vendredi 7 mai 2010

Encore une histoire d'harmonica

Cela se passait sur un terrain de camping aux abords de Whitehorse. Le Robert Service Campground que ça s'appelait, en l'honneur du poète qui portait le même nom, si l'on exclue le mot campground évidemment. Robert Service, un fonctionnaire qui chanta les charmes du Yukon.

Gaston était arrivé là comme du bois mort sur la plage. Sauf qu'il savait peindre et jouer de l'harmonica. Et travailler. Ça ne faisait pas deux heures qu'il était débarqué dans la métropole du Klondike qu'il s'était trouvé une job de pizzaman dans le downton whitehorsien. Ce qui lui permit de rencontrer des tas de gens. Il leur parlait avec des dessins de temps à autres et il obtint plein de petits contrats: panneaux publicitaires, affiches, caricatures, etc. Il revenait fêter au soleil de minuit au terrain de camping, aux abords de la rivière Yukon. Gaston avait plein d'argent dans ses poches pour boire et plein de mélodies dans sa tête pour ses harmonicas. Le reste, la vie allait se charger de le lui fournir.

Ce qui fait qu'il était heureux comme un pape, en moins chaste et en plus hétéro.

Une nuit d'août, Gaston était monté avec un Allemand et deux Irlandaises vers une maison reculée du Nord de Whitehorse où il y avait un party. L'Allemand, que l'on surnommait affectueusement Mozart, parce qu'il détestait les nazis, n'était pas tout à fait Autrichien. Il mesurait cinq pieds trois pouces et conduisait une vieille fourgonnette de marque Dodge. La plus grande des deux Irlandaises, Sarah, était à ses côtés. Gaston et la petite Irlandaise, Ruth, étaient dans la boîte du pick-up. Au-dessus du Dodge, il y avait des aurores boréales. Le soleil venait tout juste de se coucher. Il était deux heures du matin. C'était comme si de grands rideaux multicolores flottaient dans le ciel parmi les étoiles. Saisissant.

Ce qui fait que Gaston s'est saisi de Ruth puisqu'elle n'attendait que ça.

-Aho! dit-elle. Since when do you love me Gastonne?

-For about five minutes I guess, répondit-il avec son thick quebecer accent.

Après cela, ce n'est pas la peine de raconter tous les his et les has de ces animaux. Gaston et Ruth se sont connus. La fête continua.

Il y avait tout plein de gitans au Robert Service Campground et il ne suffisait que de sortir un harmonica pour rameuter des violons, des accordéons, des guitares, des tamtams et des tambourines. Tant et si bien que Sarah finit par envier les deux tourtereaux et leur vie de saltimbanques.

Sarah avait le béguin pour Brad, que Gaston ne savait pas prononcer autrement que par le mot Bread quand il parlait de lui.

Brad, alias Bread, était près de Gaston quand c'était le temps d'aller acheter du vin off-shore dans un tripot de Whitehorse. C'était un Torontois dans la vingtaine, plutôt bel homme, mais timide comme cent. Gaston, un peu moins beau, mais costaud, n'était pas timide. Du moins pas avec Ruth. Et Ruth devait en parler à Sarah.

Ce qui fait que Sarah à demander à Gaston de passer le message à Bread qu'elle l'attendait dans sa tente à vingt-et-une heures pile.

-Would you do for me Gastonne? lui demanda Sarah.

-Ok, répondit Gaston.

Et il alla voir Bread. Bread qui venait de perdre son emploi de beignet chez Tim Mortons et qui n'avait plus rien à boire.

-Hey Bread! You've got a sweet rendez-vous with Sarah, lui dit Gaston.

-I'm not Bread! My name is Brad!

-Ok Bread. But your name will be Spread with Sarah, hu, hu, hu.

Bread monta voir Sarah dans sa tente, avec un jeu de Monopoly sous le bras...

Ils jouèrent au Monopoly jusqu'au soleil couchant, une heure et demie après minuit.

Puis Bread embrassa Sarah sur les deux joues et s'en alla se coucher dans sa tente.

Pendant ce temps, Gaston et Ruth faisaient ce que font des tas de gens sur la planète et y prenaient probablement un certain plaisir.

À l'aurore, vers trois heures du matin, Sarah vint les voir pour leur raconter ses mésaventures avec Bread.

-He didn't do nothing!!! Oh Gastonne! Could you teach him? lui demanda Sarah au sortir de la tente alors qu'il ravivait le feu pas encore tout à fait éteint.

Gaston se tint coi en remuant les cendres encore chaudes.

Puis il parla.

-Well, Bread is bread and me I'm Indian with latin blood. That's it.

Ça ne voulait pas dire grand chose. Ruth questionna Sarah à propos de sa partie de Monopoly.

Gaston égréna du hasch dans sa pipe et partagea sa première bouffée de métaphysique de la journée. Tout cela devrait bientôt se finir. Il était bien mais le Québec vibrait trop fort en lui. Le Québec et sa sacrement de langue française.

L'anglais commençait à lui faire mal aux mâchoires.

Et surtout, il n'était pas en amour.

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