mardi 18 avril 2017

Un torchon flotte au vent

Il est 1h55. Une photographie
que j'ai prise à 6h39 ce matin...
Une panne d'électricité au
centre-ville de Trois-Rivières.
Mes propos vous sembleront décousus ce matin. Peut-être l'ont-ils toujours été ainsi. Je suis sans doute le plus mauvais juge de ce que je fais.

C'est vrai que la journée a débuté étrangement. Du moins jusqu'à ce que je ne sorte le nez dehors. Pour ceux qui ne le savent pas encore, j'habite à une quarantaine de pas de la cathédrale de Trois-Rivières. Je ne porte pas de montres et n'ai pas toujours les deux yeux rivés sur un écran. Pourquoi le ferais-je? J'ai l'horloge de la cathédrale.

Or, ce matin, vers 6h39, l'horloge indiquait qu'il était I heure XI. Ce qui, convertit en bons vieux chiffres arabes que l'on aime tant, donne quelque chose comme 1h55.

L'église est-elle en avance ou en retard? Je me le demande.

Je poursuis ma promenade. Il n'y a pas de feux de circulation au centre-ville, au coin des rues des Forges et Royale. Les lampadaires sont éteints. On ne voit que la faible lueur des lumières d'urgence. Il y a donc une panne d'électricité au centre-ville. Et je fais le lien avec ce que ma blonde m'a dit ce matin en commentant les nouvelles.

-Y'a pas d'électricité au centre-ville ce matin... qu'elle me dit.

Ça me revient. Du coup, je déduis que l'horloge de la cathédrale s'est arrêtée parce qu'elle fonctionne à l'électricité.

L'autre hypothèse tout de même envisageable est que l'horloge mécanique se soit mystérieusement déréglée en même temps qu'il y avait la panne électrique.

Je conçois plusieurs autres hypothèses.

Vous comprenez qu'il y en a trop sous mon chapeau. Il ne me suffit que d'un rien pour en faire toute une histoire. L'emploi que je puis faire de la littérature m'apparaît alors sous un angle thérapeutique...

***

J'ai poursuivi mon chemin en me vidangeant l'imagination avec toutes sortes de scénarios: un texte pour mon blog, une bédé à trois cases, un air d'harmonica, un toit à peindre de couleur matin argenté sur ma grande toile en chantier qui montre la rue des Ursulines, l'été.

Puis je me suis arrêté derrière l'ancien presbytère de la paroisse St-Philippe. On a rasé l'église il y a deux ans. Plus personne n'y allait et elle ne tenait plus sur ses fondations. C'est maintenant un terrain vague où il pourrait pousser des fraises des champs s'il ne se trouvait pas des fonctionnaires pour y arracher les mauvaises herbes.

Le presbytère logeait probablement mieux les prêtres que l'église n'abritait les fidèles. Il tient encore debout, contrairement à l'église qui fut démolie. J'y vois une autre thèse à développer.

Un hangar dans le quartier St-Philippe à Trois-Rivières
Juste devant ce derrière de presbytère, il y a  un hangar que je me suis surpris à photographier. Ne me demandez pas pourquoi. Je ne saurais quoi vous répondre.

J'y vois un des décors typiques de mon enfance. Un décor qui a survécu à l'épreuve du temps. Un décor qui nous disait "Allez jouer ailleurs bande de maudits tannants!".

Voilà que je replongeais dans mes souvenirs tout en marchant dans le quartier St-Philippe. J'ai tourné sur la rue St-Olivier puis suis tombé sur le Parc Victoria. Je me demande s'il n'a pas été renommé le Parc des Patriotes. C'est qu'il y a maintenant un drapeau vert, blanc et rouge ainsi que des panneaux d'interprétation historique relatant la dimension qu'a prise la rébellion des Patriotes à Trois-Rivières.

Il y a aussi un fleurdelisé à l'autre bout du parc. Vous savez bien que je me fous des histoires de drapeaux. On vit pour manger, boire, dormir et possiblement baiser. On ne vit pas que pour un logo de compagnie. Je sais bien qu'il y en a qui ne vivent que pour ça. Mais enfin, bon, nous ne sommes pas tous des esprits aussi complexes.

Un torchon flotte au vent dans le Parc Victoria,
alias le Parc des Patriotes,
alias l'ancien terrain de la Commune
Cela dit, je trouve un peu inconvenant pour une compagnie publique de laisser dépérir ainsi ses campagnes de marketing. Dans le Parc des Patriotes, alias le Parc Victoria, alias le Terrain de la Commune où les Habitants envoyaient paître leurs ânes et les curés, il y a un drapeau passablement effiloché. On dirait un drap éliminé. Un torchon comme il en flotte d'autres au-dessus des édifices gouvernementaux, tant du côté de l'administration provinciale que fédérale.

Je ne suis pas du genre à jouir à la vue d'un drapeau. Mais je me dis qu'elle fait honte à ses propriétaires, cette compagnie qui vend des impôts et des taxes et dispense d'un droit de vie ou de mort sur ses usagers. Elle laisse flotter des torchons!

Même la concurrence qui défile dans les rues semble plus propre. J'ai vu des manifestants porter de beaux drapeaux rouges ou noirs bien repassés. J'en ai même vus qui portaient des drapeaux à bandes horizontales verte, blanche et rouge, tout aussi bien cousus.

En voyant ce fleurdelisé flotter au vent même pas violent dans le parc, je me suis dit que tout foutait le camp. Je me dis qu'on pourrait remplacer le drapeau par un totem. Ça dure au moins cent ans, un totem bien entretenu. Plusieurs couches de vernis acrylique ou même de sève de pin et ça devient aussi solide que de l'ambre. Cela résiste au temps. Plus aucun souci de changer le drapeau aux six mois parce que le tissus est de piètre qualité et fabriqué pour Walmarde ou Piastrorama.

***

Une controverse sur l'Internet.

Gabriel Nadeau-Dubois s'est fait photographier parmi un groupe de femmes voilées. Des nationalistes lui ont tout de suite reproché de soutenir l'Arabie Saoudite, l'État islamique, la lapidation des femmes, la clitoridectomie et le couscous aux prunes... La gauche, si vous ne le saviez pas encore, est islamo-gauchiste et marche main dans la main avec le Parti libéral du Québec qui accepte aussi les femmes voilées, les porteurs de turbans et les propriétaires de pizzeria...

C'est la fin d'un monde! Où est-ce qu'on s'en va? Bientôt on se fera décapiter au coin de la rue parce qu'on aura manger des bines au lard!
GND photographié avec des femmes voilées.
Qu'est-ce que ça peut bien foutre?

Je me suis dit que chaque camp avait le devoir de contrôler ses fous fanatiques. Parce qu'il y en a dans tous les camps. Les musulmans doivent contrôler leurs fous comme les catholiques doivent contrôler leurs bérets blancs et conquistadors comme les athées doivent contrôler les Staline comme les uns et les autres nous avons l'obligation de vivre ensemble hic et nunc.

Les nationalistes doivent contrôler l'extrême-droite. Les indépendantistes doivent contrôler les nationalistes. Et coetera.

Personnellement je suis plutôt du côté des inclusifs et multiculturalistes, ces suppôts de Satan qui abandonnent les fèves au lard et la chasse aux oeufs de Pâques pour se faire photographier parmi des dames voilées et des porteurs de turbans.

On a vu Trudeau porter un genre de bonnet dans un temple sikh, imaginez-vous donc! Quelle horreur... C'est d'évidence un traître et un vendu qui n'a pas le Québec tatoué sur le coeur!

Manmohan Singh a été dix ans premier ministre de l'Inde. de 2004 à 2014. C'est un Sikh. Il appartient à un groupe religieux qui représente à peine 1,7% de la population de l'Inde. Il portait un turban sur la tête et était Premier Ministre d'un pays de 1 milliard d'habitants. La majorité de la population y est Hindouiste et ne porte pas de turban. L'Inde est multiculturaliste, bien qu'il y ait des tensions pour aller du côté du nationalisme hindou en ce moment.

Ce n'est pas une réponse très bien argumentée. Ce dont je me moque. Comprenne qui voudra bien y comprendre quelque chose.

J'ai travaillé parmi des femmes voilées, des religieux catholiques et j'en passe. Je ne me suis jamais senti mal à l'aise, pas plus que devant un punk qui porte une coiffure de type mohawk.

Je ne craindrais pas de me faire photographier parmi des femmes voilées et même de leur parler de la pluie ou du beau temps comme si de rien n'était.

Je n'ai pas ces peurs-là en moi. Je passe par-dessus les codes vestimentaires pour exprimer franchement et simplement ma vision du monde. Je ne craindrais même pas d'être photographié parmi des itinérants. Voire des politiciens de métier. Je me dis, à l'instar du philosophe Diogène le cynique, que le soleil pénètre dans les écuries sans se salir.

Ces propos portent un certaine dose de fatuité, je sais. Mais je n'ai rien trouvé de mieux pour exprimer mon désarroi spirituel face aux discours identitaires et plutôt xénophobes.

Pourquoi tant de peur, tant de haine d'autrui, tant de repli sur soi-même, tant de manquements aux règles élémentaires de l'hospitalité?

Pourquoi tant de divisions, de frontières et de limites entres congénères?

 Ne sommes-nous pas tous des êtres humains, intrinsèquement?

Croyez-vous vraiment que les intégristes contrôlent quoi que ce soit au Québec et au Canada?

Personnellement, je n'y crois pas. J'y vois un discours insensé sur une menace inexistante. J'y vois un flot de paroles inutiles déversées dans les médias jaunes pour servir les plus bas instincts de la meute.

***

Où en étais-je rendu? Ah oui... Déjà au rond-point de la Couronne, à l'entrée du Parc Pie XII. C'est un carrefour giratoire. Il n'y a pas de passage piétonnier bien qu'il y ait un trottoir qui relie le parc Pie XII à la rue St-Olivier via le boulevard de La Commune.

C'est un défi que de traverser à cet endroit sans s'y faire déchausser. Idem pour la sortie du Parc Pie XII, au coin du boulevard Gene-H.-Kruger et de la rue Père-Daniel. Les voitures tournent sur les piétons dans toutes les directions. Aucun passage piétonnier. Aucun respect pour les piétons. Les automobilistes vous font sentir que vous n'êtes pas à votre place.

Je vais donc devoir me plaindre au conseiller municipal du quartier. Voire écrire une lettre au Nouvelliste: c'est plus chien et souvent plus efficace.

Il y a des piétons qui sortent de ce parc, dont moi.

À Trois-Rivières, les automobilistes ne sont pas courtois comme à Saint-Hyacinthe. Ils ne vous laissent jamais passer. Ils vous écraseraient plutôt que de céder un pouce à un bipède. Et je me demande même s'ils n'auraient pas plus de compassion pour un pigeon que pour un piéton. Ça aime les bêtes, ces ânes-là, mais pas leurs semblables.

Un internaute m'a dit récemment que Trois-Rivières était une ville de chars. Effectivement. c'en est une. On pense que les piétons et les cyclistes devraient utiliser seulement les pistes cyclables, soit 0,12% du réseau routier.

Pourtant, je paie des impôts moi aussi.

Mes pieds et mes pneus de vélo usent les routes beaucoup moins vite.

Ma santé est prise en charge par l'activité physique régulière et représente une économie d'échelle pour toutes nos infrastructures.

Malheureusement, on pense bien plus avec ses pieds qu'on ne marche avec de nos jours.

Tout est pour l'auto. On détruit des tas d'espaces-verts à tous les jours pour lui faire de la place. Hier, il y avait des fraises des champs à tel endroit. Là, c'était des mûres et des bleuets. Maintenant, il y a de la belle asphalte noire. La neige y fond plus vite au soleil. L'été ne dure jamais longtemps. Qu'il fasse un peu chaud dans notre ville, que l'air y soit irrespirable parce qu'on y a extirpé ses poumons naturels, les arbres, qu'est-ce qu'on s'en fout, hein? Quoi, vous me dites que Trois-Rivières est au sommet de la liste des villes les plus polluées au Québec?

On a notre gros char à Trois-Rivières, ok là? On se prend une petite molle au Dairy Couine. On rince son moteur de char pour montrer qu'il y en a dedans. On jette des trucs en plastique que l'on retrouve coincés dans le ventre des canards quand on les chasse l'automne. On n'arrête pas le progrès. On ne fait qu'arrêter tout le reste. Jusqu'à ce qu'il ne reste que le progrès, un gros pet foireux livré dans la béatitude d'un sourire de politicien de métier qui connaît les vraies affaires et sait que le béton génère des enveloppes brunes...

***

Mon texte devient beaucoup trop long, je sais. Et confus. Je devrais m'arrêter là. Mais non, je suis intarissable ce matin.

Il pleuvait en après-midi dimanche dernier. J'habite sur une rue à sens unique. Une dame dans la trentaine s'est faite interceptée par un policier fantôme tandis qu'elle roulait à contre-sens dans ce que j'ai cru être une Kia.

Deux autres voitures de patrouille se sont ajoutées ensuite pour lui faire passer un ivressomètre.

La dame était saoule raide. Les policiers ont tracé une ligne droite au sol et lui ont demandé de marcher, puis de se tenir sur un pied.

En trente secondes, je savais que la dame était paquetée. Les policiers ont fait durer ça pendant un bon vingt minutes...

J'avais l'impression d'assister à un film de Charlie Chaplin. La dame zigzaguait, marchait de reculons, trébuchait, recommençait encore et encore en faisant des gestes qui semblaient dire qu'elle n'était pas saoule.

Du grand comique. Tellement que je finis par oublier que j'étais en train de visionner un film. Le spectacle de la vraie vie battait à plates coutures le spectacle des vues animées.

***

Là, c'est vrai que je n'ai plus rien à dire. Ça m'a fait du bien de vous en parler.

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