mardi 11 avril 2017

King Guigui et autres artistes du Métro Sherbrooke

-La sagesse? C'est youppi-yail-lé!

C'était la réponse qu'offrait King Guigui de son surnom universellement reconnu de toute la faune sous-urbaine.

King Guigui se tenait à la station de Métro Sherbrooke voyez-vous. Il vivotait essentiellement sous terre King Guigui, et il faisait la manche, comme ça, à la sortie de la Station. Comme s'il était Virgile accompagnant Dante vers les enfers.

Qui était donc ce Dante auquel nous eussions pu le comparaître? Eh bien c'était un gars dont le nom m'échappe. Il portait un chapeau. Et c'est à peu près tout de ce dont je me souvienne. Néanmoins, on en sait plus sur King Guigui, qui représente ici notre sujet prioritaire. Ce gars-là qui portait un chapeau, si ça se trouve, ne doit être qu'un écrivain.

King Guigui était aussi le gars à qui l'on devait cet air improvisé les journées où il se sentait plus inspiré.

-Moé j'chante n'importe quoi n'importe quand n'importe comment pis si vous donnez-yé-yé-yé ou si même vous m'donnez pas m'en va's chanter jusque dans la nuitte des temps-han-han-han donnez-moé trente sous ou bin deux piastres j'fais des reçus pour quatre piastres-astres-astres! Yé-yé-yé voulez-vous me donner? I accept just the money cos' I ain't got no money!

Il n'était pas grand ni gros King Guigui. Il avait l'air de quelqu'un en train de crever. Maigre. Décharné. Exsangue.

Il ne lui restait plus que ce vague délire d'humanité.

Il avait trouvé son public.

King Guigui distrayait les gens qui n'arrêtaient jamais trop longtemps pour l'écouter, hormis quelques drogués et professeurs d'université qui ne trouvaient rien d'autre à faire.

-La sagesse? C'est youppi-yail-lé et c'est Kiiiing Guigui qui vous l'diiit! Youppi!

Il vous répétait ça et toutes sortes de trucs, du matin au soir, récoltant on ne saurait dire combien d'argent pour sa douce folie.

Évidemment, vint un jour où King Guigui n'était plus là.

Il était parti où King Guigui? Pas moyen de le dire.

Ça n'a pas pris deux jours qu'une nouvelle saltimbanque prit sa place.

C'était Fluflûte Linda. Elle jouait n'importe quoi n'importe comment sur sa flûte à bec en ne disant jamais rien, ni bonjour ni merci, parce que la pauvre grand-mère tout aussi décharnée et exsangue n'aimait pas le public. Même son nom de Fluflûte Linda est douteux puisqu'on ne sait pas si cela provenait de la dame en question qui n'était guère loquace. Certains m'ont dit qu'elle s'appelait Lucienne. Mais Fluflûte Lucienne ça n'a pas le même impact sensoriel.

On s'ennuyait un peu de King Guigui au Métro Sherbrooke.

Au moins King Guigui était drôle.

Tandis que Fluflûte Linda était triste et jouait dans des tonalités si aiguës qu'elle finit elle aussi à disparaître du secteur. Peut-être avait-elle eu une promotion vers une autre station du Métro. Peut-être qu'elle jouait maintenant au Métro Place-des-Arts, en première d'un quelconque concerto pour violoncelle.

Aux dernières nouvelles, c'était Sancho le Chat qui occupait le spot au Métro Sherbrooke.

Il ne s'appelle pas vraiment Sancho mais c'est vrai qu'il imite un chat tout en tendant la main pour obtenir quelque menue monnaie.

Certains lui donnent. D'autres pas.

C'est ça la vie d'artiste au Métro Sherbrooke.

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