lundi 31 octobre 2011

Nous sommes simplement du bon monde

Le je est détestable. Tout le monde a pu se l'est dit à un moment ou l'autre de sa vie. Même moi. Alors vous dire à qui l'on attribue cela m'est indifférent.

Tout comme vous pourriez être tout à fait indifférent à mon ego.

D'ailleurs, ce n'est pas pour me vanter mais j'ai réussi le tour de force de limiter autant que faire se pouvait la surutilisation de mon je dans tout ce qui s'appelle écriture, peinture et musique.

Je l'ai fait par défi, plus que par convention, pour que de la contrainte naisse des parcelles de ce que je considère sûrement à tort pour du génie.

Je ne suis pas parfait, moi. Ni vous. Ni personne.

Cependant, j'ai refusé de centrer mes créations sur mon nombril, avec plus ou moins de réussite puisque je me permets parfois un texte comme celui-ci...

Je fais de mon mieux et plus encore. Si, si...

Je ne vous raconterai pas mes journées mais, croyez-moi, je bosse en sacrament pour arriver à ces quelques choses que je donne ou vends ça et là pour me faire accroire que je me taille une place dans l'épopée des arts et des lettres.

«Vanité des vanités, tout est vanité et poursuite de vent», raconte l'Ecclésiaste.

Ce n'est pas fou. Pourtant, l'artiste carbure trop souvent à la gloire, au «prrrré-cieux», par tous les moyens.

Que le Grand Esprit que je ne connais pas personnellement me préserve de la gloire.

Et qu'il m'apporte mon pain quotidien.

Des gens aimables qui m'achètent des toiles ou bien des mots parce que je ne les emmerde pas tout le temps avec mon je. Mes bons produits du terroir urbain suivent leur chemin et meublent ma vie d'un peu de féérie.

Il y a du bon et du beau monde aussi.

Et vous n'êtes même pas obligés de m'acheter quelque chose pour qu'en quelque part je nous aime.

Il m'arrive de penser que l'être humain est une merde, la plus vile de toutes les créatures vivantes, la pire série d'ADN de l'univers. Hitler et compagnie, sérieusement, ça porte à vomir l'être humain.

Il m'arrive aussi de peindre tous les êtres humains souriants, aimables, loufoques...

Je nous vois tous nobles et bons, la main sur le coeur, prêts à soutenir son prochain dans l'épreuve.

Et je ne sais pas pourquoi je fais ça.

Je suis peut-être stupide.

Pourtant, je m'assume bien ainsi.

Nous sommes du bon monde, simplement du bon monde...

vendredi 28 octobre 2011

La nature a horreur du vide

La nature a horreur du vide.

Cela ne vient pas de moi.

Mais c'est de la musique pour mes oreilles.

Quand j'entends des niaiseries, je me dis qu'elles ne comptent pas.

Le vide ne se compte pas.

Bref, la nature a horreur du vide.

jeudi 27 octobre 2011

Un cadavre sur une civière dans le corridor menant à la morgue de l'hôpital

La mort fait partie d'un hôpital. C'est l'ultime arrêt avant le cimetière. Et elle advient de jour comme de nuit, la Chamarde, la Grande Faucheuse, la Maudite...

Sauf que cette fois-là, ça se passait de nuit, dans cet hôpital.

Il faisait noir, comme de raison, mais pas tant que ça tout compte fait puisque les étages du sous-sol sont toujours bien éclairés à l'hôpital. Surtout l'étage SS2 qui mène à la morgue. C'est plein de fluorescents, comme dans un salon de coiffure.

Il était deux heures du matin. Bertrand alias Ti-Bert lisait L'histoire de la révolution russe de Léon Trotsky lorsque l'infirmier de service, Napoléon, un Haïtien, vint le voir pour lui demander de descendre à la morgue un cadavre déjà monté sur sa civière et recouvert d'un drap.

Ti-Bert s'en alla d'un pas assez énergique vers la chambre 456.

Il s'empara de la civière et conduisit le corps du trépassé à travers les dédales du centre hospitalier. On aurait pu s'y perdre toute une journée. Pourtant Ti-Bert retrouvait facilement son chemin. Chaque porte, chaque tuile et chaque recoin lui étaient familiers.

Ça roule dans les corridors. Puis hop! L'ascenseur. Ti-Bert y pousse la civière puis compose l'étage SS2.

Dans l'ascenseur, tout est un peu lugubre. Ti-Bert médite un tant soit peu sur le sens de la vie. Et il parle au défunt, comme il parle d'ailleurs à ses plantes.

-Pauvre toé! Réal Robichaud... Soixante-dix ans... C'est pas drôle de mourir de même... En tous 'es cas... J'espère que t'es ben où c'que t'es Réal... Cibouère... Turlututu chapeau pointu... T'as connu cette chanson-là de Léo Ferré, Réééééal, hein? Est bonne... Est drôle... Ouep...

Il arrive à l'étage SS2. Il tourne sa civière vers la gauche. Puis... Eh bien il entend comme un souffle...

-Ho.... Ho-o...

Éberlué, Ti-Bert se demande d'abord s'il ne fait pas une hallucination auditive.

Puis ça continue.

-Ho... Ho-o...

Ti-Bert stoppe la civière, s'éponge le front, puis il lève le drap. Ti-Bert est saisi de frayeur.

-Hostie d'niaiseux à Ti-Bert! Ha! Ha! fait le défunt avec une lampe de poche sous le menton et agitant une langue qui tient plus de serpent que de l'appendice buccal. Happy Halloween christ de cave! Oua!

C'était ce satané Mercier, toujours en train de faire des coups pendables. Il avait dû s'arranger avec Napoléon. Il s'était glissé sur la civière et avait pris une lampe de poche avant que de se dissimuler sous le drap.

Si ça se savait, ces hosties-là auraient un grief... Un grief de l'Halloween...

Mais Ti-Bert n'est pas un mouchard.

Ce qui fait qu'on s'amuse bien avec lui. Il est toujours disponible pour une bonne farce. On a beau travaillé à l'hôpital, dans l'antichambre de la mort, qu'on peut se détendre un peu. Les gens trop sérieux ne travaillent pas souvent dans les hôpitaux par ailleurs. On envoie pas toujours les soldats au front comme on veut. On prend ce qui reste, Ti-Bert, Mercier, Napoléon... La crème de la nation pour conduire des cadavres à la morgue de l'hôpital. Oui monsieur. Oui madame.

mercredi 26 octobre 2011

Déguisement de l'Halloween

Cela se passait à Québec en 1988.

On s'en va au bar Le Toxique dans le Vieux Québec pour une fiesta quelconque.

C'est l'Halloween. Tout le monde est déguisé sur la rue Saint-Jean.

On arrive au bar et j'apprends qu'il y a un hostie de cover charge.

Je ne suis pas fointé. Je suis préposé de nuit au Centre hospitalier de l'Université Laval. Je suis à l'âge où je bois toutes mes payes.

Aussi je me rends compte avec ravissement que c'est gratuit pour ceux qui portent un déguisement. Je m'en crée un tout de go. Je fouille dans mes poches. Je trouve un gros crayon feutre. J'enlève du ruban gommé sur une affiche collée au mur. Puis je fixe le crayon feutre sur mon crâne nu avec le bout de ruban gommé.

Je me présente à l'entrée.

Le doorman me regarde, l'air perplexe.

-En quoi tu t'es déguisé? qu'il me demande.

-Je suis déguisé en artiste maudit, que je lui réponds.

Il accepte ma réponse avec un sourire un peu niais et me laisse entrer gratuitement en faisant des signes à l'un de ses amis, puis à un autre.

Mon déguisement fait sensation. Il n'a rien d'extravagant. Mais dans ce bar qui en a vu d'autres, plus on a l'air de se crisser de toutte plus on monte dans l'intérêt général.

À force d'épater si naïvement la galerie pour ne pas payer de cover charge, je gagne un prix pour le déguisement le plus insolite.

J'hérite d'un tas de consommations.
Puis le reste, bof! C'était la bohême quoi.

mardi 25 octobre 2011

Feu mon père et son rapport au temps

Mon père se couchait tôt s'il travaillait de jour à la Reynold's, une shop d'aluminium où il était opérateur de chariot roulant.

Et il aimait non seulement se coucher tôt mais aussi se coucher auprès de sa douce. À neuf heures le soir, il lui fallait être au lit. Il se lèverait à cinq heures le lendemain matin pour se préparer mentalement à une autre journée de shop. Une autre journée dans ce sauna d'où s'échappaient des vapeurs d'huile, de bauxite et d'aluminine. Alors vous comprenez qu'à neuf heures, il avait son quota. C'était merci bonsoir je vais me coucher.

Si la visite collait trop longtemps ces jours-là, le père crinquait son cadran devant eux.

Ça mettait ma mère sans connaissance.

-Mautadine! Faire ça devant la visite! Tu m'fais honte!

-Viens t'coucher ma fiancée... Y'est neuf heures... Sont touttes partis... Héhéhé! lui répondait-il avec un petit sourire en coin imprimé sur son visage aux traits faussement durs.

Bien sûr, elle finissait par aller se coucher avec en le traitant de fatigant, mais bon, il réussissait tout de même son coup tout compte fait.

Et il dormait auprès de sa douce jusqu'au petit matin.

Debout très tôt il avait aussi cette faculté d'être étonnamment de bonne humeur le matin. Il se faisait des toasts tout en chantant avec sa grosse voix d'ours.

-Il faut savoir savoir garder, garder toujours sa bonne humeur! qu'il nous chantait si souvent...

Et puis il enfilait L'orange, Comme un million de gens, Mon pays bleu...

Vers six heures, il passait à J'entends frapper.

C'était l'heure de nous lever. Le père voulait voir ses flos grandir avant de partir à 'a shop.

-Six heures et une! qu'il disait. Six heures et une! qu'il répétait.

On le laissait aller. Mais il n'était pas arrêtable.

Sa voix se faisait plus forte. Six heures et deux! SIX HEURES ET TROIS! SIX HEURES ET QUATRE!!!

On finissait par se lever en beau tabarnak mais ça ne lui enlevait pas pour autant son sourire. Il était fier de ses enfants. Ils étaient enfin debout, gros, grands et en santé. Il ne serait plus tout seul à manger ses toasts...

Il pourrait nous chanter une autre chanson pour nous taquiner...

-Le p'tit sous-marin jaune! Le p'tit sous-marin jaune! Huhuhu!

lundi 24 octobre 2011

Comme un grizzli dans une boutique de verroterie

Le zoo de St-Zéphirin regroupait tout un tas d'animaux plus morts que vivants qui mangeaient à peu près toujours la même moulée. Gaspard, le lion, était famélique. Il avait attrapé un cancer. On le gardait parce que ça coûte cher, un lion. Et il avait beau manquer du poil à sa crinière qu'il faisait encore l'affaire pour les enfants. Le zoo de St-Zéphirin ce n'était pas le safari. Personne n'en demandait tant.

Ce qui fait que le babouin, le castor et le rat des champs ne se portaient guère mieux. Ils étaient tous sur le bord d'être relevés de leurs fonctions.

En fait seul Vladimir le grizzli était vraiment superbe dans ce zoo. Il était gros, solide, massif, imposant. Quand il se tenait sur deux pattes, tout le monde reculait de cent mètres, même s'il était dans une fosse. On se reculait instinctivement, par pressentiment d'un grand danger.

C'est vrai que Vladimir n'était là que depuis deux jours. Il avait conservé sa rage de vivre si je puis m'exprimer ainsi. Il se sentait bel et bien emprisonné. De plus, les saumons qu'on lui lançait à heures fixes n'étaient pas très frais.

-De la marde! qu'il s'est dit le lendemain matin. Ce soir je m'enfuie!

Le soir-même Vladimir le grizzli poussa une pierre près de l'endroit le moins profond de la fosse, se donna un grand élan puis franchit son chemin vers la liberté d'un saut massivement superbe.

Vladimir était libre! Il était minuit et aucun humain n'était dans les parages.

Alors Vladimir courut et courut encore de toutes ses pattes velues.

Oumf! Oumf! Oua!

Il était heureux bien que perdu. St-Zéphirin-de-Longval cela ne lui disait rien. Une petite paroisse athée qui se faisait passer pour une zone catholique romaine. Petite paroisse essentiellement constituée de médisance, de flashing et de cruauté envers les animaux.

Vladimir était bien mal tombé! Pourtant, il fallait bien manger. Et s'amuser un peu.

Comme il traversait la rue Principale du village, Vladimir fût attiré par une boutique remplie de bibelots et de verreries étincelantes.

-Oooh! s'est longuement ému le lourdaud en contemplant le merveilleux éclat du verre et autres surbrillance de pacotille de la boutique Chez Rita.

Vladimir, un peu esthète sur les bords, n'allait pas en rester là.

Il défonça la porte d'un coup de patte, rentra dans la boutique et beding, bedang, son gros cul péta tout sur son passage. Il se retourna et zoup! Trois lampes volèrent en éclats. Il revint sur ses pas. Bing! Une bouteille de parfum se fracassa sur le linoléum. Ensuite, ce fût pire encore que toutes les onomatopées qu'il me serait possible d'inventer. Bing! Crac! Boum! Ce que vous voudrez. C'était plus tonitruant qu'un orchestre brésilien en plein carnaval. Un vrai tohu-bohu qui rameuta tout le quartier, puis les pompiers, la police, le maire et les agents de la faune. Les seuls qui furent oubliés sont bien sûr les incompétents du zoo de St-Zéphirin.

Vladimir le grizzli fût évidemment ramené dans sa fosse, où il tua un innocent du nom de Louis Lemire-Cadorette, jobber du zoo, qui voulut lui frotter le museau d'un peu trop près pour faire le frais. Vladimir lui plongea toutes ses griffes dans le bide et lui dévora le gras mou.

Évidemment, on tua Vladimir le grizzli aussitôt. On ne les laisse pas tranquille les pauvres bêtes dans ce patelin hostile et retardé culturellement parlant.

Rita ne fût pas dédommagée par ses assurances pour les dommages commis par Vladimir dans sa boutique puisqu'elle n'avait rien pour la protéger. Elle avait toujours vécu et vivait encore sans filet.

Quoi qu'il en soit, sa marchandise ne valait rien.

C'était du stock que son mari allait chercher dans les poubelles, un peu partout dans les grandes villes. C'est fou comme le monde jette leurs choux gras, n'est-ce pas? La petite Rita et son gros Gérard avait compris ça. Comme ils avaient compris qu'ils pourraient faire beaucoup d'argent avec les images captées par leur caméra de surveillance qui bientôt firent le tour du monde.

Ainsi, Vladimir le grizzli devint célèbre.

Et ce sont les crosseurs de la boutique Chez Rita qui firent fortune.

Vous devriez voir leur boutique maintenant. On se croirait en Égypte en version plus cheap. C'est plein de pharaons de plastique et d'encens pas cher.

vendredi 21 octobre 2011

La Solde: sortie le 26 octobre prochain du nouveau livre de Éric McComber

Éric McComber sort son nouveau livre à Montréal le 26 octobre prochain. Il s'intitule La Solde et c'est publié aux éditions La Mèche. Je n'en sais pas plus pour le moment. Mais je sais que McComber fait partie des meilleures plumes de la littérature québécoise.

Je ne manquerai pas de vous présenter une critique du livre quand je mettrai la main dessus.

McComber nous a habitué à un univers pour le moins expressionniste où le joual côtoie le français standard et tout le saint-frusquin. 

En attendant, je vous laisse sur l'un de mes vieux textes à propos du camarade McComber dont le blog figure aussi sur ma blogoliste.

***

Pour commander un exemplaire de La Solde de Éric McComber: editionslameche@gmail.com

La fin des tyrannies

«Et voilà qu'un de ceux qui étaient avec Jésus, mettant la main à son glaive, le tira et, frappant le serviteur du grand prêtre, lui emporta l'oreille. Alors Jésus lui dit: " Remets ton glaive à sa place; car toux ceux qui prennent le glaive périront par le glaive. Ou penses-tu que je ne puisse pas recourir à mon Père, qui me fournirait sur l'heure plus de douze légions d'anges?»
Évangile selon Matthieu, chapitre 26


Loin de moi l'idée de jouer au bon chrétien, mais cette image de mon enfance toute catholique est assez forte pour me remonter à la surface suite au lynchage de Khadafi. Il a tué par l'épée. Il est mort par l'épée. Victime de son propre système, comme Caligula, Néron, Héliogabale, Robespierre, Saint-Just, Mussolini, Saddam Hussein et autres tyrans. Comme l'officier dans La colonie pénitentiaire de Franz Kafka. Comme Robespierre qui gouverne avec la guillotine et se fait lui-même guillotiner.

Héliogabale a été jeté dans les égoûts par le peuple de Rome. Antonin Artaud a même écrit un texte halluciné à ce sujet.

Ce n'est pas que j'approuve la mort de quelque homme que ce soit. Je tiens au principe d'accorder la vie sauve aux bandits. Mais je comprends que la vindicte puisse avoir raison de la loi, surtout quand celui qui devait l'incarner était lui-même une ordure sur tous les plans.

Ce qui est bon pour Bibi est tout aussi bon pour la Lybie.

Qu'elle puisse respirer enfin un grand bol d'air frais, c'est tout ce que je souhaite aux Lybiens.

Comme je nous souhaite la même chose.

La continuation du printemps arabe en sol américain.

La fin des tyrannies.

Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

La fucking démocratie.

Et la justice pour tous cibouère.

jeudi 20 octobre 2011

Comment changer le monde, hein?

Vous voulez changer le monde?

Devenez polis, affables et accueillants.

Abusez des mercis, s'il-vous-plaît, je vous en prie, au revoir, à la prochaine et portez-vous bien.

Prenez le temps de tenir la porte quand une personne vous suit avec des paquets ou les bras vides.

Aidez les aveugles ainsi que les sourds-muets à traverser la rue.

Donnez de l'argent aux pauvres et pas seulement aux riches.

Il y a plein d'autres trucs qu'on peut faire pour changer le monde mais pas avant d'avoir fait au moins ceux-là.

Évidemment, vous pouvez me demander pour qui je me prends pour vous faire la leçon.

Et je ne trouverai certainement rien à vous répondre.

Je vous chanterai une chanson, tiens. Ça sera toujours ça de pris.

mercredi 19 octobre 2011

Programme de soutien aux gâteaux alternatifs

Les pâtissiers qui font de mauvais gâteaux, durs, secs et dégueulasses pourront désormais obtenir des subsides de l'État. Ils pourront recevoir du financement par le biais d'un nouveau programme du Conseil des arts baptisé Programme de soutien aux gâteaux alternatifs.

On s'est fait accroire que ces artistes-pâtissiers incompris peinaient à vendre leurs produits et ne réussiraient pas à vivre sans le financement de l'État.

C'est bien sûr une bonne cause et nous ne sommes jamais trop généreux quand il s'agit de dépenser l'argent du bon peuple qui a l'insigne privilège de financer l'État.

Évidemment, les bons pâtissiers n'ont pas besoin des fonds publics puisqu'ils vendent déjà leurs produits sur le marché.

Comme ils sont bons et trop brillants, il est normal de leur rabaisser le caquet.

Aussi, tous les premiers prix iront aux mauvais pâtissiers, ceux qui n'ont pas d'autre passion que de faire cuire des gâteaux qui goûtent vraiment la marde. On leur attribuera des bourses, des per diem, des honneurs, des espèces sonnantes, des voyages. Tout ça pour maintenir l'art et les gâteaux au niveau des immondices.

Les autres peuvent bien continuer à faire de beaux gâteaux qu'ils ne recevront pas un sou!

Évidemment, je plaisante. Ou si peu. Je ne sais pas trop...

Merde aux fonctionnaires des arts, Bouvart et Pécuchet crétins! Ils ne peuvent être pris pour Dieu que par des amateurs qui n'aiment rien dans la vie et qui ne font même pas de bons gâteaux.

mardi 18 octobre 2011

Dédale et Icare racontés par Alexis Klimov

Mon professeur de philosophie, feu l'inimitable Alexis Klimov, m'a enseigné à percevoir l'art et comme le grand échappatoire métaphysique.

Souventes fois il nous communiquait sa vision de la quête d'absolu en se référant au tableau La chute d'Icare de Bruegel. Icare s'écrase dans la mer sous l'oeil indifférent des autres personnages apparaissant sur le tableau. Il a voulu toucher au soleil. Et tout le monde s'en fout.

Il nous ramenait bien sûr vers le mythe de Dédale et Icare, raconté dans le livre huit des Métamorphoses d'Ovide. Dédale et son fils Icare sont prisonniers du labyrinthe du roi Minos où ils sont poursuivis par une créature mi-homme mi-taureau surnommée le Minotaure. Comme toutes les issues terrestres semblent bloquées, il leur reste la voie du ciel. Et Dédale, pas fou, se construit des ailes pour lui et son fils, avec des plumes d'oiseaux abandonnées ça et là. Il façonne ses ailes avec de la cire d'abeilles et hop! tous les deux s'envolent.

Dédale avait bien dit à son fils de ne pas s'approcher trop près du soleil. Et Icare, fou de liberté, est malheureusement plus fou que libre. Ses ailes fondent. Il plonge dans la mer sous l'oeil indifférent du laboureur de Bruegel. Ce qui laisse croire que l'histoire se passe au printemps.

C'est tout le sens que doit prendre la métaphysique selon feu le meilleur professeur de philosophie que j'aie rencontré de toute ma vie. Un poète doublé d'un humaniste parfaitement érudit. Probablement trop artiste pour l'institution où il enseignait. Ce qui faisait qu'il voyait juste et sagement.

Évidemment, je ne manquais jamais de lui rappeler que le mieux serait encore de battre le Minotaure en lui faisant bouffer de la cire et des plumes. Mais bon, il voyait bien que je n'étais qu'un plaisantin, qu'un personnage dostoïevskien, qu'un adolescent en voie de rédemption.

lundi 17 octobre 2011

Jack London ou comment un surhomme nietzschéen devient socialiste

Jack London a été l'écrivain le plus lu et sans doute le plus riche de son temps.

Sa jeunesse a quelque chose de rimbaldienne. C'est un aventurier, ce Jack London. Il croit férocement en lui-même et se croit presque le surhomme de Nietzsche. Il est jeune, débordant de volonté, de force et de détermination. On le voit errer sur les mers du Sud, puis au Klondike, dans la toundra glacée.

Rien ne lui semble impossible. Marin un jour, chercheur d'or le lendemain, il va et il vient avec l'assurance de faire fortune, de goûter au grand rêve américain.

Jack London a bientôt deux puis trois emplois. Il suit des cours à l'université de jour, des cours qu'il paie avec son salaire de travailleur de buanderie. Il veut devenir écrivain et se farcit la tête de toutes sortes de lectures pour compléter lui-même sa formation intellectuelle: Darwin, Nietzsche, Spengler... Il possède plusieurs cartes de bibliothèque municipale sous plusieurs noms pour lui permettre d'emprunter un maximum de livres.

Puis c'est la crise. Il perd son emploi et ne trouve rien.

Lui qui est grand, fort, le surhomme nietzschéen, le voilà balayé comme des millions d'autres individus, comme s'il n'était rien, sinon de la limaille de révolution industrielle jetée dans la rue puis sur les routes.

Jack London devient mendiant. Il se joint aux «vagabonds du rail» et s'approche peu à peu du socialisme.

Il comprend que le capitalisme peut réduire les espoirs du plus fort à néant. Il assimile l'idée que le talon de fer des princes de la finance écrase le peuple, dont il fait lui-même partie.

Jack London qui croyait tout réussir par sa seule volonté revient vers la communauté en partageant le sort des victimes du système. Il s'indigne avec eux, monte sur les trains et rejoint l'armée de chômeurs du syndicaliste et socialiste américain Eugène Debs qui marche sur Washington.

Il est emprisonné, comme tant d'autres, pour vagabondage.

Puis commence sa carrière d'écrivain et son adhésion au socialisme.

Bon, je ne dirai pas qu'il a tout vu juste, London. La politique est le domaine des erreurs d'appréciation par excellence.

Cependant, je retiens ceci: l'homme le plus fort du monde, celui qui se croit sûr de réussir son rêve, de posséder son entreprise et de s'asseoir sur de l'or, celui-là peut se faire briser en un tournemain, comme un fétu de paille. Le système n'a rien à foutre de la pitié et des rêves de tout un chacun. Il est conçu pour favoriser 1% de la population au détriment de 99% des humains de cette planète.

Même les forts peuvent être balayés. Et se retrouver parmi les pauvres, les mendiants et les clochards.

Ça change le point de vue.

Ça démontre toute la formidable perte d'énergie de l'idéologie de l'argent.

On produit trop de chaises et elles ne se vendent plus? On les envoie au dépotoir.

On ne vend plus de chaises? On fout tout le monde à la rue.

On ne fait plus assez d'argent? On dépossède tout le monde.

Qu'on ne s'étonne pas ensuite de voir même des plus forts se joindre aux plus faibles.

Puisque ce système, somme toute, est illogique et insensé.

dimanche 16 octobre 2011

Les indignés occupent Wall-Street, Londres, Paris, Rome, Trois-Rivières...

Les indignés occupent Wall-Street, Londres, Paris, Rome, Trois-Rivières...

La noosphère véhicule le même message contre le pouvoir de l'argent.

Obama rappelait aux banquiers de Wall-Street qu'il était le dernier rempart entre eux et les fourches.

Pourquoi défendrait-on les fortunes de l'infime minorité?

Pourquoi 99% de l'humanité devrait payer pour le 1%?

Chez les Autochtones d'avant la Conquête européenne, les chefs étaient pauvres parce qu'ils se dépouillaient de tout pour rendre pleinement service à la communauté. Il prouvait qu'il était au service de la tribu en donnant tout ce qu'il avait.

On a perverti le sens de la communauté. On a perverti la solidarité naturelle entre vrais humains pour privilégier la cupidité de quelques-uns.

Pourtant, la démocratie réelle pointe le nez, partout dans le monde, depuis le printemps arabe.

Les Tunisiens ont ouvert le bal.

C'est à notre tour de danser.

À notre tour de refuser que tout revienne à l'infime minorité.

À notre tour de ne pas soutenir un système où un homme peut empiler cent millions de dollars pour s'asseoir dessus en regardant arrogamment ceux qui ont faim et soif.

Nous sommes les gardiens de ce monde et non pas les propriétaires.

Toutes les richesses, l'eau, l'essence, les sandwiches aux oeufs et l'argent appartiennent en définitive au peuple.

Tout riche est locataire des richesses mises à sa disposition par le travail du peuple.

Pourquoi devrait-on vivre des vies de misère et plier la tête quand nous formons la majorité?

Solidarité avec tous les indignés du monde. 

Bravo aux indignés de Trois-Rivières!

Power to the people!

vendredi 14 octobre 2011

Le mal imaginaire de Langevin

Réfléchir avant d'écrire c'est comme regarder sa guitare sans la gratter. On finit par avoir l'envie de passer à autre chose. Nous ne sommes pas sur terre pour se casser la tête. On se casse suffisamment le cul comme ça. Alors aussi bien y aller toujours à la bonne franquette, à la va comme je te pousse, pour ne pas laisser la littérature se donner de grands airs nuls à chier.

Voilà pourquoi je vais vous raconter une connerie.

Si vous racontais un truc réfléchi, médité et ayant un quelconque but, sûr que ma prose finirait par sentir le poisson pas frais. Ce qui sentirait vraiment mauvais puisque ma prose à l'état brut contient déjà un fort lot d'expressions truculentes qui ne font pas toujours très propre. Cela dit qu'est-ce qu'il y a de plus fascinant qu'une belle langue vernaculaire, hein? Rien, les amis. Rien.

On ne se cassera pas le cul ce matin, chers lecteurs et lectrices, oh que non.

Et ma connerie?

Elle s'en vient. La voici.

Ça se passe dans un quartier populaire d'une ville tout à fait quelconque située dans la vallée du grand fleuve Magtogoek.

Il y a un genre de guérisseur qui s'est placé une pancarte de rippe pressée devant chez-lui. Ça jure un peu. C'est écrit en bleu sur fond mauve et gris. L'écriture est relâchée et l'orthographe aléatoire.

Le guérisseur, un petit frisé dans la quarantaine qui a l'air de revenir d'un trip de poudre, a cloué sa pancarte de rippe pressée contre le pilier du contretoit. Ça flashe.

GUÉRISON DE L'ARTRITE, DES RUMATISSES ET AUTRE MALADIE. 20 AN DE GUÉRISON. GUÉRRI AUSSI CANCER ET MAUS DE DO.

Devant la pancarte de rippe pressée, il y a une église qui doit bientôt être démolie. C'est une vieille église de briques aux murs croches.

On a beau démolir le cheval qu'il revient au galop, si je puis m'enfarger ainsi.

La foi sera démolie mais les miracles subsistent juste en face.

Et c'est ce gars-là qui s'en occupe sans trop mentionner les prix.

Dernièrement, Gérard Langevin passait par là avec son chum Réal Blanchette.

Les deux étaient encore saouls, bien entendu, et ce n'était que la fin de l'après-midi.

Langevin, un soudeur «soudure la semaine, saoul mort la fin de semaine», ne manquait jamais l'occasion de faire une farce.

Il donna un coup de coude à Blanchette pour lui signaler sa prochaine représentation.

Langevin va cogner chez le guérisseur. Toctoctoc.

Le guérisseur sort, avec sa tronche de crosseur.

-Oui? qu'il dit d'un ton faussement humble.

-Salut! lui répond Langevin, pince sans rire.

-Salut...

-J'ai mal au pénis. Toucherais-tu mon pénis pour cinq piastres?

Blanchette éclate de rire, évidemment. Le guérisseur se sent vexé, comprenant tout de suite qu'il a affaire à des plaisantins.

-C'est parce que j'ai vraiment mal au pénis... Mais j'ai juste cinq piastres...

-C'est pas comme ça que ça marche... réplique le guérisseur.

-Ah oui? Et comment qu'ça marche d'abord? Moé j'te dis qu'j'ai mal au pénis!

Bon, le guérisseur referme la porte derrière lui. Langevin et Blanchette continuent leur chemin jusqu'au dépanneur pour aller s'acheter de la bière. Comme s'ils n'étaient pas assez saouls.

Ça s'est passé dernièrement.

Quand? Je ne sais pas trop. Je ne retiens pas tout.

J'écris sans réfléchir.

jeudi 13 octobre 2011

James Diamond, tallyman du lot de trappe R-23

James Diamond est un Cri, c'est-à-dire un Iyéyou, un «vrai humain».

C'est un bonhomme sympathique, toujours souriant. James vit comme si rien ne lui appartenait. Tout ce que l'on a peut-être perdu, volé ou repris, alors pourquoi s'en faire, hein? L'important c'est de se débrouiller. C'est-à-dire de trapper, chasser et pêcher.

On lui donnerait cinquante ans, James, mais il doit bien avoir quatre-vingts ans le petit père.

Il est encore tallyman du lot de trappe R-23, au Nord de Chisasibi, et chaque automne il part encore pour trois mois, tout fin seul, pour faire l'inventaire de sa «trapline». Il ne fait pas que chasser. Il compte aussi ses castors, ses caribous, ses orignaux, ses marmotes, ses outardes, ses dorés, ses esturgeons... James dresse l'inventaire de ses ressources comme d'autres font le ménage dans leur garde-manger. C'est son devoir, sa responsabilité d'Iyéyou depuis toujours: être le gardien des ressources, le protecteur des esprits de la forêt.

James prend un peu plus que ce qu'il a besoin pour manger. Les jeunes chassent moins de nos jours: une semaine en avril, une semaine en automne et encore... Aussi, quelqu'un doit bien penser à les nourrir.

James leur ramène donc toujours quelques bons morceaux lorsqu'il quitte son mitogan à l'approche du solstice d'hiver.

Il a toujours son bon vieux cibi dans son mitogan qui lui permet de demeurer en contact avec ses chums, Raymond, Gerald et George ainsi qu'avec Sarah, sa fille. Cependant James n'est pas un parleux. Il aime les sons de la forêt. Et Johnny Cash. Oui. Il écoute parfois Johnny Cash.

Et il marche, marche et marche. Pas de quatre roues, ni de deux roues. Seulement ses dieux vieilles pattes, comme son père, le père de son père et tous les autres depuis des temps immémoriaux.

Il triche un peu en utilisant le chopper de la réserve. James se fait dropper lui et son stock sur son campement principal. Il mange dans de la vaisselle propre et boit dans une tasse aux couleurs des Canadiens de Montréal.

Pour le reste, James est le tallyman. Le grand gardien des lieux. Iyéyou aux yeux du Grand Esprit. Protecteur des âmes de son lot de trappe R-23 qui s'animent sous les aurores boréales.

Wachiya, James... Wachiya...

mercredi 12 octobre 2011

Mon Jésus à moi

Lénine avait les yeux de plus en plus bridés sur les portraits officiels au fur et à mesure que l'on s'enfonçait dans les républiques orientales de l'ancienne URSS. Lénine avait une tête de vendeur d'assurances à Moscou et une face de mandarin à l'autre bout de la prison. Chacun avait son petit Lénine à lui.

C'est presque la même chose pour Jésus. Plus on s'approche d'une banque ou bien d'un temple au clocher argenté, plus le vagabond de la chrétienté se fait représenter dans l'or, les paillettes et les diamants, summum de la spiritualité pour toute personne qui touche son trente pourcent de commission.

Je m'en voudrais de faire la leçon aux zélotes d'une foi que je ne pratique plus depuis fort longtemps. Je n'ai pas la légitimité d'un Léon Bloy pour me lancer en imprécations contre les pharisiens modernes.

Pourtant, je me permets quelques petits mots, ne serait-ce qu'en tant qu'ancien servant de messe de la paroisse Notre-Dame-des-Sept-Allégresses.

Mon Jésus à moi pourrait avoir les yeux bridés. Il n'est certainement pas assis sur une montagne d'or. C'est un rabbin qui pratique la religion juive avec quelques innovations ici et là. Comme il est rabbin et qu'on doit nécessairement être père de famille pour porter ce titre chez les juifs, mon Jésus à moi est un papa, il a des frères et des soeurs, et il ne ressemble en rien à l'image que nous en a fait un Franco Zeffirelli.

La seule description physique qui nous soit parvenue de Jésus provient d'un pamphlet écrit par Celse d'Alexandrie. Ce pamphlet intitulé Contre les chrétiens nous est parvenu par la voie d'un long et ennuyeux commentaire produit par un fanatique chrétien qui s'appelait Origène.

Dans son pamphlet, Celse discute avec les chrétiens en leur disant qu'il préfère de loin la philosophie à leur religion qui lui apparaît comme un produit édulcoré de la sagesse.

Il préfère Socrate à Jésus... même si Jésus ressemblait à Socrate, un petit gros au visage disgracieux.

Donc, Jésus aurait ressemblé à Socrate. Les chrétiens se seraient servis de cette publicité aux premiers temps de la chrétienté pour leur prosélytisme.

Il y a d'ailleurs plusieurs traits socratiques dans les évangiles.

Le repas pascal de Jésus et le banquet de Socrate se ressemblent.

Socrate boit la coupe de ciguë que ses bourreaux lui tendent alors qu'il pourrait facilement s'échapper.

Jésus boit le calice et se laisse attraper au Jardin des oliviers alors qu'il pouvait s'enfuir.

Les deux deviennent des martyrs. L'un pour la philosophie. Et l'autre pour une nouvelle religion représentée par le symbole de l'infini dont on aurait coupé la queue, c'est-à-dire un poisson.

Mon Jésus à moi est mort pauvre, sale, petit, gros et laid sur la croix.

Ça le rend plus humain. Plus socratique.

Ça rend plus exaspérant ces représentations de Jésus en or, diamants et gling-gling de punaises de sacristie.

Évidemment, je ne suis pas croyant.

Mon opinion ne vaut rien.

Je ne suis qu'un animiste autochtone qui croit que tout est habité par une âme: les animaux, les arbres, les eaux, le ciel, Jésus, alouette.

Je n'ai rien contre Jésus. Il me semble un type chouette.

J'en ai contre les religions, toutes quelles qu'elles soient.

Ramassis de braillage, d'hypocrisie, de cupidité et de mensonge.

J'en ai aussi contre tous les partis politiques pour les mêmes raisons.

La plupart du temps, je ferme ma gueule. Je laisse les gens vivre avec l'idée qu'ils se font de Lénine, Jésus ou Père Noël.

mardi 11 octobre 2011

L'infréquentabilité de Flaveur Picotin-Mawawa

Décrire une expérience positive c'est aussi risquer de s'enfoncer dans la mièvrerie. Cela prend bien plus de talent pour raconter quelque chose de vrai, beau et bon, surtout quand tout est faux, laid et mauvais autour de soi. On ne peut tout de même pas décrire ce que l'on ne perçoit pas. Il y a des limites à l'invention. D'où le risque de s'enfoncer dans la mièvrerie.

La plupart des gens qui se disent «positifs» ont tous des airs de faux-culs. Les gens qui ne se donnent pas d'épithètes pour se décrire sont de meilleures fréquentations.

Évidemment, Flaveur Picotin-Mawawa était infréquentable. C'était un petit monsieur tiré à quatre épingles qui portait toujours de vieux running shoes défraichies. Il était d'origine inconnue, peut-être finnoise. Flaveur avait été adopté par un couple qui contrastait avec son teint blême de peut-être Finnois. Sa mère adoptive, Flavie Picotin était Martiniquaise. Et Flaveur Mawawa, son père adoptif, était du Gabon. Mais ce n'est pas pour cette raison qu'il était infréquentable. Mais personne n'avait jamais vu ses parents. Alors tout le monde se forgeait une opinion à partir de ce qu'il connaissait de Flaveur Picotin-Mawawa.

Et ce qu'on connaissait de ce petit dandy peut-être Finnois c'est qu'il emmerdait tout le monde avec ses proverbes et autres slogans tirés de ses thérapies à la con.

-La lumière luit toujours au bout du tunnel, qu'il disait. Après la pluie le beau temps. Un jour ce sera ton tour. Ça va venir, mais découragez-vous pas... Ce qui devait arriver arriva pour que tu grandisses à travers tes épreuves. Mets un foulard. Mouche-toi le nez. Mange des légumes.

Et il parlait comme ça pendant des heures et des heures. Il en était époustouflant. On lui aurait lancé des bouteilles si cela n'avait pas été aussi violent et dangereux.

Ce qui fait qu'on le laissait parler et parler encore, ce Flaveur Picotin-Mawawa. Parler jusqu'à ce que le cérumen nous fonde dans les oreilles.

-T'es un champion. Tu dois te dire à toi-même «je suis un champion» pour ton estime de toi... L'estime de soi, y'a que ça de vrai. Vas-y. T'es capable. Tu peux y arriver. Tout parcours est semé d'embûches mais au bout tu dois savoir te dire «je m'aime»...

Sacré Flaveur  Picotin-Mawawa! On veut seulement qu'il se la ferme un peu. Nous sommes déjà une centaine dans la salle d'attente, à l'urgence, et on a tous mal en quelque part suffisamment pour subir son discours comme une torture supplémentaire.

Lui, il est là pour un ongle incarné. Il dit que cette expérience lui aura appris à mieux apprécier ses ongles et autres mousses de nombrils.

On voudrait seulement écouter Musique Plus en paix. Et lui, il parle, parle, parle...

Il est vraiment infréquentable.

Il a beau se faire passer pour le gars le plus positif du monde, on voudrait seulement qu'il se la ferme un peu pour oublier le mal physique, bien trop réel pour trouver une consolation dans sa philosophie à cinq sous.

On ne guérit pas une appendicite avec le manuel «Sourions en choeur!» sacrament!

Et Flaveur Picotin-Mawawa ne fait que ça, lire ce foutu manuel. Et en réciter les passages les plus insignifiants à toute personne qui ne lui demande pas d'être emmerdé par sa sagesse.

vendredi 7 octobre 2011

Freuuuuu, Meuuuuuu, Broooo...

C'était au temps des premières gelées au sol.

Les feuillus étaient coiffés de jaune, de rouge et d'orangé. Leur feuillage frémissait sous le vent froid comme s'ils communiquaient entre eux. On entendait presque des mots: brrrrooooo, bruuuuuuuu, frrreeeeee...

Et le ciel était bleu comme de raison. Bleu comme on en voit qu'aux abords des rivières Mattawin et Tapiskwan Sipi. Avec de gros nuages cotonnés qui ne sont là qu'à l'arrivée de l'automne.

Le canot fendait les eaux du Lac Caribou en deux parties asymétriques.

Il faisait assez froid pour ramer avec des gants.

On entendait le vol des outardes qui s'en allait faire escale aux abords du fleuve Magtogoek avant que de repartir au Sud.

Il n'y avait ni mouches ni moustiques dans les bois comme sur les eaux.

Pas de bruits d'auto.

Ni radio ni télé pour hurler des stupidités.

Rien que la béatitude.

Et l'idée de prendre un bon café sur une plage désertée de la Baie des Onze-Îles.

Le vent dans les feuilles semblait former des mots.

Freuuuuu, Meuuuuuu, Broooo....

jeudi 6 octobre 2011

Chicoine voyage plus vite que la lumière sans utiliser la propulsion par neutrinos

Les neutrinos voyageraient plus vite que la lumière selon les observations faites dans l'accélérateur de particules qui relie la Suisse à l'Italie.

Bon, ça semble du chinois tout ça. Pourtant il doit bien y avoir une application pratique.

C'est du moins ce qu'en pense Rémi Chicoine, installateur de calorifères de son métier et «ingénieur quantique» dans ses temps libres, titre auquel Chicoine tient le plus.

Chicoine c'est le gars que vous voyez tous les jours. Je veux dire qu'extérieurement il se fond totalement dans la masse: cinq pieds dix pouces, ni trop gros ni trop maigre, avec une calotte de baseball sur la tête et arborant un tee-shirt à la mode du jour, du genre «J'aime mieux ta soeur» ou bien «Je m'en câlice!».

Il ne fume pas et même s'il fumait qu'est-ce qu'on en aurait bien à foutre, hein?

Non, Chicoine ne fume pas mais il n'en déborde pas moins d'idées fumantes.

Dont celle de voyager plus vite que la lumière, pour défier le temps et l'espace.

Alors il se bricole ce quelque chose propulsé non pas par des neutrinos, mais par des nihilos, des particules encore plus indiscernables que les neutrinos. C'est Chicoine lui-même qui les a découvertes, les nihilos, en s'amusant avec les chiffres au recto d'un bulletin communautaire à propos de tel organisme qui organise un bingo de l'emploi.

Au bout de tout ce tricotage de données, zipzap, Chicoine t'invente en moins de deux ce quelque chose propulsé par des nihilos. Il surnomme sa machine Betty. Il donne du manger mou pour une semaine à ses chats. Puis zzzzzwaaaaaaaawwww! Chicoine voyage dans le temps et l'espace.

Il se promène ici et là dans toute la Voie Lactée puis dans tout l'univers.

Sa Chicoine-mobile traverse ensuite toutes les galaxies du monde jusqu'alors connu. Comme il s'est emmené des fruits secs, des noix et de l'eau en abondance, Chicoine se permet même d'aller encore plus loin.

Le voilà de l'autre côté des trous noirs. Dans un monde inconnu. Tout s'y vit à l'envers du nôtre. On commence en mourant et l'on finit en naissant dans ce monde. Alors Chicoine sort par un autre trou noir. Et zap! Le voilà dans un monde où tout est fuschia. Un autre trou noir et il y a plein de chats qui flottent dans les airs, des chats qui remplacent les étoiles et les galaxies. Au bout de milliards de mondes inconnus, tous aussi bizarres les uns que les autres, Chicoine revient dans son bon vieux monde. Ses vacances s'achèvent et c'est la saison de l'installation de calorifères qui reprend.

Donc, Chicoine revient trois secondes après son départ, puisqu'il s'est joué des règles du temps et de l'espace.

Il va se chercher une tranche de fromage dans le frigo.

Puis il médite un peu sur tout ce qu'il a vu.

Puis il se dit que pour plusieurs mondes qu'il a visités, nous sommes comme un type qui se regarderait entre deux miroirs. L'image semble se perdre à l'infini. L'image d'un gus qui se regarde dans le miroir et qui se demande si ce gus qu'il voit peut y comprendre quelque chose, tellement tout est confus, tohu-bohu et bizarreries cosmiques sans nom.

Aussi bien manger sa tranche de fromage se dit Chicoine en lui-même. Et vivre tout simplement sa vie, sans se soucier davantage de visiter ces mondes inconnus, autres endroits remplis d'ennui et de platitudes.

mercredi 5 octobre 2011

Pétition contre la collusion et la corruption...

Tiens, il y a une nouvelle pétition en faveur d'une commission d'enquête publique sur la collusion et la corruption dans l'industrie de la construction et le financement des partis politiques. Évidemment, je l'ai signée ici.

S'il faut descendre dans la rue, n'oublions pas d'inviter notre bon maire à participer à la manif.

mardi 4 octobre 2011

L'histoire beaucoup trop plate de Gros-Dan Courteau

Il n'est jamais facile de marcher à cloche-pied sur le bord d'un muret, surtout quand on fait de l'embonpoint.

Rien d'étonnant à ce qu'un gros gras pique une plonge tête la première sur le trottoir s'il s'y adonne. La marche à cloche-pied sur le bord d'un muret ne pardonne pas.

-Ayoye viârge d'étol de craille! Ayoye maudit! cria le gros gras en question après s'être abandonné à la loi de la gravité.

Il en avait de ces idées de fou, Dan Courteau, gros gras de constitution, court de hauteur, et surnommé Gros-Dan Courteau par ses amis aussi bien que par ses ennemis.

Gros-Dan Courteau était lunatique depuis toujours. Il cherchait le truc pour casser la routine, à chaque heure, sinon chaque seconde. Bien que gros gras, il ne tenait pas en place. Quand il ne s'essayait pas à marcher à cloche-pied sur le bord d'un muret, c'est qu'il se cassait la margoulette ailleurs. Il n'aurait pas été stupéfiant de le voir faire quelque connerie du même ordre. Comme de traverser une autoroute en gambadant. Ou bien de participer à un concours de mangeur d'oeufs à la coque mariné dans le vinaigre.

Gros-Dan Courteau ne changeait pas malgré ses quarante-cinq années de niaiseries. C'était toujours le même gros gras hyperactif.

Il était de tous les sports, Gros-Dan. Il était membre du club de balle, du club de curling, du club de bowling, du club de dards, du club de hockey cosom, alouette!

Sa femme était pire que lui mais on ne la voyait jamais marcher à cloche-pied sur le bord d'un muret. Le truc de la femme de Gros-Dan c'était les produits de beauté et les petits pots de plastique pour la conservation des aliments de son Gros-Dan.

On ne connaissait pas ses parents ni ses grands-parents. C'est vrai que Gros-Dan n'en parlait jamais.

Un jour, Gros-Dan avait soif plus que de coutume.

Il avait mangé des chips et le goût de salé l'avait asséché buccalement parlant.

-J'boérais ben d'l'eau! qu'il a dit, sans même sourciller.

Et hop! Trois secondes n'étaient pas achevées que Gros-Dan Courteau buvait de l'eau.

Cette histoire ne mènerait à rien d'intéressant si je ne vous racontais pas la suite.

Et c'est justement ce que je vais faire: ne pas vous raconter la suite.

Eh oui! C'était l'histoire beaucoup trop plate de Gros-Dan Courteau.

Je n'ai rien trouvé de mieux à vous raconter.

Ce n'est pas toujours aux mêmes à se forcer pour faire la conversation...

lundi 3 octobre 2011

La légende de Poncho Villa

On l'avait surnommée Poncho Villa , et non Pancho, parce que l'emphase était mise sur l'affreux poncho qu'elle portait tout le temps en cet automne trop frisquet pour se vêtir à la mexicaine.

Poncho Villa était très grosse et ne faisait plus rien dans la vie depuis que son mari avait fait fortune. Une fortune que cette sexuagénaire dépensait en excentricités, dont ce poncho tissé de fils d'or et de lin qui lui avait coûté un bras. Ce qui fait qu'elle l'exhibait par-dessus sa lingerie en or, ses bracelets en or, sa sacoche en or.

Poncho Villa avait trouvé l'El Dorado, voyez-vous.

Son linge doré était bien trop serré pour ses bourrelets.

Ce qui fait qu'elle avait l'air un peu crispé sous ses dorures, Poncho Villa. Comme si ça la coinçait dans ses mouvements.

Heureusement que son poncho était large et laissait passer le vent parce que Poncho Villa étouffait littéralement sous ses vêtements cousus de fils d'or.

Poncho Villa avait un regard crispé par toutes sortes de botoxeries qu'elle se faisait shooter à prix d'or chez le charlatan du coin.

Et puis quand elle marchait, elle levait un peu le nez, comme ça, un trait propre aux bourgeoises, mais aussi aux bonnes femmes comme Poncho Villa.

Personne n'aimait Poncho Villa. On la trouvait radine, mesquine, pas fine et fly bean. Rien pour plaire. Et c'est ce qui lui valait le surnom de Poncho Villa, comme si toutes les serveuses, caissières et salariés en tous genres s'étaient ligués contre elle afin de résister à ses airs de fière-pet.

Mais Poncho Villa, aussi connue sous le nom de Maude Garand, n'était pas si pire qu'on ne le croyait.

Elle était malcommode parce que le botox lui causait d'affreuses douleurs.

Sans compter son linge trop serré et tout le reste.

Et puis son mari, Ti-Beurte Fréchette, était toujours parti avec ses chums aux danseuses.

Ça mettait Poncho Villa en tabarnak, bien entendu.

Et sous ce poncho battait tout de même un petit coeur de femme.

Ce qui ne manquait pas d'échapper aux gens qui devaient servir Poncho Villa, à la boutique ou bien au restaurant. On ne retenait que le pire de Poncho Villa.

Son poncho n'était pas de saison mais ce n'était pas une raison pour se moquer d'elle.

Pourtant toute la ville colportait sa légende, la légende de Poncho Villa...

samedi 1 octobre 2011

Sacré Ti-Carl de sacré Ti-Carl, hein?

Charles alias Ti-Carl était devineux comme d'autres sont forts avec les statistiques du hockey.

Ti-Carl devinait absolument tout avec une justesse qui ne manquait pas de surprendre tout un chacun qu'il croisait au hasard de sa vie.

Il n'était pas un devin, un titre trop pompeux pour son milieu qui n'aime pas ceux qui s'en font accroire.

Non, Ti-Carl était plutôt un devineux. Un devineux de cinq pieds huit pouces deux cents livres qui portait une calotte des Bruins de Boston pour camoufler sa calvitie de retraité.

-I' va-tu faire beau demain? qu'on lui demandait.

-Non, i' va y avoir une tornade, qu'il répondait sur un ton assuré.

Le Journal de Montréal disait le contraire et pourtant Ti-Carl n'en démordait pas: il y aurait une tornade.

Et le lendemain, évidemment, alors que le Journal avait annoncé du beau temps, voilà que la tornade s'abattait sur la ville et faisait pour des milles et des milliers de dollars de dommages.

Ti-Carl ne jouait pas plus à «ça» le lendemain. Il faisait comme s'il n'avait rien deviné.

Parmi tout ce qu'il avait deviné, il y avait bien entendu les attentats du World Trade Centre.

-Des avions vont rentrer dans des tours pis il va y avouère des interruptions de programme à la tévé pour en parler...

Le lendemain, le 11 septembre 2001, paf! Les programmes de tévé sont interrompus pour diffuser la nouvelle devinée par Ti-Carl la veille.

En plus d'être un devineux, Ti-Carl avait plein d'autres pouvoirs.

Entre autres, il pouvait flotter dans les airs à deux pieds du trottoir.

Ti-Carl marchait, marchait, puis il se mettait comme à marcher dans les airs, vrai comme je suis là, à deux pieds du trottoir.

Ti-Carl n'en faisait pas de cas. Nous non plus d'ailleurs. On avait tous fini par s'habituer dans le quartier.

Sauf qu'il fallait se briser le cou pour lui parler quand il prenait sa marche volante.

C'était bien plus facile de lui parler au casse-croûte ou bien chez le boucher. En fait, Ti-Carl s'abstenait de léviter dans les lieux publics parce que les plafonds y sont souvent poussiéreux.

Qui nettoie ses plafonds de nos jours, hein? Le monde laisse tout aller à vau-l'eau.

«Go with the flow» qu'ils disent, les jeunes, comme si nous n'étions pas au Québec, berceau de la belle langue françoise.

Pour ce qui est de l'anglais, Ti-Carl n'en connaissait pas un traître mot.

-J'ai déjà essayé, qu'il disait, mais j'me su's mordu la langue... J'ai jamais ressayé!

Sacré Ti-Carl! Devineux, capable de marcher sans toucher au sol et doué du don d'arrêter le sang.

Il pelte aussi les entrées de cour pour pas cher l'hiver.

Dix piastres et tout est déneigé à la main, sans souffleuse, avec pelle, balai et amour.

Sacré Ti-Carl de sacré Ti-Carl, hein?