La semaine dernière a été particulièrement éprouvante. Il pleuvait matin et soir. Mes quatre-vingt-dix minutes de promenade quotidienne se sont faites sous la pluie. J'étais bien équipé pour résister à la pluie mais me sentais néanmoins prisonnier d'un emballage qui ne laisse pas respirer la peau. Au bout de cette semaine pluvieuse, vendredi dernier, je me sentais comme si mon cerveau était en train de moisir.
Puis le beau temps est revenu hier. Le mercure pourrait grimper jusqu'à 20 Celsius. On sent que la neige ne résistera pas longtemps. Encore une semaine ou deux et les tulipes se mettront à pousser dans les parcs. Il y aura des pissenlits dans les craquelures des trottoirs. Les oiseaux gazouilleront plus fort que d'habitude.
Hier, j'ai même vu une volée d'outardes au-dessus du fleuve Magtogoek (anciennement St-Laurent).
J'en ai vu une autre ce matin.
Ça ne peut plus nous tromper: le printemps est arrivé!
***
J'ai vécu quelques temps à Vancouver ainsi que dans la vallée de la rivière Fraser.
Je travaillais à l'époque dans un atelier où l'on fabriquait des palettes de bois destinées à l'entreposage. Le travail était ardu. Je passais une dizaine d'heures par jour avec un pistolet à clous contenant cinquante livres de pression. Je devais aussi pelleter des bouts de bois et ramasser des courroies de métal dans la cour extérieure. Il pleuvait tout le temps. Ou presque. Chaque éclaircie était suivie d'une averse. Mes doigts et mes avant-bras étaient recouverts de blessures de toutes sortes. J'avais mal aux os. Mais sans doute un peu moins à l'âme. Les voyages. ça forge le caractère.
-Welcome to BC Frenchie! me disaient mes collègues de travail.
C'était bien ça, le printemps de la Colombie-Britannique. Il pleut dix minutes. Il fait soleil dix minutes. Puis ça recommence sans arrêt. Quand j'y suis retourné à l'automne, c'était pareil. J'avais des doutes sur cette soi-disant douceur de vivre à Vancouver et dans les environs. J'avais l'impression d'y moisir, tout comme les innombrables junkies de la skid row, bien que j'étais à jeun.
Après trois mois à travailler dans les pires conditions, j'ai quitté mon boulot et suis retourné à Vancouver dans l'idée de vivre autre chose. J'ai croisé un couple de Québécois que j'avais connu à Trois-Rivières au hasard de ma promenade dans le Chinatown.
-Hey! J'connais deux gars qui partent demain au Yukon et qui se cherchent quelqu'un pour partager les frais d'essence... Ils partent demain matin... Ils sont au Old American Hostel, au bar... Tu peux aller les voir si ça te dit de monter au Yukon et en Alaska, m'avait dit Virginie.
Le lendemain, après avoir pris une brosse avec ces deux gars-là, je m'embarquais dans leur vieille camionnette Ford pour monter au Yukon puis en Alaska. Je ne savais pas encore que c'était des passeurs de drogues. Je m'en doutais un peu puisqu'ils m'ont fait fumer du hasch gratuitement tous les jours pendant deux semaines. Ces gars-là vivaient en Jamaïque l'hiver et remontaient dans le Grand Nord l'été pour écouler leur marchandise... Si je m'étais fait prendre avec eux, il m'aurait été difficile de ne pas passer pour leur complice... Enfin! Il fallait bien que ma jeunesse de fasse...
Il ne pleuvait plus dans au Nord de Vancouver. Les journées rallongeaient à chaque millier de kilomètres. Arrivé à Whitehorse, le soleil se couchait à deux heures du matin pour se lever à deux heures dix. C'était ensoleillé, chaud et sec. Un vrai paradis que je n'aurais pas soupçonné.
J'y repense encore aujourd'hui pour une raison qui m'échappe.
Peut-être parce que je me souviens d'avoir été une outarde qui planait vers le Grand Nord...
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