samedi 22 mai 2010

Un junky, Nicnic, une pute et l'atelier de l'artiste-peintre Régent Ladouceur


Ces derniers temps, j'écris parfois à la première personne du singulier. J'espère que vous saurez me le pardonner. Il est des moments charnières dans la vie où l'ego est le point de convergence de toute l'humanité.

Juste pour avoir écrit cette phrase je pourrais d'ailleurs fermer ma trappe et dormir là-dessus pendant un mois.

Mais je ne suis pas comme ça, vous le savez bien. Je disjoncte d'une digression à l'autre pour vous livrer les fruits de ma vie sous une forme plus ou moins imagée. Au je, c'est toujours un peu plat. On ne peut pas caricaturer un personnage, alors que c'est nettement ma force. Au je, j'assume pleinement mon propos et risque de me faire des tas d'ennemis, parce qu'il y a toujours quelque comité de crétins ici et là pour se demander si vous êtes conforme à tel ou tel slogan de deux watts qui se prennent pour Dieu.

Je suis souvent nul mais je m'assume. Évidemment, je préfère ne pas parler de moi, pour les raisons susmentionnés et pour faire de la belle littérature aussi.

Donc, parlons des autres. De mes rencontres d'hier.

Plusieurs grandes rencontres en moins de quatre-vingt-dix minutes.

D'abord un gars que je surnommerai Lamonde pour les besoins de la cause. Je vous dirais son vrai nom que ça ne lui crisserait rien dans l'état où il se trouvait hier.

Moi et ma blonde nous en allions à l'atelier de l'artiste-peintre Régent Ladouceur, dont je vous reparlerai. Et paf on tombe sur Lamonde. Il était assis sur le trottoir, à la pharmacie du coin où il a une prescription de méthadone, un succédané de l'héroïne ou du crystal meth, dur à dire.

Lamonde a le look squeegee et vit dans un bac de recyclage. Il a perdu sa job, sa famille, sa blonde, son chien, son appart', ses shorts, son sourire: tout. Plus dans 'a rue que ça tu vis dans un bac à marde.

Qu'est-ce que tu peux dire à un gars qui est dans la marde comme ça? Il faut bien dire quelque chose. Le gars est junky. Tu veux bien l'aider mais rendu là tu te dis qu'il doit savoir quoi faire. Tu ne poses pas de questions et tu lui dis qu'on est parti à zéro plusieurs fois. Ce qui est crissement vrai. Tu lui serres la main. Tu lui glisses ton obole. Et t'espères le revoir un jour aussi vif et en santé, assis à une terrasse de restaurant en train de manger un bon steak.

Revenant de l'atelier de Régent Ladouceur, dont je vous parlerai plus tard promis juré, nous tombons sur un jeune homme frais et dispos, quasiment méconnaissable, avec de la chair autour de l'os et pétant de santé. Il y a dix ans, Nicnic était presque dans la situation de Lamonde. Je n'ai pas d'analyse savante à vous faire là-dessus, je ne suis pas assez nul. Par contre, ça m'a fait chaud au coeur. Ça me disait qu'il y avait de l'espoir.

Puis, retour à la pharmacie du coin. C'est sur notre chemin, presque notre dépanneur.

Comme on vient pour sortir, nous sommes stupéfaits par le fond de culotte d'une pute qui fouille dans ses sacs. Elle est tout à fait penchée et son cul pointe vers midi. Mettons que sa jupe est de la dimension d'une ceinture et que sa petite culotte rose étoilée fesse dans le dash.

On fait semblant de rien. On passe devant elle. Puis la voilà qui fonce vers nous.

- Salut! Aurais-tu vingt-cinq cennes pour que j'appelle... I' m'manque vingt-cinq cennes.

Je lui donne vingt-cinq cents.

-Heille toé j'te connais! T'es l'gars du Vagabond toé! Moé l'monde qui écrive pour ceux qui sont su' l'béhesse ou ben don' dans 'a marde ben j'trouve ça correct... Comme à Point de rue pis au journal La Galère... Correct en hostie eux autres... Moé chu pute. Moé chu pas en amour avec les clients pis j'enlève pas les hommes à leu' femme. Moé j'fais ma job. Chu pute pis c'est toutte. La police me fait tout l'temps chier pis j'fais rien qu'ma job moé pis j'écoeure parsonne! Qu'i' m'crissent la paix!

-Ça vous prendra une carte, une association, que'que chose, pour qu'i' vous calissent la paix...

-Justement, chu dans Cat Woman. C'est un organisme icitte à Twois-Wivièwes, pour les travailleuses du sexe...

-Ça prend une carte, même pour les ramasseux d'bouteilles. I' s'font écoeurer par la police eux autres aussi. Si y'avaient une carte de ramasseux d'bouteilles, avec un numéro d'téléphone pis toutte le kit, la police leu' crisserait la paix parce qu'i' aiment pas les médias ceux qui abusent de l'autorité pis qu'i' frappent su' les plus petits parce que ça prend plus de courage pour fesser su' des plus grands ou ben don' sur ceux qui savent lire et écrire...

La pute me serra la main.

-J't'ai vu souvent mais j'tais trop gênée de t'parler. Ben là j's'rai p'us gênée!

Elle avait l'air vaguement gitane, cheveux noirs ébouriffés. Elle poursuivit son chemin, avec sa jupe trop petite qui laissait voir sa petite culotte rose étoilée, l'affiche pour ce rêve qu'elle vendait aux hommes qu'elle n'aimait pas.


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