samedi 28 juillet 2018

Mes élucubrations matinales

L'Âge d'Or, par Lucas Cranach l'Ancien (1530)
Les Romains comme les Grecs croyaient qu'ils vivaient à l'Âge de Fer, un âge où toutes les valeurs étaient perdues et où tout finissait par baigner dans le sang. L'Âge d'Or, le plus heureux des temps, était situé dans le passé. Quelque chose s'était corrompu en route, sans doute...

Les Grecs et les Romains ne sont pas les seuls à avoir entretenu de tels sentiments envers le passé paradisiaque, le présent infernal et l'avenir où les dieux eux-mêmes finiront par mourir.

On trouve ça dans plusieurs traditions.

Adam et Ève ne vivaient-ils pas au paradis?

Et ça prend d'autres formes de nos jours.

Il m'arrive moi-même d'avoir ces accès de paganisme-animisme qui me font ramener l'Âge d'Or vers le passé, quelque part avant 1492.

Je m'imagine les plages qui devaient jaillir de partout sur le fleuve Magtogoek et la rivière Tapiskwan Sipi, aux abords du village de Métabéroutin, ce lieu où se décharge tous les vents.

Aujourd'hui on y voit un port, des blocs de pierre, de l'asphalte.

Alors qu'autrefois il y avait une forêt de pins majestueuse qui projetait son ombre sur les plages sans fin de Trois-Rivières.

Il ne reste de ces plages anciennes que le pâle souvenir de ces îles qui résistent aux crues printanières au confluent des deux chemins d'eau mythiques. On doit se fermer les yeux et se boucher le nez pour s'imaginer ça. Ou bien trouver un endroit qui nous confère l'illusion de communiquer avec cet Âge d'Or de l'Île de la Tortue.

Je trouve encore quelques endroits presque naturels à Trois-Rivières. J'hésite d'en parler pour ne pas que l'on vienne détruire ces sanctuaires où je trouve la paix et l'harmonie. Je dis seulement qu'ils existent. Que je les trouve. Et que j'y vais. Pour reculer dans le temps. Pour avancer dans ma tête.

***

Gonzalve Poulin a écrit un livre à propos de la paroisse Notre-Dame-des-Sept-Allégresses. Je crois que c'est paru aux éditions du Bien Public. C'est dans cette paroisse de Trois-Rivières que j'ai vu le jour.

L'auteur, un ecclésiaste, racontait comment un quartier laid d'habitations surchauffées et surpeuplées s'était formé autour des usines de textile, de fer, de pâtes et papier.

Il y voyait un désastre. Des gens qui avaient dû quitter les campagnes environnantes où la vie était si saine pour venir s'établir dans ces blocs collés l'un sur l'autre, sans arbres, dans la promiscuité la plus étouffante qui soit. Tout ça pour devenir les esclaves des compagnies. Mes grands-parents et mes parents en firent partie. Et je suis atterri au milieu de tout ça. Dans un environnement laid, sans arbres, rempli de clôtures de fils barbelés, avec de la suie noire qui vous tombe sur la tête toute la journée et puis cette odeur de marde qui persiste encore dans l'atmosphère de Trois-Rivières en raison de la présence des puantes papetières.

Pour ces compagnies, on a détruit tout ce qu'il y avait de plus beau à Trois-Rivières.

La Canadian International Pulp and Paper Company a été bâti sur le site actuel de l'Amphithéâtre Cogéco, là où s'élèvent maintenant des tours à condos. Avant l'ère industrielle, c'était une grande forêt de pins. On disait que c'était le plus beau parc en ville au dix-neuvième siècle.

Il ne reste plus de ce parc qu'une petite lisière de pins sur la rue St-Paul ainsi que dans le Parc des Pins qui porte encore bien son nom. On a planté d'autres usines. Puis des blocs à trois et même quatre étages.

On a aussi détruit les rivières. On y a fait flotter du bois pendant presque 100 ans. Ce qui contribuait à augmenter l'acidité des eaux en plus d'y ajouter du mercure.

L'eau potable de Trois-Rivières goûte moins mauvais depuis qu'on a cessé le flottage des billes de bois sur la rivière. Les eaux sont redevenues claires et relativement oxygénées. C'est la partie positive de mon billet: quand on veut on peut...

***

Bon. C'est assez pour ce matin.

Il est 6:00.

Mon café est froid.

J'aurais dû le boire au lieu de vous écrire mes élucubrations matinales.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire