mercredi 22 juin 2016

Comment devenir un idiot

J'ai commis un billet récemment où il était question de paix et d'amour, au risque de passer pour le prince Mychkine, alias l'Idiot de Dostoïevski. 

Dostoïevski a écrit que la beauté sauvera le monde. Il aurait pu tout aussi bien écrire que la bonté nous sauvera tous. J'imagine que la bonté était incluse dans la beauté. 

Cela dit, je récidive avec un billet dans la même veine. Peut-être parce que je n'ai pas encore épuisé ce filon.

Nous baignons dans une atmosphère perpétuelle de haine, de violence et de ressentiment.

Je ne vaux pas mieux que les autres à ce sujet et il m'arrive, malheureusement, de m'abandonner à l'amertume.

Pourtant, je crois m'être fermement attaché à des valeurs que je considère fondamentales.

La première d'entre toutes m'a été inculquée par mon père qui disait souvent qu'à la guerre on ne tire pas sur les ambulances. Cela signifie qu'il ne faut pas frapper sur quelqu'un qui est à terre, au plancher. Cela manque de noblesse. 

Vous me verrez donc rarement insulter les pauvres, les prisonniers, les réfugiés, les immigrés et les éclopés en tous genres. Cela ne fait pas partie des valeurs que l'on m'a inculquées. Des valeurs que j'ai faites miennes au fil des ans.

Pour ce qui est de la bonté, je ne vois pas pourquoi certains considèrent qu'ils peuvent facilement s'en priver. C'est elle qui confère à l'âme ce quelque chose de plus qui permet de pardonner l'impardonnable et de surmonter l'insurmontable.

La naïveté, que l'on tient pour un défaut, me semble au contraire une très belle qualité. Les gens qui se disent réalistes, pragmatiques et froids comme de la pierre m'inspirent de la pitié. Il leur manque de la beauté. Se soumettre aux diktats de la laideur d'âme ne me semble pas une option viable pour l'évolution spirituelle de quiconque.

Aussi critique que je puisse être envers la religion, je ressens intensément la nécessité de cheminer spirituellement dans ma vie. Si je rejette les dogmes établis, c'est parce qu'ils obstruent mes visions. J'y ressens trop ce côté réaliste, pragmatique et froid comme de la pierre sur laquelle on bâtit des pyramides à la gloire des fanfarons. 

La spiritualité, c'est comme la musique. Elle ne se passe pas dans les demandes de subventions. Elle vit pendant que les musiciens jouent. 

Une spiritualité qui ne se traduit pas en actes de bonté ne vaut rien.

Une autre valeur qui m'est consubstantielle est la gratitude. La gratitude envers la vie, quoi qu'elle puisse nous proposer. La gratitude envers nos frères et soeurs humains, même quand on brûlerait de les étriper. 

Je songe souvent à ce conte de Tchekhov dont le titre m'échappe. Il s'agit d'un homme accoutumé à dormir dehors à la belle étoile, été comme hiver, même lorsqu'il pleut. Avant que de s'endormir, cet homme que Tchekhov considérait comme le plus malheureux du monde prenait le temps de remercier Dieu: "Quelle belle vie je mène! disait-il en substance. Que je suis bien! Je ne changerais pas de vie pour rien au monde!" 

Cela m'a marqué, même si le titre de la nouvelle m'échappe. 

Bien des gens riches et célèbres doivent probablement s'endormir avec du ressentiment, de l'anxiété, de l'amertume. Mais pas ce trou du cul qui dormait sur un sol humide et boueux.

Je n'appellerais pas ça de la résignation.

Cela se situait à un niveau supérieur de l'expérience humaine.

Un niveau que très peu atteindront au cours de ces vies que nous menons.

Tchekhov s'en est fait le témoin. 

Comme moi je vous le témoigne.

Je ne prétends pas en être arrivé à ce stade supérieur de ma vie.

Il me reste encore de la boue à manger.

1 commentaire:

  1. Bah , des fois ont croit ne pas être à ce stade " supérieur " de la vie alors qu ' on y est bel et bien - C ' est qu ' il y a tant de choses terribles qu ' on se focalise sur elles - mais nous savons bien que nous connaissons bien le secret de l ' existence ...
    ... les choses terribles font partie aussi du secret de l ' existence -
    ... Démons et merveilles -
    - amicalement -

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