Drummondville. Mai 2001. Je suis au casse-croûte du terminus d’autobus et j’attends mon autobus en direction de Saint-Hyacinthe.
J’ai bu deux ou trois bières au bar juste en face du terminus et je viens terminer ça avec un café filtre.
Deux vieilles dames toutes courbaturées entrent en riant.
-Ah oui, ah oui, bonté divine! dit la plus courte des deux, quatre pieds trois pouces, soixante-trois livres, les cheveux bleus et le dentier claquetant.
-Ce’tain! répond sa comparse, quatre pieds huit pouces, deux cent livres, les cheveux clairsemés et pas de dentiers. H'ésus, Ma'ie, 'oseph, ajoute-t-elle. Ce’tain!
La serveuse du casse-croûte, une dame entre deux âges, ordinaire, ni grosse ni maigre ni vieille ni jeune, vient prendre leur commande.
-Bonjour mesdames, alors ça s’ra quoi pou’ aujou’d’hui?
-Bon-jour ma-da-me-he! Deux cafés pis deux tartes au coconut - comme d’habetude! répond la plus maigre des deux souriant à pleins dentiers.
-H'ont tellement bognes vous ta'tes au cacanotte répond sa comparse.
Deux tartes au cacanotte, comme d’habetude…
C’est niaiseux à dire, mais tout le charme de Drummondville réside là-dedans.
***
Mission City. Colombie-Britannique. Mai 1993. Je suis au McDo et je commande un déjeuner vite fait. Il pleut comme d’habitude. C’est la saison des salmonberries.
Un vieux monsieur entre dans le McDo. Il ressemble vaguement à Abraham Lincoln, mais ce Lincoln est loin d’être tiré à quatre épingles. Bien que ce soit difficile à croire, le bonhomme porte des combines à panneaux d’un blanc douteux. Et il marche avec des bottes noires en caoutchouc. Ça fesse dans le décor: Lincoln en bottes d'eau et en combines à panneaux...
-How’re you doin’, eh? demande-t-il à la jeune serveuse derrière le comptoir qui ne s’étonne pas outre mesure de son accoutrement.
-Pretty good… qu’elle répond à Lincoln. What d’you want John?
-Same as usual… A coffee with an apple turnover… ajoute le vieux en combines à panneaux.
Tout le monde trouve ça normal, sauf moi. Et j'en ai pourtant vu d'autres!
Je paie ma commande et monte à bord du Volkswagen Bus de Mark, mon ami.
-I just cannot believe my eyes it Mark… Tabarnak! que je baragouine.
-It’s just a beginning Butch… You’ve seen nothing yet…ajoute Mark.
Juste avant de monter, je croise le comédien Donald Sutherland dans le stationnement. Il vit dans les alentours de Mission City à ce que j’ai pu comprendre. Et il ne porte pas de combines à panneaux.
Same as usual...
Drummondville, Mission City: même combat!
***
Twois-Wivièwes. Mai 1978. Je suis au casse-croûte Le Grillon sur la rue Laviolette.
La serveuse, c’est ma tante, la sœur de mon père. Elle lui ressemble un peu, les yeux légèrement bridés, les pommettes saillantes : des airs d’Indien quoi.
Monsieur Peps’, un ami de mes parents, qui a lui aussi des airs d’Indien, nous a emmené moi et mon frère pour nous gâter un peu. Il a fait la Seconde guerre mondiale, monsieur Peps’ : le débarquement de Dieppe, la campagne d’Italie, la Grèce, puis le Jour J, la Libération, la Belgique, l’Allemagne… Et c’est le monsieur le moins raciste de toute la rue, parlant à tout le monde, noir, jaune, bleu. En français. En anglais. En allemand. En vietnamien.
-T’sais Guétan, qu’il me dit, c’tait pas d’leu’ faute, aux Allemands. Faut pas leu’ z’en vouloir. I’s étaient gouvernés par un fou, Adolf Hitler! Pis les Allemandes étaient belles à part ça... Hé! Hé! Hé!
Ma tante vient vers nous pour prendre notre commande.
-J’va’s prendr’ un verre de liqueur brune avec des patates rôties matante! que je dis dès qu’elle vient pour prendre ma commande.
-Comme d’habetude! que j’ajoute.
***
Je suis donc remonté aux origines de ma fascination pour la simplicité.
Tant de flashbacks, comme dans Citizen Kane.
Rosebud... Comme d'habetude!
Hahaha !!! Gaétan ! Ouais, y'en a kekzuns qui parlent comme ça par ici'dans, ma't'dire !
RépondreEffacerJuste une chose, les gens ici disent rarement « Drummondville », ils disent « Drrrumond » (un -R- roulé), sans « ville ». Faut croire que c'est pas une ville, ché pas trop ?
Moi aussi à un moment subventionné j'aurais quelques anecdotes à raconter sur Twois-Wivièwes, comme la fois où après avoir été aux danseuses au bar le Scrabble, j'ai été me chercher une pizza chez Bravo pour « apporter », à pied christ ! Pour ensuite aller la bouffer en plein hiver de février à -15 celsius, en pleine nuit, à 3 hrs du matin, assis dans les marches d'un bloc à logements de la rue Saint-Phillipe, à ché pu trop combien de milles de chez-nous, la rue Carrier, à Trois-Rivières Ouest, dans le temps. Je me souviens encore (même si j'avais les pieds pas mal ronds), de la vieille dame qui ouvrit sa porte, toute ébahie de me voir là dans ses marches et au frette, la steam de ma pizza qui me montait au visage, et qu'elle me demanda de façon innocente: « veux-tu un p'tit verre de coke, ou un p'tit café chaud avec ça mon grand ? » Hahahahaha !!! Priceless !
Finalement j'ai pris le café chaud, pis j'ai pas eu de dessert. Même pas une petite pointe de tarte à cacanotte. Elle aurait été bonne en sacrament ! :-))))
À revoyure là !
Benoit 16 ½, le Pape de la Piz !
P.S. Merci pour ta récidive d'histoires savoureuses !