mardi 31 mars 2009

Une autre stupéfiante histoire de râteliers


Mademoiselle Malvina Laflamme vivait aux côtés de mademoiselle Dorothée Gingras depuis au moins un an et demi. Toutes deux vieilles filles, oubliées par leur famille et atteintes de sénilité, elles passaient le plus clair de leurs journées à se bercer devant la télévision de la salle de séjour.

Il faut dire qu'elles ne pouvaient pas aller ailleurs. Elles étaient retenues à leur chaise berçante par des contentions, tant physiques que chimiques, compte tenu qu'il n'y avait qu'un préposé par vingt personnes séniles.

Elles n'avaient pas de télé dans leur chambre. Ce qui fait qu'elles n'y allaient que pour dormir, le soir, vers vingt heures. Les préposés chargés de les contentionner au lit pour la nuit devaient les déshabiller, leur nettoyer le bas du corps et leur passer une couche pour la nuit. Les préposés de jour travaillaient en sens inverse: descendre du lit, nettoyer le bas du corps, couche, habillement, chaise berçante.

Un beau matin d'avril, je m'emmène avec ma bonne humeur à l'hôpital où je travaille à titre de préposé aux bénéficiaires. Je dois me charger de nettoyer et sortir de leur lit une vingtaine de patients en moins de deux heures. Ça ne laisse pas le temps de faire des longues jasettes. Le défi c'est de rester humain.

Quoi qu'il en soit, je commence mon petit traintrain et me permets de rire à tout moment pour désalourdir l'ambiance. La journée passe plus vite et le travail t'assomme moins.

Un préposé de nuit s'était déjà occupé d'installer les deux demoiselles dans leur chaise berçante, juste devant Salut bonjour!. Cependant, il a oublié de leur mettre leur dentier. Je m'en vais donc les nettoyer et les ramène, tout frais, pour les leur rentrer dans la bouche.

Mademoiselle Laflamme est toute menue et a une très petite bouche.

Mademoiselle Gingras est une grosse trapue à grande bouche.

Je commence par mademoiselle Gingras. Le dentier rentre d'un coup, sans forcer, et mademoiselle Gingras joue avec, comme d'habitude. Elle le retire de sa bouche puis le rentre plusieurs fois dedans, comme d'habitude.

Je rentre ensuite les râteliers dans la fine bouche de mademoiselle Laflamme. On dirait que quelque chose cloche. Mademoiselle Laflamme n'a jamais eu cet aussi large sourire... On croirait qu'elle a une tranche de pastèque de coincé de travers.

Je regarde mademoiselle Gingras se rouler le râtelier plusieurs fois dans la bouche et je regarde l'énorme sourire de mademoiselle Laflamme puis je fais le lien.

Les préposés qui travaillaient la veille ont malencontreusement invertis les pots à dentier des deux demoiselles. Ils se sont trompés de pot hostifie! Mademoiselle Laflamme porte le sourire de mademoiselle Gingras... Et mademoiselle Gingras se demande pourquoi son dentier a tant rétréci...

J'ai donc enlevé les dentiers de l'une et de l'autre puis je les ai nettoyés, rincés et insérés dans les bouches appropriées.

Mademoiselle Laflamme est redevenue mademoiselle Laflamme.

Et mademoiselle Gingras a tout bonnement lancé son dentier par terre, pour me signifier qu'elle n'en voulait pas.

lundi 30 mars 2009

La tempête des corneilles?


Une pluie fine et continue se charge de faire fondre tous les gros tas de neige sale que l'on voit un peu partout dans les fonds de cour du centre-ville de Twois-Wivièwes.

Cela fait un mois que les trottoirs des rues équilatérales au fleuve Magtogoek sont tous faits sur le même modèle: glacés à l'ouest et déglacés à l'est.

Les trottoirs de l'est bénéficient de la chaleur de l'après-midi. La glace recouvrant ceux de l'ouest fond lentement le matin, trop lentement, et cette pluie va peut-être accélérer les choses.

La grosse question que tout le monde se pose autour de moi consiste à savoir s'il y aura une autre tempête de neige, la fameuse «tempête des corneilles», la dernière de l'année selon une tradition qui remonte à je ne sais trop quel Métis.

-Pour moé c'était pas la tempête des corneilles, vous dira untel.

-Moé j'te l'dis qu'est passée, la tempête des corneilles! vous dira telle autre.

Et moi, eh bien, je n'ai pas cette science de vous dire si la tempête des corneilles est passée ou non.

J'ai bien vu des corneilles. Mais on en voit en tout temps de l'année de nos jours, même l'hiver, du fait qu'elles trouvent de quoi se nourrir dans les bacs à ordures.

C'est comme de dire qu'il va faire froid cette année parce que le soleil est bas dans le ciel...

Difficile de ne pas rappeler qu'il est à la même place qu'il était il y a quelques milliers d'années, à quelques exceptions près corrigées sur le calendrier julien, puis grégorien, voire sur le calendrier maya.

Finalement, je ne trouve rien d'autre à redire que de vous parler de température ce matin.

Comme le feront tous les Québécois tout au long de la journée.

Vrai comme je le dis, nous sommes malades de la température, ici au Québec, au pays de Wabanaki.

Et je ne vaux pas mieux que les autres.

Kwey! (Bonne journée!)

dimanche 29 mars 2009

«JE SUIS ASSEZ RÔTI DE CE CÔTÉ, FAITES-MOI RÔTIR DE L'AUTRE.» (Saint-Laurent)


La neige a beaucoup fondu au cours des derniers jours.

Les effluves des crottes de chien et des déchets domestiques se mêlent au parfum d'anguille du fleuve Magtogoek.

Vous savez tous que ce fleuve s'appelait anciennement le Saint-Laurent, du nom d'un saint obscur dont personne ne se souvient.

Il en va de même pour l'ancien nom de la rivière Métabéroutin, le Saint-Maurice.

Mais j'ai tout de même une petite anecdote à vous confier.

D'abord Saint-Maurice fait référence à Maurice d'Agaune, un soldat romain provenant d'Égypte que l'on représente parfois sous la peau d'un Noir, ce qui en fait l'un des rares saints à la peau noire de toute l'église catholique romaine.

Maurice aurait refusé, au IIIe siècle, de passer au fil de l'épée ses coreligionnaires chrétiens de Martigny. C'est donc un saint armé d'une épée et à la peau couleur café qui prêta son nom à la rivière Métabéroutin au cours de la période coloniale.



«JE SUIS ASSEZ RÔTI DE CE CÔTÉ, FAITES-MOI RÔTIR DE L'AUTRE.» (Saint-Laurent)

Je cherche encore pour Saint-Laurent mais pas tant que ça...

Deux clics de souris et j'y suis: miracle de la technologie.

Saint-Laurent était un drôle de zigoto des tous débuts de la chrétienté qui donna aux pauvres tout l'or de l'Église placé sous sa garde. Le préfet de Rome, en furie, lui ordonna de ramener l'or disparu. Tiens, lisez-moi ce que Laurent a fait:

«(...) Laurent parcourut toute la ville pour chercher les pauvres nourris aux dépens de l'Église; le troisième jour, il les réunit et les montra au préfet, en lui disant: «Voilà les trésors de l'Église que je vous avais promis. J'y ajoute les perles et les pierres précieuses, ces vierges et ces veuves consacrées à Dieu; l'Église n'a point d'autres richesses».

A cette vue, le préfet entra en fureur, et, croyant intimider le saint diacre, il lui dit que les tortures qu'il aurait à souffrir seraient prolongées et que sa mort ne serait qu'une lente et terrible agonie. Alors ayant ordonné qu'on dépouillât Laurent de ses habits, il le fit d'abord déchirer à coups de fouet, puis étendre et attacher sur un lit de fer en forme de gril, de manière que les charbons placés au-dessous et à demi allumés ne devaient consumer sa chair que peu à peu. Au milieu de ses horribles tourments, le saint martyr, sans faire entendre une plainte, pria pour l'église de Rome. Quand il eut un côté tout brûlé, il dit au juge : "Je suis assez rôti de ce côté, faites-moi rôtir de l'autre." Bientôt, les yeux au Ciel, il rendit l'âme.»

Source

***

PS: L'image, en haut à gauche, c'est la relique de Saint-Laurent, rôtie des deux bords.

Supplément culturel ici.

samedi 28 mars 2009

MA DÉMARCHE ARTISTIQUE S'INSPIRE D'UNE DAME MONTÉE SUR UN «FRAME» DE CHAT


Emily Dickinson, c'est la petite dame sur le daguerréotype, juste ici, dans la partie gauche de l'écran. Elle est toute menue, montée sur un «frame» de chat comme l'on dit par chez-nous. Elle ressemble un peu à Olive Oyl, la compagne de Popeye, elle qui ne fut la compagne de personne et qui s'évertua à passer inaperçue parmi tous. Ce n'était pas très difficile puisqu'elle était montée sur un «frame» de chat, justement. Elle n'avait qu'à se glisser derrière un lampadaire et on ne la voyait plus.

Remarquez bien qu'elle s'est faite voir pour des siècles, la petite dame, en brodant sa poésie, tout aussi fulgurante que celle de Walt Whitman s'il avait été monté lui aussi sur un «frame» de chat.

Personnellement, je suis plutôt bukowskien en matière de poésie. Je supporte un peu Rimbaud et Baudelaire. Fernando Pessoa. Tristan Corbière. Claude Gauvreau. Jacques Prévert. Mais dans l'ensemble, je l'avoue, la poésie c'est pas mon truc. C'est comme pour la télé. Ça m'endort.

Cela dit, la petite dame toute maigrichonne sur le daguerréotype m'a scié les jambes avec cette phrase: «Publier c'est mettre aux enchères l'esprit humain.»

Ouche! Et ça vient d'une petite bonne femme montée sur un «frame» de chat qui n'a rien publié de toute sa vie, sinon cinq petits poèmes dans les journaux, dont trois sous le couvert de l'anonymat...

Plus effacée que ça, tu meurs. Et, vrai, elle est morte.

Mais n'y voyez là aucun rapprochement.

Nous mourrons tous un jour, introvertis et extravertis confondus.

Je n'invente rien.

***

Mon rapport avec la littérature est simple.

Ce qui me dégoûte le plus dans la littérature, c'est les sparages, le social, fréquenter tel ou tel milieu, bar, café ou autres endroits dont je me contrecalice. Je suis un Sauvage et fier de l'être. Ma place, c'est chez-nous. Vous savez où me trouver. Je suis sur le ouèbe. Point com et point final.
Je m'emmerde moins tout seul dans ma tanière.

Oui, je suis un ours, difficile d'approche, avec une bulle grosse comme l'univers autour de lui, juste pour ne pas me retrouver dans des situations déplaisantes à me sentir perdu comme les Agniers kidnappés par Jacques Cartier.

Ils ont été ramenés à la cour du Roy de France pour y être exhibés, loin des forêts de leurs ancêtres. Que sont-ils devenus, hein? On ne le sait pas! Pauvres Mohawks perdus là-bas, à Paris, punks avant la lettre d'une civilisation qui propage l'ennui de vivre et le camembert.

Et il faudrait célébrer Cartier, ce conquistadore qui enlevait les fils des Agniers en promettant de les ramener l'année suivante, ce qu'il ne fit jamais ce calice de plein d'marde? Fêtez-le sans moi votre conquistadore de St-Malo!

Où en étais-je? Je m'abandonne à toutes les digressions, bon sang!

Mon rapport avec la littérature est simple...

«Publier c'est mettre aux enchères l'esprit humain.» Merci encore, Emily.

***

MA DÉMARCHE ARTISTIQUE

Je suis en train de remplir un formulaire pour devenir membre d'une quelconque association d'artistes-peintres. Si je ne deviens pas membre, je ne pourrai pas participer à tous les symposiums de tel ou tel trou perdu où je tiens tout de même à me pointer. Donc, je dois envoyer des bidous avec des reproductions de mes toiles gravées sur un CD.

On me demande aussi d'envoyer ...mon cévé! Mon cévé sacrement! Je peins saint-calice! Je ne réponds pas à une offre d'emploi. On s'en fout de ce que j'ai fait. Regardez ce que je peins, ciboire, pis achalez-moé p'us!

Ben non! Faut s'expliquer encore plus... Un dessin, un tableau, des photos: c'est pas assez saint-chrême!

Ça prend aussi un cévé, un dossier de presse et des conneries sur ma démarche artistique.

Je vais fournir tous les trois sans problèmes.

Mais ça me met quand même en tabarnak. Antoine Ligabue, cet artiste-peintre italien qui était analphabète, il n'aurait pas pu exposer ses oeuvres dans la région saint-christ d'hostie! Son cévé? Il vous en aurait chié un cévé, Ligabue! Il était peintre, hostie, pas diplômé de tel ou tel institut de faiseurs de cendriers en terre glaise!

Ma démarche artistique? Je vais vous résumer ça vite.

Je prends mon pinceau. Je trempe mon pinceau dans les couleurs que j'ai préalablement étendues sur une surface aussi plane que possible. J'appose ensuite les couleurs sur la toile à l'aide de mon pinceau. Des fois je sable mes toiles. Des fois non. Des fois je peins avec mes doigts ou avec ma queue. À la fin, ça donne un Indien ou bien une trottinette.

En voulez-vous plus?

vendredi 27 mars 2009

MES TABLEAUX: NOUVEAU LIEN




















Un nouveau lien pour voir quelques reproductions de mes tableaux...

PHOQUER LE CHIEN



Écrire est tellement facile que je me demande pourquoi tant de types passent leur temps à dire qu'ils ont l'angoisse de la page blanche, la vacuité à l'âme et toutes ces conneries.

Vrai comme je suis là, j'arrive facilement à pondre trois pages sans réfléchir.

Mes contempteurs vous diront que ça paraît que je ne réfléchis pas. Mes admirateurs réfléchiront une autre image de moi qui, bien sûr, ne peut être que la bonne. Le fait est que j'écris, sans trop me forcer le cul, à la va comme je te pousse, jour après jour, sans jamais tarir ma source.

Puisqu'on est vendredi, je me suis dit ce matin que je devrais normalement vous pondre un chef d'oeuvre, une de ces fables qui traverseront les âges et feront de moi un genre de lettré qui vivait en une époque où l'intellectuel faisait figure d'Ovide Plouffe ou de Boèce qui trouvait sa consolation dans les arts et les lettres, voire dans la philosophie.

Les meilleures places, comme toujours, ont toujours été attribuées aux brutes, à deux ou trois exceptions près.

La place d'un intellectuel, comme toujours, est dans la marge.

La place d'une brute est au sommet.

Les cerveaux ne tournent pas tous à la même vitesse et il faut respecter la digestion lente des masses.

Donc, je suis à la place où je devrais être et des tas de mes amis écrivains, artistes et poètes aussi. Et ils se plaignent pour tuer le temps, comme tout le monde.

Où en étais-je? Ah oui! Au chef d'oeuvre que je dois écrire ce matin, pour l'éducation des masses et le plaisir des bibliophiles qui seront ravis à la seule évocation de Philon d'Alexandrie ou de Jamblique, deux noms que je tire comme ça de mon chapeau pour leur donner un peu de culture à mâcher tandis que les masses sont à leur affaire, à phoquer le chien par les deux bouts.

Vous vous demandez sans doute comment je pourrais pondre le chef d'oeuvre dont je parle depuis quelques paragraphes, d'une manière si détachée que vous pourriez croire que je suis fort en galéjades et autres fanfaronnades?

Ce serait évidemment vous méprendre sur la pureté de mes sentiments face à cette belle broderie de mots que je vous livre ce matin. Des mots tout simples, des phrases bien ciselées, et tout ça sans que cela ne vous coûte un sou. Est-ce trop vous demander de ne pas m'en vouloir pour cette autogratification qui n'a rien à voir avec la vanité? L'objectivité se perd de nos jours, je sais.

Bon. Passons aux choses sérieuses. Voici mon chef d'oeuvre du vendredi matin.

L'HISTOIRE VRAIE DE FIDO

Luc avait un chien. Ce chien s'appelait Fido. Fido était un bâtard très loquace qui s'arrêtait à tous les coins de rue pour aboyer tout en pissant sur les jambes des prolétaires qui attendaient l'autobus.

Luc était le propriétaire du chien Fido et il ramassait toujours son caca dans un petit sac de plastique.

Fido se demandait ce que les humains faisaient avec toute cette merde qu'il chiait à fréquence très régulière. Imaginez que vous seriez tenus en laisse par un extra-terrestre qui ramasserait vos excréments dans un petit sac. Vous vous poseriez des questions vous aussi, c'est sûr. Il ne faudrait pas s'étonner que Fido s'étonnasse constamment du fait que l'on ramassasse précautionneusement son caca.

-Wouf! Wouf! jappait Fido.

-Fido a fait un gwos caca! zozotait Luc.

Et c'était comme ça tous les jours, tous les soirs, tout le temps.

Le chien mangeait. Le chien chiait. Et le maître ramassait les gros cacas.

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CONSEILS PRATIQUES DE LA SEMAINE
Tous les vendredis matins, à heure fixe, question de finir la semaine en beauté.

Quand vous lacez vos souliers et que vos lacets sont beaucoup trop longs, faites un noeud simple dans vos longues boucles pour réduire la surface qu'elles occupent. Cette technique, simple et efficace, vous évitera d'entraver vos pas avec vos lacets.



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That's it.

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jeudi 26 mars 2009

MOTO BOBO


J'ai demeuré deux mois dans un petit studio de rien du tout situé tout près du Cinéplex Odéon, dans le quartier Saint-Roch, à Québec.

Dans cette zone dénuée d'arbres, je suffoquais de chaleur l'été. J'entendais vrombir les autos et les motos presque tout le temps.

Les seuls lieux où je pouvais me reposer, c'était au local de Radio Basse-Ville 97,1 FM, au Centre local d'emploi, à la bibliothèque Gabrielle-Roy ou bien aux Plaines d'Abraham. De retour dans mon coqueron, je me foutais des écouteurs dans les oreilles pour filtrer un peu le bruit.

Mais ça ne fonctionnait pas toujours comme je l'aurais souhaité. Il ne suffisait que du passage d'un énergumène sur sa moto au silencieux modifié pour faire encore plus de bruit pour que Chopin et Vivaldi s'en aillent valser loin de mon coeur, le temps qu'il s'emporte de rage envers ces fumiers qui se contrefoutent de savoir qu'ils polluent l'existence de milliers de créatures sur leur passage.

Un dimanche soir, alors que je me régalais d'un air de Marin Marais, voilà que j'entends pétérader une moto un peu plus fort que très fort. Finis le violoncelle, la viole de gambe et toutes les brillantes harmonies. Il ne restait plus que le bruit de la moto et une sale gueule de con sous un casque.

Révolté par l'intrusion de ces bruits dans l'inconfort de ma non-intimité, je me suis mis à souhaiter que ce motocycliste fasse un accident. Je me suis concentré: «Si tu peux rentrer dans un poteau, mon tabarnak! Si une van pouvait te passer su' l'corps mon saint-chrême! Crève mon hostie d'chien sale! Christ de pollution d'calvaire! Ciboire d'innocent de calice! Rentre dans un poteau mon hostie!»

Cinq à dix secondes plus tard, le bruit de la moto s'arrête tout net suite à un énorme bruit de ferraille: BANG!

Je regarde par la fenêtre: la moto vient de rentrer dans un poteau...

***

Ce n'était peut-être qu'un hasard, mais comme le motocycliste était salement amoché, je me suis mis à freaker sur la possibilité que je fasse de la télékynésie, comme Carrie dans le film éponyme de Brian De Palma tiré d'un roman de Stephen King.

Depuis, chaque fois que je me sens outré par le comportement stupide d'un chauffeur de moto, de camion ou d'auto, j'évite de faire tourner de tels mantras dans ma tête, de crainte de projeter des véhicules contre les poteaux.

Enragés du volant: faites attention aux bipèdes qui font de la télékynésie...

Des tas de mauvaises pensées vous suivent.

Le mauvais oeil plane au-dessus de vos têtes.

Oui, sincèrement, des gens souhaiteraient vous voir crever.

mercredi 25 mars 2009

Une histoire dont vous êtes le héros


J'ai déjà dit que je ne suis pas du genre à souffrir du syndrome de la page blanche et encore moins de celui de l'écran blanc. Le truc pour ne pas en souffrir c'est d'écrire tout ce qui vous vient par la tête: guimauve, blé d'Inde, téton, tournevis, escouade anti-émeute, rodomontade et brie crémeux.

Après avoir énoncé tous ses mots il ne vous reste qu'à laisser mijoter tout ça vingt-quatre heures le temps que ça lève. Comme mon cerveau fait l'effet d'une levure ultra-rapide je vais tout de suite vous livrer la vision que j'ai obtenue.

***

Brigitte n'aimait pas la guimauve. Quand on lui en offrait elle n'avait que l'envie de vous rentrer un épi de blé d'Inde dans le gosier. Ses tétons se roidissaient de colère et, à défaut de disposer d'un épi de blé d'Inde, elle aurait très bien pu vous rentrer un tournevis dans le fondement. La guimauve lui rappelait trop Guy Muovo, son ex-conjoint, membre de l'escouade anti-émeute de la Sûreté du Québec qui abusait un peu trop des rodomontades et du brie crémeux.

La suite vous appartient.

mardi 24 mars 2009

La paille, la poutre, l'anarchie et la police


J'ai connu quelqu'un qui détestait viscéralement les policiers.

Il les appelait les «chiens», quand ce n'était pas les «cochons» ou bien les «beux» (boeufs, sic!).

Il y a bien des raisons, bonnes ou mauvaises, pour détester les policiers.

Cependant, je me devais d'apporter un petit bémol chaque fois que je l'entendais faire son jar en crachant sur la police comme si elle était à la source de tous ses malheurs passés, présents et futurs.

Il faut dire que ce type était loin d'être un exemple de gentillesse et de savoir-vivre. Il pétait les plombs pour un rien quand il était gelé. Il avait déjà crissé un coup de marteau à l'un de ses voisins qui se plaignait de sa musique criarde qu'il faisait jouer à plein volume à quatre heures du matin pour étouffer le hurlement de ses chiens et les pleurs de ses deux bébés qui baignaient dans leur couche sale tandis que ce sacrement de crotté se gelait raide, avec la musique au boutte, les chiens qui jappent, les voisins qui gueulent...

Évidemment, les hosties de beux sales ont fini par lui crisser les menottes, suite à l'affaire du marteau dans la face de son voisin qui voulait dormir.

Cet hostie de voisin fasciste qui voulait dormir parce qu'il travaillait tôt le matin pour subvenir, imaginez-vous donc, aux besoins de sa famille...

Un coup de marteau dans le front du voisin qui se plaint du bruit, tiens toé, et c'est la liberté libre, l'anarchie, le collectivisme parfait...

-Man! Moé j'su's anarchiste. J'su's contre e'l'pouvoir pis l'autorité! qu'il disait souvent, cet hostie de fêlé.

Évidemment, les infâmes agents des forces de l'ordre, la larme à l'oeil, ont ramassé les deux bébés qui trempaient dans leur marde pour les confier à la Direction de la proctection de la jeunesse (DPJ).

Quant a l'hostie de fêlé, les flics lui ont passé les menottes tandis qu'il leur servait tous les quolibets énoncés ci-haut: chiens, cochons, beux, etc.

Je n'ai peut-être pas les idées à la bonne place, mais mon coeur me dit que les policiers étaient nettement plus honorables qu'il ne le sera jamais, ce sacrement de cave qui laissait baigner ses enfants dans leur marde juste pour tripper avec sa gang de sans dessein.

lundi 23 mars 2009

«REPÉRAGES», EXPOSITION À LA MAISON DE LA CULTURE DE TROIS-RIVIÈRES

Je suis allé visiter l'exposition Repérages.

Vous pouvez tous y aller si vous n'êtes pas trop chiches pour vous payer un billet d'avion.

Vous ne le croirez pas, chers lecteurs, mais vous provenez en majorité du continent européen si je me fie à mes statistiques. Ce qui ne manque jamais de me surprendre, d'autant plus que je sacre comme le tabarnak dans mes billets. Sans compter que je m'abandonne avec luxure au charme tout naturel de la langue vernaculaire dans laquelle j'ai grandie, soit le joual dans sa version plus ou moins magoua.

E'j'ai pas honte d'mes racines hostie pis si vous m'comprenez pas, ben calice, riez de moé, e'j'm'en sacre, e'j'su's c'que j'sus, sacrement, pis c'est toutte. Iro. Hugh. Woga. Ciboire.

Bon. Je suis donc allé me promener du côté de l'exposition Repérages, c'est à la salle Raymond Lasnier de la Maison de la culture de Trois-Rivières.

J'étais avec ma blonde, bien sûr, une sévère mais combien juste critique en matière d'art. Elle y va avec la peinture comme elle y va avec la cuisine. Elle juge au goût. Et ça ne trompe pas, le goût. C'est ce qui donne l'envie de manger un repas raffiné, avec le potage, le plat principal, le dessert, les vins et toutes les petites douceurs, quoi. Je sais bien qu'il y en a pour se contenter d'un rien et d'y trouver quelque chose. Mais ce n'est pas le cas de ma blonde. Ni le mien, somme toute, si l'on se fie à mon tour de taille, preuve incontestable de bon goût et de plaisir indiscutable à en apprécier tous ses raffinements.

Ça me fait tout de suite penser à la nouvelle de Marcel Aymé, La bonne peinture, un conte fabuleux qui mériterait de se retrouver à l'écran pour l'éducation des masses et le délassement des marteaux. C'est l'histoire d'un type qui se met à faire de la peinture qui enlève la faim. Tu regardes le pain et les fruits qu'il a peints et au bout d'une demie heure, tu n'as plus faim. Ce qui fait que tous les peintres sont étonnés par ce satané peintre qui fait de l'art nourrissant: est-ce vraiment un artiste ou bien un imposteur? C'est d'un comique tout aussi subtil que Le passe-muraille, une autre nouvelle de Marcel Aymé que j'adore, un petit travailleur de bureau tout ordinaire qui se réveille un jour avec la faculté de passer au-travers des murs en criant «Garou! Garou!» Je ne vous en dis pas plus. D'ailleurs je ne vous parlais pas de ça. Mais de l'exposition Repérages...

Je n'étais pas trop éloigné de mon sujet.

Vous allez tout de suite comprendre pourquoi.

J'ai cherché avec ma blonde de l'art nourrissant, hier, en visitant cette exposition.

Et quatre noms me sont restés en tête.

Régent Ladouceur exposait deux oeuvres peintes sur grands panneaux de bois d'environ 40 X 60 pouces, si je ne m'abuse. Je reconnaissais son univers pictural unique, un mélange de Georges De La Tour, Caravage et Chirico. Une ligne jaune dans un de ses tableaux particulièrement sombre fait toute la différence. Allez voir la ligne jaune, tiens. Vous n'avez pas le choix parce que Ladouceur n'est pas encore présent sur le ouèbe. Je vais m'en occuper tiens.

Jean Beaulieu, le concepteur des vitraux installés au parc portuaire de Trois-Rivières, présente deux oeuvres sublimes faites de marquetterie. On sent l'influence des peintres symbolistes et un sens inégalé de la symétrie. Les cheveux de ses femmes, wow, juste voir leurs cheveux et vous capoter pour la pureté qui s'en dégage, je vous jure. À 13 000$, je trouvais que c'était donné. J'ai brassé le petit change dans mes poches et je me suis dit que ça ne sera pas pour tout de suite. Voici le site de Jean Beaulieu. Il est présenté par Alexis Klimov, feu mon ami et directeur de thèse à la maîtrise.

Enfin, j'ai deux autres coups de coeur: Guillaume Massicotte et Marcel Dargis.

Dargis est un peintre naïf, natif du Cap-de-la-Madeleine. Ses toiles nous ont fait sourire et nous ont nourris comme des rois. Des tas de personnages, de la vie, de la fraternité, de la joie pure. C'est pas compliqué, je me sentais presque son fils spirituel. Je me disais que moi aussi, un jour, mes toiles vaudront 1200$ cash d'la shot. Je vous les fais à moitié prix pour le moment, en toute humilité, mais ça ne sera pas toujours comme ça.

Bon, l'an prochain je vais soumettre quelque chose pour l'exposition Repérages, tiens.

D'ici là, allez faire un tour. C'est jusqu'au 12 avril. Ça devrait vous enchanter. J'en suis sorti ravi, plein de printemps et d'espoir, comme si Trois-Rivières était parfois une belle ville.

dimanche 22 mars 2009

Nouvelles toiles toutes fraîches, toutes chaudes...

Je n'ai pas eu le temps d'écrire en fin de semaine. Mais j'ai pris le temps de peindre et de vernir tout un nouveau lot de toiles. Les titres et les explications viendront un jour, avec ma galerie virtuelle remise à neuf, repeinte et reformatée. Pour le moment, je me contenterai de vous livrer quelques-unes de ces toiles.

Pas évident de mener plusieurs carrières de front...












vendredi 20 mars 2009

Cabin Fever


Le printemps va débuter officiellement à onze heures ce matin. Au moment où j'écris, il est six heures et vingt-deux. Il me reste encore quelques heures d'hiver.

Au Yukon, ces temps-ci de l'année sont propices à ce que l'on appelle la cabin fever, c'est-à-dire la fièvre de l'encabanement.

C'est la période de l'année où il y a le plus haut taux de suicide et d'homicide par-delà le soixantième parallèle. Les Yukoners sautent les plombs. C'est l'hiver qui tarde à partir. C'est la sensation d'être dans les limbes, gelé, dénaturé, en attente de quelque chose qui n'arrive pas.
C'est la cabin fever.

Nous vivons à peu près la même pathologie au Québec mais sous un autre nom. Ça s'appelle «j't'écoeuré d'l'hiver en tabarnak!» Et ça pousse tout un chacun à commettre des tas de folies. Comme s'il manquait d'air dans la baraque.

Officiellement, je dis bien officiellement selon les standards astronomiques, le printemps débutera à onze heures ce matin. À partir de onze heures, la fièvre de l'encabanement sera terminée. Plus personne ne dira «j't'écoeuré d'l'hiver en tabarnak!»

Et la neige va toute fondre comme par miracle. Et les oiseaux vont gazouiller. Et les premières asperges vont pousser. Et les pissenlits vont fleurir. Et youppi!


Le printemps est arrivé rigondon-don-dé!



CONSEILS PRATIQUES
DE LA SEMAINE
Tous les vendredis matins, à heure fixe, question de finir la semaine en beauté.

Soyez prudents sur les trottoirs. Une crotte de chien qui dégèle c'est mou en jéribouère.

jeudi 19 mars 2009

Le trousseau de clés inutiles de m'sieur Vaudrin


M'sieur Vaudrin traînait dans sa poche un trousseau de clés dont pas une seule ne lui servait.

Les clés finissaient toujours par défoncer ses poches parce qu'il devait bien y en avoir une bonne douzaine, toutes accrochées après l'anneau de son trousseau de clés ridicule, Sam's Burger Miami, Florida. Un gros hamburger de plastique avec une boulette qui brille comme le soleil.

M'sieur Vaudrin ça ne lui faisait pas un pli sur la poche que son trousseau provienne de Floride ou du Kamchatka. Il ne savait pas plus où c'était situé, dans un cas comme dans l'autre. Faut dire que m'sieur Vaudrin n'était pas très fûté, et je ne dis pas ça qu'en relation avec ses connaissances géographiques. Non. m'sieur Vaudrin était juste pas vite. Ce qui fait qu'il traînait avec lui un trousseau de clés inutiles, aux couleurs de Sam's Burger Miami, Florida. Et ce trousseau de clés défonçait toutes les poches de ses trois paires de pantalons: un pantalon bleu, un pantalon brun et un pantalon propre qu'il ne mettait jamais, mais qui avait tout de même les poches défoncées.

Ce qui fait que m'sieur Vaudrin passait toutes ses soirées à recoudre ses poches.

Et toutes ses journées à jouer avec son ciboire de trousseau de clés.

Vous vous demandez c'est qui, hein, m'sieur Vaudrin?

C'est le monsieur qui boit son café au terminus. Il est facile à reconnaître. Il est vieux, court sur pattes, ressemble vaguement à monsieur Verdoux interprété par Chaplin, et il fume toujours des puissants barreaux de chaise. Des hosties de cigare longs comme c'est pas possible. Vous ne pouvez pas le manquer, m'sieur Vaudrin, puisque vous savez déjà qu'il passe ses journées à brasser son trousseau de clés qui ne lui servent plus.

M'sieur Vaudrin n'a pas besoin de clés là où il demeure. Il n'a qu'à sonner à la réception et la préposée de garde vient lui ouvrir la porte. Trois repas par jour à heures fixes. Et beaucoup de temps libre pour brasser ses clés, en fumant des cigares longs comme des barreaux de chaise au terminus d'autobus, s'amusant à voir partir et revenir les voyageurs, comme s'il vivait de l'aventure par procuration.

Pour le reste, je sens que j'y mettrais plus de mes petits préjugés que de mes fines observations. Ce qui fait que je vais m'arrêter ici. Après tout, je ne connais pas vraiment m'sieur Vaudrin. Je sais seulement qu'il n'a plus besoin de ses clés, c'est évident.

Et je sais qu'il n'est pas fûté parce qu'il zigzague avec les mots et dit n'importe quoi comme «j'mangera's pas cha' moé du manger d'chat!» Ce qui ne veut pas dire qu'il pas fûté, mais je n'ai pas d'autre exemple.

La clé de l'histoire? Je l'sais-tu moé christ!

Manifestation pour le déclassement nucléaire de Gentilly-2


J'ai reçu ce message dans ma boîte de courriel. J'ai cru bon de vous le transmettre. Le nucléaire n'est pas une énergie bien maîtrisée et il est immonde de planter ça parmi des chevreuils ou des humains.


Le groupe «Citoyens mauriciens pour le déclassement nucléaire» (courriel: cmdn@live.ca), appuyé par le Mouvement Vert de la Mauricie, vous invite cordialement pour une manifestation qui se tiendra dans le Parc Champlain, derrière la bibliothèque Gatien-Lapointe à Trois-Rivières. La manifestation débutera à 11h00, vendredi le 22 mai prochain.


Voici le texte qu'on m'a fait parvenir:




Vous êtes cordialement invitéEs à une manifestation citoyenne et un parcours éducatif pour le déclassement nucléaire de Gentilly-2.


Venez vous joindre à nous pour exprimer votre désir de voir disparaître nos 2 centrales nucléaires du paysage québécois.


-Exigeons l’arrêt des investissements dans la réfection de la centrale.

(réorientation des sommes allouées vers le déclassement et le développement de technologies "vertes")

-Exigeons un moratoire sur le nucléaire au Québec.

(De l’extraction aux déchets)

-Demandons un débat public.

(transparence, droit à l'information, démocratie, économie et science doivent être remis à l'avant scène de ce choix social aussi important que la réfection de la seule centrale nucléaire québécoise)


Quand :

Vendredi le 22 mai à 11h00

Le 22 mai est la journée mondiale de la biodiversité biologique. Connaissant la menace réel du tritium ou d’autres radionucléides sur l’intégrité de notre bagage génétique et celui de notre environnement, quelle belle journée pour célébrer et dénoncer notre vieille centrale nucléaire. Les dés ne sont pas joués! À nous de jouer!!!

Inscrivez cette date à votre agenda!


Où :

Au centre-ville de Trois-Rivières, Parc Champlain

(en arrière de l’hôtel de ville et de la bibliothèque, au nord de la rue des Forges et sud Bonaventure)


Quoi apporter :

Votre corps et… pourquoi pas un « X » noir sur la bouche, un masque à gaz, un masque d’infirmière, des pancartes, une poubelle décorée rappelant les 2500 tonnes de déchets radioactifs à gérer, instruments de musique, etc. Tout ça pour égayer et apporter un peu de visuel et d’auditif à cette journée.


PASSEZ LE MOT AUTOUR DE VOUS. AFFICHEZ CE MESSAGE.

N’oublions pas NOTRE POUVOIR CITOYEN(NE)S!


Une invitation des CitoyenNES MauricienNES pour le Déclassement Nucléaire (CMDN) cmdn@live.ca,

le Mouvement Vert,

le journal de rue La Galère,

...

mercredi 18 mars 2009

C'est pas créyable comme ça peut être frette e'l'matin aux Twois-Wivièwes


C'est pas créyable comme ça peut être frette e'l'matin aux Twois-Wivièwes. Y'a c't'hostie d'vent du Lac St-Pierre qui t'charrie toute la brume en pleine gui-yeule, c'qui fa' qui fa' fette en jéritole e'l'matin.

Hier, e'j'm'en allais su' l'trottoir toé chose pis e'j'marchais. E'j'marchais, du centre-ville au pont Laviolette, mettons.

E'l'soleil brillait entre les silos à grain pis su' 'a tête d'la madone au rond-point d'la couronne, juste en face du parc Pie-douze.

On éta' ben, mais faisait quand même frette en tabarnak.

C'est d'même Twois-Wivièwes. I' fa' juste moins deux pis c'est comme s'i' faisait moins mille. C'est toujours frette comme e'l'tabarnak à cause d'l'humidité pis d'l'hostie d'vent du Sud-Ouest qui souffle su' el'Lac St-Pierre.

Ça fa' qu'i' fallait quand même porter ses gants pis son capot hier, parce qu'faisait frette en saint-chrême d'hostie, même s'i' faisait soleil, un beau soleil à part d'ça, entre les silos à grain, e'd'toute beauté j'vous dis.

Ouin ben à matin e'j'm'en va's marcher à 'a pluie ça a ben d'l'air. M'en crisse anyway. Ça va faire fondre les bancs d'neige. E'j'tanné en tabarnak d'la voir l'hostie d'neige. E'j'su's dû en sacrement pour l'printemps.

Pis c'est même pas à cause du sirop d'érab' parce qu'j'ai pas vraiment la dent sucrée. On en mange ben assez du sucre de même, st-christ d'étol.

Bon ben, m'en va's marcher dihors.

Pis y'a pas l'air d'faire beau dihors.

mardi 17 mars 2009

ONÉSIME LE WATCHMAN


Monsieur Onésime Duberger est un petit monsieur de cinq pieds cinq pouces, cent quarante livres, qui vit dans la chambre 103 de l'aile des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Les autres préposés disent qu'il a le diable dans le corps et qu'il essaie toujours de leur calisser des coups de poings, quand ce n'est pas des coups de canne.

Je ne suis pas plus brillant qu'un autre, mais plus con non plus. Le premier soir que je le rencontre, je sais déjà à quoi m'attendre. Rémi, le préposé de l'autre étage, me l'a bien dit.

-'ttention avec m'sieur Duberger... Tu t'approches de lui pour l'emmener manger ou ben don' pour le coucher, pis là i' t'tabarnaque un coup d'poing quand qu'tu t'y attends pas... Moé 'ai faitte du téquouannedo pis j'voés l'coup v'nir... Oua! Comme Bruce Lee 'stie!

Et là Rémi de faire deux ou trois passes de shadow boxing pour niaiser, comme ça.

Bon, d'abord m'informer sur ce m'sieur Duberger. Je vais l'avoir par la ruse.

J'apprends des infirmières qu'il a été watchman toute sa vie à la vieille usine de lacets de bottine. Quarante ans de service le p'tit père. Et il avait attrapé la maladie d'Alzheimer. Du coup, on le transféra dans la chambre 103.

-Y'est icitte depuis trois jours, me confia Gisèle, la préposée au ménage, souvent plus loquace que l'infirmière. Pis imagine-toé don' qu'i' s'pense encore agent de sécurité! I' passe ses journées à faire ses rondes pis à noter ses heures sur un papier. Moé quand j'passe j'lui dis tout l'temps «Rien à signaler!» pis i' m'répond «Rien à signaler!» en riant, toé chose. Faut les prendre comme qu'i' sont, c'est toutte. Ça sert à rien d'casser leu' trip.

Sur ces sages paroles, je m'en vais voir m'sieur Duberger pour le ramener vers sa chambre. C'est l'heure de se coucher. Si je me fie à Rémi, je vais devoir éviter une rafale de coups. Je vais plutôt me fier à Gisèle.

-Bonjour m'sieur Duberger, que je lui dis tout de go, rien à signaler?

-Rien à signaler! Héhé! qu'il me répond avec un doute dans le regard.

Un doute que je me charge tout de suite de dissiper.

-C'est l'heure du changement de chiffre, m'sieur Duberger. C'est moé qui viens vous remplacer. J'm'appelle Guétan. Vous ça fait longtemps qu'vous êtes agent de sécurité icitte?

-Ah! au moins quarante ans! qu'il répond.

-Y'a un gars qui va venir vous réveiller demain pour le changement de chiffre. Vous allez recommencer à sept heures demain matin.

-Sept heures hein? Ok.

Et là je l'emmène vers sa chambre. Je lui parle de la pluie et du beau temps. Je lui tends son pyjama. Et hop-là! M'sieur Duberger est couché dans son lit.

-J'commençais à être pas mal fatigué, là. On fait des longs chiffres... Le chiffre de jour, le chiffre de nuitte... Mais pourquoi qu'i' faut coucher su' 'a job à c't'heure?

-C'est pour une question de sécurité, j'imagine.

-Ah oui, la sécurité...

-Bon ben, bonne nuit m'sieur Duberger! Vous avez faitte d'la belle job aujourd'hui. Vous avez gagné l'droit d'vous r'poser.

-Ah ça c'est ben certain. Comment c'que c'est qu'tu t'appelles déjà?

-Guétan.

-Réjean?

-Guétan.

-Gaston?

-Guétan.

-Roland?

-Laissez faire m'sieur Duberger. Bonne nuitte.

lundi 16 mars 2009

ODE AU PISSENLIT (2)


À chaque année je vous la fais, mon ode à la plus belle des fleurs: le pissenlit.

Je vais vous la faire encore plus tôt que de coutume parce que je suis dû pour le printemps. Je suis tanné de vivre encabané. Vivement le dégel, le vélo sur la route et les pissenlits en floraison.

Le pissenlit est la fleur la plus commune qui soit dans les alentours de Trois-Rivières.

J'aime le pissenlit parce que ça pousse n'importe où, même entre les craquelures des trottoirs.

Les pissenlits sont souvent les seuls îlots de verdure que l'on rencontre dans certains secteurs de la ville où quelques promoteurs immobiliers n'ont pas cru bon d'y laisser un bout de terrain pour y voir pousser des fleurs. Ça fait malpropre, des fleurs et des mauvaises herbes.

Malgré cela, le pissenlit s'y installe tout à son aise. Il finit même par crever les trottoirs.

Il arrive parfois qu'un érable vienne atterrir au milieu de l'îlot ainsi créé par un troupeau de pissenlits très productifs. L'érable contribuera lui aussi à faire disparaître le béton. Dix ans plus tard le solage de la maison sera défoncé par ses racines. Il y aura des nids de poule pas possible. Et tout ça à cause du pissenlit, ma fleur préférée.

La nature est plus puissante qu'on ne le croie. Laissons-lui dix ans, sans intervenir, et il y aura une vraie jungle là où il n'y avait qu'un terrain vague. Notre asphalte et notre béton ne résisteront pas trente ans si l'on laissait la nature suivre son cours.

Le pissenlit s'incruste dans une craquelure, puis un érable, de l'herbe à poux ou quoi encore, puis c'en est fini de votre viaduc ou bien de votre stade olympique.

Donc, j'opte pour le pissenlit au titre d'emblème floral personnel. Pour sa beauté et sa résistance. Pour sa faculté de vivre dans n'importe quel environnement sans se salir. Parce que ça se mange en salade. Parce qu'on peut faire du vin de pissenlit.

Bon. L'an prochain, pour ne pas me répéter, je vous ferai une ode au chou gras, ce végétal méconnu.

dimanche 15 mars 2009

DEUX PETITS MESSAGES COMME ÇA, À BRÛLE-POURPOINT


LE VIOLEUR N'A PAS ÉTÉ EXCOMMUNIÉ...

Le dimanche, c'est toujours le temps de porter un «second regard»...

La semaine dernière, une jeune Brésilienne de sept ans a été excommuniée par l'évêque catholique de Recife, en plus de sa mère et des médecins qui l'ont fait avorter. L'évêque est juste ici, à gauche, sur la photo. N'est-ce pas qu'il a l'air mignon?

La jeune fille était enceinte de son beau-père qui l'a violé. Aux dernières nouvelles, le beau-père n'a pas été excommunié... L'évêque que l'on voit ici sur la photo n'a pas jugé bon de porter un jugement aussi sévère envers le brave homme. Dieu n'est que miséricorde, n'est-ce pas?

Cette affaire n'étonnera pas les protestants, les raëliens ou les athées. Elle fait surtout mal à ces catholiques qui, en Europe, se débaptisent par milliers. Plutôt être chrétien avec ceux qui ont le coeur à la bonne place que d'être catholique avec le pape et sa flopée d'évêques mesquins qui colportent une idéologie qui va bien à l'encontre du sens commun, voire des paroles évangéliques où le monsieur de Nazareth empêche les gens de lapider une prostituée. Tout ce que trouvent à faire ces chrétiens du dimanche c'est de lancer des pierres sur une enfant de neuf ans qui, rappelons-le, A ÉTÉ VIOLÉ PAR SON BEAU-PÈRE TABARNAK!

Les églises catholiques peuvent bien fermer l'une après l'autre. Le monde n'est pas si stupide et si desséché dans sa morale de tous les jours. L'église préfère que les Brésiliennes s'avortent elles-mêmes avec des aiguilles à tricoter ou de l'huile de ricin, comme dans le bon vieux temps. Morale de ploucs qui auraient mieux fait de s'intéresser aux femmes pour les bonnes raisons.

C'est vraiment de la merde, cette histoire. Et si les catholiques d'ici ne trouvent rien à redire là-dessus, c'est qu'ils sont bien plus sans coeur que je ne le croyais.

Personnellement, je ne suis pas catholique. Et c'est drôle, cette histoire-là ne me donne pas du tout l'envie de le devenir.

Ça fait dur, hostie que ça fait dur.

Et vous remarquerez que ceux qui militent contre l'avortement sont souvent les mêmes qui militent pour le rétablissement de la peine de mort. On n'en est pas à une contradiction près.

Heureux ceux qui seront crus sans être cuits...

***
Post-scriptum: Helenablue en parle aussi dans son dernier billet.

***

RIP ALAIN BASHUNG

Alain Bashung est mort d'un cancer hier. J'aimais bien sa chanson Vertige de l'amour.

Il était l'un de ces chanteurs français qui ne me cassaient pas trop les couilles, avec Gainsbourg, Lavilliers, Sardou, Higelin et Charlélie Couture.

À l'image de tous les Français que je connais, les textes de ses chansons étaient bourrés de calembours. Mais sa musique était franchement afro-américaine.

On apprécie moins les calembours de ce côté-ci de l'Atlantique. Sol étant l'exception.

Repose en paix Bashung.

samedi 14 mars 2009

N'IMPORTE QUOI CALICE! N'IMPORTE QUOI!


Étienne dit toujours l'exact contraire de l'opinion la plus répandue sur tel ou tel sujet et trouve tout plein de références pour étayer sa contre-opinion.

Son rapport à la vérité ne part pas des livres pour aboutir vers lui-même, mais de lui-même pour aboutir sur les livres qui confirment ses puissantes intuitions, dont celle à l'effet que Neil Armstrong n'ait jamais mis le pied sur la Lune, ni qui que ce soit d'autres.

-Voyons! vous dira-t-il. Vous z'avez pas entendu parler du projet Camelot , hein? Ben, ils ont filmé les images dans le désert d'Arizona, qui ressemble à la Lune. Ils y ont fait des cratères et tout. Un beau décor de merde pour ces ordures capitalistes! Les photos étaient truquées! Na!

Parlez-lui ensuite du fait que les Knickerbocker Rules du baseball ont été codifiés en 1845 et voilà qu'il vous renvoie en 1598, en Angleterre, avec le cricket qui est l'ancêtre du baseball, ce vulgaire sport de cul-terreux capitalistes où les Noirs n'ont pas été admis dans la ligue majeure avant Jackie Robinson, qui a d'ailleurs commencé sa carrière avec les Royaux de Montréal. Sacré joueur de baseball, ce Jackie Robinson. Ouais.

Côté cuisine, pour quelque recette que ce soit, il sera toujours question d'OGM ou de DDT. Jamais du goût associé au repas. De plus, chaque fourchettée sera surchargée d'idéologie ou bien de messages des francs-maçons.

Et on ne parle même pas encore de politique!

La dernière fois que j'ai tenté d'en parler avec lui le voilà qui s'est mis à gueuler comme un chat écrasé que j'étais un sioniste ou quelque truc du genre. Juste parce que j'aime lire Mordecai Richler. Ça n'en prenait pas plus pour révéler son fond d'antisémitisme refoulé qui se déguise en discours anti-colonialiste.

Son émotion était telle qu'il en étouffait d'indignation. C'est un hypersensible, voyez-vous. Et moi, ben, je serais plutôt une brute. C'est pas que je n'ai pas de sentiments, mais je ne pleure pas pour rien. Surtout pas pour des niaiseries politiques.

-Tu es du côté des salauds impérialistes Butch! pleurnichait-il comme un grand con.

-Tu capotes Étienne. Je suis du côté de ceux qui aiment la vie pis les gens. Point. Voyons donc!
C'est pas de ma faute si je pense que Mordecai Richler est le plus grand écrivain québécois que j'aie lu!

-Ah ouais? Et si c'est pas ta faute, c'est la faute de qui, hein? Le plus grand de tous c'était le poète Luglub Fournier.

Luglub Fournier, ne me demandez pas qui c'est. J'ai fouillé sur l'Internet et je n'ai encore rien trouvé. Je suis tellement conventionnel dans mes passions littéraires: Mordecai Richler...

***

On regarde le ciel, Étienne parle des pluies acides.

On regarde la terre, Étienne parle des BPC.

On regarde un oiseau, Étienne parle de la grippe aviaire.

Finalement, il ne regarde jamais rien ce sacrement-là.

Il fait juste parler. Tout le temps. Pis y'est plate en calice.

Ça fait que, vrai comme j'suis là, j'passerais pas ma journée à m'faire chier avec Étienne ou qui ce soit qui voudrait venir gâcher ma fin de semaine avec ses jérémiades.

Le sort du monde, on règlera ça plus tard.

Si Dieu se repose au Septième jour, nous qui ne sommes pas Lui, on devrait bien se reposer au moins un jour de plus.

Évidemment, Étienne vous dirait que la religion est l'opium du peuple. Ce qui n'est pas tout à fait faux. Sauf qu'Étienne fait partie du Temple d'Isis, et ne me demandez pas ce que c'est. Il est comme ça, Étienne. Éclectique dans le mauvais sens du terme. Pas tout à fait organisé dans ses pensées. Comme tout le monde quoi.

Sauf que je n'ai pas envie de me faire chier avec de bonnes ou de mauvaises causes. J'ai juste envie de regarder le ciel, les oiseaux et toutes sortes d'affaires comme ça.

Ciao!

vendredi 13 mars 2009

TRISOMIE


Tout le monde riait dans l'autobus hier matin.

Enfin presque tout le monde, dont moi.

Et c'était à cause de Linda, une trisomique dans la trentaine qui semble très autonome et très ordonnée, en plus de déborder de joie de vivre. Tellement qu'on oublie parfois qu'elle n'est pas comme tout le monde.

Linda rit tout le temps. Et quand je dis tout le temps, c'est vraiment tout le temps. Et elle parle avec tout le monde. Vraiment tout le monde.

Ce qui fait que Linda est devenue rapidement l'amie de tout un chacun.

C'est étrange ce que je vais dire, mais c'est comme si c'était elle, le matin, la cheffe de la tribu, le point central quoi. Sa trisomie et le devoir que nous devons de l'accepter nous rendent certainement meilleurs. J'en tiens pour preuve que tout le monde riait hier, tout le monde, et d'un rire bon enfant qui se mariait parfaitement aux premiers rayons du soleil qui pointaient sur la ville entre les silos à grains du parc portuaire.

Linda était assise sur un banc de côté. Elle envoyait des tatas aux étudiants dans l'autobus qui roulait à nos côtés. Les deux chauffeurs se racontaient la partie de hockey de la veille en se tirant la pipe pour les résultats de la prochaine partie. Et leurs deux gros bus bloquaient les deux voies, comme de raison. Ce qui permettait à Linda d'exécuter des tatas tous plus drôles les uns que les autres aux étudiants de l'autre autobus accolée à la nôtre.

J'ai pensé un moment que ces étudiants se moquaient de Linda qui leur envoyait des tatas sans s'arrêter depuis au moins trois bonnes minutes. Mais non, ils riaient de bon coeur et il n'y avait pas du tout de méchanceté dans leur rire. Ce qui m'a bien sûr étonné. Et m'a forcé de croire que la nature humaine n'est pas toujours mauvaise.

Puis les bus se sont distancés l'un de l'autre. Linda a tiré sur la sonnette et a débarqué à son arrêt avec une déficiente intellectuelle qui l'accompagnait. Je pense qu'elle s'appelle Gisèle mais je n'en suis pas certain. Elle s'était déguisée en fantôme à l'halloween. Et puis c'est tout ce que j'ai retenu d'elle.

Un vieux était assis sur le «banc des innocents», le premier banc de biais avec le chauffeur dans le jargon du métier. Il riait à plein dentier et c'était beau de le voir. Il a salué Linda quand elle s'est levée pour débarquer à son arrêt, accompagné de Gisèle.

-Bonne journée Linda! qu'il lui a dit, avec un petit trémollo de vieillard au coeur tendre dans la voix.

-Bonne z'ournée m'sieur Bibeau! qu'elle lui a répondu. I' fa' beau hein?

-Mets-en qu'i' fa' beau bel enfant! Hahaha!

-I' fa' beau m'sieur Bibeau! Hahaha!

-Ha! Ha! Ha!

Linda est débarquée avec Gisèle. Le chauffeur a accéléré. Et monsieur Bibeau s'est mis à sourire à plein dentier, les yeux lourds d'une vieillesse écrasante, mais avec cette petite larme au coin de l'oeil encore discernable malgré la sécheresse des années.

Le monde était parlable, qu'il se disait en lui-même. Et ça le rendait ému. Que voulez-vous, il est comme ça monsieur Bibeau, la gorge nouée d'émotion par toute personne qui répond à ses bonjours.

Sacré monsieur Bibeau!

Sacrée Linda!

Pis Gisèle, ben j'la connais pas trop encore. J'vous en r'parlerai une autre fois, ok?

We've got to live together...

jeudi 12 mars 2009

La danse de la gueurnouille


Elle pèse quoi? Peut-être soixante-douze livres? Peut-être moins... En tout cas, elle est maigre comme ça ne se peut pas. Et vieille à part de ça. Je dirais soixante-douze ans. Soixante-douze ans, soixante-douze livres, avec une rangée de trois dents, devant, accrochées à la mâchoire inférieure.

Elle s'appelle Thérèse. Mais tout le monde l'appelle généralement la Folle, parce qu'elle passe son temps à planter toutes sortes de quossins dans le gazon l'été: des fleurs, des roches, des drapeaux du Québec, des flamants roses, des gugusses en plastique, des statues de la Vierge et des figurines de Star Wars ou du Colonel Sanders.

Ça fesse dans le décor, croyez-moi, et ses voisins, qui bénéficient eux aussi d'un loyer à prix modique dans le même HLM, ne trouvent rien d'autre à dire que c'est une hostie d'folle qui s'amuse à se bâtir un dépotoir devant son appartement.

Je n'avais jamais vraiment parlé à Thérèse jusqu'à ce qu'elle aboutisse chez Bernard «Bécik» Saint-Laurent, un vieux freak des années '60 qui rameute tout ce qu'il y a de pauvre et de meurtri dans le quartier pour se recréer une tribu au sein de laquelle il fait figure de patriarche compatissant et généreux, toujours prêt à partir un petit café pour ses visiteurs tous plus insolites les uns que les autres, dont moi et Thérèse, entre autres.

J'ai justement rencontré Thérèse la semaine dernière. J'allais enfin connaître cette petite bonne femme un peu excentrique qui fait jaser tout le quartier sans que personne ne jase vraiment avec elle, sinon Bernard, et maintenant moi.

-Ah! qu'j'ai mal aux jambes... qu'j'ai mal aux jambes! qu'elle m'a dit après les salutations d'usage, la première fois que je l'ai rencontrée chez Bécik.

Elle se versa du Coffee-Mate dans son café. Voyant que je la regardais faire, elle crut bon de s'expliquer.

-J'emmène toujours mon Coffee-Mate parce que Bécik y'achète rien qu'd'la crème 35% pour son café pis moé ben j'digère pas ça. Pis ah! qu'j'ai mal aux os! Aux mains! Aux coudes!

Bécik lui suggéra de boire un verre d'huile de foie de castor ou quelque truc dégueulasse qu'il tient toujours en réserve, compte tenu de ses origines paysannes.

-Non! Non! J'ai ben qu'trop peur de m'étouffer! Ah non! Mais là, avec le café, on dirait qu'ça me r'vient... Ouais... Ça fait moins mal. Ouais... On dirait qu'j'sens p'us rien.

Et là, vrai comme je suis là, Thérèse s'est levée et elle s'est mise à exécuter une danse de la grenouille pas possible sur la musique de Neil Young, le chanteur préféré de Bécik.

-Tiens! Lalala! J'danse comme une gueurnouille! Lalala!

Il était difficile de ne pas rire. Sans méchanceté, cela dit. On ne peut tout de même pas tenir son sérieux longtemps quand une bonne femme de soixante-douze ans, soixante-douze livres et trois dents exécute la danse de la gueurnouille.

Évidemment, ça n'a pas duré dix ans. Au bout de trente secondes, c'était fini. Thérèse s'est rassise et elle est repartie avec ses lamentations.

-Ah! qu'j'ai mal aux jambes pis aux os! Pis moé qui croyais que j'tais guérie! Ah maudite misère!

On s'est tous mis à rigoler de bon coeur, Thérèse aussi.

Mais c'en était fini pour la journée avec la danse de la gueurnouille.

mercredi 11 mars 2009

La métempsychose de Roland


La vie est étrange mais que dire de nos vies passées? Ou de la métempsychose? Hein?

Vrai comme la nuit tous les chats sont gris, tout un chacun qui croit en quelque forme de réincarnation s'imagine avoir été Ramsès II ou Cléopâtre dans une autre vie. La vanité de l'humain est telle qu'on ne se l'imagine pas en train de s'accorder le mauvais rôle, même en matière de superstitions.

Roland croyait fermement en la réincarnation. À moins qu'il n'y ait là quelque sourire en coin qui, jusqu'à maintenant, ne peut releverque de la pure spéculation. D'abord, je ne connais pas Roland. Ensuite, je ne l'ai vu qu'une fois, et c'était pas plus tard qu'hier, au Tim Motton's.

Je sirotais mon café à ses côté quand il m'a demandé si je lisais Le Journal de Montrial, déposé en face de moi. Le client avant moi l'avait laissé traîner là.

-Prenez-le. J'le lis pas.

Je lui donne donc Le Journal de Monrial.

-Marci m'sieur. C'est quoi vot' ti-nom vous? Moé c'est Roland!

-Gaétan... Enchanté Roland.

Roland mesurait un mètre soixante-quatre. Il pesait cinquante-deux point cinq kilogrammes. Et à part ça il était vieux, sec et un peu fripé, avec une oreille râpée, un nez camus et une jambe berlinguette. Quand il parlait un de ses oeils clignait tout le temps. Il ne rasait pas ses poils de nez et de longs cheveux poussaient à travers ses sourcils déjà broussailleux. Il avait une barbe de soixante-sept heures. Sa calotte de baseball était sale et on pouvait lire dessus «Abattoir Gélinas Inc.». Le reste de ses vêtements étaient sales mais bien cousus et je n'irais pas jusqu'à vous raconter la couleur de ses shorts parce que, ça, je ne le sais pas.

Ce que je sais c'est que Roland était sûrement un Trifluvien puisqu'il n'y a qu'eux pour vous parler de choses mystérieuses, comme ça, qui que vous soyez. Le petit monde de Trois-Rivières n'arrête jamais de parler et Roland, eh bien, il me parlait sans gêne.

-Moé m'sieur Guétan, moé, me dit-il avec son oeil clignotant, moé j'su's la réincarnation d'un ivrogne qui buvait toutes ses payes dans l'temps des fanfarons d'Égypte! Hé! Hé!

-Ah oui, lui répondis-je, amusé.

-Après ça, dans une autre vie, j'ai vécu dans un dépotoir au temps de l'empire romain, j'étais cul-de-jatte pis j'me nourrissais de déchets.

-Ah bon...

-Pis j'ai aussi été un trou d'cul dans l'temps de Charlemagne. J'ai abandonné mes enfants à la crèche pis j'me pétais des bouteilles su' 'a tête dans 'es cirques pour gagner ma vie.

-Hum...

-J'ai aussi été fraudeur, voleur, valet de cour, indigène, paresseux, fou, n'importe quoi, mais jamais quelqu'un de bien pis d'célèbre. Dans toutes mes vies antérieures, m'sieur Guétan, j'ai toujours été un trou d'cul. Sauf dans celle-citte. Savez-vous c'que j'su's dans celle-citte?

-Non.

-J'su's un clown.

-Un clown?

-Ben oui... Un clown. J'aime ça faire rire 'e'l'monde. Faut ben s'amuser, pas vrai?

-Ouais.

-Bon qu'est-cé qui a encore comme mauvaises nouvelles dans c't'hostie d'Journal de Monrial... Calice! Carbonneau s'en va pis va être remplacé par Bob Gainey! J'ai mon voyage!