailler.

Six semaines pour apposer des tampons et parapher des documents.

Puis bye, bye la visite.

Latourbe s'enfoncera dans sa chère forêt avec son chéquier et sa Liberté 55.

*Iyéyou: Cri

lundi 21 novembre 2011

Pourquoi devrais-je avoir honte de rêver, hein?

Il y a des tas de choses qu'il serait possible d'écrire rien que pour se délier les doigts ou bien la langue.

Des tas de trucs me révoltent. Et l'expression de ma révolte, chers lecteurs et lectrices, me semble vaine ce matin et peut-être même demain matin.

Ce n'est pas que je ne sois pas solidaire. Loin de là. Mais il y a des limites au-delà desquelles la marde sent vraiment trop mauvais.

Alors j'effectue un pas de côté.

Je prends ma guitare ou mes pinceaux.

Je joue un petit blues maison ou bien je peinds un lapin géant qui fait office de mascotte dans un centre commercial.

Ça n'apporte pas de solutions aux problèmes du monde.

Pourquoi devrais-je avoir honte de rêver, hein?

vendredi 18 novembre 2011

Il était une fois dans un château

Il était une fois un château dans lequel vivaient un roi, une reine ainsi qu'une flopée d'esclaves.

Le roi s'appelait Kokodak le onzième.

Et la reine s'appelait Minoutte Moumoutte, de la famille des Moumoutte, propriétaires de la compagnie qui produisait alors la fameuse sauce Moumoutte, bonne pour le poisson, frais ou pas.

Bon, ça ne faisait pas trois jours qu'ils s'étaient mariés que les esclaves tombèrent en grève. Le peuple en profita pour abolir la monarchie. Ce qui fait que le château revint au peuple.

Kokodak le onzième devint Kokodak le concierge. On lui permit de demeurer dans le château à titre de torcheux. Il devait dorénavant passer la moppe et le balai dans son château qui avait été converti en pavillon pour les personnes âgées.

Minoutte Moumoutte continua à porter son nom, mais pas son argent.

La fameuse sauce Moumoutte fût nationalisée. C'était pour payer les soins de santé et tout le tralala.

Les Moumoutte recevaient trois caisses de sauce Citoyen Moumoutte gratuitement à tous les mois. Avec les profits de la vente, ils pouvaient s'acheter du savon ou bien du dentifrice.

Minoutte Moumoutte, à force de faire jouer ses contacts, obtint un poste de journalière dans une fabrique nationale d'urinoirs.

Tout ça pour dire que rien n'est jamais fixé dans le béton. Rien.

Tout ce qui est en haut redescendra.

C'est pas que je sois pour ou contre.

Mais dans ce pays-là, ça se passait comme ça.

jeudi 17 novembre 2011

LA SOLDE, du McComber tout cru

Christian Mistral m'a fait découvrir l'écrivain, blogueur, cyclo-nomade et musicien Éric McComber.

Il vient de publier récemment La Solde aux Éditions La Mèche.

C'est l'histoire de Émile Duncan, un double littéraire sans doute.

Pour John Fante, ce double s'appelait Bandini.

Henry Chinaski pour Charles Bukowsky.

Et ce trio de doubles a peut-être ceci en commun: c'est du matériau brut.

Néanmoins, je crois que les éditeurs ont tort de rapprocher Bukowsky et McComber. Autant que j'aurais tort de le faire ici. Ce sont des raccourcis qui détournent de l'oeuvre. Qui la réduise à l'état d'une imitation pure et simple. D'un livre à la manière deuh.

Les livres à la manière deuh, qu'est-ce qu'on s'en crisse.

La Solde de Éric McComber est une oeuvre qui vaut l'ouvrier.

Son artisan a ceci de remarquable qu'il peut vous raconter une scène ordurière, heavy et plutôt poche avec une plume qui jamais ne vacille. Sa syntaxe est solide. Même dans l'utilisation des intonations, onomatopées et accents.

C'est dans la suite de ses romans précédents, Sans Connaissance et Antarctique.

Émile Duncan est assisté social, chômeur, guitariste et chanteur slaqué par son band.

Il est en grosse crisse de deppe sale dans un appartement où il semble se terrer pour survivre à Montréal.

Il se trouve une job de réviseur dans une fabrique d'agendas scolaires en anglais destinés à nos voisins américains.

Le roman La Solde semble lui-même bâti sur le modèle de l'agenda scolaire, avec des petits dessins et des proverbes didactiques en exergue.

Mais quel agenda scolaire!

Lundi. Émile Duncan se décrotte le nez.

Mardi. Émile Duncan se mérite une baise décevante, joue au mauvais gars pour une fille qui n'aime pas les bons gars. Petite scène porno.

Mercredi. La même fille pète une coche et casse toutte dans le logement.

Jeudi. Se décrotte encore le nez. Ne file pas un bon coton. Crises intérieures sur les actualités.

Etc.

Évidemment, j'en passe.

C'est plutôt underground.

Pas toujours très sensé.

Peut-être plus noir que Sans Connaissance.

Émile Duncan mange des pâtes au ketchup.

Et il ne file pas un bon coton.

Tout ce qui sort un peu de cette tête est un chaos de poésie et de froideur, comme chez le Lautréamont des Chants de Maldoror.

Il me semble que le meilleur reste à venir sur la trajectoire d'Émile Duncan. Que La Solde est la fin d'une cycle.

Bientôt, Montréal sera loin.

Montréal, Saturne dévorant ses propres enfants.

Montréal qui fait péter des coches pas rien qu'à Émile Duncan.

Montréal et cette vie à la con à faire semblant deuh.

À renier l'amour au nom d'une raison déraisonnante...

Vive la campagne calvaire! Et le grand air!

Bientôt, Émile Duncan sera à vélo, loin de Montréal, loin du Québec.

Et il jouera de la guitare sur les routes de France et de tous les machins trucs d'Europe.

Oua. Finies les pâtes au ketchup.

Et enfin un peu de gaieté.

La Solde, c'est la face sombre de la Lune pour l'oeuvre de McComber.

Il faut se la taper, cette face sombre, pour mieux apprécier la suite. Puisqu'il y aura certainement une suite.

Elle n'est pas sans humour, cette face sombre. On la traverse en y voyant quelques éclaircies.

C'est à lire au coin du feu ou bien ailleurs, dans une manufacture par exemple.

C'est du McComber tout cru.

Et la morale de l'histoire? Il n'y en a pas. Comme d'habitude.

mercredi 16 novembre 2011

Raymond Diamond, gardien de stationnement désert

Il est des métiers dont on ne soupçonne pas le bien qu'ils peuvent procurer à ceux qui doivent les pratiquer.

Raymond Diamond, un cinquantenaire de la Mauricie, est gardien de stationnement désert.

Il n'y a jamais d'autos. Jamais. Et personne. Non. Personne.

La firme BXP le paie dix piastres de l'heure pour surveiller ce stationnement, aux confins de la ville. C'est quoi la firme BXP? Raymond Diamond travaille pour eux depuis dix ans et tout ce qu'il sait d'elle c'est qu'elle le paie tous les jeudis par dépôt bancaire informatisé.

Il n'est pas sans connaître Bob Panneton, le répartiteur de la firme BXP. Mais Bob est sous-traitant pour BXP. Et il n'en sait pas plus long que Raymond à ce sujet.

Pourquoi n'y-a-t-il jamais d'autos? Pourquoi surveiller un stationnement désert?

Raymond a cessé de se casser la tête depuis bien longtemps.

Il se contente de rentrer dans sa guérite du lundi au vendredi, de neuf heures le matin à cinq heures le soir.

Sa guérite est équipée d'un système de chauffage et de climatisation. Il a même la télé, mais Raymond préfère écouter sa propre musique. Dont les oeuvres de Chostakovitch.

Autour de sa guérite, c'est la forêt. Il y a même un lac, un point d'eau tout aussi désert que son stationnement pour y voir voler des oiseaux quand il n'y a rien d'autre à faire.

La plupart du temps, Raymond lit des grands classiques de la littérature.

Ou bien des livres d'histoire, de chimie ou de physique théorique.

Il gratte aussi sa guitare à l'occasion en regardant les oiseaux planer au-dessus du lac.

C'est un érudit à sa manière et n'emmerde personne avec ça. D'autant plus qu'il n'y a jamais personne qui vienne le voir. Même pas le gros Bob, le répartiteur sous-traitant de BXP-machin-chose, qui se contente de l'appeler une fois aux trois mois.

Oh! Bien sûr qu'il a une vie en-dehors du travail, Raymond. Il publie dans des revues qui ne le paient jamais toutes sortes de trucs compliqués, comme la morale de Saint-Augustin comparée à celle de Spartacus. Et il joue de la musique avec des amis. Et il a sa blonde, l'amour et trois chats.

Évidemment, il aime, il boit, il mange, il dort, comme tout le monde, et n'est pas nécessairement plate en-dehors de son travail.

Mais son travail qui ne sert à rien, qui le paie pour surveiller un stationnement vide, aux confins de la ville, au milieu de nulle part, eh bien Raymond ne l'échangerait pour rien au monde.

-Pourvu qu'on me paie, c'est le principal!

Et c'est tout ce qu'il trouve à redire, Raymond.

Il tourne les pages de Gibbons, un truc à propos du déclin de l'empire romain.

Il regarde les oiseaux.

Il a même installé sa chaise à l'extérieur de la guérite.

Et il travaille...

mardi 15 novembre 2011

Alcide Malenfant fume quatre paquets par jour et il veut qu'on lui crisse la paix

Alcide Malenfant est vieux, bourré de rhumatismes, et toujours en train de fumer des Crévenne É.

Il s'allume toujours avec son mégot, de sorte qu'il fume quatre paquets par jour minimum.

À part fumer, il ne fait rien.

Il se berce en regardant la télé dans le fumoir de son foyer pour vieux.

Et dans le fumoir, c'est comme s'il fumait quatre-vingts paquets par jour tellement il y a de boucane.

Pourtant Alcide survit. Il a beau avoir le teint vert qu'il n'achale personne.

On l'a donné pour mort au moins cent fois depuis dix ans. Et il est encore là, à quatre-vingt-dix-sept ans sonnés, sans famille, sans amis ni personne, à fumer comme une cheminée tous les jours.

Le médecin, les infirmières, les préposés, les résidents et les visiteurs lui ont tous dit qu'il fumait trop.

Et il les a tous envoyés chier, en leur disant de lui crisser la paix.

Il meurt tranquillement dans son coin.

Le condamné à mort avait droit à sa cigarette. Enfin, il avait droit à tirer une touche avant que d'être pendu.

Pourquoi pas Alcide, d'autant plus qu'il paie ses cigarettes et son loyer.

Hein?

lundi 14 novembre 2011

Moé, là, moé...

Le moi est toujours ridicule. Écoutez un moi qui s'exprime et entendez l'imbécillité en action.

-Moé, là, moé... Moé j'su's quelqu'un ou quelqu'une qui... Moé, là, moé...

Le monde s'écroule. L'environnement se dégrade. La pauvreté et la misère se répandent comme la peste. La corruption, la collusion et la confusion règnent partout. Et qu'entendons-nous?

-Moé, là, moé...

Je voudrais entendre quelqu'un qui raconte des agissements et des méditations qui me feraient croire en la possibilité de transcender la condition humaine. Un moi moins masturbateur. Un moi tourné vers autruis. Un moi qui s'oublierait pour mieux se révéler.

Entendre brailler, chiâler ou mugir une personne singulière qui n'a même pas été torturée dans une dictature sud-américaine ou bien battue, ou bien détruite, n'est-ce pas le comble de l'ennui?

-Moé, là, moé...

Une simple personne qui n'a rien à raconter hormis ses brosses ou ses baises, voire sa job...

-Moé, là, moé...

C'est sans doute dans l'air du temps. Tant qu'on peut changer d'air, aussi bien en profiter pour ne pas vivre sa vie parmi des égoïstes sans envergure qui se prennent pour des stars.

L'humilité n'est pas une vertu qui rabaisse l'homme. Au contraire, elle lui permet de dépasser le point zéro de l'expérience humaine.

Imaginez un sage oriental dépourvu d'humilité. C'est inconcevable. La sagesse et l'humilité vont de pair. Et convenons que ce n'est pas la sagesse ni l'humilité qui mènent notre monde.

-Moé, là, moé...

Moé, là, moé, j'ai seulement envie de tourner le dos à toutes ces poussières de nombrils du monde.

J'ai seulement envie de rêver...

Moé, là, moé...

vendredi 11 novembre 2011

L'adolescent de Dostoïevski

Je viens de terminer la lecture de L'adolescent, un roman tardif de Dostoïevski.

J'hésite à vous résumer l'intrigue puisque l'action se passe toujours dans la sphère de la conscience tourmentée chez le grand Fiodor. C'est un roman psychologique. Comme toujours chez Dostoïevski.

Toute l'intrigue de son roman Crime et châtiments repose sur le meurtre crapuleux de l'étudiant Raskolnikov. Il tue une prêteuse sur gages et sa soeur cadette en se donnant toutes les raisons du monde. Si Napoléon peut massacrer des millions d'êtres humains pour son «idée» alors pourquoi faudrait-il hésiter pour tuer une vieille? Évidemment, cela ne se passe pas aussi bien. Et le nihiliste Raskolnikov s'enfonce dans sa conscience tourmentée, au creux de l'abîme. Toute l'action se passe dans la tête de Raskolnikov. Son châtiment, c'est d'être tourmenté par son crime, d'être puni par l'idée de la rédemption.

Pour L'adolescent, l'intrigue n'y est aussi qu'un prétexte pour démontrer les déchirements intérieurs et les ressentiments de l'adolescent, fils bâtard d'un noble. Arkadi Dolgorouki, l'adolescent en question, a lui aussi son «idée». Il veut devenir aussi riche que Rothschild parce que tout le monde se pliera à ses volontés quand il aura de l'argent, même les nobles d'entre les nobles, parce que l'argent permet tout, dont l'ennoblissement des bâtards. On peut facilement s'acheter des titres de noblesse en Autriche...

Arkadi est balancé dans le grand monde au sortir de l'école et projette de rencontrer son vrai père et sa vraie mère qu'il n'a pratiquement jamais vus. Il est armé de son «idée».

Sa mère Sofia Andréevna était une jeune fille de dix-huit ans mariée à Makar Dolgorouki, un serf dans la cinquantaine déjà père de deux enfants, quand elle fit la rencontre du père biologique d'Arkadi, un noble, Andrei Petrovitch Versilov. La mère partira avec Versilov et Arkadi le bâtard portera le nom de Dolgorouki plutôt que celui de Versilov.

La dualité est présente dans L'adolescent comme dans toutes les oeuvres de Dostoïevski. Les personnages semblent toujours avoir un double. Ils ne sont jamais tout noir ou tout blanc. Plus Dostoïevski veut faire sérieux et plus il devient drôle. C'est un pince-sans-rire, comme Gogol. À ne jamais prendre au premier, ni même au second degré.

Il y a bien sûr une intrigue dans L'adolescent... L'histoire d'une lettre qu'Arkadi porte sur lui, une lettre qui pourrait détruire tout son entourage si l'on savait qu'elle existait. Cette lettre, au lieu de la détruire, il l'a cousue dans son manteau pour être sûr que personne ne mette le grappin dessus.

Et le jeune Arkadi sait qu'il peut se venger de tout un chacun à tout moment grâce à cette lettre. Et en même temps, Arkadi s'abandonne à la célèbre procrastination russe des années nihilistes. Il parasite un prince qui veut épouser sa soeur noble. Il emprunte de l'argent qu'il mise au jeu, tous les soirs, parmi le grand monde. Et plutôt que de mettre son plan à exécution, il change de scénario, revient, repart, tergiverse.

D'autres gredins moins avisés apprennent l'existence de cette lettre et pourraient faire beaucoup d'argent s'ils tombaient en sa possession. On pense qu'Arkadi l'a cachée quelque part dans son logis.

Entre temps, Arkadi apprend à aimer son père biologique, malgré tout, même s'ils aiment la même femme...

Et il écrit ses mémoires... Arkadi n'a même pas trente ans qu'il veut publier ses mémoires...

C'est absurde, comme dans tous les romans de Dostoïevski. Le gros de l'action se passe dans la tête d'Arkadi, comme dans celle de Raskolnikov ou de Stravoguine dans le roman Les possédés.

Je renonce à vous en dire plus.

Je vous laisse sur l'extrait d'une lettre de Nicolas Semenovitch. C'est l'ancien maître d'école d'Arkadi. Il lui demande son avis pour la publication de ses mémoires d'enfant d'une famille de hasard.

«Je l'avoue je ne voudrais pas être le romancier d'un héros d'une famille de hasard! (...) Cependant des Mémoires comme les vôtres pourraient, je crois, servir de matériaux à une future oeuvre d'art, au futur tableau, désordonné, mais d'une époque déjà écoulée. Certes, quand l'actualité aura passé et que viendra l'avenir, l'artiste futur découvrira des formes belles même pour figurer le désordre et le chaos passés. C'est alors que seront nécessaires des Mémoires commes les vôtres: ils fourniront des matériaux, pourvu qu'ils soient sincères, en dépit de leur caractère chaotique et fortuit... Il subsistera du moins quelques traits véridiques qui permettront de deviner ce qui a pu se cacher dans l'âme de tel ou tel adolescent du temps des troubles, enquête qui n'est nullement méprisable, puisque ce sont les adolescents qui forment une génération...»

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Source:
Dostoïevski, L'adolescent, Traduit et annoté par Pierre Pascal, Gallimard, collection Le livre de poche, 1956

jeudi 10 novembre 2011

Le poète qui souffrait de voir des naufragés périr au loin

Imaginons un poète. Il est sur le rivage et souffre de voir naufragés périr au loin.

Et vous savez ce qu'il dit le poète?

-Ne regardez pas ces gens qui souffrent au loin mais moi qui souffre de les voir souffrir...

Ce n'est pas tout à fait comme ça que Dostoïevski a rapporté ça dans Les frères Karamazov. Mais bon, on ne s'encombrera pas de citations ce matin.

Retenons-en seulement la portée philosophique.

Se faire le porteur de toutes les douleurs du monde, ça ne sauvera pas pour autant les naufragés.

Au lieu de ressentir, il faut agir.

Enfin, pour ceux qui croient que l'on devrait au moins se servir de son cellulaire pour demander de l'aide pour les naufragés. Il y a des gens payés pour les sauver de nos jours. Nous savons vivre, quoi, sans qu'il ne soit nécessaire de rêver tant que ça.

mercredi 9 novembre 2011

Automne

C'était un jour de novembre sans nuages. Le sol avait gelé. Les dernières feuilles rougies par le froid allaient bientôt dégarnir tous les arbres.

Les feuilles mortes craquaient sous les pas.

L'air était vif et frais.

Bref, c'était un jour d'automne.

mardi 8 novembre 2011

Joey l'Indien, sculpteur et christ de bon Jack

Joey l'Indien a toujours fait de la sculpture depuis qu'il est haut comme trois pommes.

Son père, Jack Laroche, un Métis de l'Alberta, lui avait enseigné ça lors des innombrables parties de chasse et pêche de son enfance.

-Tiens mon ti-Joey... qu'il lui disait en bon vieux français... Prends el'couteau pis sculpte que'que chose avec mon homme...

Et Joey apprit à sculpter des ours, des oies, des fourmis, n'importe quoi.

Aujourd'hui, Joey Laroche est en moyen.

Tout le monde s'arrache ses sculptures.

Il n'assiste jamais aux lancements de ses collections.

Joey vit retiré dans le Nord et on ne communique avec lui que par la poste restante de Chibougamau.

Il sculpte, sculpte et sculpte encore.

Et l'argent rentre dans son compte bancaire, sans relâche, depuis bientôt trente ans.

Ça lui a permis de se payer un chalet, des bonnes raquettes, un canot d'écorce de bouleau authentique et tout le confort de l'Indien moderne quoi, sauf la télévision. Joey ne supporte pas la télé. Ça lui gruge du temps pour ses sculptures.

À part de ça Joey ne porte pas de moustache.

Il est très petit. Pas plus haut que trois pommes. Mais autonome et marié à une femme à peine plus grande que lui. Ils ont trois enfants.

Le soir, Joey joue parfois du tambour au coin du feu. Il lance son cri. Sa femme l'accompagne à la guitare. Elle s'appelle Samantha Bournival. Elle est agente de la faune au Parc National.

Hum...

C'est à peu près tout ce que je sais à propos de Joey l'Indien, un sculpteur certes, mais aussi un christ de bon Jack.

lundi 7 novembre 2011

L'histoire d'Eugène le journaliste de L'Hebdo Madaire

Il serait utile et nécessaire de parler de ceci ou cela.

Pourtant, ce matin-là Eugène ne parlait ni de ceci et encore moins de cela.

Il s'abandonnait complètement au matin, aux merveilleux nuages et tout le tsoin-tsoin.

C'était mieux que ceci ou cela.

Vraiment mieux.

J'oubliais de dire qu'Eugène ne portait pas de moustache. Sa peau avait brûlé en profondeur lors d'un incendie et il était glabre à jamais.

Eugène mesurait quatre pieds huit pouces. Il était journaliste dans un hebdo local et devait écrire des conneries du genre «le maire Untel est tout un bon vivant» et autres niaiseries qui donnent envie de se torcher avec son papier puant.

À part de ça, il tentait d'écrire un roman de science-fiction mais il buvait trop. Il avait à peine rêver d'écrire le premier chapitre.

Son oeuvre, ce serait ses articles nuls à chier et lèche-cul qu'il écrivait pour L'Hebdo Madaire, le journal de la région.

Ce qui fait qu'Eugène se saoulait encore et toujours plus, comme n'importe quel idiot qui doit respirer un air pestilentiel quelque part dans un trou situé au beau milieu de nulle part.

samedi 5 novembre 2011

Une phrase toute simple qui en dit long

Je retourne à mes pinceaux ce matin pour vous présenter bientôt quelques visions nouvelles produites à la sueur de mon front.

jeudi 3 novembre 2011

Je ferme souvent ma gueule à ce sujet

Je ferme souvent ma gueule quand j'entends les gens s'exprimer à propos de leur religion.

Cela dit, j'ai ma petite idée là-dessus, mais pourquoi les blesser avec ma vision des choses?

Je me tais. Pas tout le temps. Mais souvent.

Quoi que j'en pense j'ai la conviction que la liberté d'expression est une valeur fondamentale de notre communauté.

On peut rire de tout. Même de la religion. Même de Pauline Marois. Même de Céline Dion.

Il faut bien qu'il y ait une soupape pour faire sortir la vapeur. Il faut bien rire un peu, pour détendre l'atmosphère.

On ne peut tout de même pas endurer le fait d'avoir tout le temps à dévisser sa tête devant les autres, pour ne pas les blesser...

Surtout ne pas leur dire que leurs gugusses religieux c'est de la maladie mentale..

Du toc. Du prêt-à-penser beau, bon, pas cher. De l'idolâtrie.

Il y a plein de mystères dans le cosmos mais rien ne m'en semble plus éloigné que ces pattes de lapin porte-bonheur auxquels ils s'attachent comme une manière de se dégager de la responsabilité d'envisager la réalité crue. Cette réalité qui est bien plus mystérieuse.

Chacun pensera et dira ce qu'il voudra.

La plupart du temps, je vais me la fermer à ce sujet.

mercredi 2 novembre 2011

Je viens de recevoir mon exemplaire du dernier roman de Éric McComber

Je viens de recevoir mon exemplaire de La Solde, un nouveau roman de Éric McComber, un auteur dont je vous ai déjà parlé.

Et je vous parlerai souvent de lui parce que c'est tout sauf un clone de Bukowsky, expression réductrice d'éditeur en mal de publicité. McComber n'est pas une copie. Il est incopiable. Inclassable. Et par cela même une plume honnête, lucide et enjouée.

Cela dit, il ne faut jamais lire les cartons de couverture. Ça vous dégoûte assez vite. C'est trop réducteur.
On ne dit pas d'Untel qu'il est dans la lignée de Rabelais, Molière ou Céline sans le réduire à un second rôle.
Et l'oeuvre de McComber est unique cibouère!

J'ai lu de lui Sans Connaissance, Antarctique et bien sûr ses blogs tout aussi déjantés.

Ça tient de la fiction autobiographique, bien sûr, mais c'est sans complaisance envers l'ego.

Émile Duncan traverse les premières années de l'âge adulte avec sa guitare, ses livres, ses baises et ses misères.

Le ton est unique.

Et les québécismes fort nombreux.

On y parle sans fioritures.

Je reviendrai vous parler de La Solde, qui est justement en solde puisque le lancement a eu lieu la semaine dernière. C'est la suite des aventures de Émile Duncan. L'action se passe cette fois-ci à Montréal dans une shop d'agendas scolaires destinés aux écoles américaines...

Présence de Régent Ladouceur à la Maison de la Culture de Trois-Rivières

Allez donc voir l'exposition «Présence» de l'artiste-peintre Régent Ladouceur qui se tient en ce moment à la Maison de la Culture de Trois-Rivières.

Régent présente des tableaux sobres, à la fois obscurs et lumineux, qui rappellent un peu l'hyperréalisme et dénotent une certaine quête de transcendance.

Je suis toujours marqué par ses lignes presque fluorescentes qui soulignent son dessin tout en contrastes. De la lumière qui jaillit de l'ombre.

C'est à voir et à revoir.

Et pour ce qui est de l'entendre, cette exposition, eh bien figurez-vous que c'est mon frère Christian qui a enregistré le guide audio à partir des extraits des carnets de notes de l'artiste-peintre.

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Autre lien pour l'exposition de Régent Ladouceur:
http://www.le-report-art.com/2011/10/au-centre-dexposition-raymond-lasnier.html

mardi 1 novembre 2011

Le 1 du 1 de l'année 2011...

Que s'est-il passé le 1er janvier 1111, le 1 du 1 de l'an 1111? Hum?

J'ai beau fouillé sur le ouèbe que je ne trouve que des niaiseries.

Qu'arrivera-t-il le 1er novembre 2011, le 1 du 11 de l'an 2011? Hein?

La même chose que d'habitude, probablement.

Il y en a qui seront heureux aujourd'hui.

D'autres seront malheureux.

La chance ne joue jamais pour tout le monde en même temps.

Et il y en a des tas qui ne méritent pas tant de malchance.

Les chiffres n'ont rien à voir là-dedans.

À chaque jour suffit sa peine et si possible sa joie.