Jeannine a soixante-quinze ans aujourd'hui.
Elle est le deuxième enfant de Rodolphe et Valéda. Ses parents étaient plus ou moins des enfants d'agriculteurs de St-Léonard-d'Aston et Ste-Clothilde-de-Horton. Ils avaient des racines acadiennes et micmacs.
Les parents de Jeannine se sont établis aux Trois-Rivières pour venir y gagner leur vie. C'est-à-dire pour travailler à la Wabasso Textile, comme la plupart des nouveaux arrivants de la P'tite Pologne et des alentours.
Jeannine n'aimait pas beaucoup l'école. Elle aimait mieux travailler que de s'ennuyer sur les bancs d'école.
Et elle en a travaillé une shot.
Je pense qu'elle a commencé dans une shop de chips située dans la paroisse Sainte-Cécile. Elle racontait que le boss leur permettait de ramener des miettes de chips à la maison. C'était probablement les seuls avantages sociaux. C'était dans le temps de Duplessis...
Puis elle est devenue couturière. Elle a bossé à la Wabasso, comme son père et tous les autres membres de la famille. Puis chez Lampron Shirt, près des Cinq-Coins, à fabriquer des shorts ou bien des gilets.
Elle a rencontré un homme, un Métis de la Vallée de la Matapédia, et ils ont eu quatre enfants. Quatre garçons. Des bouches à nourrir et à surnourrir. Quatre colosses de six pieds deux cents livres minimum.
Alors elle a travaillé de plus belle. Elle a continué à faire de la couture à la maison tout en torchant ses quatre enfants. On lui livrait des piles et des piles de vêtements. Et Jeannine était payée à la pièce pour tout ça.
Ensuite, elle s'est mise à faire du ménage chez des gens. Comme elle était scrupuleusement honnête on la recommandait un peu partout. C'est ainsi qu'elle finit par obtenir un poste de préposé aux bénéficiaires dans un foyer pour personnes âgées du secteur public. Le meilleur salaire et les meilleures conditions de travail de sa vie. À la maison, on en profita pour changer les électroménagers, les meubles, la télé, alouette.
Puis elle tomba malade. Comme bien des femmes au tournant de la cinquantaine.
Elle surmonta ses petits bobos puis continua ses travaux de couture.
Elle tricota, broda, épingla, et coetera.
Puis son mari mourrut d'un cancer.
Elle devint veuve autour de sa soixantième année.
Elle continua à tricoter, broder, épingler et à s'occuper du club de l'Âge d'Or.
Ses quatre garçons sont tous devenus des hommes. De gros et grands bonhommes qui ne s'en laissent pas imposer facilement. Des kings à leur manière, comme leur papa leur a enseigné.
S'ils chantent, dansent et sourient, ça vient de la mère, sans aucun doute. De leur mère qui chante, danse et sourie encore à soixante-quinze ans.
Soixante-quinze ans qu'elle a aujourd'hui, Jeannine.
Et au cas où vous ne l'auriez pas encore compris, Jeannine, eh bien c'est ma mère.
Bonne fête Mouman!
Plein de bisous à Jeannine!
RépondreEffacerla mienne, elle est du 7 décembre. Mais elle sourit pas autant, même si elle a aussi élevé 4 mioches, et travaillé durement.
RépondreEffacerT'as bien de la chance.