mercredi 21 janvier 2015

La route de Cormac McCarthy

J'ai littéralement dévoré le roman La route de Cormac McCarthy. J'avais déjà vu l'adaptation cinématographique qu'en a faite John Hillcoat en 2009 avec Viggo Mortensen dans le rôle de l'«homme», le personnage principal. Plusieurs m'avaient dit que le roman lui était supérieur. Après l'avoir lu, je conviens que l'original a toujours de la valeur ajoutée sur la copie, bien que le film ne soit pas à mon sens une mauvaise adaptation.

Dans les deux cas, je me suis contenté de la traduction française. Je comprends l'anglais plutôt bien, mais je suis paresseux et ne lis l'anglais qu'en cas de force majeure, pour les nouvelles et pour la littérature pas trop complexe, comme celle de Steinbeck par exemple. On me reprochera sans doute de ne pas faire d'efforts et je ne le réfuterai pas.

Selon l'idée que je me fais de l'original à partir de la traduction française, La route ne me semble pas un cas de littérature complexe. C'est écrit tout d'une traite, sobrement, avec le minimum d'effets littéraires et une ponctuation dépouillée.

Cette simplicité permet d'entrer dans le corps du sujet, un récit apocalyptique qui balance sur la route un père et son petit garçon maigrelet dans un monde où il ne reste plus que des cendres et quelques rares créatures humaines qui survivent en ayant recours au cannibalisme.

Le père et son petit garçon maigrichon font partie des gentils et ne mangent pas de chair humaine. Ils pillent ce qu'ils trouvent sur leur route dans les maisons et commerces déserts, essentiellement des boîtes de conserve qu'ils bringuebalent dans un caddie de supermarché tout au long de leur périple vers un ailleurs qui n'existe plus.

Je vous passerai de détails sur leurs aventures: le film existe déjà et je me doute que vous ne vous claquerez pas le roman.

Pourtant, ça en vaut le détour. Et pas seulement parce que le roman a remporté le prix Pulitzer en 2007. Ça vous colle longtemps dans la tête, comme une histoire qui vous raconte le présent bien plus que l'avenir, comme si l'auteur voulait nous dire que nous vivons dans un monde de merde où l'on ne peut plus faire confiance en personne. C'est un roman plus effrayant que les films Décadence 1, 2, 3, 4 ou 5 parce que cela se vit quelque part dans le monde en ce moment même.

***

Mon professeur de philosophie, feu Alexis Klimov, m'avait secoué par la justesse de ses vues quant à l'histoire de l'art. Il m'a appris que l'art est le miroir de son temps. Il soulignait avec force que l'effacement du regard était l'une des caractéristiques de l'histoire de l'art, des temps antiques jusqu'à nos jours. Le regard était de feu dans les représentations humaines d'il y a des siècles, De nos jours, l'homme est représenté sous les traits d'un insecte, d'un cannibale ou d'un zombie assoiffé de sang. Son regard est vide. Ses traits sont difformes. Quand ce n'est pas qu'une abstraction dépouillée de toute signification.

On peut en conclure que nous vivons à une sale époque et que les récits apocalyptiques ont encore de l'avenir.

Saturne continue de dévorer ses propres enfants.

Les gentils se font plus rares que les méchants.

Néanmoins, il faut continuer de porter le feu sacré, l'humanisme, la beauté et la bonté, même si tout concourt à ce que nous nous anéantissions les uns les autres.

L'espérance est toujours devant, jamais derrière. Bien que les Anciens plaçaient l'Âge d'or dans le passé, convaincu que nous vivions à l'Âge de fer, l'avenir ne leur réservant que de la merde...


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Cormac McCarthy, La route, Traduit de l'anglais par François Hirsch, Éditions de l'Olivier, 2008, coll. Points, 252 pages


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