mardi 30 juin 2015

La vie est si fragile

Au risque de paraître pour un esprit didactique, je me permets de vous rappeler que l'eschatologie est le terme pour désigner le discours sur la fin des temps, tant du point de vue de la religion que de celui de la philosophie.

L'eschatologie semble partie prenante de tous les discours depuis l'explosion de la bombe atomique à Hiroshima. L'humanité a soudainement pris conscience qu'elle pouvait aller encore plus loin qu'une bonne guerre en termes d'horreur et de destruction massive. Dès lors, l'eschatologie n'était plus que de la littérature de curés. C'était désormais une possibilité réelle. Quatre-vingt milles civils pouvaient être balayés de la surface de la Terre grâce à la fission nucléaire.

***

Léonard de Vinci était un sacré créateur. On lui doit La Joconde et des tas de dessins qui témoignent de son souci d'inventer des armes dont ses mécènes ne voulaient même pas.

-Ce fusil à répétition que vous appelez la mitrailleuse, lui disait un certain roi de France, n'y pensons même pas! Ce serait un vrai carnage... De quoi aurais-je l'air? De la brute des brutes... Un esprit fin et raffiné ne peut pas utiliser ces mitrailleuses qui faucheraient cent vies à la minute... Quelle barbarie! La guerre doit restée la guerre. C'est un art, la guerre. Déroger à cet art conduirait l'ennemi à utiliser des moyens encore plus vils et cela n'aurait jamais de fin. Pourquoi pas des produits chimiques sur les populations civiles, hein? Et empoisonner les sources d'eau potable... Ce n'est pas humain! Parlez-moi plutôt de vos peintures... Vous voudriez bien me peindre un mouton, hum?

L'époque n'était pas prête pour la mitrailleuse, au grand dam de Léonard de Vinci.

On finirait, bien sûr, par reconnaître son "génie" quelques siècles plus tard.

On finirait par inventer la mitrailleuse, l'avion, l'hélicoptère, le sous-marin et, pourquoi pas, la bombe atomique. Le mystère du sourire de La Joconde, c'est peut-être ce cynisme-là.

***

À la bombe atomique se sont ajoutées des tas de raisons de tenir des discours eschatologiques.

La science nous en a fourni des tas.

Nous pourrions, évidemment, disparaître de la carte suite à un conflit nucléaire.

La pollution industrielle qui atteint des sommets pourraient aussi nous mener vers la sixième extinction de masse de l'histoire de la planète. Les conservateurs vous diront que ce ne sont que des billevesées. Il faut bien qu'ils préservent les billes de leurs maîtres et la bile des sables bitumineux.

Il fait 43 Celsius aujourd'hui en France. Pas 43 Celsius avec l'indice humidex. Quarante-trois Celsius à l'ombre.

Il y a cinq ans, je suffoquais sous 36 Celsius à Trois-Rivières. Les moules cuisaient sur les rives du Lac Saint-Pierre. Je craignais le pire. Et je sais qu'il s'en vient. Je sais que l'homme ne changera rien à ses habitudes sans qu'on ne lui oblige à le faire à grands coups de pieds au cul.

Il y a d'autres raisons, moins évidentes, de craindre de vivre la fin des temps de notre vivant.

Un astéroïde pourrait percuter la Terre.

Un super volcan pourrait se réanimer.

Des rayons gamma provenant d'une étoile près de chez-nous pourraient mettre fin à toute vie.

Le trou noir au centre de la Voie Lactée pourrait nous aspirer.

Une galaxie pourrait percuter la nôtre.

Bref, il ne manque pas de raisons d'envisager nos existences sous l'angle de la fragilité et de l'éphémérité.

Pour nous rassurer que la vie est courte, nous pouvons aussi envoyer des soldats canadiens en Pologne ou bien en Ukraine pour agacer les Russes et leurs missiles balistiques. Quand ils le faisaient à Cuba, Kennedy leur lançait des ultimatums pour qu'ils déguerpissent en menaçant d'appuyer sur le bouton rouge.

En titillant Poutine, on pourrait faire mieux que de faire semblant. On pourrait vraiment provoquer un formidable feu d'artifices sans avoir à se soucier des astéroïdes, des volcans et des trous noirs de l'univers.

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Parlons maintenant d'espérance.

En quoi consiste-t-elle?

Oh! Je voudrais vous trouver les mots pour que vous y croyiez mieux que moi et les Grecs.

Je ne trouve pas les mots aujourd'hui.

Ma seule espérance, c'est que les abrutis finissent par crever.

Évidemment, les abrutis ont la couenne dure. Ils survivront à tout. Si le monde éclatait, il resterait encore un ou deux maires de village pour polluer le peu qu'il serait possible aux survivants de soutirer de la nature dévastée.

Les meilleurs ne gagnent pas toujours à la fin.

Autrement, il n'y aurait pas eu Auschwitz.

Ni le génocide des Autochtones.

Ni la mitrailleuse automatique qui fauche trente vies à la minute.

Ni la bombe à neutrons.

Ni rien de tout ça.



lundi 29 juin 2015

Reynald, un ancien de la Reynold's Aluminium Company de Sainte-Marie-Madeleine-du-Cap-de-la-Madeleine

Reynald est un ancien travailleur de la Reynold's Aluminium Company de Saint-Marie-Madeleine-de-Cap-de-la-Madeleine, village que d'autres appellent Cap-de-la-Madeleine pour faire court ou bien Trois-Rivières pour le facteur.

Reynald est un peu affecté mentalement. Son désordre mental a débuté lors de la longue grève des années '80 qui a bien duré deux ans. Ce gringalet habile de la parole s'était marié avec Maude Landry, la fille d'un foreman de la Reynold's qui lui avait trouvé un poste de journalier dans la compagnie. C'était en 1978. Comme il faisait souvent de l'overtime, les paies étaient un peu plus consistantes, bien qu'il faisait partie des travailleurs de l'aluminium les moins biens rémunérés de toute l'Amérique du Nord. En sacrifiant sur le fromage, le pain et le beurre, Reynald avait trouvé moyen de s'acheter un char, une maison et une piscine. Tout ce qu'il fallait pour accueillir son épouse et leurs deux rejetons, Patrick et Simone. 

Puis 1980 arriva comme un coup de bâton en plein front. Reynald tint à affirmer sa solidarité avec ses camarades, au grand désespoir de son épouse dont le père faisait partie des cadres non-syndiqués de la compagnie. Gilles Landry, le foreman en question, était un genre de fasciste qui croyait que les syndiqués n'auraient rien du tout. Il forçait les lignes de piquetage pour faire rouler la shop malgré la grève. Évidemment, cela mettait en tabarnak Reynald et ses camarades. 

Ils commencèrent à crever les pneus de Gilles Landry pour souligner leur mécontentement.

Puis comme le foreman récidivait à jouer au scab, quelques têtes un peu plus échauffées prirent sur eux de tirer sur son véhicule avec un fusil de chasse quand il le faisait démarrer le matin pour se rendre au travail.

Gilles Landry était dans tous ses états et traitait de trous du cul les syndiqués. Il n'était pas plus tendre envers son gendre. Et sa pauvre fille, Maude, priait incessamment son mari de ne plus participer aux lignes de piquetage sans quoi elle le quitterait.

-Jamais, m'entends-tu Maude, jamais j'vais plier devant les hosties d'charognes de la Reynold's! Jamais! Moé chu t'avec les gars! Ok? Les boss, les boss, les hosties d'boss... Un jour venu i' s'ront dans rue on leur bottera le cul!

Maude avait fini par le quitter, d'autant plus qu'ils avaient perdu leur maison, leur piscine et leur char. Si cela n'avait été que de tout ça, Reynald n'aurait pas eu trop de misère. Malheureusement, elle partit aussi avec les enfants et ça lui déchira le coeur et lui fit exploser l'esprit.

Du coup, il cessa toute activité et se mit à se promener en robe de chambre dans les rues de la ville en mendiant des trente sous pour s'acheter des cigarettes.

Quand la grève se termina, Reynald ne réintégra pas son emploi. Il a été slaqué comme tant d'autres pour que la Reynold's fasse plus d'argent avec moins de staff.

D'une année à l'autre, Reynald devint de plus en plus minable, désoeuvré et démotivé.

Il demeurait pas plus de trois mois dans ses loyers qu'il ne payait pas tout le temps. C'était la plupart du temps des studios insalubres ou des maisons de chambres bourrées de moisissure,

Il habite encore dans un studio minable, Reynald, et passe le gros de son temps dans les parcs, l'été, parce que son loyer le déprime.

Hier, lorsque je l'ai croisé, il était assis sur un banc dans le parc Champlain et il écoutait la radio à pleins tubes.

Il s'agissait d'une émission sur les chars: Parlons char que cela s'appelle. C'est une émission où l'on parle de la nouvelle Kia ou du nouveau camion Dodge. L'animateur essaie les chars et en parle pendant trois heures. C'est une émission plutôt monotone qui manque de bonne musique. Elle est commanditée par les concessionnaires automobiles de la région.

Reynald écoutait sa radio avec un cartable sur les genoux. Il prenait des notes. Et il semblait complètement absorbé.

-Salut Reynald! que je lui ai dit. 

Je m'attendais à ce qu'il me reconnaisse, moi, le fils à Teddy, feu mon père qui a travaillé avec lui à la Reynold's. Mon père qui a porté des pancartes et scandé des slogans avec Reynald.

-J'ai pas l'temps de t'parler Gaétan! Je suis en train d'étudier. J'écoute l'émission pis j'prends des notes...

-Profite du beau temps Reynald. Bonne journée... que je lui ai dit, un peu dépité.

-B'journée... qu'il m'a répondu négligemment, le nez plongé dans ses feuilles de cartable.

Qu'est-ce que je pourrais ajouter à tout ça, hein?

La vie a été chienne avec Reynald. Comme avec bien d'autres. 




dimanche 28 juin 2015

10 choses à savoir avant que de fourrer dans la nature

Une chroniqueuse qui se prétend sexologue écrivait récemment dans un torchon de Montréal qu'il y a trois ou quatre choses à penser avant que de faire l'amour dans la nature. Il faut, selon elle, s'assurer qu'il est permis par la loi de le faire là où nous souhaitons nous trémousser en duo. Ce qui exclut dès le départ 99,9% des emplacements possibles pour une bonne partie de fesses. La nature ne vous appartient pas. à moins de faire partie de ce 1% qui suscite l'indignation des preux et des lépreux.

Pour ce qui est du reste de son article, c'était tout aussi pitoyable. La sexologue a même trouvé le moyen d'écrire que la quatrième chose à faire était de relire son texte pour s'assurer qu'on a bien compris...

Non mais quelle conne! Et c'est ce genre d'agrès de pêche qui prodigue des conseils sexuels? Faites pas ceci, faites cela, respectez la loi, rédigez toujours un contrat avant que d'user de votre appendice, fouettez-vous dans un environnement propre et sécuritaire...

J'ai déjà fait l'amour dans la nature. Je n'ai demandé la permission à personne. Je n'ai pas signé un contrat devant notaire m'autorisant à commettre un tel acte entre dix heures et dix heures quinze à tel ou tel endroit. J'ai sorti ma queue. Ma partenaire était d'accord. Et basta! Fuck les lois, les règlements et la bienséance: nous avons fait séance tenante ce qui nous tentait, comme tous les animaux de la création qui ne font pas tant de flaflas quand c'est le temps de se reproduire ou de se caresser dans la nature.

Ce genre d'insignifiante qui donne des leçons pullule dans toutes les publications qui respectent l'idiotie de leur lectorat.

-Il ne faut pas les faire réfléchir trop longtemps, laisse entendre le rédacteur en suif... Bourre-moi ta page d'énumérations faciles à comprendre: les trois façons de, les sept leçons à savoir, les dix choses à ne pas faire, etc.

Cette pétasse de sexologue qui doit baiser comme une barre de fer vous recommanderait de changer le concombre contre un cactus pour mettre du piquant dans votre sexualité. Elle doit être aussi envoûtante qu'une émission de télé du matin avec d'autres pétasses du même ordre qui vous racontent qu'une étude scientifique démontre que les hommes qui portent des bas blancs dans leurs sandales sont moins attirants.

Cela va de soi, bien entendu. À moins que vous ne vous foutiez éperdument des conventions de ces stupides petites-bourgeoises qui pleurnichent lorsqu'elles se cassent un ongle, le genre de truc qui ne séduit pas toutes les personnes de sexe masculin bien qu'aucune étude sérieuse n'ait été faite à ce sujet.

Ma seule étude, c'est la mienne, Les pétasses, les énumératrices et les animatrices de télé me gèlent le sang. Je ne leur en veux pas. Je vis en couple et je suis heureux. Et, non, je ne porte pas de bas blancs dans mes sandales. Et même si j'en portais je leur dirais de prendre leurs pilules et d'aller se coucher.

***

Maintenant, jouons nous aussi au jeu des énumérations gnangnans afin de nous gausser un tant soit peu de cette pollution littéraire qui plaît tant à Bobon et Bobonne qui aiment se dispenser de penser,

Trouvons les dix choses qu'il faut absolument faire avant que de fourrer dans la nature.

1- Assurez-vous que personne ne vous regarde, à moins que vous n'aimiez être regardé. Demandez le nom de la personne qui vous regarde. Dites lui de vous fournir ses pièces d'identité ainsi que son rapport d'impôt de 2014. Si c'est un policier en civil, prenez la fuite tout nu en lui balançant vos sous-vêtements pas propres dans la gueule pour créer un mouvement de diversion.

2- Assurez-vous aussi d'être au moins deux. Seul, vous passerez pour une personnalité artistique qui n'a rien trouvé de mieux à faire ce jour-là. Les policiers en civil sont chatouilleux sur les gars qui se dégraissent le salami en public. Les femmes qui se remuent l'entre-jambes dans la nature attirent toujours la sympathie de la force constabulaire. Il est rare qu'une femme seule s'en prenne à autrui en de telles circonstances. Au contraire de l'homme solitaire qui brandit sa bizoune en plein soleil. Celui-là, on ne peut jamais lui faire confiance, Il se zignerait sur un poteau de téléphone s'il le pouvait.

3- Vérifiez s'il y a des marmottes ou des écureuils dans le secteur où vous souhaitez interagir. On connaît des gars qui se sont faits sauter sur la pinotte pour avoir négligé de se préserver de l'appétit de ces petits rongeurs.

4- Camouflez vos vergetures avec du plâtre de couleur chair. Évitez les mouvements trop brusques qui pourraient faire craqueler votre maquillage.

5- Si un agent de la faune vous surprend, imitez le cri du primate. S'il continue de vous observer, balancez lui vos sous-vêtements au visage et, plutôt que de prendre la fuite, parlez-lui de Charles Darwin et des Îles Galapagos.

6- Évitez les positions trop compromettantes. Faites semblant de cueillir des bleuets même si ce n'est pas la saison ni l'emplacement. Vous pourrez toujours prétendre que vous ne connaissez rien aux bleuets.

7-  Ne faites jamais l'amour sous l'eau. C'est peut-être une légende urbaine mais n'allez pas vérifier si elle vraie. On prétend que faire l'amour sous l'eau nous expose à contracter des bactéries en plus de ne plus pouvoir se décoller ensuite. L'effet de succion des muqueuses peut devenir permanent et nécessiter l'intervention d'un urgentologue qui va se moquer de vous pour toutes sortes de raisons.

8- Les hautes herbes sont remplies d'insectes grouillants et dégoûtants. Les marécages sont remplis de grenouilles. Les parcs sont bourrés d'insecticide. Votre cour  arrière déborde de voisins trop curieux.

9- Chanter La Traviata pendant l'acte sexuel risque d'attirer l'attention. Les gens normaux chantent plutôt Hotel California.

10- Consultez une sexologue ou bien un professeur de français si vous n'êtes pas capable de comprendre quoi que ce soit à une lecture pourtant très simple. Elle est spécialement conçue pour être comprise de n'importe quel tête de linotte qui achète Le Journal de Montréal afin de le commenter pendant une émission de télévision ou lors de rapports de sodomie dans le jardin d'Éden.

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Bon fourrage dans la nature!


samedi 27 juin 2015

Wézo Tellier et la nostalgie sale

La nostalgie est difficile à concevoir à vingt ans. À cet âge, tout scribouilleur ne sait parler que de lui-même. L'Autre n'est encore qu'un figurant. Cela explique pourquoi je me suis débarrassé de la grande majorité de mes écrits de jeunesse.  Qui aurait pu s'intéresser à mes atermoiements à propos de tel ou tel aspect de ma vie plus qu'ordinaire à cette époque? D'autres tiendraient pour du génie ces rinçures de jeunesse, tout simplement parce qu'ils n'ont plus jamais eu d'imagination après leur sortie de l'école. Ils s'accrochent à toutes les bêtises qu'ils ont écrit et n'écrivent plus rien. La source s'est tarie pour ces tarés. Ils ne font que sortir du vieux pour prétendre qu'ils étaient neufs.

J'écoute la radio en ce moment. Le 90,5 de la bande FM diffuse de vieux succès des années '60 et '70. C'est le genre de chansons que l'on entend en se promenant dans un marché aux puces: Adamo, Christophe, Dylan, les Classels, Johnny Farago, Diane Dufresne...

Cela me rend nostalgique parce que je n'ai plus vingt ans. J'en ai quarante-sept. Je suis à trois ans de la cinquantaine. D'une année à l'autre, les souvenirs s'accumulent. Chaque exercice d'écriture me confronte bien plus à ces Autres que j'avais oubliés en chemin qu'il ne me rapproche de mon moi que je trouve haïssable, à l'instar de Blaise Pascal.

Un écrivain qui n'écrit que sur lui-même ne va généralement nulle part. À moins qu'il ne s'appelle Henry Miller ou Charles Bukowski. Cependant, on trouve mille minables qui tentent de les imiter pour un qui peut presque nous conférer l'illusion d'y réussir. La littérature écrite au je est la plus difficile à rendre intéressante. Mon vieux prof de philosophie et d'esthétique ne s'y trompait pas.

-Que produisent-ils, sinon que des plaquettes? Senancour, Novalis, je veux bien, Mais ces petits je vides qui veulent faire passer leurs crottes de nez pour du génie? Pfff!

Cela explique pourquoi ce bon homme m'avait balancé mon manuscrit sans intérêt. Un manuscrit où j'enfilais des niaiseries du genre Davy Crockett, croquette de veau, vaudeville, Ville-Marie, marijuana... On aurait pu publier ça sans son aide. Et je m'en serais voulu toute ma vie d'être l'auteur de cette misérable plaquette.

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La nostalgie est un réservoir inépuisable de contes et fabliaux.

Il ne me suffit que de regarder le temps qui s'est écoulé derrière mon épaule pour trouver mille milliards de sujets de conversations.

Aujourd'hui, alors que j'écoute "Il a dit oui avec la tête, elle a dit non avec le coeur", des tas de souvenirs bizarres émergent dans ma machine à inventer des récits.

Pourquoi Wézo Tellier revient-il me hanter un samedi à 6h53 du matin?

Wézo Tellier n'a rien à voir avec les refrains diffusés par la station de radio de Bécancour.

De plus, je ne sais pas comment aborder ce récit. Je m'emmêle dans une critique de l'égotisme, dans la nostalgie et des propos plus ou moins didactiques.

***

Il faudra bien un jour que je sache vous servir un diamant brut bien taillé, sans toute cette gangue qui l'empêche de briller.

J'aurais dû commencer cette histoire simplement, en me contenant de relater ce que je sais de Wézo Tellier.

Wézo Tellier, pour dire vrai, était un hostie de trou du cul.

C'était un ivrogne qui ressemblait vaguement au Capitaine Haddock qui aurait reçu un coup de pelle sur le dos. Wézo Tellier marchait toujours plus ou moins recroquevillé en plus de zigzaguer sous l'effet de l'alcool.

Mes amis ainsi que moi-même avions plus ou moins peur de lui compte tenu de toutes les rumeurs qui circulaient à son sujet.

On disait de Wézo Tellier qu'il attachait son vieux père sur une chaise pour aller boire sa pension de vieillesse.

On disait aussi de lui qu'il avait tué sa blonde, lui avait fait l'amour alors qu'elle était morte, puis qu'on l'avait plus ou moins libéré faute de preuves.

Chaque fois que je voyais Wézo Tellier, j'avais un mouvement de recul.

Je me préparais à l'assommer avec une roche, une chaise ou bien tout autre objet trouvé sur mon chemin.

Plus tard, alors que je travaillais dans un supermarché, je surprenais souvent Wézo Tellier en train de voler. Et je ne disais rien. Ce n'était pas mon supermarché. Je me foutais pas mal qu'il vole celui qui nous traitait comme si nous étions tous à son service (ce qui était pourtant le cas...).

Wézo Tellier pouvait donc voler de la viande, de la bière ou des raisins en toute impunité, tant que c'était moi qui se trouvait près de lui.

Je n'avais plus peur de lui. Je le regardais comme une pauvre merde atterrie dans mon quartier. Une pauvre merde que l'on ne pousse même pas du pied. Un excrément qui peut bien attacher son père et tuer sa blonde avec de l'alcool frelaté. On ne peut pas tout changer dans ce monde pourri. Et Wézo Tellier était le pourri des pourris, toujours plus replié sur lui-même, avec un bras dans le plâtre, des béquilles et autres décorations rappelant les personnages de la Cour des Miracles.

Est-il mort Wézo Tellier? Sans doute. Il était déjà vieux quand j'étais jeune. Et pas mal magané par-dessus le marché.

Il ne me reste de lui que ce pâle souvenir. Peu de chair autour de l'os pour cette hostie de vieille canaille.

Pourtant, il tourne dans ma tête comme un petit hamster dans la roue qui décore sa cage.

Sont-ce ces chansons du 90,5 FM qui m'obligent à me rappeler de Wézo Tellier?

Dur à dire...

Comme on dit par chez-nous: excusez-la!


vendredi 26 juin 2015

Dans Notre-Dame-des-Sept-Allégresses, à Trois-Rivières, en 1978

Les temps changent. Quand j'étais jeune, il était rare d'entendre un climatiseur fonctionner dans le quartier où j'apprenais à me battre. Notre-Dame-des-Sept-Allégresses, à Trois-Rivières, ce n'était pas nécessairement la joie. On entendait les petits comme les grands crier du matin jusqu'au soir.

-Mon p'tit tabarnak t'es mieux d'rentrer à 'a maison ou ben don' j'te califfe une mornifle!

-Va chier christ de folle!

-Y'où c'est qu'alle est ma paye cibouère? 

-Ej' l'ai cachée pour nourrir tes enfants mon hostie d'mongol!

-Faut qu'j'aille à 'a taverne ma christ de chienne! R'donne-moé ma paye ou j't'en crisse une su' l'nez!

-Essaye pour voir! M'en va's t'ouvrir avec la poêle de fonte mon chien!

-Aaargh!

-A-aaaa!

-WAAAAAA!

-RAAAAAAA-AAAH!

Et ça criait ainsi pendant des heures par temps chaud et humide comme par temps froid. Les flics venaient de temps en temps foutre un coup de matraque ou deux. Puisque tout le monde se mêlait plus ou moins de ses affaires, c'était rare qu'on les voyait. Les lois n'étant pas ce qu'elles sont aujourd'hui, il était plus ou moins permis de frapper sa femme et ses enfants devant tout le monde, sans se cacher. On s'entassait dans des logements de carton miteux aux murs couverts de moisissures. La promiscuité favorisait les explosions de violence, l'alcool et l'inceste. C'était ça, Notre-Dame-des-Sept-Allégresses.

Je vivais fort heureusement dans une famille pieuse et engagée socialement. Nous avions droit à nos huit repas par jour. Nous avions chacun une bicyclette pour fuir tout ça et se retrouver à la pêche sur le bord de la rivière Tapiskwan Sipi ou bien sur la plage du fleuve Magtogoek. On finissait par oublier le ghetto en lançant des pierres dans l'eau, en se faisant des feux avec les branches mortes qui jonchaient les rives, en rêvant d'un ailleurs au bout de tout ça.

Je croyais que le monde entier ressemblait à Notre-Dame-des-Sept-Allégresses. C'était ma seule référence. Jusqu'à ce que j'aie le malheur d'approfondir mes lectures à la bibliothèque.

J'ai fini par comprendre ce qu'est l'injustice sociale. Je me suis claqué Jules Vallès, Jack London, Victor Hugo, Pierre Vallières... Nous étions des Nègres blancs en Amérique.

J'en ai voulu aux riches de nous confiner dans ces quartiers explosifs entourés de clôtures et de fils barbelés.

J'ai rêvé moi aussi de porter une étoile rouge, un A entouré d'un cercle ou quelque autre symbole de ma rébellion contre la misère et la pauvreté.

Je ne vous écris pas ça pour dire que j'ai fait pitié. 

Je faisais moins pitié que la plupart des jeunes de mon âge dans mon quartier. Je mangeais à ma faim. Mes parents m'aimaient et s'aimaient. J'étais en quelque sorte un privilégié dans cette fournaise sociale.

Pourtant, alors que j'écris ces lignes, je sais que les chiens de capitalistes nous maintenaient dans cette misère collective et cette crasse sociale.

Je sais que nous avons, moi et mes amis d'enfance, grandi dans une auge à cochons où l'espoir se faisait rare.




jeudi 25 juin 2015

C'est arrivé un 25 juin: Crazy Horse et la bataille de Little Big Horn

C'est arrivé le 25 juin 1876. Les Sioux, menés par Crazy Horse, ont foutu une raclée à l'armée du Général Custer lors de la bataille de Little Big Horn.

Le Général Custer s'était donné pour mission d'exterminer les Sioux et les Cheyennes qui résistaient à l'idée d'être déportés des Black Hills. Custer y avait découvert des gisements d'or et il n'était pas question qu'une poignée de pouilleux viennent freiner l'essor de la civilisation sous prétexte que les Black Hills leur étaient sacrées.

Custer et 267 de ses hommes périrent dans cette bataille. Le chant de victoire des Sioux Lakotas et des Cheyennes se fit entendre dans tout le Montana. Les gisements d'or demeurèrent sous terre.

***

Je faisais de l'auto-stop en Saskatchewan à l'été de 1993. C'était long et pénible. J'avançais de 20 kilomètres en 20 kilomètres, embarquant dans des tracteurs, des voitures déglinguées et des camions de livraison pour revenir au Québec.

Parmi les gens qui ont eu l'amabilité de m'embarquer, je me souviens qu'il y avait un pasteur protestant, un raëlien, un descendant bien vêtu des Doukhobors tout nus sauvés par Tolstoï, un Tchécoslovaque, une Irlandaise et, bien sûr, un Sioux.

Le Sioux était plutôt saoul et me regardait d'un air suspicieux. Bien que je sois d'ascendance anishnabée mes cheveux sont plutôt clairs. Je passais facilement pour un Allemand ou un Doukhobor  dans l'Ouest, avec mes six pieds deux pouces et mes deux cent quatre-vingts livres. Le Sioux plutôt saoul m'en voulait sans doute un peu d'avoir l'air d'un Viking.

Le Sioux au regard ivre était une bonne pièce d'homme lui aussi et portait ce genre de tatouages qui témoignaient de nombreux séjours en prison: des croix, des toiles d'araignées, des têtes de chevaux morts, des attrapeurs de rêve et tout le reste.

-My name is Crazy Horse, qu'il m'a dit tout de go. D'you know who's Crazy Horse, eh?

-Yes, for sure, que je lui ai répondu du tac au tac. And let me introduce myself. My name is Mickey Mouse...

J'ai senti une lueur de haine passée dans son regard d'ivrogne. Je me sentais doublement moins en sécurité. En plus de conduire tout croche il se pourrait que Crazy Horse se conduise mal avec moi, irréductible farceur qui ne mesure jamais la gravité du danger pour un précaire moment de rigolade.

-I'm a Native myself, ajouté-je. My grandmother was a Native, y'know... I'm a Metis like Louis Riel. D'you know Louis Riel, sir?

Crazy Horse s'en foutait éperdument. Néanmoins il se calma comme si j'avais passé son test. Il crut que je n'étais pas tout à fait un Visage Pâle.

-Could you roll a jig dude?

Il me désigna le coffre à gants que j'ouvris pour tomber sur un sac de marijeanne et du papier à rouler Player's.

-Yes, of course... But my jigs often seem to be pregnant... I ain't so good for rolling jigs...

-I don't care... Roll a joint... And we're gonna smoke it both together...

J'ai roulé le joint. Je l'ai humecté puis nous l'avons fumé.

Crazy Horse, même après avoir fumé le joint, ne m'a presque pas adressé la parole. Il m'a abandonné à une fourche pour reprendre son chemin vers sa Réserve.

Des bisons et des chevaux sauvages semblaient paître et fouler les herbes de la prairie. Peut-être que j'hallucinais. J'ai poursuivi mon chemin en marchant. Il était autour de midi. Aucune voiture ne circulait sur la Highway 16 aussi connue sous le nom de Yellowhead Highway, probablement en raison de la couleur jaune des moutardiers qui fleurissent l'été de chaque côté de la route.

J'accompagnai ma longue marche avec mon baladeur dans lequel j'insérai une cassette de Neil Young.

C'était ma manière de sympathiser avec Crazy Horse.


mercredi 24 juin 2015

Vive le Québec libre!

C'est aujourd'hui la Fête Nationale du Québec. Mon patriotisme se passe de drapeau et d'oripeaux. Je préfère pourtant le drapeau des Patriotes de 1837 à celui des curés monarchistes fleurdelisés. Ma version du patriotisme québécois est profondément républicaine et socialiste. Elle plonge ses racines dans la lutte contre l'injustice sociale d'abord et avant tout. Elle réclame des droits égaux pour tous les citoyens, quels qu'ils soient, d'où qu'ils viennent. Elle entend terminer en terre de Québec le combat pour l'indépendance mené par les Américains, les Haïtiens, les Brésiliens, les Mexicains et tous les peuples normalement constitués de l'Alaska jusqu'à la Terre de Feu. Elle vise à consacrer le Québec comme faisant partie du Nouveau Monde en se dégageant une fois pour toutes des symboles de l'Ancien.

Ma situation est complexe. Je suis un Métis, comme Louis Riel. Je suis un Québécois, comme Michel Chartrand. Je suis aussi un descendant des déportés de l'Acadie, comme Zachary Richard. Mon pays est partagé entre l'Île de la Tortue, le Québec et l'Acadie. Les Acadiens et les Métis font aussi partie de mon rêve d'un pays libre et républicain. Les Iyéyous (Cris), les Anishnabés (Algonquins), les Innus (Montagnais), les Inuits (Esquimaux), les Haudenosaunees (Iroquois), les Atikamekws et les Abénakis, pour ne citer que ceux-là, font aussi partie de mon Québec libre. 

Je n'oublie pas, au passage, tous les immigrants, Français, Russes, Africains, Irlandais, Écossais et Britanniques qui font maintenant partie de nos paysages. Je n'en oublie aucun. Même celui ou celle qui voudrait nous maintenir dans une constitution que le Québec n'a jamais signée.

Bref, c'est la Fête Nationale du Québec.

Il nous faut un pays, ne serait-ce que pour ne pas vivre au diapason des conservateurs canadiens qui nous font chier avec la Reine, la monarchie et la droite merdeuse.

mardi 23 juin 2015

La Garde blanche de Mikhaïl Boulgakov

Je termine la lecture de La Garde blanche. C'est un roman de mon auteur préféré, celui qui a écrit le chef d'oeuvre romanesque Le Maître et Marguerite, il s'agit de nul autre que Mikhaïl Boulgakov bien entendu.

On retrouve chez Boulgakov toutes les grandes qualités du roman russe classique, auxquelles s'ajoute une atmosphère féerique comme celle qui a fait le succès des Tchaïkovski, Prokofiev et Stravinski, pour ne nommer que ceux-là. C'est qu'on entend de la musique en lisant Boulgakov. On entend la musique de la grande comme de la petite Russie.

Il y a aussi une pointe de cynisme. Une pointe de futurisme à la Maïakovski qui aurait fait un trip mystique. Boulgakov, en fait, est inclassable. C'est ce qui le rend d'autant plus universel et imbattable dans l'univers de la littérature russe.

La Garde blanche raconte, en gros, les derniers jours des partisans de l'Ancien Régime tsariste. L'action se passe en décembre 1919. Les deux frères Tourbine combattent pour la Garde blanche dans Kiev, la capitale de l'Ukraine. L'Armée Verte de Simon Petlioura s'apprête à conquérir la ville. Kiev s'écroule tout comme Berlin s'est écroulé en 1945. Il ne reste plus qu'une poignée d'étudiants et de bourgeois tsaristes pour défendre la cité de la révolte populaire.

On comprend rapidement que l'époque ne tourne plus pour les partisans de la monarchie. Les quelques gradés en poste pestent contre tous les politiciens et hauts gradés qui ont fui le pays pour les laisser à eux-mêmes. Ils ne savent plus quel est leur devoir dans cette situation chaotique. Doivent-ils obéir aux ordres de l'autorité en fuite ou bien se protéger du massacre annoncé par l'avancée des partisans de Petlioura?

Au fil de l'histoire, le sentiment qui prévaut est le sauve qui peut. La Garde blanche se disloque avant même que l'ennemi n'investisse Kiev. Les gradés déchirent leurs épaulettes, jettent leurs médailles et leur passeport pour progressivement se déguiser en civils afin de ne pas être égorgés par les socialistes ukrainiens. Tout est fini. Les frères Tourbines savent que ce n'est plus le temps de jouer aux héros. Ils sont tous en fuite, les salauds de l'Ancien Régime, et pourquoi devraient-ils se faire égorger pour eux? Eux aussi doivent prendre la fuite.

Boulgakov a tiré une pièce de théâtre pour ce roman qui n'a pas trouvé d'éditeur en Russie dans les années '20. Les journées des Tourbine a connu un relatif succès théâtral à Moscou. Joseph Staline a souvent vu la pièce. Il savait que Boulgakov était un écrivain douteux. Mais il voyait sans doute dans le récit de l'anéantissement de la Garde blanche et de l'ancienne aristocratie quelque chose comme une motivation à poursuivre son oeuvre.

Boulgakov n'a presque plus rien publié sous Staline. La Garde blanche n'est jamais paru en entier. La censure soviétique a mis fin à sa publication. Toutes les portes des maisons d'édition se sont fermées. C'est à peine s'il a pu produire quelques pièces de théâtre ou petits textes pour des publications officielles, comme l'Horaire des chemins de fer...

L'époque ne tournait pas plus pour les Tourbine que pour les Boulgakov. Et il devient clair rapidement que Tourbine et Boulgakov c'est tout un.

Boulgakov a continué à s'habiller en dandy et à fumer avec un porte-cigarette sous le régime communiste.

Il s'est plaint à Staline de ne plus pouvoir vivre de sa plume, ce qui lui importait plus que tout au monde.

D'autres que Boulgakov auraient été directement conduits au goulag pour cette outrecuidance. Curieusement, Boulgakov fût épargné. Comme si Staline le nouveau tsar avait besoin d'un fou pour lui rappeler qu'il était un tyran.

La Garde blanche n'a pas suscité le même intérêt que celui que j'ai eu pour Le Maître et Marguerite, un roman que j'ai dévoré en un clin d'oeil. J'ai dû me reprendre par trois fois avant que de saisir où je m'en allais avec La Garde blanche. Je manquais sans doute de renseignements sur cette époque. Je ne connaissais rien de Simon Petlioura et des Armées Vertes, sinon l'anarchiste Nestor Makhno.

L'Ukraine est revenue sur le devant de la scène internationale ces derniers mois. Je constate qu'il me manquait beaucoup de lumière historique sur tout ce qui se trame là-bas. Les tragédies des années '20 semblent s'y répéter. Tous les Anciens Régimes se combattent l'un l'autre. On ne sait rien de ce qui sortira de cette fournaise ukrainienne.

La Garde blanche n'est certes pas une source d'explications. C'est le roman de la fin d'une époque.

La Garde blanche nous rappelle que lorsque le Vieux Monde s'écroulera, les premiers à prendre la fuite seront les salauds de libéraux, de conservateurs et autres donneurs de leçons. La soldatesque aux ordres de ces pourritures sera abandonnée à elle-même. Elle se fera égorgée tandis que les généraux, les amiraux et les politiciens prendront la fuite.

Voilà.


lundi 22 juin 2015

13 congés fériés en Allemagne, 11 aux États-Unis, 8 au Québec, 8 en Estonie...

C'était hier la Journée internationale des aborigènes. Une journée qu'à peu près personne n'a fêté au Québec et au Canada. On parle allègrement de réconciliation entre les Autochtones et les descendants des conquistadors européens. On en parle beaucoup mais on ne fait rien, comme d'habitude. On saupoudre d'argent les chefs de tribus qui se comportent comme les maires de n'importe quelle municipalité du Québec, avec le laxisme et la gabegie que cela suppose. La majorité, comme toute majorité, est condamnée à obéir et à presser le pas.

Cela dit, je vais reprendre ma vieille antienne en faveur de l'instauration de nouveaux congés fériés dans notre calendrier.

Aux États-Unis, les Américains bénéficient de onze journées fériées, dont une pour souligner la mémoire de Martin Luther King. Évidemment, il n'y en a aucune pour les femmes et aucune pour les aborigènes. Comme quoi beaucoup de chemin reste à faire pour la pleine reconnaissance de l'égalité des droits, même chez nos voisins les Yankees.

Ici au Québec, nous n'en avons que huit. Ce qui nous situe à peu près au niveau des congés fériés accordés aux Estoniens, aux Roumains et aux Afghans dans le monde. Voici nos jours fériés selon la Commission québécoise des normes du travail:

  • le 1er janvier (jour de l’An)
  • le Vendredi saint ou le lundi de Pâques, au choix de l’employeur
  • le lundi qui précède le 25 mai (Journée nationale des patriotes)
  • le 24 juin (fête nationale)
  • le 1er juillet. Si cette date tombe un dimanche : le 2 juillet (Fête du Canada)
  • le 1er lundi de septembre (fête du Travail)
  • le 2e lundi d’octobre (Action de grâces)
  • le 25 décembre (jour de Noël).
Vous allez me dire que ça fait pitié et vous aurez parfaitement raison. Nos travailleurs bénéficient de moins de congés fériés qu'en France, en Allemagne, en Autriche, en Espagne et même aux États-Unis. 

Je recommande, au nom de tous mes camarades, concitoyens et concitoyennes, que trois nouveaux congés fériés soient ajoutés à notre calendrier. 

J'en propose trois nouveaux pour au moins rattraper les États-Unis, qui sont pourtant encore plus à droite que nous:

  • le 8 mars (jour de la Femme)
  • le 1er mai (jour des Travailleurs)
  • le 21 juin (jour des aborigènes)

Je ne vois aucun inconvénient à en rajouter deux de plus pour rattraper l'Allemagne:

  • le 15 août (fête du maïs)
  • le 21 septembre (fête de la patate)
Pour le moment, je m'insurge contre le fait qu'il n'y ait aucun congé férié pour souligner la mémoire du combat historique des femmes, des travailleurs et des aborigènes.

Les Américains fêtent le jour des découvreurs, le jour de Christophe Colomb imaginez-vous donc. Mais ils ne fêtent aucunement les Indiens qu'ils ont massacrés. Nous faisons un peu comme eux et je trouve ça dommage.

C'est le solstice d'été. C'est le temps de faire sa danse du soleil et de réfléchir à tout ça.

Chagon! Courage comme disent les Haudenosaunees, alias les Iroquois.

Un jour, notre pays sera transformé de fond en comble.

Il y aura treize journées fériés.

Et le fleuve Saint-Laurent s'appellera à nouveau le fleuve Magtogoek.



dimanche 21 juin 2015

Record du monde Guinness et peinture en direct...

La température était splendide hier malgré les grands vents. Je me suis installé devant mon atelier-galerie d'art pour une session de peinture en direct. Les vents qui venaient en rafales m'ont obligé à passer mon attirail au ruban adhésif pour qu'il se maintienne en place. Chaque coup de pinceau s'accompagnait de mouvements de toile. Je n'avais donc pas à simuler le mouvement dans l'exécution de mon tableau. Il s'inscrivait de lui-même dans mon oeuvre, sans efforts,

Le centre-ville de Trois-Rivières accueillait des milliers de badauds qui transitaient par mon échoppe pour se rendre au Parc Champlain où avait lieu un record Guinness. Le restaurant La Planète Poutine promettait de mitonner la plus grosse poutine du monde. La promesse a été tenue et le record a été battu.

La poutine était distribuée gratuitement aux curieux et curieuses autour de 15 heures. Trois-Rivières, ville d'histoire et de culture, capitale de la poésie et de la pauvreté, ne manquait pas de chômeurs, d'assistés sociaux et d'affamés de toutes sortes pour se sustenter de cette poutine aspergée de poubelles de sauce brune. Les guêpes, les mouches et les Trifluviens tournoyaient autour de tout ça. Le Parc Champlain était plein.

Pendant ce temps, je trempais mes pinceaux dans le bleu, le noir, le blanc, le vert chasseur et le vert feuille pour battre mon propre record de peinture en direct.

Les amateurs de poutine venaient me voir peindre en attendant que le repas soit prêt.

Les enfants étaient nettement les plus expressifs envers mon art.

-Wow! Regarde mouman! C'est beau c'qu'i' fait le m'sieur! Wow!

Je rougissais un peu de fausse humilité, bien entendu, en trouvant ces enfants supérieurement nobles et intelligents. Ils verraient la nudité d'un empereur que je me disais... Il voient la beauté de mon artisanat...

Les adultes étaient plus austères. Ils craignaient sans doute d'avoir à sortir quelques billets de leurs poches. Les artistes sont tellement avides...Une oeuvre d'art, ça vaut 19,99$ chez Walmart. Et les artistes sont là à demander 500$ pour une toile de même dimension. C'est le prix d'une laveuse ou d'une sécheuse. Ce qui fait que je donne parfois mes toiles, pour calmer un tant soit peu le juste mépris du peuple envers les artistes qui se prennent pour d'autres. La poutine était gratuite hier et pourquoi faudrait-il payer pour du barbouillage? Arrive en ville maestro!

Les personnes âgées et malades avaient moins de retenue. Comme si elles étaient retombées en enfance.

-C'est beau monsieur ce que vous faites... C'est de l'art naïf, hein? Ça ressemblé à Tanobé.

-J'aime bien ce qu'elle fait, moi aussi... Tanobé est une grande artiste... Je fais de l'art naïf, sans doute... J'ai la naïveté de croire que je fais de l'art...

Je n'étais pas pour renier Tanobé, bien que mon style soit plus près du mien. J'ai cette coquetterie de croire que je ne suis pas imitable. On pourrait imiter mes qualités, mais pas mes défauts. Je compose à partir de ce qui trotte dans ma tête. Comment pourrait-on copier ma tête? Même moi je peine à reproduire tout ce que j'y vois quand je cligne des yeux.

-Clâque! claqua soudain ma toile qui me revola en pleine face, laissant un peu de bleu sur mon front.

Je me suis essuyé. Puis j'ai repris mes pinceaux. Un peu de vert par ci. Un peu de brun par là. Pom pom pom, chatonné-je. Et hop! Une maison, un lac, une montagne...

Je n'ai pas eu tout à fait le temps de finir ma toile. D'un visiteur à l'autre je commençais à avoir chaud et soif.

Deux de mes amis sont passés. Djici et Phil Good. Djici m'a parlé de la poutine gratuite. Et Phil Good m'a raconté des histoires de soudeurs soudards saouls morts.

Ma session de peinture s'est terminée. Le record Guinness de la plus grosse poutine du monde a été battu. Tout le monde, ou presque, est rentré chez-soi avec un petit contenant de frites accompagnés de fromage en crottes et de sauce brune.

On ne m'a rien acheté. Les jours pluvieux et tranquilles sont meilleurs pour le marché de l'art. C'est ce que l'on annonce aujourd'hui. Si vous n'avez pas envie de vous acheter une laveuse ou une sécheuse, passez me voir. Je suis ouvert entre 13h00 et 17h00, Mon atelier-galerie d'art est sis au 448 de la rue Niverville à Trois-Rivières.

***

PS: Je ne fais aucune vente sous pression. Si vous me dites que vous n'avez pas un rond je vous donnerai une toile pour le pur plaisir de partager.







samedi 20 juin 2015

Peinture en direct aujourd'hui


Je peins en direct aujourd'hui devant mon atelier-galerie d'art sis au 448 de la rue Niverville au centre-ville de Trois-Rivières. C'est un rendez-vous.

vendredi 19 juin 2015

Magloire n'est pas battable

Son prénom est pour le moins étrange pour un homme de son âge. Magloire est un prénom pour un vieux de quatre-vingt-dix-neuf ans. Magloire n'a que cinquante-trois ans et est originaire de l'Acadie. Les vieux prénoms se portent longtemps là-bas. Cela explique son prénom et son accent.

Magloire tient beaucoup du pachyderme. Il vivrait bien nu comme un éléphant s'il le pouvait. Mais il préfère porter vêtements et sous-vêtements pour se conformer aux us et coutumes de son peuple dans lequel il ne se reconnaît guère. 

Tout le monde déteste Magloire. Bien qu'il soit jovial, son besoin d'attention est tellement immense qu'on finit tous par avoir envie de l'étouffer.

On ne le déteste pas parce qu'il est Acadien ni parce qu'il s'appelle Magloire. Je dirais même que son air de pachyderme n'a rien à voir.

On ne veut rien savoir de lui tout simplement parce qu'il est bizarre et un peu gluant dans ses bizarreries.

Le gros Magloire aime beaucoup parler des sites pornographiques qu'il fréquente sur l'Internet. Il raconte à tout le monde qu'il aime les corsets victoriens et autres trucs fétichistes. 

Ça ne faisait même pas trois minutes qu'il avait été engagé à la quincaillerie qu'il racontait au patron et aux employés ses passions les plus bizarres, dont celle de fabriquer des porte-clés en forme de coeur et celle de pleurer souvent parce qu'il se dit un gars ultra-sensible.

Au bout de trois heures, on savait aussi qu'il avait fait de la prison pour exhibitionnisme dans les parcs. On l'avait aussi arrêté pour d'autres conneries pas racontables. Il aimait, entre autres, regarder sous les jupes des dames à l'église. Le curé avait dû lui interdire l'accès à l'église. Magloire s'était rabattu sur les évangélistes qui l'avaient aussi banni. Les bouddhistes, que l'on dit pourtant calmes et mesurés, avaient tellement été excédés par Magloire qu'ils lui recommandèrent aussi d'aller voir ailleurs. Pas une religion ne sut l'accueillir. La compassion a des limites et Magloire se tenait en-dehors des frontières de la pitié tellement il était désagréable.

Il n'est pas resté longtemps à la quincaillerie, Magloire. On l'a mis à la porte parce qu'il passait son temps à se sortir la langue tout en se massant les seins chaque fois qu'il parlait aux commis ou bien au patron.

Suite à la perte de son emploi, Magloire s'est acheté un béret rose et s'est mis à se promener presque tout nu dans le quartier. C'est-à-dire qu'il portait une robe de chambre et qu'il continuait à tirer la langue devant tout le monde en se massant les tétons. De plus, il chaussait des bottes de caoutchouc fleuries... De quoi se demander de quelle planète il provenait.

D'autres accusations lui sont tombées dessus, évidemment. 

On l'a surpris en train de sucer des bananes à l'épicerie. Il les suçait devant tout le monde et les remettait ensuite à leur place. Le gérant de l'épicerie lui a fait comprendre que cela ne se faisait pas. Magloire l'a regardé dans les yeux en se pourléchant les lèvres et en se massant les seins. Le gérant a fait venir les agents de sécurité puis les flics, le lendemain, lorsqu'il revint pour sucer des bananes.

Que faire de Magloire? Les flics lui ont fait visiter une cellule pendant deux ou trois heures. Puis ils l'ont relâché en lui conseillant de porter autre chose que des bottes d'eau fleuries.

On l'a arrêté deux heures plus tard alors qu'il se zignait sur la statue de Monseigneur Lapêche en plein centre-ville.

Il a passé quelques heures de plus en cellule avant de passer devant un juge au Palais de Justice.

Le juge a recommandé une évaluation psychiatrique.

Le psychiatre lui-même s'est senti dégoûté et dépassé par Magloire.

-Ce gars-là va me rendre fou! Pas moyen de lui dire quoi que ce soit! qu'il s'est confié à sa femme. Magloire est complètement siphonné! Tu lui parles et il tire la langue en jouant avec ses bouttes! J'en ai vu des fuckés dans la vie mais lui... sacrament! Y'est pas battable...





jeudi 18 juin 2015

Trouvez-moi un sujet

Il m'arrive de consulter ma blonde pour lui demander de me désigner un sujet pour écrire un billet sur mon blogue. Ce matin, elle a commencé par me dire mangez tous du chiendent. Je n'ai pas retenu ce sujet. Je lui ai demandé de s'efforcer de me trouver quelque chose de plus consistant. C'est alors qu'elle m'a dit, tout bonnement, que mon sujet pourrait être trouvez-moi un sujet.

Ce n'est pas que je sois vide et qu'il me manque d'idées. J'en ai des tas en réserve. Néanmoins, je me sens pas en état d'aller fouiller dans ma tête pour vous sortir quelque chose d'aussi percutant que mes billets les plus récemment parus sur mon blogue. Il ne faut pas abuser des belles choses. Aussi dois-je me ramener au ras des pâquerettes pour ne pas m'empêtrer dans l'autophagie.

Quel sujet pourriez-vous me trouver, hum?

Je vous lance ce défi.

Voulez-vous que je parle de physique quantique? J'en ai très peu à dire sur les tachyons et autres éléments subatomiques mais je saurais me débrouiller pour créer l'illusion d'une science mal digérée. J'ai lu La physique quantique pour les nuls ainsi qu'Une brève histoire du temps de Stephen W. Hawking. J'ai même vu le film Interstellaire. Je suis une vraie mine de renseignements de seconde main en matière de science vulgarisée. Je consulte le site Science Daily tous les jours...

Voulez-vous que je parle de l'indépendance du Québec? D'autres en parlent tout le temps, tellement que je ne leur connais pas d'autres préoccupations. Je serais capable d'ajouter ma pierre à l'édifice mais c'est certain que je ne sombrerais pas dans le nationalisme primaire et les livres d'histoire. Vous seriez déçus de ma position. Et je me ferais des tas d'ennemis pour ne pas avoir penser convenablement. On finirait par dire que je suis un traître parce que je ne me livre pas pieds et poings liés à la doctrine du magnat Pierre-Karl Péladeau.

À moins que vous ne préfériez un thème plus léger. Peut-on porter des bas blancs dans des sandales ou des souliers de ville? Il semblerait que non si je me fie aux 10 manières d'avoir l'air fou auprès d'une femme. On trouve ce type d'énumérations partout sur la toile. Les 10 façons de se mettre dans le pétrin. Les 10 personnes les plus laides de la planète. Les 10 ceci ou cela dont je me contrefous.
Bref, ce ne serait pas un bon thème à exploiter. Je pourrais finir par me trouver une job de chroniqueur en écrivant ce type de niaiseries. C'est clair que les rédacteurs en chef apprécientla fatuité. Keep it stupid and simple, comme disait Péladeau le père. Est-ce vraiment mon genre? Pas du tout. Je suis tout sauf professionnel. Ma plume ne se plie pas facilement au babillage. Je n'aurai jamais ma colonne dans les journaux jaunes. Oubliez ça.

Et si vous me proposiez un thème nettement plus sérieux? Quel est le sens de la vie, par exemple. Ou bien un truc comme la vie avant la mort. Quelque chose qui m'obligerait à farfouiller dans les notes de mes cours de métaphysique à l'université... Je vous dirais ceci ou cela puis je ferais tout le contraire, comme tout bon donneur de leçons.

Trouvez-moi un sujet. Ma question était pourtant simple. J'aurais pu ne m'en tenir qu'à ça. Mais non! Il a fallu que mes doigts glissent sur le clavier pour créer en moi l'illusion de vous livrer une symphonie. Ce n'est pourtant pas une symphonie, ni une fantaisie. Ce sont seulement des mots accrochés à d'autres mots. Ce qu'il fallait pour alimenter mon blogue ce matin et vivre toute la journée avec la fausse idée que j'ai changé quelque chose dans cet univers avec mes propos teintés de circonvolutions.

Alors, il vient ce sujet?




mercredi 17 juin 2015

La sagesse ne consiste pas à se fermer la gueule

La sagesse qui consiste à se fermer la gueule en toutes circonstances me semble plus près de la peur que de la beauté d'un esprit libre.

Tous ceux et celles qui recommandent de se la fermer sont sans doute avisés et prudents. Mais sages? J'en doute fortement.

Un sage ne craint ni la musique ni la fanfare ni le chef d'orchestre. Le sage, pour moi et quelques misérables individus, c'est celui qui parle quand tout le monde préfère se taire.

Le sage n'a rien à voir avec les peureux. Il est toujours prêt pour le combat intellectuel. Il boira la ciguë qu'on lui tendra plutôt que de fuir son esprit. Et on se souviendra de lui des siècles après sa mort pour ne pas avoir été un lâche quand tout un chacun autour de lui vantait les vertus du silence et de la résignation.

***

Si vous êtes un tant soit peu cynique vous devez vous dire que je me crois sage. On ne reconnaît que les vertus qui sont nôtres en matière d'humanité. Je ne crois pas faire partie du troupeau des peureux, c'est vrai, mais je ne mérite pas vraiment l'appellation de sage. Je suis trop fou pour ça. Je pique des colères qui n'ont rien à voir avec la sagesse. Je ne parle pas aux gens: je prophétise. Bref, je fais partie de la cohorte des chiens galeux qui jappent et qui mordent, sans plus.

Par contre, je n'ai pas tout à fait terminé ma formation philosophique. Il y a de l'espoir de faire de moi un type un peu moins pugnace. Je finirai bien par être fatigué, moi aussi...

Cela dit, je ne tiens pas à vous parler plus longtemps de moi. Je sais que cela ne vous intéresse pas. Je le sais d'autant plus que je pense la même chose. À l'ère des égoportraits électroniques rien n'est plus détestable que ces surabondances de petits moi rachitiques et misérables. On en a rien à cirer des selfies narcissiques et soporifiques.

Je veux surtout vous parler de quelqu'un dont je ne vous nommerai pas le nom. Je le ferai certainement un jour ou l'autre. Mais là, je dois lui laisser la chance de se trouver du travail.

Ce gars-là a fait fermer une centrale nucléaire dans ma région. Une centrale nucléaire vieillotte, bâtie sur une faille de la croûte terrestre, qui menaçait la santé publique et représentait un mauvais investissement public d'un milliard de dollars. Ce gars-là a passé des années à organiser des manifestations, des pétitions et autres coups d'éclats pour faire fermer la centrale.

Ses actions ont fini par avoir des répercussions politiques. On a fini par fermer la centrale nucléaire.

La suite de son histoire est moins glorieuse. Ce gars-là, un travailleur communautaire, s'est soudain retrouvé dans la situation de tête brûlée. Plus personne ne voulait l'engager parce que l'on craignait que cela nuirait aux demandes de subventions.

-Tu as été pas mal exposé dans l'actualité, tu comprends... Ça pourrait nuire à notre financement... Avec l'austérité et tout, il faut être prudent dans nos faits et gestes, lui a déclaré une personne qu'il a rencontrée en entrevue.

Ce responsable communautaire emploie sa soeur, son frère et presque sa mère avec l'argent public. Son organisme communautaire est une vraie affaire de famille. Bref, on n'a pas besoin d'une tête brûlée... D'autant plus que ces bébittes du communautaire se présentent aux élections en imitant ceux qu'ils prétendent combattre. Ils se font photographier au Grand Prix automobile. Ils serrent des mains à l'église. Ils tiennent des manifs qui ne réunissent que des salariés du communautaire. Des manifs qui débutent à 10h15 du matin et se terminent à 10h30, juste à temps pour le café et les petits biscuits.

Évidemment, j'ai salué chaleureusement ce gars-là que je tiens pour un modèle de probité, d'héroïsme et... de sagesse.

Il s'en trouvera des tas pour le traiter de trou du cul. Des tas qui n'arrivent pas à la hauteur de sa cheville. Des tas de cloportes qui se prétendent libres, indépendants et méritoires alors que les médailles qu'ils portent ne sont que de la pacotille offerte par le magicien d'Oz pour leur conférer l'illusion du savoir, du courage et des beaux sentiments.

On n'a pas remis de médaille à ce gars qui a fait fermer la centrale nucléaire.

On ne lui pas offert de travail dans le communautaire.

On s'est débarrassé de lui comme d'un emmerdeur public, un "enverdeur" comme diraient les salauds de droite et leurs lécheurs d'entre-fesses.

Nous savons, entre nous, que ce gars-là est un héros.

Nous respirons un air meilleur, sans radiations et isotopes, parce qu'il était là, tout fin seul, pour nous représenter tous.

Si vous vous croyez plus sage que lui, plus prudent et plus avisé, eh bien vous pouvez bien allez vous faire foutre -que vous soyez le maire, le député ou le directeur général d'un organisme communautaire bidon qui sert de club-école pour accéder à un poste dans la vieille politique sale...




mardi 16 juin 2015

La retraite à 99 ans, le salaire minimum à 3 piastres de l'heure et la révolution

Il y a cent cinquante ans de charmants investisseurs en voulaient à la canaille d'enflammer les esprits des travailleurs avec des revendications qu'ils considéraient utopiques. Selon ces parasites de la société, les syndicalistes sapaient le respect des institutions avec leurs idées folles: la semaine de soixante heures, la retraite à soixante-dix ans, l'interdiction du travail des enfants, etc.

-Ils n'ont qu'à apprendre l'économie! disaient ces capitalistes sauvages. Qu'ils placent un sou par semaine à la banque et au bout de l'année ils auront cinquante-deux sous! Avec le cinquante-deux sous ils pourront s'acheter des actions en bourse... Et ils apprendront à économiser encore plus pour faire plus d'argent... Ce n'est pas en critiquant l'église et les notables que l'on construira un pays fort... Qu'ils cessent de boire, manger, fumer et respirer! L'éducation et les soins de santé, ce n'est pas bon pour les pauvres... Ils finissent par se ramollir et à ne plus vouloir travailler. Ils n'ont plus qu'un mot en tête: la grève! Eh bien, les autorités se doivent d'intervenir contre les têtes brûlées et autres trouble-fête qui pervertissent les travailleurs et les incitent à la violence contre leurs bons pasteurs et leurs bienfaiteurs... On doit les matraquer et les fusiller s'il le faut! La police et l'armée doivent se charger de nous débarrasser de la canaille!

Les syndicalistes et les militants socialistes ont eu raison de ces salauds, bien entendu. La police et l'armée se sont rangées du côté de la canaille. Même un soldat finit par comprendre qu'il partage le sort de ses concitoyens spoliés par les riches. Et les riches, ici comme ailleurs, doivent bientôt s'enfuir à toutes jambes pour ne pas en manger une tabarnak...

Nous sommes passés de la semaine de cent dix heures à la semaine de quarante heures.

L'âge de la retraite est passé à soixante-cinq ans.

Les enfants ont eu accès à l'éducation au lieu de mourir dans les mines ou dans les usines de textile.

Les soins de santé sont devenus universels et gratuits.

Les églises ont été démolies. Les vieilles idoles ont été renversées.

Bref, tout s'est amélioré grâce à la constance des grévistes, des syndicalistes et des militants socialistes. Seul un capitaliste sauvage viendra nier ces faits.  Et malheureusement, il s'en trouvera bien quelques-uns puisqu'il faut régulièrement sortir les poubelles afin de ne pas être envahi par la pourriture.

Les charognes sont au pouvoir au Québec. Ces petits despotes à la solde du 1% souhaitent nous ramener cent-cinquante ans derrière pour nous traiter comme du vulgaire bétail mis à la disposition des riches.

Des fils à papa et des filles à maman du Parti libéral du Québec veulent augmenter l'âge des retraites. Il paraît que c'est utopique la retraite à soixante-cinq ans, la semaine de quarante heures, les soins de santé universels et gratuits ainsi que l'éducation pour tous...

Quelques larbins remplacent les curés d'antan dans les médias corporatifs pour nous apprendre la résignation et la soumission à l'autorité. Ils trouvent tout à fait normal de nourrir la pègre avec l'argent de nos taxes et de nos impôts. Ils ne voient que de la logique dans le fait de nous faire travailler comme des boeufs sans privilèges et sans droits jusqu'à deux fois quatre-vingt-dix-neuf ans s'il le faut.

Bientôt, ces excréments sur deux pattes s'attaqueront au salaire minimum en prétendant que les entreprises ne sont pas compétitives compte tenu des salaires trop élevés. On trouvera normal de payer des gens trois piastres de l'heure puisque la loi du marché en aura décidé ainsi.

Notre peuple sera traité comme de la crotte pour assurer la liberté des loups dans la bergerie.

On travaillera soixante-dix heures par semaine pour rejoindre les deux bouts. On confiera les enfants aux proxénètes pour se faire un petit revenu d'appoint. Les écoles seront réservées aux gosses de riches du Parti libéral du Québec et de la Coalition Avenir Québec. Les comportements les plus asociaux seront encouragés et recommandés. Ce sera au plus fort la poche. Pour les autres: la matraque, le poivre de cayenne ou les balles en caoutchouc...

Ce sera beau en tabarnak notre société de sales larbins crypto-fascistes qui marcheront au pas pour un dix cents. Le travail sera la liberté. La liberté de quelques-uns et l'esclavage pour tous.

Évidemment, nous pouvons inverser le déclin de notre communauté et de nos droits en leur faisant ravaler leur vomi. On ne doit pas céder à ces fumiers qui souhaitent venger les capitalistes en nous plongeant tous dans la misère pour le plus grand bien d'une poignée de salopards individualistes et libertariens.

On peut les battre et les vaincre sur notre propre terrain, dans notre propre pays. Nous sommes maîtres chez-nous, maintenant et pour toujours. On se doit de leur apprendre cette leçon par les moyens qui s'imposent.

Cela ne prendrait que vingt-quatre heures pour changer le Québec. Vingt-quatre heures pour que les fils à papa et les filles à maman ferment leur clapet. Vingt-quatre heures pour que les chroniqueurs des médias corporatifs soient jetés à ces ordures qu'ils nous font manger jour après jour.

On n'aurait même pas besoin d'attendre jusqu'en 2018 si nous avions le courage et la détermination de ces vrais héros et héroïnes du peuple qui ont vaincu le capitalisme sauvage, le duplessisme et cette église catholique infâme qui n'a su enseigner que les génuflexions et la pédophilie.

Nous pouvons inverser le cours de l'histoire en mettant un terme à cette aboulie collective qui permet à quelques gredins sans âme de promouvoir l'esclavagisme moderne. Nous pouvons en finir tout de suite avec la décadence et le brigandage de nos élites corrompues.

Nous pouvons et nous devons gagner contre ces charognes qui veulent nous déposséder au nom d'une idéologie qui ne profite qu'à une poignée de pleins d'marde.

Le fascisme ne passera pas.

On a non seulement raison de se révolter.

On en a aussi le devoir.












lundi 15 juin 2015

William Langevin, ministre des animaux domestiques et des plantes vertes

William Langevin concentrait l’essentiel de son temps de travail à camoufler son incompétence et sa procrastination. D’abord, il savait à peine lire et écrire. Ses courriels et ses notes de service étaient toujours extraordinairement courts. Ce petit gros croyait, à tort, qu’il réussirait de cette manière à dissimuler ses fautes d’orthographe ainsi que sa syntaxe déficiente. Pourtant, tout le monde à l’interne s’arrachait ses courriels et ses notes en se demandant comment il en était arrivé à devenir ministre des animaux domestiques et des plantes vertes. 

Dans le même ordre d’idées, William Langevin parlait très peu. Il bégayait beaucoup en plus de zozoter. Par contre, c’était le meilleur pour organiser une soirée de contributeurs du parti grâce à ses fameux bars à spaghettis. Ces soupers-bénéfices avaient l’heur d’attirer le gratin de la société et les gratinés du parti.

-Ça prend juste trois ou quatre sauces, des pâtes pis des réchauds. Ça prend une sauce aux tomates, une sauce à la viande, une sauce Alfredo pis une sauce aux trois fromages… Tu leu’ sers ça avec du vin en carton, de la liqueur ou du jus de raisins pis tout le monde est aux anges… Ça coûte pas cher, des spagouttis et pis d’la sauce… Surtout si t’as l’épicerie de ton bord… Pis ça tombe bien, l’épicerie appartient à mon père… Ça fait que c’est pas trop compliqué… Qui c’est qui connaît ça, hein? C’est bibi. Oui monsieur.

Langevin, l’air de rien, avait réussi à récolter près de 175 000$ pour le parti. Ce qui lui permettait d’espérer obtenir un siège au conseil des ministres. Un siège que le Premier Ministre avait créé spécialement pour lui en inventant de toutes pièces le Ministère des animaux domestiques et des plantes vertes.

-Faut donner un os à Langevin si l’on veut garder sa région dans notre giron, avait déclaré le Premier Ministre Louis-Philippe Trouillard. Langevin est p’t’être pas le plus brillant mais i’ nous rapporte gros… Faut dire aussi que y’a pas trop de cent watts dans sa région… Sont tous un peu abrutis… Sauf qu’i’ votent pour nous autres. Pis ça, ça mérite une place au conseil des ministres…  Que diriez-vous de créer un nouveau ministère, hum? Y’a ma nièce qui pourrait devenir son attachée politique… On dirait à Langevin de se déguiser en plante verte pis de laisser le ministère rouler tout seul… Ma nièce a une maîtrise en communications… Ça lui laisserait du temps pour organiser d’autres soupers-bénéfices pour le parti… Tout le monde serait gagnant, même Langevin. Pas pire, hein?

***

Quelques députés avaient maugréé, dont Ferdinand Mauron, un gars qui avait fait son cours classique et qui lisait presque le grec et le latin. On lui avait fait comprendre qu’il y avait déjà trois ministres dans sa région et que son tour viendrait un jour ou l’autre mais pas tout de suite.

-Faut que tu penses à l’intérêt du parti, Mauron. Faut que l’parti passe avant la personne, comprends-tu?

-J’sais bien… Mais Langevin… Fuck! I’ sait même pas écrire son nom en lettres attachées… J’veux bien croire qu’il est avantageux pour les finances du parti… Mais vous ne trouvez pas qu’on risque d’avoir l’air fou en donnant un ministère à c’te mongol-là?

-Voyons Mauron! Tu n’peux pas parler d’même de Langevin… Pis tu l’sais bien… La famille Langevin possède la moitié des épiceries du comté, des blocs à logement, deux clubs de golf, une marina, un aéroport, et coetera… Toé t’as quoi Mauron? T’as juste été commissaire scolaire pis conseiller municipal à date… parce que l’parti t’as soutenu… Rapporte d’l’argent au parti pis tu d’viendras ministre… Tu n’peux pas avoir le beurre pis l’argent du beurre…

-Je l’sais bien… Je l’sais bien…

***

« J’aie l’honeure de vous dirent que le preaugramme de destribucion de plante gratisses orra lieue en faim de semaine et que les plante serrons gratisses mais faite vitte parse queue les cantités de plente limité elles sontaient. An temp que menistre de ma persone je dit a toute le monde mersi de m’encourajé à hètre menistre… »

Langevin était épuisé. Ça lui avait pris deux heures pour écrire ce message.

-J’ai tellement de d’job que j’va’s finir en dépression du nerveux! Caline de bines, el’ monde sait pas c’est quoi être menistre! se plaignait-il à Geneviève Trouillard, la nièce du Premier Ministre qui aurait la tâche de corriger ce petit mot qui devait paraître dans l’Hebdo Régional.

-Mouin, qu’elle lui avait répondu. J’vais retravailler un peu votre lettre… Pis j’vais la signer à votre place, comme d’habitude… Des signatures en lettres détachées ça s’fait pas vraiment… C’est… c’est plus vraiment à la mode… Hum…

-Fait c’que tu veux, Geneviève, j’ai entièrement conscience en toé… Moé j’veux qu’ça sèye l’air professionnel pis toutte… I’ va y t’avoir du monde important pour la distribution des plantes vertes… L’évêque Monseigneur Lapêche va t’y être… Pis le ministre conservateur du comté, Denis Lapelle… Ej’ veux pas t’y avoir l’air d’un pas professionnel pis toutte… Comme ej’ dis tout l’temps au staff, faut t’y être professionnel avec de la rigorosité! Si l’monde sont pas rigoureusement on va t’y avoir l’air de quoi au parti pis aux États-Unis, hein? Non, non… Moé chu t’un gars qui pense qu’i’ faut écrire en lettres attachées quand c’est l’bon timing pis toutte… En tout cas, moé j’me comprends… Pas vrai? I’ faut d’l’austérité!

-Oui m’sieur Langevin, avait répliqué Geneviève Trouillard en affichant une certaine moue de dédain et de scepticisme.

***

La distribution de plantes vertes gratuites connût un vif succès. L’Hebdo Régional faisait toujours en sorte de publier des articles où tout ce que faisaient Langevin et ses sbires soit nimbé de réussite. La famille Langevin était le principal acheteur de publicité de l’Hebdo Régional. Tous les journalistes devaient se le tenir pour dit, malgré le non-dit.

-On ne touche jamais à la famille Langevin… On ne critique pas les projets de Langevin… On doit toujours présenter les opposants au ministre Langevin comme étant seuls, isolés et sur le bord de rentrer à l’asile… Les Langevin font vivre l’Hebdo Régional et toute la région… Si vous voulez garder votre job, fermez vos gueules si vous ne savez pas graisser les Langevin…

***

Denis Belhumeur, seul opposant connu à Langevin dans la région ne se présentera pas contre lui aux prochaines élections. On pense que Langevin devrait être élu à l’unanimité, sans qu’il n’y ait d’élections. À moins que l’on ne présente un candidat marxiste-léniniste, mais même ceux-là semblent se désister tellement Langevin est appelé à diriger le comté pour encore des siècles et des siècles.

Denis Belhumeur, un professeur de français incidemment, en a assez de gueuler dans le désert.
On prétend qu’il veut aller vivre ailleurs. Eh bien qu’il y aille!

Le comté n’a pas besoin de ce genre de trouble-fêtes.

Grâce à Langevin, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Les plantes vertes sont vertes.

Et les blocs de béton sont vraiment faits de béton.

Quoi demander de plus?


On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.

dimanche 14 juin 2015

Maudite cigarette!

Raymond est un célibataire de cinquante ans qui a l'air d'avoir soixante-dix ans. Il tousse beaucoup. Le teint de sa peau tourne au gris vert avec des pointes de bleu. Il boite de la jambe droite. Il lui manque un oeil et plusieurs dents. Ses vêtements sont malpropres et malodorants. Il ne les lave qu'en cas d'extrême nécessité, quand il renverse de l'huile sur lui, et encore. Raymond n'est pas coquet et ne s'intéresse qu'aux femmes sur papier ou sur DVD. Les femmes, ça coûte trop cher anyway. Raymond avait eu une blonde en 1982, pendant une ou deux semaines. Elle s'appelait Françoise et elle passait son temps à lui chiper des cigarettes. C'est ce qui avait mené à leur rupture.

-Lâche mes cigarettes! qu'il lui avait dit. J's'rai pas capable de passer ma semaine caltor! Va falloir que j'emprunte à mes chums pour fumer calvince!

Les cigarettes s'achetaient pour trois fois rien à cette époque. Et Raymond n'avait déjà pas les moyens de fumer. Imaginez aujourd'hui, en 2015.

Fumer la cigarette est l'unique passion dans la vie de Raymond. Et il n'a jamais eu les moyens de la vivre pleinement. Comme il n'a presque jamais travaillé, il a toujours fumer de peine et de misère. Il finit pourtant par se débrouiller puisqu'une journée sans fumer est aussi inconcevable qu'une journée sans boire ni manger. Raymond se passe volontiers du boire et du manger. Plutôt consacrer son dernier denier à se procurer une cigarette. Du manger, il y en a plein les poubelles. Et de l'eau, il y en a même dans la misérable chambre où il habite depuis bientôt vingt-cinq ans.

Raymond, ça lui prend une cigarette en se levant, une autre en buvant son succédané de café, et plusieurs autres tout au cours de la journée. 

Il fume toujours, s'allumant avec son mégot pour créer d'autres mégots qu'il conserve comme des reliques. Quand il n'a plus rien à fumer, Raymond extirpe le vieux tabac des mégots pour se faire une cigarette. Ça lui prend sept mégots pour se faire une cigarette. Et s'il n'a plus d'argent, plus de mégots, donc plus rien à fumer, il va vider les cendriers devant la pharmacie, le supermarché et autres endroits publics. S'il n'a plus de papier à rouler, il se débrouille pour vendre des bouteilles et des canettes consignées qu'il trouve un peu partout dans les poubelles.

-Z'auriez pas une cigarette? qu'il demande parfois aux passants.

Il ne mendie pas tout le temps. Mais il vient toujours un temps où la gorge de Raymond ne supporte plus la fumée du vieux tabac. 

-Si j'avais d'l'argent, beaucoup d'argent, j'fumerais juste des Light... Mais comme j'su's toujours cassé, parce qu'el' BS m'en donne pas assez, ej' fume n'importe quoi... Même du tabac vendu su' 'a slide... Du tabac humide comme el' christ que j'dois faire sécher avant d'el' fumer... Caltor d'la vie qu'la vie est dure des fois! On pourrait pas fumer sans toujours s'casser la tête pour le cash pis des affaires de même? Bonyousse d'la vie!

Les produits du tabac n'ont pas cessé d'augmenter au cours des ans. Ils sont passés de trois fois rien à mille fois plus. 

-Quatre-vingts piastres el' cartoon! Pour voir si ça 'a d'l'allure! C'est comme si i' voulaient p'us qu'on fume ces hosties d'crosseurs!

Le tabac vaut tellement cher que les pauvres doivent se battre pour s'emparer des mégots qui traînent dans les cendriers.

-C'est mon spot! doit souvent déclarer Raymond pour protéger les cendriers qui font partie de sa collecte quotidienne de mégots. C'est moé qui vide les cendriers icitte! J'étais là avant toé! Trouve-toé une autre pharmacie, un autre dépanneur... C'est mon cendrier, ok là?

Les associations contre le tabagisme, les gouvernements et les citoyens dits ordinaires ne comprennent pas la mauvaise habitude de Raymond. Ils le regardent tous de haut, avec mépris, et se réjouissent de savoir qu'il lui est toujours plus difficile de vivre sa passion.

-Qu'est-ce qui t'intéresse dans la vie, Raymond? lui avait demandé une travailleuse sociale.

-Moé? Rien. 

-Y'as-tu d'quoi que t'aimes?

-Moé? Fumer des cigarettes...

-Fumer des cigarettes?

-Oui, fumer des cigarettes.

-C'est pas bon pour la santé, ça, Raymond...

-J'ai-tu l'air en santé? J'vaux rien. J'aime rien. Au moins, quand j'fume, j'oublie qu'ej' suis rien. La boucane. ça m'tranquillise... Enlève-moé mes cigarettes pis j'va's toutte péter dans 'a baraque!  T'aurais-tu une cigarette toé?

-J'fume pas...

-Ah bon... Y'est où votre cendrier icitte? Dehors en arrière ou dehors en avant?

samedi 13 juin 2015

La roue ne roule pas pour tout le monde

Le cercle était tellement sacré chez les aborigènes de l'Île de la Tortue qu'ils refusaient d'employer la roue dans leurs déplacements. Ils en connaissaient le principe mais ils craignaient cette vieille prophétie selon laquelle le monde serait détruit par des gens qui se déplaceraient sur des véhicules dotés de roues. La roue, pour eux, devait demeurer symbolique. Elle était une représentation du Grand Cercle de la Vie. On se devait de marcher pieds nus sur la Terre Sacrée, en prenant conscience à chaque pas que nous marchions sur notre Mère.

Quelques milliers d'années plus tard, l'Île de la Tortue est devenue l'Amérique pour honorer la mémoire d'Amerigo Vespucci et détruire celle de millions d'aborigènes. 

On ne se souvient plus de la vieille prophétie proscrivant l'usage de la roue. Des millions de véhicules circulent là où naguère il y avait une prairie, un marécage ou bien une montagne. Tout a été rasé ou aplani pour que tourne la roue de l'économie et perdure l'injustice sociale. 

On commença par exterminer les bisons, puis les Sioux, et enfin l'Américain moyen. Le rouleur se roula lui-même. Depuis, le marcheur doit craindre l'automobile tout aussi bien que le cheval de fer.

Cette introduction métaphysique doit maintenant nous mener à un événement qui est survenu hier en un endroit que les aborigènes appelaient Wabanaki, le Pays du Soleil Levant, qui correspond aujourd'hui au territoire du Québec et des provinces des Maritimes.

Cela s'est passé tout près de la rivière Tapiskwan Sipi, la rivière de l'Enfilée d'Aiguilles, une rivière que les impérialistes européens ont dénaturée pour lui donner le nom d'un saint inconnu de tous, un saint qui s'appelait Maurice. Un Maure de la chrétienté qui a fait Dieu sait quoi pour porter son auréole.

Les plages de sables fins et les forêts de pins majestueux ont évidemment été remplacés par des routes, des autoroutes et des quais de béton.

Misko, un indigène du coin, marchait sur les trottoirs. Il s'en allait pêcher sur une petite berge publique entourée de terrains privés pour s'assurer que l'eau n'appartienne pas à tous.

Misko méditait sur la nature des choses et des lieux, s'attristant aussi de voir les gens mépriser avec tant de désinvolture la vieille prophétie proscrivant l'usage de la roue.

-Quand bien même je leur racontais ça, ils se moqueraient tous de moi... se disait-il en lui-même.

Il se contentait donc de marcher. 

Arrivé à un carrefour, Misko attendit que la lumière soit verte pour traverser la rue. Un type qui chauffait une Mustang rouge faillit le tuer en virant à droite sur un feu rouge, comme c'est maintenant autorisé pour se débarrasser des piétons, des cyclistes et autres organismes vivants qui encombrent les routes.

Le coeur de Misko s'arrêta un moment. La mort était passée près de lui. 

-Fuck you! cria-t-il en direction du chauffeur de la Mustang en lui montrant le majeur bien haut pour lui signifier sa juste colère. 

Le type au volant de la Mustang rigola d'avoir fait peur à un sale hippie.

-Ôte-toé du chemin hostie d'crotté! Va sur la piste cyclable sacrament! Ha! Ha! Ha!

Quelques secondes plus tard, cependant, son véhicule dérapa sur une flaque d'huile et percuta de front un poteau de fer.

Le choc fût brutal. Le véhicule s'enflamma aussitôt. Le conducteur infâme perdit conscience.

Misko n'étant pas de la mauvaise pâte courra vers la Mustang en flammes pour en extirper le conducteur et lui prodiguer les premiers secours.

La Mustang explosa.  Le type, relativement sonné, réalisa que le sale hippie qu'il avait failli écraser venait de lui sauver la vie.

Il ne fût pas vraiment reconnaissant, parce que la conscience est toujours à retardement chez ce genre de trous du cul qui foncent sur les gens quand ils sont au volant de leur tondeuse à gazon.

-J'ai mal, qu'il se contenta de dire à Misko. Hostie que j'ai mal! Ayoye! Ayoye! J'sens plus mes jambes! Mes jambes! Argue!

Misko réconforta le trou du cul jusqu'à ce que l'ambulance l'emporte à l'urgence.

Malgré toutes ces émotions fortes, Misko n'allait pas ruiner sa partie de pêche urbaine. Il poursuivit son chemin jusqu'au quai public. Il faillit se faire écraser deux fois de plus en traversant la rue. Toujours la même histoire: un crétin qui pensait que le virage à droite sur feu rouge était une obligation du code de la route, en dépit des piétons, cyclistes et autres marmottes qui devraient avoir la priorité dans ce monde qui était malheureusement sans idéal.

Misko attrapa deux barbotes, auprès desquelles il s'excusa de leur retirer la vie.

-Paix à votre âme, barbotes,,, J'ai besoin de votre chair pour me nourrir... Vous savez bien... Que votre esprit rejoigne Kitché Manitou... Oui... Ne m'en voulez pas... Un jour, ma dépouille nourrira les vers qui m'ont servi d'appâts pour vous attraper... Je retournerai, comme vous, au Grand Cercle de la Vie... Migwetch gentilles barbotes...

Le soleil brillait à travers le smog.

Les chauffards rinçaient le moteur de leurs véhicules sur roues pour s'assurer que l'air et l'ambiance sonore soient encore plus malsains.

C'était une journée ordinaire d'une Amérique sale qui s'enroulait dans son propre caca.






vendredi 12 juin 2015

Les arts et les lettres ont bousillé ma confiance aux institutions

Les arts et les lettres sont entrés de bonne heure dans ma vie. Dès la maternelle, on s'étonnait de ma capacité à dessiner des personnages avec cinq doigts dans chaque main. Puis, au primaire, j'étais trop rapide pour le groupe. Mes professeurs me condamnaient à lire pendant qu'ils s'évertuaient à faire comprendre aux autres ce que j'avais déjà compris. Je suis donc tombé sur Alphonse Daudet, Rabelais et La Fontaine. Tartarin de Tarascon, Gargantua et la Cigale m'ont initié à la démesure. Je ne serais plus jamais capable d'avoir le profil bas.

Comme je riais beaucoup des caricatures que je faisais de mes professeurs, ces derniers m'envoyaient à la bibliothèque pour me punir.

-Bouchard! À la bibliothèque!

Je prenais cette punition pour une bénédiction. Je lisais, entre autres, les manuels des professeurs. C'était une manière de prendre de l'avance dans mon cours, histoire d'être renvoyé plus souvent à la bibliothèque.

J'étais fendant. Je corrigeais les fautes d'orthographe de mes professeurs au tableau. Je dépassais le programme et voulais en apprendre à mes enseignants. Comme Jésus, tout jeune, qui faisait chier les docteurs du Temple.

Puis je suis passé au collégial et à l'université, avec cette même passion pour tout ce qui était parascolaire: le théâtre, l'improvisation, le journal étudiant, les grèves étudiantes et, bien sûr, la bibliothèque, les bars, les tavernes, les brasseries... Il fallait bien que j'engourdisse un peu ma conscience. On ne me pardonnait pas ma trop grande curiosité. Je ne savais pas ne m'en tenir qu'au programme. Je ne savais pas éteindre mes doutes sur Freud, Marx ou qui que ce soit.

Je me suis rendu compte que j'ai toujours détesté l'école. J'aimais tout ce qu'il y avait autour: la connaissance, le partage du savoir, les discussions philosophiques. Mais l'école? Les cours magistraux? Quel mortel ennui! Quelle pure perte de temps! Du temps que je devais prendre sur mes précieuses lectures à la bibliothèque. Ce qui fait que je lisais des romans en classe. Et que j'avais aussi l'outrecuidance de péter des bons scores. Avec un A+, un 95% ou un 3,9 sur 4 je savais que l'on me foutrait la paix...

Une des scènes marquantes du film Le Magicien d'Oz est celle où il remet un diplôme à l'épouvantail qui se plaint de ne pas avoir de tête. Avec ce beau diplôme, il se sent tout à coup si intelligent qu'il s'étonne de savoir compter. Dans les faits, c'est toujours le même foutu épouvantail, un homme de paille qui peine à se tenir debout.

J'ai probablement trop lu. Tellement que je vois le Magicien d'Oz agir dans toutes les sphères de l'activité humaine pour berner les uns et les autres avec des diplômes, des médailles et des coeurs en forme de réveil-matin.

Les arts et les lettres ont bousillé ma confiance aux institutions.

Mais je ne leur en veux pas.

Au contraire, je les chéris de tout mon coeur.

Les arts et les lettres me sembleront toujours plus réels que la réalité. Une réalité trop souvent trafiquée pour assurer le triomphe des tricheurs et autres vendeurs d'élixirs.




jeudi 11 juin 2015

El Cabochon

El Cabochon était le surnom employé par tous les employés du département des loisirs de la ville de Saint-Isidore pour désigner Gaston Brault. Il devait sa nomination de chef du département au fait d'avoir rendu service au maire de Saint-Isidore, Louis Gamache. Gamache était un analphabète fonctionnel, tout comme Gaston Brault, et il se disait nullement impressionné par les diplômes et les diplômés même s'il n'aurait pas su nommer trois pays d'Afrique et encore moins vous dire où ce continent se trouvait sur le globe.

-El' monde qui ont des diplômes connaissent rien... se gaussait le maire de Saint-Isidore. I' faut t'les runner à coups d'pieds au cul parce qu'i' pensent 'ien qu'en fonctionnaires! Awèye produit mon hostie! que j'leu' dis... Pis Gaston Brault connaît el' tabac. I' va t'leu' montrer à travailler au lieu d'déplier des trombones toute la journée!

Gaston Brault ne lisait jamais, sinon les nouvelles du sport dans le journal. Et encore qu'il ne faisait que parcourir les gros titres. Le département des loisirs s'occupait, entre autres, de gérer la bibliothèque municipale. La première action de Brault fût de couper dans le budget alloué à la bibliothèque.

-Des livres, y'en a à 'a librairie! J'en lis-tu des livres moé? Non. Fa' que qu'i' mangent d'la marde les hosties d'intellectuels pis les schtroumphs à lunettes! Rien à crisser d'leu' livres... Ej' me torche avec, disait-il aux employés de son département. Moé, ej' veux des patinoires, du hockey pis encore du hockey... C'est d'même qu'on va r'gagner nos élections dans quatre ans... Des élections, ça s'gagne pas avec des bibliothèques pis d'autres z'affaires de même! El' monde y vont au colisée calice! Y'a juste des tapettes à 'a bibliothèque... pardon... des gays comme qu'i' disent... disait-il en se faisant aller les poignets comme une fillette.

Évidemment, Brault considérait tous les employés du département comme étant de purs incompétents alors que lui-même était incapable d'écrire une phrase sans fautes et encore moins de produire un budget pour tel ou tel projet. Il était zéro en lettres, en chiffres et en informatique. Il dirigeait au pif et gueulait aux employés de faire ce que demandaient les hosties de niaiseux de tel ou tel ministère, des fonctionnaires évidemment, qui l'empêchaient de faire ce qu'il veut de l'argent mis à sa disposition.

-Une ville, ça s'développe pas a'ec d'la démocratie pis d'la démocratie... Ça prend d'la décision... Si on peut pu rien décider c'est à cause des Greenpeace pis des hosties d'crottés qui sortent d'l'univarsité avec la tête grosse comme une boule de bowling! M'as t'leu' z'en faire d'la démocratie pis des référendums de marde! El' monde nous ont élus c'est nous autres les boss...

El Cabochon ne félicitait jamais les employés placés sous sa supervision de gros hostie de cave illettré. Ils lui étaient redevables de tout et il leur trouvait toutes sortes de défauts pour amoindrir leurs talents et leurs compétences, histoire de les rabaisser vers le plus bas dénominateur commun: lui-même...

Untel qui avait une maîtrise en comptabilité était perçu comme un minable célibataire qui n'avait pas de succès auprès des femmes. Tel autre qui détenait un baccalauréat en communications n'était qu'un gars qui venait travailler en autobus de la ville parce qu'il n'avait pas de char. Et il en allait ainsi pour tous les autres employés: tous des connards, tous des bons à rien.

Évidemment, la ville entière et peut-être la province au complet étaient bâtis selon ce modèle d'affaires.

La seule manière qu'il y avait de se défouler, dans un monde où les compétences n'étaient pas reconnues, c'était de donner des surnoms à ces rustres auxquels l'on accordait les plus hautes positions par cet étrange renversement des idées et des valeurs qui régnait partout.

El Cabochon méritait bien son surnom. El Troudcul allait tout aussi bien pour désigner le maire de Saint-Isidore.

-I just want to immigrate... avait coutume de dire celui ou celle qui sait lire, écrire et compter dans cette colonie de merde.