mardi 14 juin 2016

Je suis un rêveur

Ce qu'il y a de bien avec la réalité de vieillir c'est de ne plus avoir de temps et encore moins d'intérêt pour les faux-semblants.

Comme bien d'autres j'imagine, j'aurai fait semblant d'aimer ce que je n'aimais pas.

J'ai écouté de la musique tonitruante qui ne m'intéressait pas.

J'ai participé à des partys et des réunions qui me soulevaient le coeur.

J'ai lu et vu des classiques en tous genres que j'ai failli aimer par pur conformisme.

C'est que le conformisme ne se joue pas qu'en se rabaissant aux goûts du plus petit dénominateur commun.

On peut être conformiste même parmi des marginaux.

On peut se conformer aux produits tout aussi inintéressants de la marginalité pour briller parmi ceux qui se tiennent en groupe pour prétendre qu'ils n'aiment pas les groupes.

J'ai toujours ressenti un profond malaise au sein des collectivités.

Quelque chose en moi m'a toujours dit que j'étais un solitaire.

J'aurai longtemps refusé l'étiquette de solitaire par lâcheté intellectuelle, par ce besoin trop humain de paraître normal, aimable et pas du tout méprisant.

Aujourd'hui, à 48 ans, je ne me sens plus la patience pour tenir un rôle qui n'est pas le mien.

J'aime la musique douce, la harpe et le violon langoureux.

Je ne fréquente pas les partys et fuient comme la peste les événements publics.

Je me fais ma propre idée sur ce que je lis et ce que je vois. Je ne juge plus une oeuvre à l'aune des critiques. Je n'apprécie vraiment que ce qui me nourrit. Si l'oeuvre me hante pendant des jours après avoir été en contact avec elle, c'est qu'elle mérite de faire partie de ma courte liste de chefs-d'oeuvre.

Je n'ai plus honte de mes sentiments et encore moins de mon caractère.

Je ne suis pas exempt de conformité. Après tout, je n'ai pas tout à fait l'air d'un itinérant. Mais je sais que je n'ai rien à attendre des modes, des cliques et des claques.

Je m'efforce de porter des vêtements sans logo et sans message. Je me dis naïvement que je ne suis pas un homme-sandwich. S'il m'arrive d'en porter, c'est parce qu'on me l'a donné et qu'il faut bien user ce que l'on vous donne.

Règle générale, je ne recherche rien d'autre que la tranquillité, le bruissement des feuilles, le chant des oiseaux, le clapotis des vagues.

Mes randonnées préférées ont lieu tôt le matin, lorsque les rues et les boisés sont déserts.

Ma saison préférée, à peu de choses près, est l'hiver. L'hiver qui me donne parfois l'impression d'être le dernier homme sur Terre. J'adore par-dessus tout marcher sous la tempête. C'est vivifiant et je dirais même transcendant.

Je ne suis pourtant pas misanthrope.

Et même que j'ai une blonde, laquelle est aussi sauvage que moi pour à peu près les mêmes raisons.

C'est avec elle, ma douce chérie, que je partage cet irrépressible besoin de paix, d'amour et de quiétude.

Ce besoin de calme et de beauté qui se contente de si peu.

Je passerais des heures à regarder une fourmi porter une miette de pain.

Des jours à contempler des grains de sable.

Des années à entendre le murmure d'un ruisseau.

Je ne suis pas comme tout le monde.

Je ne tiens pas à briller parmi les amateurs de rock, de romans-cultes ou de curling.

Je suis un rêveur.

9 commentaires:

  1. Rêver n ' est pas une utopie -
    C ' est une activité de désir : je rêve de ...
    et de contemplation , de plaisir : où le " rêve " est la réalité plus vaste que celle qui est contenue par la conceptualisation socialisante et individuelle -
    Réalité réelle et réalité des désirs -

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  2. On passe huit heures par jour à rêver et plusieurs heures par jour à se faire chier. La réalité, c'est de ne pas se faire chier...

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  3. T ' as raison , se faire chier ( on nous fait chier ) fait hélas aussi partie de la réalité - ( on croit rêver , tellement c ' est chiant : ça s ' appelle des cauchemars ) - Les cauchemars sont faits pour être chassés hors de notre vie -
    ; )

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  4. @Guillaume Lajeunesse: Je vais me relire pour voir si ça me repose...

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  5. À presque 50 ans, je n'ai vraiment plus de temps à me faire chier avec qui que ce soit ni quoi que ce soit, moi non plus.

    Jeune j'étais une sorte de loup solitaire. Plus vieux j'ai fait partie de quelques meutes...je suis heureusement redevenu un loup solitaire. C'est crissement plus simple et plaisant.

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  6. @Misko: Vous êtes tellement nombreux à me dire que vous êtes solitaires que je finis par me sentir... comme tout le monde! Je prétends même que cette civilisation foireuse dans laquelle nous vivons produira toujours plus de décrocheurs qui se réfugieront dans la nature pour avoir la sainte crisse de paix, sans avoir à prendre des pilules magiques qui font accepter l'inacceptable tout en vous faisant crever de sénilité à petit feu...

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  7. Je disais que c'est reposant car c'est honnête, et ultimement le mode de vie vers lequel tu t'es dirigé semble zen. Je crois moi-même être en train de faire un virage vers la solitude, et ça me fait un grand bien. J'ai tenté d'émuler les extravertis, et ça m'aura coûté mon énergie.

    Et pour rejoindre ce que dit Misko, je me plais aussi à être un loup solitaire (en espérant que la GRC ne tombe pas sur ton blogue ! il ne faudrait pas qu'elle interprète mal la notion de « loup solitaire » :-) ; sinon, j'aime me joindre à un groupe, une fois de temps en temps, mais au final j'aime être seul.

    J'ai la chance de faire du télétravail pour une grosse entreprise : mais rien de plus crevant que d'aller au bureau, occasionnellement, dans cette espèce de poulailler corporatif où ça se picosse agressivement. Ça me prend des jours m'en remettre.

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  8. @Guillaume Lajeunesse: Grâce au web on se sent moins seul. Pour ce qui est des loups solitaires, je recommande la lecture du Loup des steppes de Hermann Hesse. Il y a même un groupe canadien qui a repris le titre: Steppenwolf. Et il y a aussi un film fucké sur le même thème.
    Lien:
    https://www.youtube.com/watch?v=Yk2V_i1LUyY

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