mardi 3 janvier 2012

Roméo Malemmanché criait «Vasistas!»

-Vasistas! qu'il criait sans savoir ce que ça voulait dire.

Même moi, cela ne me tente pas de chercher. Et ce gars-là qui criait vasistas à tous vents n'a presque rien à voir avec le sujet de notre étude, chers lecteurs et lectrices. Je ne peux faire autrement que d'entamer l'année avec un conte, aussi décontenançant soit-il.

-Vasistas!

Eh oui, vasistas, c'est bien ce qu'il criait Roméo Malemmanché, le voisin de Berthe Petitkwé, l'héroïne de ce conte qui tarde à débuter.

Roméo Malemmanché, il faut le dire tout de suite, est le genre de gars qui ne se mêlait pas de ses affaires. Il s'emmêlait dans celle des autres. Et il racontait tout ce qu'il voyait, tout. Ce qui fait qu'il était une source d'inspiration occulte pour les écrivains en panne d'inspiration.

Roméo n'écoutait que des cassettes. Toujours les mêmes. Et non, il n'était pas chauve. Il était même plutôt poilu. D'où son surnom, Babouin. Ces prénom et patronyme étaient plus drôles. Roméo Malemmanché ça fessait plus que Babouin. Ce qui fait que tout le monde l'appellait Roméo Malemmanché, un gars dans la soixantaine, poilu comme un singe, en effet.

Comme il ne se lavait pas souvent, on voyait toujours les restes des repas de sa semaine sur la pelure de son poitrail pas très musclé. C'est qu'il était maigre comme un cure-dent, Roméo. Il n'y avait de la place que pour le poil, et encore. Évidemment, Roméo Malemmanché mangeait des croustilles Sans-nom parce qu'elles étaient beaucoup moins chères. Et il n'écoutait que toujours les mêmes cassettes, bien sûr, comme cette compilation de CCR ou bien Paul Piché.

-Vasistas! savez-vous ce qui est arrivé à Berthe Petitkwé? qu'il vint nous dire à moi et à un autre l'autre jour que je ne me souviens même plus. (Était-ce mardi?)

Nous ne savions pas ce qui lui était arrivé. En fait nous ne savions même pas qui c'était cette madame, sinon qu'elle était Autochtone, probablement de langue algique.

-Elle est tombée en bas de l'escalier, poursuivit Roméo Malemmanché.

-Et après? qu'on lui demanda, pour que cette histoire aboutisse à quelque chose.

-Vasistas! Elle s'est relevée tout de suite pis elle a continué de pelleter comme si rien n'était arrivé! J'ai mon hostie d'voyage. Est faite forte la mère! Arf! Arf! Arf! ricana Roméo en dégageant ces poils de sourcils épais qui camouflaient ses yeux et l'empêchait de nous communiquer ce clin d'oeil.

-C'est tout?

-Vasistas! Oui! Je ne la connais même pas. Elle doit être dans la soixantaine, Berthe Petitkwé, parce qu'on la voit toujours au supermarché le vendredi des chèques de pension. Est pas grande. Elle rit tout le temps même quand i' mouille. Arf! Arf!

Nous laissâmes Roméo Malemmanché, ce babouin, à d'autres divagations.

Soudainement, au détour d'une rue, nous tombâmes sur Berthe Petitkwé.

Elle ne souriait pas du tout. Elle était même en colère et brandissait son poing en l'air.

-Ne croyez pas tout ce que dit Roméo Malemmanché! Son jour viendra!

Elle avait les yeux hallucinés. Comme si elle était en transe. Puis elle disparut. Si! Si! Elle disparut. Pff! Comme par enchantement. Une vision. Un spectre astral. Oua! On se demandait ce qu'on avait bu.

On oublia tout ça. L'autre aussi.

Comme je revenais à la maison, voilà que je croise Roméo Malemmanché. Je lui explique notre vision, Berthe Petitkwé qui nous dit qu'il est un menteur et que son jour viendra.

-Vasistas! De quoi tu parles? Qui ça Berthe Petitkwé? Connais pas. Jamais entendu ce nom-là... Vasistas! qu'est-cé qu'vous avez pris?

Nous sûmes plus tard que Roméo Malemmanché n'existait pas plus que l'autre, Berthe Petitkwé ou bien le Père Noël.

J'ai l'air du gars qui s'est mêlé dans ses notes, c'est certain.

Pourtant, le soir, quand c'est la pleine lune et même quand ça ne l'est pas, eh bien on entend une voix, un souffle, une mauvaise haleine qui ne trompe pas.

-Vasistasssss! Vasistasssssssssss!

Alors on sait, oui on sait que Roméo Malemmanché est cette créature de l'ombre qui se manifeste aux vivants. tout comme Berthe Petitkwé. Des fantômes, oui. Ce sont des fantômes. Et je ne dis même pas ça pour vous faire peur. Parce qu'il n'y a pas à les craindre. Ils sont gentils. Enfin presque gentils. Mais surtout surnaturels. Oui. Surnaturels.

Vasistas.

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